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19/03/2012

Prenez votre provision de plaisir, et revenez quand vous n'aurez rien de mieux à faire

 

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« A M. COLINI

à PARIS.

Aux Délices, 29 août [1755]

Laissez là le Prieur et toutes ses pauvretés et quand vous serez rassasié de Paris, mandez-le-moi, mon cher Colini, je vous enverrai un petit mandement 1. Vous ne m'avez point parlé de votre Florentine; je ne sais comment elle en a usé avec vous. Vous ne me parlez que de Chinois; je souhaite qu'ils vous amusent; mais je crois que vous avez trouvé, à Paris, de quoi vous amuser davantage, et que vous trouvez à présent mes Délices assez peu délicieuses, et la solitude fort triste pour un Florentin de votre âge. Prenez votre provision de plaisir, et revenez quand vous n'aurez rien de mieux à faire.
Je vous embrasse.

V.

Un Scarselli 2 m'a envoyé un gros tome de ses tragédies, aviez- vous entendu parler de ce Scarselli ? »

 

1 Ce mandement de Voltaire était un mandat que l'auteur de l'Orphelin offrait à son secrétaire, sur son notaire, ou quelque banquier, à Paris. (CL.)

 

je suis vexé de tous côtés depuis un mois

 

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« A M. le comte d'ARGENTAL

Aux tristes Délices, 29 août [1755] 1

Mon divin ange, je reçois votre lettre du 21 je commence par les pieds de Mme d'Argental, et je les baise, avec votre permission, enflés ou non. J'espère même qu'ils pourront la conduire à la Chine, et qu'elle entendra Lekain, ce qui est, dit-on, très-difficile. On prétend qu'il a joué un beau rôle muet 2; mais, mon cher et respectable ami, je ne suis touché que de vos bontés; je les sens mille fois plus vivement que je ne sentirais le succès le plus complet. Les magots chinois iront comme ils pourront; on les brisera, on les cassera, on les mettra sur sa cheminée ou dans sa garde-robe, on en fera ce qu'on voudra; mon cœur est flétri, mon esprit lassé, ma tête épuisée. Je ne puis, dans mes violents chagrins, que vous faire les plus tendres remerciements. C'est vous qui avez prévenu le mal. Vous avez été à cent lieues mon véritable ange gardien. Ce Grasset, ce maudit Grasset, est un des plus insignes fripons qui infectent la littérature. J'ai essuyé un tissu d'horreurs. Enfin ce misérable,
chassé d'ici, s'en est allé avec son manuscrit infâme, et on ne sait plus où le prendre. Je n'ai jamais vu de plus artificieux et de plus effronté coquin.
A l'égard de cet autre animal de Prieur, qui dispose insolemment de mon bien, sans daigner seulement m'en avertir, j'ai écrit à Mme de Pompadour et à M. d'Argenson. L'un ou l'autre a été volé, et il leur doit importer de savoir par qui d'ailleurs, il s'agit de la gloire du roi, et ni l'un ni l'autre ne seront indifférents. Enfin, mon cher ange, je suis vexé de tous côtés depuis un mois. La rapine et la calomnie me sont venues assaillir au pied des Alpes dans ma solitude. Où fuir? il faudra donc aller trouver l'empereur de la Chine. Encore trouverai-je là des jésuites qui me joueront quelque mauvais tour. Ma santé n'a pas résisté à toutes ces secousses. Il ne me reste de sentiment que pour vous aimer, je suis abasourdi sur tout le reste. Adieu pardonnez-moi, je ne sais plus où j'en suis. Adieu; votre amitié sera toujours ma consolation la plus chère. Je baise très-douloureusement les ailes de tous les anges. »

1 Après les « prétendues » Délices comme il les nomme les 23 et 26 août .

2 Le 20 août , première représentation de l'Orphelin de la Chine .

 

je lui servirais de vieux sigisbé

 

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«  A madame Louise Dorthée de Saxe-Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA 1.
Près de Genève, 28 août 1755.

Madame, je n'importune pas tous les jours Votre Altesse sérénissime de mes lettres mais il n'y a point de jour où je ne parle d'elle, où je ne m'entretienne de ses bontés, et où je ne préfère la forêt de Thuringe au lac de Genève. Je m'occupe du soin de mériter la continuation de sa bienveillance; et, ne pouvant actuellement me mettre à ses pieds, je songe du moins à lui procurer de loin quelques petits amusements. Je voudrais lui envoyer cette Jeanne 1, que j'ai tâché d'embellir sans l'orner de pompons. J'ai fait ce que j'ai pu pour qu'elle parût décemment devant Votre Altesse. J'ai voulu que sa beauté fût piquante sans avoir jamais l'air effronté, que vous la vissiez avec quelque plaisir sans trop rougir pour elle; qu'enfin elle fût digne d'occuper une place dans votre maison. Il ne s'agit plus, madame, que de l'envoyer à vos pieds, elle serait déjà partie si je savais comment l'adresser. Il me semble qu'il y a un banquier à Strasbourg qui reçoit quelquefois des ordres de Votre Altesse, si je savais son nom, je lui adresserais le paquet. J'attends vos ordres, madame mais je ne me console point d'être hors de portée de venir les demander moi-même, et d'arriver avec la fille d'honneur que je veux vous présenter. La grande maltresse des cœurs veillerait sur sa conduite et la rendrait digne de vous plaire; je lui servirais de vieux sigisbé 2. Mais faut-il se borner à ne présenter que de loin mon profond respect à Votre Altesse sérénissime? »

 

1 La Pucelle d'Orléans .

 

18/03/2012

J'ai perdu votre adresse, envoyez-la-moi

 J'y ajouterais :" ... afin que je l'oublie à jamais ."

J'aimerais beaucoup écrire celà à toute une série de dirigeants politiques français à compter du 6 mai 2012 .

Quant au locataire élyséen, il y a du monde à sa porte

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http://theyiayiasblogfestival.blogspot.fr/2012/02/il-etait-une-fois-ibrahim-24-ans-sans.html

 

 

NDLR. - Colini n'est pourtant pas un SDF, et Volti est un sacré distrait .

 

« A M. COLINI.

Aux Délices, 23 août [1755]

Mon cher Colini, je ne connais point ce Prieur 1; dites-lui que, s'il est sage, il doit m'écrire. Il fait trop chaud pour montrer cinq magots de la Chine à quinze cents badauds. Il doivent avoir été fort mal reçus cette marchandise n'était bonne que pour Pékin.
On m'a volé à Berlin, en Hollande, à Genève, à Paris; on s'empare de mon bien comme si j'étais mort, et on le dénature pour le mieux vendre. Il faudrait traiter tous ces fripons de libraires comme j'ai fait traiter Grasset, qu'on a mis en prison et qu'on a chassé de la ville; et il est bon qu'on le sache. Je vous embrasse.

Si vous m'aviez instruit plus tôt du nom de ce Prieur , il aurait eu déjà affaire avec les supérieurs. J'ai perdu votre adresse, envoyez-la-moi.

V. »

 

1 Sans doute Pierre-Alexandre Le Prieur, imprimeur ordinaire du roi en 1749 .

 

que voulez-vous qu'on fasse quand on se trouve entre des médecins et des apothicaires, des montagnes et des fripons ?

 

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 "Comptez sur mes sentiments, et jamais sur mes compliments." : superbe formule de politesse comme on n'en sait plus faire , hélas ! A Mam'zelle Wagnière, je peux assurer qu'elle peut compter sur mes sentiments et mes compliments, même si je ne les dis pas souvent .

  

« A M. le président de RUFFEY 1

Aux Délices, près de Genève, le 23 août 1755.

Il est vrai, monsieur, que mon corps a fait un effort en se transportant à Gex, et mon âme en a fait un autre en barbouillant une tragédie chinoise. Je ne donne plus que des magots. Voilà comme on finit; mais que voulez-vous qu'on fasse quand on se trouve entre des médecins et des apothicaires, des montagnes et des fripons ? Votre intendant m'a paru tout aussi aimable qu'à vous. Si mon goût décidait de mes marches, je viendrais bien vite profiter des bontés de M. de La Marche 2, de celles de M. de La Valette, et surtout des vôtres. Mais je suis hors d'état de voyager. Il faut que je m'en tienne à mes montagnes et à mon lac.
Je me souviendrai toujours de vous dans ma solitude, où j'oublie tout le reste du monde de tout mon cœur. Comptez sur mes sentiments, et jamais sur mes compliments.

V. »

1 Germain-Gilles-Richard de Ruffey , président de la chambre des comptes du parlement de Bourgogne à Dijon , fondateur d'une société littéraire qui devint académie et dont fit partie V*. http://fr.wikipedia.org/wiki/Gilles_Germain_Richard_de_Ruffey

2 Claude-Philippe Fyot de La Marche, camarade du collège Louis le Grand , et collègue de Ruffey au parlement de Dijon .

 

Je n'ai à craindre que d'être défiguré : cela est toujours fort désagréable.

 

Ce qui est la la crainte commune, à part Mickael Jackson qui cru se rendre plus beau !...

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http://buggtoxic.com/

 

 

 

 

« A madame de FONTAINE,

à PARIS.

Aux Délices, 23 août [1755]

Ma chère enfant, il fait bien chaud pour montrer cinq magots de la Chine à cinq cents Parisiens; et la plupart des acteurs sont d'autres magots. Il est impossible que la pièce réussisse 1; mais il est encore plus triste que tout le monde dispose de mon bien comme si j'étais mort. J'écris à M. d'Argenson 2 et à Mme de Pompadour, touchant le nommé Prieur 3, qui a imprimé un manuscrit volé chez l'un ou chez l'autre. Ce manuscrit ne contient que des mémoires informes. Ce libraire est un sot, et le vendeur un fripon. Je n'ai à craindre que d'être défiguré : cela est toujours fort désagréable.

Adieu, ma chère nièce, votre sœur 4 vous embrasse; j'en fais autant. Nous vous aimons à la folie. »

1 Son pronostic pessimiste sera contrarié par le succès de la pièce .

2 Voir lettre du 20 août au comte d'Argenson, ministre de la guerre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/17/voila-de-bons-citoyens-dans-ce-siecle-philosophe-et-calculat.html

Il est à remarquer qu'à cette date Voltaire ne savait pas que l'Histoire de la guerre de 1741 avait été volée, et qu'il n'apprit que vers le 23 août le nom du libraire Prieur.

3 Libraire à qui Ximenès avait vendu le manuscrit de la Guerre de 1741.

4 Marie-Louise Denis.

 

Je fuis les hommes, et je m'en trouve bien; j'aime mes amis, et je m'en trouve encore mieux

 

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« A M. THIERIOT.

Le 23 août [1755]

Mon ancien ami, amusez-vous tant que vous pourrez avec une Pucelle; cela est beau à votre âge. Il y a trente ans que je fis cette folie. Je vous ai envoyé la copie que j'avais depuis dix ans. Je ne puis songer à tout cela que pour en rougir. Dites aux gens qui sont assez bons pour éplucher cet ouvrage qu'ils commencent par critiquer sérieusement frère Jean des Entommeures et Gargantua.

Quant à mes cinq magots de la Chine, je les crois très-mal placés sur le théâtre de Paris, et je n'en attends pas plus de succès que je n'attends de reconnaissance des comédiens 1, à qui j'ai fait présent de la pièce. Il y a longtemps que j'ai affaire à l'ingratitude et à l'envie. Je fuis les hommes, et je m'en trouve bien; j'aime mes amis, et je m'en trouve encore mieux. Je voudrais vous revoir avant d'aller voir Pascal et Rameau 2, e tutti quanti, dans l'autre monde.

Puisque vous voyez M. d'Argenson le philosophe 3, présentez- lui, je vous prie, mes respects. »

 

1 Il parait, d'après la lettre de Voltaire à d'Argental du 26 février 1756, que les comédiens, à cette époque, n'avaient pas encore remercié l'auteur de l'Orphelin de la Chine, représenté le 20 août 1755 avec le plus brillant succès.

2 Il y a là une erreur de copiste. Rameau ne mourut qu'en 1764.

3 Le marquis d'Argenson.