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30/05/2011

nous sentons bien qu'on peut lui reprocher un petit manque de modestie

"... et qu’il n'est pas honnête de chanter ainsi ses louanges" !

N'est ce pas heureux(ses) candidat(e)(s) au trône républicain ?

 

Sophie_Arnould02.jpg


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Moi aussi, j'aime bien Gluck !

Ich bin sehr glücklich !

Und Geluck, auch !

Geluck-Fourmi.jpg

 

 

 

« A Jean-Baptiste-Nicolas de Lisle

Capitaine de dragons, etc.

à Mousson

 

30è mai [1774]

 

Nous sommes tous Gluck à Ferney 1, Monsieur ; nous sommes aussi Arnould 2. Nous sommes encore plus De Lisle ; et pour vous en convaincre nous avons sauvé un pauvre diable de moine défroqué qui osait porter votre nom 3.

 

A l'égard de Mlle Arnould qui chante si bien que de grâces, que de beauté !4 nous sentons bien qu'on peut lui reprocher un petit manque de modestie, et qu’il n'est pas honnête de chanter ainsi ses louanges . Elle se tirera de cette critique comme elle pourra .

 

Pour Mme du Deffand nous ne lui pardonnons pas de s'être ennuyée à cette musique 5.

 

En vous remerciant de toutes vos bontés .

 

Il court une petite oraison funèbre de Louis XV, prononcée par un monsieur de Chambon, dans l'académie de Valence 6. Elle est courte, nous vous enverrons le premier exemplaire qui nous tombera sous la main .

V[otre] t[rès] h[umble] [et] obligé

 

Le vieux malade. »


2 Madeleine-Sophie Arnould créa les rôles d'Iphigénie et d'Eurydice dans les opéras de Gluck . http://roglo.eu/roglo?lang=fr&m=NG&n=Madeleine+Sophie+Arnould&t=PN

3 Le 6 mai, V* demandait à P.-J. Franck, banquier, de donner de sa part « dix louis d'or à M. Delille » . « C'était un moine défroqué qui avait enlevé une fort jolie fille . Ses supérieurs couraient après lui pour le faire brûler ; nous avons envoyé le moine et sa demoiselle en Russie », écrira V* le 18 juillet à De Lisle .

4 Vers chanté par le chœur (I, 5 : http://www.deezer.com/listen-695631)à l'arrivée d'Iphigénie dans Iphigénie en Aulide (musique de Gluck, livret adapté par le bailly du Roullet).

5 A la représentation d'Iphigénie en Aulide créée le 12 avril .

6 L’Éloge funèbre de Louis XV prononcé dans une académie le 25 mai 1774, de V*. http://books.google.com/books?id=jKMGAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

De Lisle dira : « M. de Chambon n'existe pas plus que l'académie de Valence » . Le 6 juin, V* envoie à Mme du Deffand « le petit ouvrage de M. de Chambon » ; « (il) m'a paru mériter que je vous l'envoie, non pas à cause de son éloquence, car je le crois un peu trop simple, ... » ; voir page 337 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f342.image.r... . Il ajoutera : « Ce M. de Chambon ne brûle pas beaucoup d'encens quand il dit sa grand-messe. »

29/05/2011

je craindrais même que la passion de boire qui était autrefois un goût de bel air, et qui est aujourd'hui hors de mode, ne parût insipide

 

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

Correspondant du roi de Prusse

rue Jacinthe la dernière grande porte cochère à droite de l'hôtel d'Ormesson à Paris.

 

 

Vous saurez, mon ancien ami, que le jeune magistrat 1 attendait le livre de l'abbé de Châteauneuf 2 pour faire une préface dans laquelle il voulait faire connaître le caractère de la célèbre Ninon que Préville ne connait point du tout ; je l'avais flatté que ce petit livre pourrait venir par la poste ; mais comme vous l'avez envoyé par les voitures publiques, il n'arrivera que dans trois semaines . Je n'en suis pas fâché . L'auteur aura tout le temps de limer son ouvrage, qu'il veut intituler Le Dépositaire et non pas Ninon, parce qu'en effet le dépôt fait par Gourville à un dévot est le principal sujet de sa pièce , et tout le reste parait accessoire .

 

Il est vrai que l'ouvrage n'est pas dans le goût moderne, et je craindrais même que la passion de boire qui était autrefois un goût de bel air, et qui est aujourd'hui hors de mode, ne parût insipide . J'ai pris la liberté de dire à l'auteur qu'un tel rôle ne peut réussir que quand il est supérieurement joué et je l'ai engagé à livrer sa pièce à l'impression plutôt qu'au théâtre . Il vous l'enverra donc dès qu'il y aura mis la dernière main, et vous en ferez tout ce qu'il vous plaira .

 

Quoique l'on soit aujourd'hui très sévère, et qu'on s'effarouche de tout ce qui aurait passé sans difficulté du temps de Molière, je crois que vous obtiendrez aisément une permission . Il est plus aisé à présent d'être imprimé que d'être joué .

 

S'il y a quelques nouvelles dans la littérature, je me flatte que vous m'en donnerez . Je ne crois pas que vous soyez au fait de ce qu'on imprime en Hollande . Marc-Michel Rey a donné une Histoire du parlement de Paris 3 que les connaisseurs jugent fidèle et impartiale . Connaissez-vous Le Cri des nations 4?

 

Avez-vous entendu parler des aventures d'un Indien et d'une Indienne mis à l'inquisition à Goa du temps de Léon X , et conduits à Rome pour être jugés? Il y a dans cet ouvrage une comparaison continuelle de la religion et des mœurs des brames avec celle de Rome . L'ouvrage m'a paru un peu libre, mais curieux, naïf et intéressant . Il est écrit en forme de lettres dans le goût de Paméla 5. Le titre est : Lettres d'Amabed et d'Adaté . Mais dans les six tomes de Paméla il n'y a rien . Ce n'est qu'une petite fille qui ne veut pas coucher avec son maître à moins qu'il ne l'épouse, et les Lettres d'Amabed sont le tableau du monde entier depuis les rives du Gange jusqu'au Vatican .

 

Adieu, mon ancien ami, qui êtes mon cadet de plusieurs années ; votre vieil ami vous embrasse .

 

29è mai 1769. »


1 Auteur prétendu de la pièce intitulée Le Dépositaire . http://www.voltaire-integral.com/Html/06/06DEPOSI.htm

5 Cette comparaison du conte de Paméla et la similitude des termes utilisés confirment l'hypothèse que V* désignait ainsi fin 1753-début 1754 non seulement les lettres factices de Prusse à Mme Denis, mais déjà une ébauche des Lettres d'Amabed ; voir lettre du 20 décembre 1753 à Mme Denis et Mme de Fontaine : page 97 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f101.image.r=.langFR

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411337x/f453.tableD...

 

28/05/2011

une sœur de la charité fait plus de bien de près qu'Esculape de loin .

 

Régalez-vous, comme moi,  avec cette chanson du grand Georges : 

La religieuse :  http://www.deezer.com/listen-917399

soeur-de-charite-1866-n-1589511-0.jpg

Et cette autre :

La légende de la nonne :  http://www.deezer.com/listen-3561369

Et puis , celle-ci, où un curé aurait bien plû à Volti, et une bonne soeur très charitable l'aurait fait rosir :   http://www.deezer.com/listen-2262649

 

 

J'arrête là, sinon dans une semaine nous y serons encore ! Avec  Brassens et Volti, la vie est plus gaie, incontestablement ! 

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

 

28è mai 1765

 

M. Tronchin 1 a le paquet de mon frère, et on lui fera parvenir la réponse dès qu'on l'aura reçue . Mais j'avertis toujours qu’il est rare de guérir ses malades à cent lieues et qu'une sœur de la charité fait plus de bien de près qu'Esculape de loin .

 

J'ai su qu'on avait encore envoyé un second paquet par M. Gaudet 2, et probablement ce paquet n'est point parvenu à sa destination . On écrivit depuis une lettre instructive sur l'état des choses, et on se servit de la même voie . Cette lettre partit le 21 ou 22 du mois . Il serait très triste qu'on l'eût ouverte 3. On a écrit le 27 par M. Héron premier commis des bureaux du Conseil, et la lettre a été mise à la poste à Lyon 4.

 

Je pense qu'il est nécessaire que vous m'écriviez à Genève une lettre signée de vous . Vous y direz que vos occupations vous permettent peu de vous occuper de littérature 5. Que vous faites à la vérité venir quelquefois des livres de Hollande pour un de vos amis, et que vous avez à peine le temps d'y jeter un coup d’œil . Vous pourrez me dire que vous avez parcouru la Philosophie de l'Histoire, et que vous êtes bien étonné qu'on m'attribue un livre rempli de citations chaldéennes, syriaques et égyptiennes . Vous pourrez me plaindre d'ailleurs, d'être en butte à la calomnie depuis cinquante années. Vous me rassurerez en me disant combien le roi est équitable . Si ce canevas vous parait raisonnable, vous le broderez . Puisqu'on est curieux, vous satisferez la curiosité .

 

Vous pourrez adresser vos autres lettres sous l'enveloppe de M. Camp banquier à Lyon, comme je vous l'ai déjà mandé .

 

Je ne vous dis pas combien il est douloureux de recourir à ces expédients 6. Nous voilà comme un amant et une maîtresse dont les lettres sont interceptées par les jaloux . Aimons-nous en davantage, et écr l'Inf. »

 

 

1 Théodore Tronchin , le médecin .

2 « On » = V* ; il écrivait à Damilaville le 4 mai : « J'ai bien peur que vous n'ayez point reçu le Bazin de Hollande ...»; page 212 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80037z/f217.image.r...

Et le 20 : «  On a saisi le ballot qui contenait le bel ouvrage de notre cher Archimède (de d'Alembert sur l'expulsion des jésuites)... » ; page 218 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80037z/f223.image.r=.langFR

3V* envoie le 22 mai deux lettres à Damilaville, une « qu'on ouvrira si on veut » et l'autre où il est question du fanatisme, de la Philosophie de l'Histoire, des lettres décachetées et de l'adresse à mettre sur celles qu'on lui envoie (sous l'enveloppe de M. Camp à Lyon) ; Page 219 et suivantes : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80037z/f224.image.r=.langFR

4Deux lettres aussi le 27 mai à Damilaville ; dans l'une il y a « une lettre à M. d'Alembert pour les curieux » et il demande des nouvelles du « paquet de Hollande » sans doute La Philosophie de l'Histoire, et de la « lettre sous l'enveloppe dudit Gaudet ». Page 223 et suivante : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80037z/f228.image.r=.langFR

5 Damilaville était premier commis du vingtième.

6 V*, constamment épié, constamment critiqué et condamné , a dû se résoudre à des stratagèmes qui vont d'une double correspondance à l'utilisation de pseudonymes tous plus étonnants, pour ne pas dire farfelus, les uns que les autres ( dont un M. Ecrlinf ! ); il en jouait et en souffrait à la fois .

27/05/2011

On aimera, on baptisera, on tuera,

"...comme presque tous les hommes d'aujourd'hui malins et médiocres", jusque et y compris des candidats à la présidence de la république .

Dirty Silly Keutard va dépenser trois ans de mon salaire chaque mois pour protéger sa détestable personne ; est-ce bien l'égalité, est-ce bien la fraternité qu'il aurait pronées et défendues ? Permettez-moi d'en douter , permettez-moi de n'en pas croire une syllabe !

Permettez-moi de respecter et admirer ces femmes qui ne se laissent pas faire , qui ont le courage de parler et demander justice pour que l'impunité des soi-disant grands, ne soit plus de mise .

http://www.deezer.com/listen-1554540

 

Mlle Sallé, que l'on nomma "La Vestale"; portrait par Quentin de la Tour

http://www.deezer.com/listen-3700269

Volti la célébra :

 http://www.monsieurdevoltaire.com/article-poesie-pour-le-...

http://www.deezer.com/listen-10325054

http://www.monsieurdevoltaire.com/article-poesie-madrigal...

 http://www.deezer.com/listen-10325057

 

 

 

« A Jean-Baptiste-Nicolas Formont

 

Paris ce 29 mai 1732

 

Je viens de mander à notre cher Cideville combien je suis fâché de n'avoir pu faire succéder l'abbé Linant à Thieriot 1. La dame du logis prétend que puisqu'elle m'a pour rien, elle doit avoir tout gratis , et regarde Thieriot comme quelqu'un dont elle hérite douze cents livres de rente viagère 2. Elle pense que tout jeune homme à qui elle ferait une pension la quitterait sur le champ pour Mlle Sallé . Je suis véritablement affligé de me voir inutile à l'abbé Linant, car vous l'aimez, et il fait bien des vers 3. J'ai vu un autre abbé 4 qui ne le vaut pas assurément et qui m'a montré de petits vers pour Mme de Formont . Vous logerez celui-là s'il vous plait . Pour moi je ne m'en charge pas . Je ne vous renverrait pas Ériphyle si tôt 5. J'ai tout corrigé . Mais je veux l'oublier, pour la revoir ensuite avec des yeux frais . Il ne faut pas se souvenir de son ouvrage quand on veut le bien juger . J'ai cru même que le meilleur moyen d'oublier la tragédie d'Ériphyle était d'en faire une autre 6. Tout le monde me reproche ici que je ne mets point d'amour dans mes pièces 7. Ils en auront cette fois-ci, je vous jure, et ce ne sera pas de la galanterie . Je veux qu'il n'y ait rien de si turc, de si chrétien, de si amoureux, de si tendre, de si furieux que ce que je versifie à présent pour leur plaire . J'ai déjà l'honneur d'en avoir fait un acte . Ou je suis fort trompé, ou ce sera la pièce la plus singulière que nous ayons au théâtre . Les noms de Montmorency, de St Louis, de Saladin, de Jésus et de Mahomet s'y trouveront . On y parlera de la Seine et du Jourdain, de Paris et de Jérusalem . On aimera, on baptisera, on tuera, et je vous enverrai l'esquisse dès qu'elle sera brochée .

 

On m'a parlé hier d'une petite pièce bachique du jeune Bernard , poète et homme aimable 8. Dès que je l'aurai je vous l'enverrai . Il paraît ici des couplets contre tout le monde ; mais ils sont assez comme presque tous les hommes d'aujourd'hui malins et médiocres . La fureur de jouer la comédie partout continue toujours, et la fureur de la jouer mal dure toujours aux comédiens français . Nous attendons l'Opéra des cinq ou six sens 9. La musique est de Destouches, les paroles de Roy, qui se cache de peur que son nom ne lui nuise . Nous aurons aussi les Serments indiscrets de Marivaux, où j'espère que je n'entendrai rien 10. Pour les nouvelles du parlement ea cura quietum non me sollicitat 11. Je ne connais et ne veux de ma vie connaître que les belles-lettres et aimer que des personnes comme vous, si par bonheur il s'en rencontre .

 

Adieu, mon cher Monsieur, je vous suis attaché pour toute ma vie .

 

V. »


1 Dans le logement qu'il occupait chez Mme de Fontaine-Martel .

2 Mme de Fontaine-Martel, qui loge V*, 29 rue des Bons-Enfants, logeait aussi Thieriot et lui versait une rente ; Thieriot s'éprit de Mlle Sallé, danseuse à l'Opéra, et fut alors chassé . http://fr.wikipedia.org/wiki/Marie_Sall%C3%A9

V* écrit à Cideville le 29 mai : « Je crois qu'elle m'a dans sa maison parce que j'ai trente-six [sic ; 38 ans] ans et une trop mauvaise santé pour être amoureux. » ; page 137 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80029b/f142.image.r...

3 V* finira par perdre ses illusions sur l'abbé Linant qui est un parasite paresseux .

4 Sans doute l'abbé Rothelin .

5 Le 10 mai, V* a demandé à Formont, de suspendre l'impression entreprise avec Jore afin de remanier le manuscrit , ainsi qu'à Cideville le 9 mai : page 136 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80029b/f141.image.r...

. Il finira par en tirer Sémiramis une quinzaine d'années plus tard .

6 Zaïre.

7 On joue les pièces de V* sur le théâtre d'amateurs de Mme de Fontaine-Martel . Ériphyle a été jouée à la Comédie-Française sans grand succès en mars et lors de la reprise en avril . La Mort de César fut considérée comme injouable car elle n'offrait aucun rôle aux comédiennes .

8 L’Hymne à Bacchus de Pierre-Joseph Bernard qui fut surnommé Gentil Bernard. Page 188 : http://books.google.fr/books?id=v48GAAAAQAAJ&pg=PA188...

9 Le Ballet des Sens, livret de Pierre-Charles Roy, musique de Mouret, créé à l'Opéra le 5 juin 1732 . http://operabaroque.fr/MOURET_SENS.htm

11 Ce souci ne trouble pas ma quiétude.

26/05/2011

Je me meurs, mon cher Wagnière, il parait bien difficile que je réchappe

Ces lignes sont toujours très poignantes à lire pour moi ; Volti va mourir dans quelques jours, mais son esprit reste clair . Sa lucidité ne lui accorde aucun répit, il va mourir en vivant pleinement consciemment jusqu'au bout .

Sois heureux, Volti ! même mort tu nous parles encore .

Quelques autres morts ...

 

 

Je meurs :  http://www.deezer.com/listen-2748159

 Je meurs d'en vie :   http://www.deezer.com/listen-3770968

 Je vis ... je meurs :   http://www.deezer.com/listen-5518852

 ... Je meurs de soif :   http://www.deezer.com/listen-4424513

 

je me meurs.jpg

 Volti, nous te saluons !

 

 

 

 

« A Jean-Louis Wagnière

 

Je me meurs, mon cher Wagnière, il parait bien difficile que je réchappe . Je suis bien puni de votre départ, d'avoir quitté Ferney 1, et d'avoir pris une maison à Paris 2. J'ai recours à vous pour être payé de M. Schérer, qui est, comme vous savez, le dépositaire de toute ma fortune . J'attends de vous cette consolation dans les inquiétudes mortelles où me plonge mon état . La Barberat 3 a tort d'être fâchée, elle sera bien payée et bien récompensée . La Bardi 4 a le plus grand tort d'être partie ; elle a une maison qu'elle ne devrait pas abandonner, elle serait inutile à Paris .

 

Je vous embrase tendrement, mon cher ami, et tristement .

 

V.

 

Vous a-t-on pas écrit ?5

 

à 3 heures du matin [24 mai 1778] »

 

1 Pierre Morand, par qui il a fait écrire cette lettre, confirme en écrivant à Wagnière : « Il m'a dit plus de vingt fois cette nuit qu'il se repentait d'être venu à Paris, comme il vous le marque . »

2 Achetée, à vie sur sa tête et celle de Mme Denis, rue de Richelieu.

3 Gouvernante à Ferney.

4 Femme d'un employé de V*.

5 Sur la lettre écrite par Mme Denis à Wagnière du 25, celui-ci note : « Pourquoi donc ne m'avez vous pas écrit quand il vous l'avait ordonné ? Pourquoi au contraire défendre expressément que l'on m'écrivît ? Pourquoi retintes-vous la lettre qu'il m'écrivait ? » . Wagnière avait quitté Paris pour Ferney le 29 avril, ayant reçu le 26 pouvoir pour s'occuper des domaines de V*.

25/05/2011

Comptez , quand on a la gloire [pour] soi, que le reste vient tôt ou tard.


Une Catherine ! Sauvage !

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Et puis Asa :

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 ... and C° :

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De la guitare à ... la harpe, il n'y a qu'un saut ... de doigts agiles ...

http://www.youtube.com/watch?v=8Tfoto7sokk

 

 

 

 

 

« A Jean-François de La Harpe

à Paris

 

24è mai 1773

 

Je souhaite que la calomnie ne députe point quelques-uns de ses serpents à la cour pour perdre ce génie naissant, en cas que la cour par hasard entende parler de ses talents . Page 10 de l'épître morale et instructive de Guillaume Vadé 1, etc.

 

Vous voyez, mon cher ami que Guillaume était très instruit qu'il y avait des préjugés contre celui qui a donné quelquefois de si bonnes ailes aux talons de Mercure 2, et dont le génie alarme ceux qui n'en ont pas . J'ai ouï dire que Guillaume Vadé avant sa mort avait essuyé quelques injustices un peu plus fortes, qu'un commentateur avait interprété fort mal ses discours auprès d'un satrape de Perse 3, lorsque Guillaume était à la campagne à quelques lieues d'Ispahan . Mais ce n'est point de cela que Guillaume mourut ; il était accoutumé à tous ces orages, et il en riait . On s'était imaginé qu'il était fort sensible à toutes ces misères, on se trompait beaucoup . Sa nièce, Catherine Vadé, que vous avez connue 4, vous dira qu'il avait le plus profond mépris pour les tracasseries persanes . Il était quelquefois un peu malin, soit quand il écrivait à Nicolas 5, soit quand il écrivait à Flaccus 6 mais il fut très sensible et reconnaissant pour le secrétaire intime de Flaccus 7, lequel avait l'esprit et les grâces de son maître . Il m'a même chargé en mourant de dire à ce secrétaire intime qu'il ne l'oubliait point, quoiqu’il allât boire les eaux du fleuve de l'oubli . Il me recommandait en présence de Catherine sa nièce de vous exhorter à ne point craindre vos envieux, à marcher toujours dans le sentier épineux de la gloire, entre le général d'armée Warwick et le ministre Barmécide 8. Comptez , quand on a la gloire [pour] soi, que le reste vient tôt ou tard. Je pense comme Guillaume, je vous suis très sincèrement dévoué, et j'en prends à témoin Catherine . J'espère trouver l'occasion de vous le prouver ; il y a longtemps que je vous ai dit : macte animo generose puer 9. »

 

1 C'est-à-dire l’Épître dédicatoire des Lois de Minos ; voir lettre à d'Alembert du 27 mars 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/03/27/mon-vieux-cœur-qui-pour-etre-vieux-n-en-est-pas-plus-dur.html

2 La Harpe contribue au Mercure de France .

3 Encore allusion à l’Épître dédicatoire des Lois de Minos à Richelieu et à la réaction qu'elle provoqua ; voir lettre à d'Alembert du 19 mai : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/05/11/mon-degout-pour-tout-ce-qui-n-est-que-vanite-faux-air-affect.html#more

4 Pour ces noms, voir par exemple le titre du Pauvre Diable, 1758, 

: « ouvrage ... de feu M. Vadé, mis en lumière par Catherine Vadé, sa cousine ... » http://www.voltaire-integral.com/Html/10/24_Pauvre.html;

voir aussi les Contes en vers (lettres et notes du début de 1764) : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113266/f3.image

; le Discours aux Welches : http://www.voltaire-integral.com/Html/25/12_Welches.html

6 Allusion à l’Épître à Horace ; http://www.theatre-classique.fr/pages/theorie/VOLTAIRE_EP...

9 Haut les cœurs, noble enfant .

 

 

24/05/2011

si j'ai fait des romans j'en demande pardon à Dieu ; mais tout au moins je n'y ai jamais mis mon nom, pas plus qu'à mes autres sottises

 

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 http://www.deezer.com/listen-1077754

http://www.deezer.com/listen-1077749

http://www.deezer.com/listen-1077733

 

 

 

« A Charles-Joseph Panckoucke

 

Aux Délices 24 mai 1764

 

Vous me mandez, Monsieur, que vous imprimez mes romans 1, et je vous réponds que si j'ai fait des romans j'en demande pardon à Dieu ; mais tout au moins je n'y ai jamais mis mon nom, pas plus qu'à mes autres sottises ; on n'a jamais, Dieu merci, rien vu de moi contresigné et paraphé Cortiat secrétaire 2 etc. Vous me dites que vous ornerez votre édition de culs-de-lampe : remerciez Dieu, Monsieur, de ce qu’Antoine Vadé n'est plus au monde ; il vous appellerai Welche sans difficulté, et vous prouverait qu'un ornement, un fleuron, un petit cartouche, une petite vignette ne ressemble ni à un cul ni à une lampe 3.

 

Vous me proposez la paix avec maître Aliboron dit Fréron, et vous me dites que c'est vous qui voulez bien lui faire sa litière . Vous ajoutez qu'il m'a toujours estimé , et qu'il m'a toujours outragé 4. Vraiment voilà un bon petit caractère ! C'est-à-dire que quand il dira du bien de quelqu'un, on peut compter qu'il le méprise . Vous voyez bien qu'il n'a pu faire de moi qu'un ingrat et qu'il n'est guère possible que j'aie pour lui les sentiments dont vous dites qu'il m'honore . Paix en terre aux hommes de bonne volonté 5; mais vous m'apprenez que maître Aliboron a toujours été de volonté très maligne . Je n'ai jamais lu son Année Littéraire . Je vous en crois seulement sur votre parole .

 

Pour vous, Monsieur, je vois que vous êtes de la meilleure volonté du monde, et je suis très persuadé que vous n'avez imprimé contre moi rien que de fort plaisant pour réjouir la cour 6; ainsi je suis très pacifiquement, Monsieur, votre etc. 7»


1 Panckoucke a écrit à V* que « quoiqu'il eût acquis ... par la cession de M. Lambert le droit de réimprimer le recueil de ses romans , il croyait devoir lui en demander la permission ».

2 Formule utilisée dans l'Instruction pastorale ... de Jean-Georges Lefranc de Pompignan ; le nom du secrétaire était Cortial .

3 Cf. la parole prêtée à « feu Antoine Vadé » au début du Supplément du Discours aux Welches : « un cul-de-sac, et tous les termes vulgaires qui défigurent une langue, me donnent un mortel chagrin. » Cf. aussi le Discours aux Welches .

4 Panckoucke a écrit : « Personne n'a de vous une si haute estime ... Quand il lit vos ouvrages immortels, il est obligé ensuite de se déchirer les flancs pour en dire le mal qu’il ne pense pas ...si vous daigniez prendre confiance en moi, vous verriez ... que celui que vous regardez comme votre plus cruel ennemi, que vous traitez ainsi deviendrait de votre admirateur secret, votre admirateur public. »

5 Évangile de Luc .

6 Panckoucke imprimait L’Année littéraire de Fréron .

7 La lettre de Panckoucke et la réponse de V* seront publiées . Panckoucke fera paraitre un démenti dans L'Année littéraire et dans L’Avant-coureur du 23 juillet : « Je déclare que je ne suis point l'auteur de cette lettre telle qu'elle est ; et j'en appelle au propre témoignage de M. de Voltaire ... » V* de son côté écrira à Damilaville le 6 août : « Ce que j'ai ... de meilleur à faire ... c'est de vous envoyer l'original de la lettre de Panckoucke . Vous verrez qu'on ne l'a point falsifiée, et qu'on en a simplement retranché des choses fort inutiles. »