17/05/2011
Je suis persuadé qu'il ne s'est jamais cru coupable ; s'il l'avait été serait-il revenu en France ?
La réponse est : oui !
Là, vous vous doutez bien que je ne parle pas de ce malheureux Lally Tollendal, mais d'un certain Français qui fait la honte de ses compatriotes . Oui, j'ai l'intime conviction que ce Dirty Silly Keutard est coupable , qu'il est assez faux-cul pour le nier, assez lâche et imbu de lui-même pour se croire au dessus des lois . J'ai détesté cet individu, avocat qui déshonore sa profession, dès son inqualifiable faux en écriture pour justifier une note d'honoraires de 500 000 Francs ; cet homme là est un récidiviste dans le mensonge, et fort capable de nier mordicus pris la main dans le sac .
En son temps , j'avais été outré que des "intellectuels" trouvent indigne que Roman Polanski soit arrêté et privé de liberté pour abus sexuel lointain , trop lointain selon eux pour justifier cette arrestation logique . De même j' ai, ce que certains vont appeler un préjugé défavorable contre Dirty Silly Keutard .
Qui va pleurer pour lui ?
Au fait, avez-vous, comme ça, sans réfléchir, sans faire un casse chez votre banquier, un million de dollars ? Avez-vous le confort qu'apporte la fortune pour vous défendre en justice ?
Toujours justice/injustice à deux vitesses ! Qui saura me prouver le contraire ?
« M. le maréchal duc de Richelieu
A Ferney , 17 mai [1766]
Je reçois la lettre du 1er mai, dont mon héros m'honore . M. le chevalier de Beauteville m'a dit qu'avant de partir pour votre royaume de Bordeaux vous lui aviez dit que vous le chargeriez de vos ordres pour moi ; mais la lettre dont vous me parlez ne m'est jamais parvenue, et il faut qu'on l'ai oubliée dans votre déménagement .
Que vous êtes heureux, Monseigneur, de pouvoir toujours courir ! et que je suis à plaindre de ne pouvoir au moins me trouver sur votre route !
Je suis bien fâché pour le public, et pour les beaux-arts que vous protégez, de voir le théâtre privé de Mlle Clairon, lorsqu'elle est dans la force de ses talents . J'y perds plus qu'un autre, puisqu'elle faisait valoir mes sottises ; mais elle m'a mandé que , puisqu'on ne voulait pas confirmer la déclaration de Louis XIII en faveur de vos spectacles, et encore moins la fortifier de quelques nouvelles grâces, elle ne pouvait plus cultiver un art trop avili . Elle a renoncé à l'excommunication, et moi aussi, j'ai pris mon congé . Il n'y a que vous qui restiez excommunié, puisque vous restez toujours le premier gentilhomme de la chambre, disposant souverainement de l’œuvre de Satan . Il est clair que celui qui les ordonne est bien plus maudit que le pauvres diables qui les exécutent . Il est plaisant qu'un comédien soit mis en prison s'il refuse de jouer, et soit damné s'il joue ; mais vous devez être accoutumé aux contradictions de ce monde .
Je n'ai encore vu aucun mémoire pour ou contre ce pauvre Lally . Je le connaissais pour un Irlandais un peu absurde, très violent, et assez intéressé ; mais je serais extrêmement étonné s'il avait été un traître comme on le lui reproche . Je suis persuadé qu'il ne s'est jamais cru coupable ; s'il l'avait été serait-il revenu en France ? il y a des destinées bien singulières . Ce globe est couvert de folies et de malheurs de toute espèce .
De toutes les folies, la plus ennuyeuse est celle des Genevois ; cette folie n'était certainement pas trop dangereuse ; ce n'est qu'une dispute de gens qui argumentent les uns contre les autres, et il faut que trois puissances envoyent des ambassadeurs pour interpréter trois ou quatre passages de leurs lois . On leur a fait bien de l'honneur, ils ressemblent à cet homme des fables d’Ésope qui priait Hercule de lui prêter sa massue pour écraser ses puces .
Continuez, mon héros à vous moquer du genre humain ; il le mérite bien . Moquez-vous aussi de moi quelquefois ; mais conservez-moi des bontés qui adoucissent la fin de ma carrière, et qui me rendent heureux dans ma retraite . Je finirai mes jours comme il y a plus de quarante ans que je les passe, pénétré pour vous de respect et du plus tendre attachement . »
12:48 | Lien permanent | Commentaires (0)
16/05/2011
La vérité luit par sa propre lumière, et on n'éclaire pas les esprits à la lueur des bûchers
Rédigé le 17 mai 2011.
« A Jean-François Marmontel
16 mai [1767]
Comment, mon cher confrère, toute l’Académie française ne se récrie-t-elle pas contre l'insolente et ridicule absurdité des chats fourrés qui osent condamner cette proposition 1 : « La vérité luit par sa propre lumière, et on n'éclaire pas les esprits à la lueur des bûchers » ? C'est dire évidemment que les flammes des seuls bûchers peuvent éclairer les hommes, et que les bourreaux sont les seuls apôtres . Ce sera bien alors que , suivant Jean-Jacques, il faudra que les jeunes princes épousent les filles des bourreaux ; et vous êtes trop heureux, après tout, que ces polissons aient dit une si horrible sottise . Il est bon d'avoir affaire à de si sots ennemis 2.
Pourquoi ne m'avez-vous pas envoyé sur le champ toutes les bêtises qu'on a écrites contre votre excellent ouvrage ? Vous avez raison de ne point répondre, de ne vous point compromettre ; mais il y a des théologiens qui prendront votre parti sérieusement et vigoureusement . Il ne s'agit plus ici de plaisanter, il faut écraser ces sots monstres . Celui qui s'en chargera déclarera qu'il ne vous a pas consulté, qu'il ne vous connait point, qu'il ne connait que votre livre, et qu'il écrit au nom de la nation contre les ennemis de toute nation .
N.B. Si vous avez lu le livre de la Tolérance, il y a deux pages entières de citations des Pères de l’Église contre la proposition diabolique des chats fourrés .
On vous embrasse le plus tendrement du monde. »
1 C'est la trente quatrième proposition des trente sept condamnées par la Sorbonne par son Indiculus propositionum excerptarum ex libro cui titulus : Belisaire ; peu après paraitra XXXVII vérités opposées aux XXXVII impiétés de Bélisaire, par un bachelier ubiquiste, attribué d'abord à V*, en réalité de Anne-Robert-Jacques Turgot . Voir page 212 : http://books.google.fr/books?id=noQ9AAAAYAAJ&pg=RA1-PA212&lpg=RA1-PA212&dq=XXXVII+v%C3%A9rit%C3%A9s+oppos%C3%A9es+aux+XXXVII+impi%C3%A9t%C3%A9s+de+B%C3%A9lisaire,+par+un+bachelier+ubiquiste&source=bl&ots=i7Xjd9uQgN&sig=vpwmbwQCIbgf3uBSpBqLIq0RskU&hl=fr&ei=i0nSTenUN8KKhQf4ocGQCg&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=8&ved=0CEAQ6AEwBw#v=onepage&q=XXXVII%20v%C3%A9rit%C3%A9s%20oppos%C3%A9es%20aux%20XXXVII%20impi%C3%A9t%C3%A9s%20de%20B%C3%A9lisaire%2C%20par%20un%20bachelier%20ubiquiste&f=false
12:32 | Lien permanent | Commentaires (0)
15/05/2011
Il y aura toujours des fous qui se feront égorger, des fous qui se ruineront, et des gens habiles qui en profiteront .
L'actualité du monde regorge d'exemples qui viennent confirmer ce constat voltairien . Pour les noms, les listes de chaque catégorie sont trop longues, je vous laisse choisir ceux que vous voulez . Bon, allez, juste un de chaque : Ben Laden, Madof, les banquiers ....
Tous les mêmes : http://www.deezer.com/listen-3943623
Vent de panique : http://www.deezer.com/listen-3943612
Face aux Terrorisés : http://www.deezer.com/listen-3943619
Attendons Un jour nouveau : http://www.deezer.com/listen-3943616
« A Philippe-Antoine de Claris, marquis de Florian
[vers le 15 mai 1757]
Mon cher surintendant des chars de Cyrus 1, j'ai oublié toujours de vous dire qu'un petit coffre sur le char, avec une demi-douzaine de doubles grenades ferait un ornement fort convenable . J'ai honte, moi barbouilleur pacifique, de songer à des machines de destruction . Mais c'est pour défendre les honnêtes gens qui tirent mal, contre les méchants qui tirent trop bien. On verra malheureusement , et trop tard, qu'il n'y a pas d'autre ressource 2.
On disait aujourd'hui Prague prise 3, je veux n'en rien croire . On m'assure que Frédéric a désarmé la ville de Nuremberg, et qu'il exige huit cent mille florins d'empire . Ce n'est pas là faire la guerre à ses dépens . Il est sûr que les Russes marchent 4. Voilà la plus singulière position depuis la chute de l'empire romain. Il y aura toujours des fous qui se feront égorger, des fous qui se ruineront, et des gens habiles qui en profiteront . Mais les plus habiles à mon sens sont ceux qui restent chez eux tranquilles .
Conservez votre amitié à V... »
1 V* avait conçu un projet de char d'assaut qu'il avait confié au marquis de Florian quand celui-ci était venu aux Délices avec Mme de Fontaine en juin 175. Il en parlait à Richelieu le 1er novembre : « (le marquis, officier)... a pris la chose sérieusement. Il m'a demandé un modèle, il l’a porté à M. d'Argenson. On l’exécute à présent en petit ... On le montrera au roi . Si cela réussit, il y aura de quoi étouffer de rire que ce soit moi qui soit l'auteur de cette machine destructive . Je voudrais ... que vous tuassiez force Prussiens avec mon petit secret. »
2 Le maréchal de Richelieu, ainsi que le dit V* dans une lettre le 19 juillet, renverra la « machine aux anciens rois d'Assyrie ».Voir page 19 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f24.image.r=...
Après la défaite de Rossbach, V* écrit à Mme de Fontaine : « Il valait mieux, dira votre ami, faire courir les chariots d'Assyrie en rase campagne que de se faire assommer entre deux collines ... » ; voir lettre à Mme de Fontaine du 10 décembre 1757 : page 71 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f76.image.r=...
03:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
14/05/2011
Edifiez-vous, ma belle philosophe, tant qu'il vous plaira . Soyez toujours femme de bien
http://www.deezer.com/listen-538945
« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay
« A la Belle Philosophe »
[vers le 20 mai 1759]
Il y a dix ans que je n'ai lu des vers de H.1 S'ils sont mauvais, sa prose ne vaut guère mieux 2. C'est un fagot vert qui donne un peu de feu, beaucoup de fumée 3. Le beau Sermon 4 est tout à fait pour votre belle âme . Edifiez-vous, ma belle philosophe, tant qu'il vous plaira . Soyez toujours femme de bien, et si vous êtes d'honnêtes gens, vous, et votre Bohémien 5, je vous donnerai votre récompense en ce monde dans quelques jours . Je vous remercie tendrement, mais votre fermier général 6 n'aime pas les belles-lettres , ou je suis trompé .
V. »
2 Voir par exemple le jugement de V* sur ce livre De l'esprit dans la lettre du 18 octobre 1758 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/10/22/cartes-de-geographie-c-est-peut-etre-le-seul-art-dans-lequel.html
4 C'est le Sermon des cinquante de V*, qu'il pourrait avoir écrit dès 1749 (date mise sur la première édition) et que V* lisait à Frédéric II en 1751 et 1752 selon La Beaumelle. http://www.voltaire-integral.com/Html/24/56_Cinquante.html
6 Son mari . http://fr.wikipedia.org/wiki/Louise_d'%C3%89pinay
04:31 | Lien permanent | Commentaires (0)
13/05/2011
je ne veux point choquer d'honnêtes gens avec lesquels je vis en très bonne intelligence
Volti fait patte de velours, apparemment, ronronne, et affute ses griffes, discrètement .
http://www.wat.tv/video/chat-mignon-reveil-3ezi9_2ey61_.h...
Comme il le dit haut et fort (publicité discrète et gratuite pour mon hébergeur ! ), "la paix est après la santé le plus grand des biens". Difficile de le contredire sur ce sujet .
« A Nicolas-Claude Thieriot
chez Madame la comtesse de Montmorency
rue Vivienne à Paris
Aux Délices 20 mai [1757]
Vous noterez, s'il vous plait, mon cher et ancien ami, et je vous confie tout doucement qu'il y a dans le pays que j'habite trois ou quatre personnes qui sont encore du seizième siècle . Elles ont été fâchées de voir dans le Mercure que tout le monde convenait vers le lac Léman que Calvin avait une âme atroce i. Ces gens-là disent qu'ils n'en conviennent point ii. Je crois qu'on pourrait pour satisfaire leur délicatesse leur permettre même de penser que l'âme de Calvin était douce . La mienne est tranquille et je ne veux point choquer d'honnêtes gens avec lesquels je vis en très bonne intelligence . Vous me feriez plaisir de me mander qu'on a imprimé cette lettre sur une copie infidèle comme sont toutes celles qu'on fait courir manuscrites, que dans celle que vous avez reçue de ma main il y a âme trop austère et non pas âme atroce . En effet pour autant qu'il peut m'en souvenir, c'était là ma véritable leçon . Cette petite attention de votre part ferait un très grand plaisir à des personnes que je dois ménager et je vous serais très obligé . La paix est après la santé le plus grand des biens.
Je ne sais quand le roi de Prusse la donnera à l'Allemagne . Ce sera quand il voudra, car s'il achève la campagne comme il l'a commencée il donnera des lois iii.
Ce serait une chose bien glorieuse pour la France si son armée réparait les pertes des Autrichiens iv. Il serait beau après avoir résisté deux cents ans à l'Autriche d'être son seul appui .
Avez-vous vu la pièce nouvelle v? parait-il quelque bon livre ? êtes-vous toujours casanier ? n'aurez-vous jamais le courage d'exécuter votre ancien projet de voir notre lac et vos anciens amis ?
V. »
i Le texte de la lettre envoyée à Thieriot le 26 mars, imprimée dans le Mercure de mai portait : « Ce n'est pas une petite preuve du progrès de la raison humaine qu'on ait imprimé à Genève ... » , voir Page 435 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f439.image.r=.langFR
Voir aussi ce que V* écrit à Vernes le 13 janvier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/08/vous-n-etes-point-calvinistes-vous-etes-hommes.html
ii Le Vénérable Conseil de Genève se réunira le 21 mai et prie « le Grand Conseil de marquer à M. de Voltaire son improbation » . Datée du 30 mai à Genève, une lettre publique injurieuse à l'égard de V* parait dans le Journal helvétique de juin, écrite par Jacob Vernet, son ancien ami ; voir lettre du 6 septembre à Le Fort : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/06/quoique-je-ne-lise-jamais-les-journaux.html#more
iii Après avoir en 1756 envahi la Saxe, battu les Autrichiens à Lobositz, fait capituler Auguste III, en 1757, Frédéric II a déjà marché sur Prague et battu les Autrichiens sous les murs de la ville le 6 mai .
iv Le 1er mai, la France vient de signer le second traité d'alliance avec l'Autriche ; elle doit fournir plus de 100 000 hommes qui seront répartis en deux armées, l'une devant envahir le Hanovre et forcer les Anglais à faire la paix, l'autre reprendre la Saxe avec une des armées autrichiennes .
v Adèle, comtesse de Ponthieu, par Pierre-Antoine de La Place, représentée la première fois le 28 avril, et dont il remercie Cideville de lui avoir rendu compte le 18 mai .
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Antoine_de_La_Place
Voir page 4 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f9.image.r=.langFR
03:41 | Lien permanent | Commentaires (0)
12/05/2011
cela n'empêche pas que je ne trouve toujours l'âme immortelle placée entre deux trous prodigieusement ridicules
http://www.deezer.com/listen-569207 : Fallen angel
http://www.deezer.com/listen-598857 : Into thy gentle embrace
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
12 mai 1776
L'un de mes anges m'a écrit une lettre toute pleine de raison, d'esprit, de bonté, et de choses charmantes ; cela n'empêche pas que je ne trouve toujours l'âme immortelle placée entre deux trous prodigieusement ridicules .
Il s'en faut de beaucoup que le petit ex-jésuite ait négligé ses marauds du Triumvirat ; mais il pense que vos belles dames, qui ont dans Paris toutes les réputations, ne seront nullement touchées de ces gens de sac et de corde . Il a cru se tirer d'affaire par des notes historiques, et par une histoire de toutes les proscriptions de ce monde, qui fait dresser les cheveux à la tête . Il prétend, dans ses notes, que la conspiration de Cinna n'a jamais existé, que cette aventure est supposée par Sénèque, et qu'il l'inventa pour en faire un sujet de déclamation . C'est un objet de critique pour quelques pédants, mais dont le public ne se soucie guère . Il reste donc persuadé qu'il ne trouvera point de libraire qui veuille donner cent écus de cette guenille, attendu que La Harpe n'en a pas pu trouver cinquante de son beau Gustave Vasa . L'ex-jésuite vous enverra bientôt ses roués et ses notes pédantesques . Il souhaite d'ailleurs passionnément que Mlle Dubois se forme et que M. de Chabanon lui donne un beau rôle ; mais il ne sait pas où est M. de Chabanon ; il devait retourner à Paris au commencement du mois ; nous lui avons souhaité bon voyage, et depuis ce temps nous n'avons plus de ses nouvelles.
A l'égard de la comédie de Genève, c'est une pièce compliquée et froide qui commence à m'ennuyer beaucoup . J'ai été pendant quelque temps avocat consultant ; j'ai toujours conseillé aux Genevois d'être plus gais qu'ils ne sont, d'avoir chez eux la comédie , et de savoir être heureux avec quatre millions de revenu qu'ils ont sur la France . L'esprit de contumace est dans cette famille . Les Natifs disent que je prends le parti des bourgeois ; les bourgeois craignent que je ne prenne le parti des Natifs . Les Natifs et les bourgeois prétendent que j'ai eu trop de déférence pour le conseil . Le conseil dit que j'ai eu trop d'amitié pour les natifs et les bourgeois . Les bourgeois, les natifs et le conseil ne savent ni ce qu'ils veulent , ni ce qu'ils font, ni ce qu'ils disent . Les médiateurs ne savent encore où ils en sont ; mais j'ai cru m'apercevoir qu'ils étaient fâchés qu'on fut venu me demander mon avis à la campagne . J'ai donc déclaré aux conseil, bourgeois, et natifs, que n'étant point marguillier de leur paroisse, il ne me convenait pas de me mêler de leurs affaires, et que j'avais assez des miennes . Je leur ai donné un bel exemple de pacification, en m'accommodant pour mes dîmes avec mon curé, et finissant d'un trait de plume, à l'aide de quelques louis d'or, des chicanes de cent années .
Peut-être que M. le duc de Praslin parle quelquefois avec M. le duc de Choiseul des tracasseries genevoise . En ce cas, je le supplie de vouloir bien me recommander ou me faire recommander à M. le chevalier de Beauteville . J'attends cette grâce de vous, mes divins anges ; car non seulement plusieurs morceaux de mes petites terres sont enclavées dans le petit territoire de la parvulissime république, mais j'ai tous les jours de petits droits à discuter avec elle ; car vous noterez qu'elle n'a guère plus de terrain en France que je n'en ai . Chose étonnante que la liberté ! il y a vingt villes en France beaucoup plus peuplées que Genève ; qu'il y ait un peu de dissension dans une de ces vingt villes, on envoie des archers ; qu'il y ait une petite dissension à Genève, on y envoie des ambassadeurs.
Vous ferez, mes anges, une très belle et bonne action, non seulement de recommander mes petits intérêts à M. de Beauteville, mais surtout l'engager à garder pour lui ce droit négatif dont nous avons tant parlé. C'est une manière si naturelle et si honnête d'être maître de Genève sans le paraitre ; ce tempérament est si convenable ; il sera si utile de disposer de Genève dans les guerres qu'on peut avoir en Italie, qu'il ne faut pas assurément manquer cette précaution ; vous y êtes même intéressé comme Parmesan ; vous êtes puissance d'Italie . Henri IV vous a ôté le marquisat de Saluces, que vous auriez bien par la suite perdu sans lui ; ne manquez pas l'occasion de vous assurer un jour de Genève . La Corse dont vous vous êtes mêlés vous était bien moins nécessaire . Il me semble que M. le duc de Praslin approuvait cette idée ; il la fera goûter sans doute à M. le duc de Choiseul . C’est une négociation dont il faut que vous ayez tout l'honneur ; la maison de Parme en aura peut-être un jour tout l'avantage .
L’Encyclopédie me parait un peu vexée à Paris ; je crois que c'est une sage précaution du ministère, qui ne veut pas donner de prise à messieurs du clergé . Il y a dans ce livre d'excellents articles qu'il serait bien triste de perdre . L’ouvrage est en général un coup de massue porté au fanatisme . L'ex-jésuite lui porte quelquefois des coups de stylet ; il faut attaquer ce monstre de tous les côtés et avec toutes les armes . Ne craignons point de répéter ce qu'il est nécessaire de savoir ; il y a des choses qu'il faut river, dans la tête des hommes, à coups redoublés . Je ne m'en mêle pas, comme vous le croyez bien, mais j'apprends, avec une grande consolation, que plusieurs avocats travaillent à ce procès ; vous n'en serez pas fâché, vous qui êtes au rang des meilleurs juges .
Je me mets au bout de vos ailes avec mon culte ordinaire . »
15:53 | Lien permanent | Commentaires (0)
11/05/2011
mon dégoût pour tout ce qui n'est que vanité, faux air, affectation de protéger, plaisir secret d’humilier et de nuire, orgueil et mauvaise foi
Je pense que tout est résumé par cette image !
http://jackaimejacknaimepas.blogspot.com/2010/02/tout-nes...
http://www.deezer.com/listen-9838392
« A Jean Le Rond d'Alembert
19è mai 1773
S'il i est coupable de la petite infamie dont vous me parlez ii, j'avoue que je suis une grande dupe, mais vous qui parlez l'auriez été tout comme moi . Si vous saviez tout ce qui s'est passé, vous seriez bien étonné . Un jeune homme n'a jamais été trahi plus indignement par sa maîtresse iii. On dit que c'est l'usage du pays iv. Comme il y a environ trente ans que j'y ai renoncé, il m'est pardonnable d'en avoir oublié la langue . Je devais me souvenir que dans ce jargon je vous aime signifiait je vous hais, et que je vous servirai voulait dire positivement je vous perdrai .
Il se peut encore que l'on ait été choqué des conseils qui au fond ne sont que des reproches v.
Il se peut aussi qu'un certain histrion ait fait ce qu'on impute à un autre, car il y a bien des histrions . Quand on est à cent lieues de Paris, il est difficile de prévoir et de parer les effets des petites cabales, des petites intrigues, des petites méchancetés qu'on y ourdit sans cesse pour s'amuser .
Le seul fruit que je tirerai de ma duperie sera de n'avoir plus aucune espérance ; mais on dit que c'est le sort des damnés vi.
Il faut, mon cher philosophe, que je me sois trompé en tout, car j'ai cru que ces conseils assez délicatement apprêtés auraient dû vous plaire vii, attendu qu'un conseil qui n'a pas été suivi est un reproche, et que c'était au fond lui dire à lui-même ce que vous dites de lui .
Je dois vous faire à vous-même un reproche que vous méritez, c'est que vous traitez de déserteur le martyr de la philosophie viii. Bertrand doit employer Raton ix, mais il ne faut pas qu'il lui morde les doigts .
Au bout du compte, je suis sensible, et je vous avouerai que la perfidie dont vous m'instruisez m'afflige beaucoup, parce qu'elle tient à des choses que je suis obligé de taire, et qui pèsent sur le cœur .
Je m'aperçois que ma lettre est une énigme ; mais vous en déchiffrerez la plus grande partie . Soyez bien sûr que le mot de l'énigme est mon sincère attachement pour vous, et mon dégoût pour tout ce qui n'est que vanité, faux air, affectation de protéger, plaisir secret d’humilier et de nuire, orgueil et mauvaise foi . Je vois qu'actuellement nous ne devons être contents ni des Esclavons x ni des Welches, et qu'il faut donc se rejeter du côté des Ibères . J’écrirai donc en Ibérie xi, mais ce que j'ai de mieux à faire, c'est de m'arranger pour l'autre monde, et de ne pas laisser périr ma colonie quand il faudra la quitter .
Jugez de toutes mes tribulations par celle que je vais vous confier, qui est assurément la plus petite de toutes.
Ma colonie avait fourni des montres garnies de diamants pour le mariage de M. le Dauphin . Elles n'ont point été payées, et cela retombe sur moi . Il me parait qu'en Espagne on est plus généreux . Ce que j'éprouve des beaux messieurs de Paris en ce genre est inconcevable . Ces beaux messieurs ont bien raison de détester la philosophie qui les condamne et qui les méprise .
Adieu, je ne vous dis pas la vingtième partie des choses que je voudrais vous dire . Mais encore une fois, que Bertrand ne gronde point Raton . Que Bertrand au contraire encourage Raton à s'endurcir les pattes sur la cendre chaude . Que plusieurs Bertrands et plusieurs Ratons fassent un petit bataillon carré bien serré et bien uni . »
ii Le 14 mai, d'Alembert écrit : « Votre Childebrand ... a demandé à Lekain ... une liste de douze tragédies pour être jouées aux fêtes de la cour à Fontainebleau .... » ; voir : page 197 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f202.image.r...
iii Ce 19 mai, V* écrit à Mme de La Tour du Pin de Saint-Julien en lui demandant d'intervenir auprès de Richelieu : « M. le maréchal de Richelieu votre ami ... m'accable d'abord de bontés au sujet des Lois de Minos ...» ; voir page 200 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f205.image.r...
v Dans l’Épître dédicatoire des Lois de Minos, V* demandait à Richelieu de protéger « la véritable philosophie » ; voir lettre à d'Alembert du 27 mars 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/03/27/m...
viii V* s'applique sans doute cet élément de la conclusion de d'Alembert dans la lettre du 14 mai : « Faudra-t-il donc que la philosophie dise à la personne dont elle se croyait aimée : « tu quoque, Brute ? » ; d'Alembert reprochait aussi à V* d'avoir dédié sa tragédie à Richelieu .
ix Voir lettres à d'Alembert du 1er janvier 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/02/j...
et 4 janvier 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/04/c...
sur l'origine de ces surnoms .
x Esclavons ou Slavons = Russes . D’Alembert lui avait écrit à propos de Catherine II : « Plus je relis l'extrait que vous m’avez envoyé de la lettre de Pétersbourg, plus j'en suis affligé . Il était si facile à cette personne de faire une réponse honnête, satisfaisante, et flatteuse pour la philosophie, sans se compromettre en aucune manière, et sans accorder ce qu'on lui demandait [la libération des prisonniers français capturés par les Russes en Pologne], comme j'imagine aisément que les circonstances peuvent l'en empêcher. » ; voir lettre à d'Alembert du 4 janvier.
xi Au duc d'Albe, comme le lui avait conseillé d'Alembert qui avait précisé que celui-ci avait envoyé 20 louis pour sa statue et qu'il était un « amateur éclairé des lettres et de la philosophie » qui aurait mieux mérité que Richelieu la dédicace des Lois de Minos. De plus il disait que V* ferait bien de mettre un mot flatteur pour l'infant don Gabriel « fort instruit et passionné pour toutes les lettres (qui) ont grand besoin de trouver quelques princes qui les aiment ... »
23:40 | Lien permanent | Commentaires (0)