18/04/2011
Il est beau à Votre Majesté d'avoir fait le panégyrique d'un cordonnier dans un temps où depuis l'Elbe jusqu'au Rhin les peuples vont nu-pieds
Point de lettre en date du 18 avril, inédite, à mettre sous le museau du mulot . Tant pis, celle-ci, du 22 mars me convient .
http://www.deezer.com/listen-299072
http://www.deezer.com/listen-277405
http://www.deezer.com/listen-7271030
« A Frédéric II, roi de Prusse
Au château de Tournay par Genève,
ce 22 mars 1759
Je vous le dirai jusqu'à la mort, content ou mécontent de Votre Majesté, vous êtes le plus rare homme que la nature ait jamais formé . Vous pleurez d'un œil et vous riez de l'autre ; vous donnez des batailles, vous faites des élégies ; vous enseignez les peuples et les rois ; vous faites en noble satirique le procès de la satire, et enfin en faisant marcher cent soixante mille hommes vous donnez l'immortalité à Jacques Mathieu Reinhart, maitre cordonnier i. On croirait d'abord sur le titre de cette oraison funèbre que votre ouvrage ne va pas à la cheville du pied ; mais quand on le lit avec un peu de réflexion, on voit bien que vous jouez plus d'un trône et plus d'un autel par dessous la jambe . Je voudrais avoir été un des garçons de Mathieu Reinhart ; mais comme à vos yeux tous les hommes sont égaux, j'aime autant faire des vers que des souliers . Il est beau à Votre Majesté d'avoir fait le panégyrique d'un cordonnier dans un temps où depuis l'Elbe jusqu'au Rhin les peuples vont nu-pieds . C'est bien dommage que maître Reinhart n'ait pas fait des bottes, ou que vous ayez oublié ce grand article dans son oraison funèbre . Un héros toujours en bottes comme vous aurait bien dû faire un chapitre des bottes , comme Montaigne ii; rien n’eût été plus à sa place .
Quelques talons rouges de Versailles se plaignent que vous n'ayez pas fait mention d'eux dans le panégyrique de cet immortel cordonnier ; ils disent qu'ayant vu leurs talons, vous deviez bien en parler un peu .
Je suis très édifié de la piété de Mathieu Reinhart qui ne voulait lire que l'Apocalypse et les prophètes . Certainement , il aurait chaussé gratis les auteurs de ces beaux livres ; car il est à croire que ces messieurs n'avaient pas de chausses . Le discours sur les satiriques iii est très beau et très juste ; mais permettez-moi de dire à Votre Majesté que ce ne sont pas toujours des gredins obscurs qui combattent avec la plume ; vous n'ignorez pas que c'est un des chefs du bureau des affaires étrangères qui a fait les Lettres d'un Hollandais iv. Votre Majesté connait les auteurs des invectives imprimées en Allemagne ; elle a vu ce qu'avait écrit milord Tyrconnel v.
C'est l'évêque du Puy vi qui avec un abbé de condition nommé Caveirac vient donner l'apologie de la révocation de l’Édit de Nantes vii, livre dans lequel on parle de votre personne avec autant d'indécence, de fausseté et de malignité que de vos Mémoires de Brandenbourg viii. Vous forcerez vos ennemis à la paix par vos victoires et au silence par votre philosophie . La postérité ne juge point sur les factums des parties ; elle juge, comme Votre Majesté le dit très bien, sur les faits avérés par l'histoire de mon siècle ; ce sera un grand honneur pour moi, et une grande preuve de vérité, si dans ce que j'oserai avancer, je me rencontre avec ce que Votre Majesté daignera certifier . La voix dans le désert annonçait qui vous savez ; et quoiqu'on ne soit pas digne de chausser certaines gens, cependant on est précurseur .
Je ne peux écrire de ma main, parce qu'il fait un vent de bise qui me tue, et que d'ailleurs je ne veux pas que les housards connaissent mon écriture . Si vous aviez connu mon cœur, j'aurais vécu auprès de vous sans m’embarrasser des housards.
A vos pieds avec un profond respect .
V. »
i Panégyrique du sieur Jacques Mathieu Reinhart, maitre cordonnier, prononcé le 13è mois de l'an 2899 dans la ville de L’Imagination, par Pierre Mortier, diacre de la cathédrale, avec permission de monseigneur l'archevêque de Bonsens , 1759, de Frédéric. Page 93 : http://books.google.fr/books?id=baNBAAAAYAAJ&pg=RA3-P...
ii Le chapitre de Montaigne est « Des Boiteux » ; page 1 : http://books.google.fr/books?id=jzpGAAAAcAAJ&pg=PA1&a...
iii Discours sur les satiriques, 1759, de Frédéric . Page 691 : http://books.google.fr/books?id=Kdlm5NC_eTgC&pg=PA698...
iv Jacob-Nicolas Moreau, avocat, ne semble pas avoir rempli ses fonctions aux Affaires étrangères ; voir lettre du 19 février 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/02/20/s...
; le 24 février, d’Alembert avait écrit que Moreau était « pensionné de la cour pour ses Lettres hollandaises » ; page 221 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f5.image.r=....
v V* évoque-t-il le fait qu'il attribue à Tyrconnel, envoyé de France en Prusse, ce pamphlet Idée de la personne, de la manière de vivre et de la cour du roi de Prusse, 1753 . En septembre 1753, V* attribuait ceci à La Beaumelle alors qu'on l'attribuait à V*. Page 362 : http://books.google.fr/books?id=BfRq68poYGoC&pg=PA362...
23:44 | Lien permanent | Commentaires (0)
toutes les querelles de cette espèce ont commencé par des gens oisifs et qui étaient à leur aise ; quand la populace se mêle de raisonner, tout est perdu
Note rédigée et mise en ligne le 12 juin 2011 .
« A Etienne-Noël Damilaville
1 avril 1766
Le Philosophe sans le savoir 1, mon cher ami , n'est pas à la vérité une pièce faite pour être relue, mais bien pour être rejouée . Jamais pièce, à mon gré, n'a dû favoriser davantage le jeu des acteurs, et il faut que l'auteur ait une parfaite connaissance de ce qui doit plaire sur le théâtre, mais on ne relit que les ouvrages remplis de belles tirades, de sentences ingénieuses et vraies, en un mot que des choses éloquentes et intéressantes .
Je crois que nous ne nous entendons pas sur l'article du peuple que vous croyez digne d'être instruit 2. J'entends par peuple la populace qui n'a que ses bras pour vivre . Je doute que cet ordre de citoyens ait jamais le temps ou la capacité de s'instruire, ils mourraient de faim avant de devenir philosophes, il me parait important qu’il y ait des gueux ignorants . Si vous faisiez valoir comme moi une terre, et si vous aviez des charrues vous seriez bien de mon avis, ce n'est pas le manœuvre qu'il faut instruire, c'est le bon bourgeois, c'est l'habitant des villes, cette entreprise est assez forte et assez grande . Il est vrai que Confucius a dit qu'il avait connu des gens incapables de sciences, mais aucun incapable de vertu ; mais il ne doit pas perdre son temps à examiner qui avait raison de Nestorius ou de Cyrille, d'Eusèbe ou d'Athanase, de Jansénius ou de Molina, de Zwingle ou Œcolampade, et plût à Dieu qu'il n'y eût jamais eu de guerre de religion, nous n'aurions jamais eu de St Barthélémy, toutes les querelles de cette espèce ont commencé par des gens oisifs et qui étaient à leur aise ; quand la populace se mêle de raisonner, tout est perdu . Je suis de l'avis de ceux qui veulent faire de bons laboureurs des enfants trouvés 3, au lieu d'en faire des théologiens ; au reste, il faudrait un livre pour approfondir cette question, et j'ai à peine le temps, mon cher ami, de vous écrire une petite lettre .
Je vous prie de vouloir bien me faire un plaisir, c'est d'envoyer l'édition complète de Cramer à M. de La Harpe ; ce n'est pas qu'assurément je prétende lui donner des modèles de tragédies ; mais je suis bien aise de lui montrer quelques petites attentions dans son malheur 4 en cas que je ne lui aie pas déjà fait ce présent, car il me vient un scrupule en vous écrivant . Gardez donc l'exemplaire, mon cher ami, jusqu'à ce que je sois instruit s'il en a eu de ma part .
Je suis beaucoup plus inquiet du mémoire pour les Sirven 5, je vous supplie de m'en dire des nouvelles . Je vais faire retirer les lettres pour M. d'Alembert 6, qui probablement ne pourront partir que vendredi prochain 4 avril . J'ai été si malade que je n'ai pu vous écrire la poste dernière .
Je n'ai point reçu le panégyrique fait par M. Thomas 7. Surement on fait examiner secrètement le Dictionnaire des sciences 8, puisqu'il n'est pas encore délivré aux souscripteurs . Mais qui sont les examinateurs en état d'en rendre un compte fidèle ? Faudrait-il qu'un scrupule mal fondé ou la malignité d'un pédant fit perdre aux souscripteurs leur argent, et aux libraires leurs avances ? J’aimerais autant refuser le paiement d'une lettre de change, sous prétexte qu'on en pourrait abuser .
J'attends toujours quelque chose de Fréret 9. on dit que ma nièce de Florian passera son temps bien agréablement à Hornoy ; vous irez la voir, elle est bien heureuse . Adieu, mon très cher ami .
Je vous prie de me dire s'il y a eu en effet une troisième remontrance du parlement de Paris sur les affaires du parlement de Bretagne 10; je ne le crois pas, cela serait bien peu convenable . »
1 De Sedaine ; http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Philosophe_sans_le_savoir
Et voir lettre du 14 décembre 1765 aux d'Argental: http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/12/13/j...
2 V* reviendra sur cette question le 13 avril : « Le bas peuple en vaudra certainement mieux quand les principaux citoyens cultiveront la sagesse et le vertu... » ; voir page 392 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80037z/f397.image.r...
3 Idée du physiocrate François-Thomas Moreau de La Rochette, auquel V* écrira le 1er juin : « Il est vrai que j'avais fort applaudi à l'idée de rendre les enfants trouvés et ceux des pauvres utiles à l’État et à eux-mêmes . J'avais dessein d'en faire venir quelques uns chez moi pour les élever. » Moreau de La Rochette , inspecteur des pépinières royales, fit planter près de Melun une grande pépinière modèle où travaillaient des enfants trouvés.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Thomas_Moreau_...
http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnair...
4 La tragédie de La Harpe, Gustave Vasa, jouée le 3 mars 1766, fut un échec. Le 12 mars, à Damilaville : « Je plains ce pauvre La Harpe ... » ; page 378 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80037z/f383.image.r...
Le 12 mai, à d'Argental : « La Harpe n'a pas pu trouver cinquante (écus d'un libraire ) pour son beau Gustave Vasa » ; page 405 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80037z/f410.image.r...
6Cette phrase est éclairée par la lettre du 5 à d'Alembert : « J'avais ordonné ... qu'on retirât toutes (les lettres) qui vous seraient adressées d'Italie . Je n'ai trouvé que celle-là dans mon paquet ( qu'il a décachetée par erreur et qu'il lui envoie ) »
7 Éloge de feu mgr le dauphin de France, 1766 . V* l'a reçu le 4 avril et il écrira le Petit commentaire sur l'éloge du dauphin de France par M. Thomas, ce qui n'est pas une critique ; voir page 237 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800238/f242.tableDe...
9 Examen critique des apologistes de la religion chrétienne, 1766 : http://www.archive.org/stream/examencritiquede00fruoft#pa...
Sur l'exemplaire que possédait V*, il a écrit : « Je ne crois pas que ce livre soit de M. Fréret, il est très dangereux pour la foi. » La copie de la lettre qui a été conservée porte « quelques choses ».
10 Dans son lit de justice du 3 mars, Louis XV avait affirmé l'autorité royale ; son discours fut publié sous le titre Réponse faite par le roi, tenant son parlement de paris, le 3 mars 1766, aux remontrances de ladite cour suprême sur ce qui s'est passé à Pau et en Bretagne, et V* en fit l'éloge à ses correspondants . Le parlement de Paris soutenait contre le duc d'Aiguillon, représentant du roi, (et contre le roi) le parlement de Bretagne et son procureur général La Chalotais, alors emprisonné . Voir lettre aux d'Argental du 27 novembre 1765 : page 306 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80037z/f311.image.r...
Après le lit de justice le parlement de Paris ne dit mot .
06:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
17/04/2011
Ce sang innocent crie, mon cher ange, et moi je crie aussi ; et je crierai jusqu'à ma mort
Permettez-moi de vous inviter à faire un don , de vous-même, très exactement, un peu de votre sang et de votre temps .
Rendez-vous à Gex le lundi 18 avril pour ceux qui vivent dans le pays de Gex ou alors renseignez vous grâce à ce lien :
http://www.dondusang.net/rewrite/site/37/etablissement-francais-du-sang.htm?idRubrique=756
Voir aussi le lien ci joint dans le rubrique "J'y tiens et vous y viendrez"
http://www.deezer.com/listen-7246038 An innocent man !
http://www.acupoftim.com/article-16029409.html
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
16è avril 1775
Mon cher ange, je reçois votre lettre du 10è avril . Mme de Luchet n'est plus que garde-malade i. Vous l'avez vue marquise très plaisante, et très amusante, mais les mines de son mari ont un peu allongé la sienne ii. Ce mari est à la vérité un homme de condition, plus marquis que le marquis de Florian ; mais il a bien plus mal fait ses affaires que Florian . Il est actuellement à Chambéry, et ni lui ni sa femme ne m'ont pleinement instruit de leur désastre . Il y a dans toutes les confessions un péché qu'on n'avoue pas .
J'avais cru longtemps que la maladie de Mme Denis n'était qu'un rhume ordinaire . Nous n'avons été détrompés que depuis le premier jour d'avril . La maladie a été depuis ce temps-là très sérieuse et très inquiétante jusqu'au 16 . Je ne commence à être rassuré que d'aujourd'hui ; nous avons été dans des transes continuelles . Malheureusement je ne suis bon à rien avec mes quatre-vingt et un ans, et ma constitution déplorable ; je ne suis qu'un vieux malade qui en garde un autre, et qui s'acquitte fort mal de cette fonction . Jugez si je suis en état de courir après une soixantaine de vers épars dans une vieille copie mise dès longtemps au rebut, et à moitié brûlée iii. Altri tempi, altri cure iv. La tête me tourne , mon cher ange, de l'affaire de notre jeune homme v. Il est plus sage que moi, il est tranquille sur son sort, et moi je m'en meurs .
Il y a peut-être quelque légère différence entre son mémoire et l'extrait de M. d'Hornoy . Je lui mande qu'il peut aisément corriger ces petites erreurs en deux traits de plume . Mais nous ne fondons point du tout notre consultation sur des interrogatoires faits par des scélérats à des enfants intimidés vi. Nous la fondons principalement sur l'illégalité punissable avec laquelle un procureur marchand de cochons, soi-disant avocat, et déclaré non admissible en cette qualité par un acte juridique de tous les avocats du siège, a osé se porter pour juge dans une affaire criminelle, et verser le sang innocent de la manière la plus barbare . Voila notre grief, ou plutôt le crime que nous dénonçons, et dont nous n'avons que trop de preuves . Pourquoi s'attacher à des minuties quand il s'agit d'un objet si important ?
Ce fait ne se trouve certainement pas dans l'énorme procédure dont M. d'Hornoy a bien voulu faire l'extrait . Il a lu cet extrait à M. le garde des Sceaux vii, mais il ne lui a point parlé du seul objet principal dont il s'agit ; et voilà ce qui arrive dans presque toutes les affaires .
Nous venons de découvrir un mémoire fait en 1766, pour trois coaccusés dans cet infâme procès criminel, mémoire qui ne fut malheureusement imprimé avec la consultation des avocats que quelque temps après l'arrêt du parlement . La consultation est signée par huit avocats, Cellier, d'Outremont, Muyart de Vouglans, Gerbier, Timbergue, Benoît, Turpin, Linguet .
Les moyens de nullité sont très bien discutés dans le mémoire et dans la consultation . C'est dans ce mémoire, pages 16 et 17, qu'il est dit expressément que la compagnie des avocats d’Abbeville s'est opposée par un acte juridique à la réception de notre prétendu avocat, prétendu juge, réellement procureur, et marchand de cochons et de bœufs .
C’est là qu'il est dit que les sentences des consuls d’Abbeville enjoignent à ce procureur marchand, à ce juge aussi infâme que barbare, de produire ses livres de comptes .
Y a-t-il rien de plus monstrueux, mon cher ange ? y a-t-il rien qui doive plus exciter l'indignation du roi et de son garde des Sceaux ? faut-il chercher d'autres preuves de l'injustice la plus horrible, et d'un assassinat plus prémédité ? pourquoi n'en a-t-on pas parlé à M. de Miromesnil ? Hélas ! c'était la seule chose qu'il lui fallait dire . N'est-il pas palpable que ce misérable marchand de bestiaux n'avait été choisi pour assassiner juridiquement d'Etallonde et La Barre, que par la vengeance du conseiller nommé Saucourt qui voulait perdre à quelque prix que ce fût des enfants innocents , et se venger sur eux de trois procès que les pères de ces enfants, et Mme Faydeau de Brou lui avaient fait perdre ?
Ce sang innocent crie, mon cher ange, et moi je crie aussi ; et je crierai jusqu'à ma mort viii. Je crie à vous, je vous dis : vous êtes ami de MM. Target ix et de Beaumont x; parlez-leur, je vous en conjure . Je suis outré, je suis désespéré . Quoi ! Le sage et brave d'Etallonde ne pourra pas trouver en 1775 un avocat, tandis que des enfants accusés des mêmes choses que lui en ont trouvé huit en 1766 ? Cela est affreux, cela est incompréhensible . Il n'y a donc plus ni raison, ni humanité dans le monde ?
Au nom de cette humanité qui est dans votre cœur, parlez à M. Target, dites-lui tout ce que je vous dis. Je vous répète que nous ne voulons point de lettres de grâce, que grâce, de quelque manière qu'elle soit tournée, suppose crime, et que nous n'en avons point commis . De plus grâce exige qu'on la fasse entériner à genoux et c'est ce que nous ne ferons jamais xi. Il n'y a ni l'ombre de la justice, ni de la pitié, ni de la raison dans tout ce qu'on m'a écrit sur cette aventure exécrable .
Comment voulez-vous, mon cher ange, que dans l'effervescence où est l'intérieur de ma pauvre vieille machine, je vous parle à présent de l'édition in-4° de Corneille ? Il y a sans doute beaucoup de choses nouvelles dans les notes, mais ces choses là vous les savez mieux que moi . Vous savez combien les froids raisonnements alambiqués, écrits en style bourgeois, sont impertinents dans une tragédie ; que le boursouflé est encore plus condamnable, que l’impropriété continuelle des expressions est ridicule etc. J'ai fait sentir tous ces défauts dans la nouvelle édition, et j'ai dû le faire ; j'ai dû n'avoir aucune condescendance pour le mauvais goût et pour la mauvaise foi de ceux qui m'avaient fait des reproches trop injustes . J'ai dit enfin la vérité dans toute son étendue, comme elle doit toujours être dite . De Tournes et Panckoucke, qui ont fait cette édition, ne m'en ont donné qu'un seul exemplaire . Si j'en avais deux, il y a longtemps que vous auriez le vôtre .
Je ne puis, mon cher ange, finir ma lettre sans vous dire un mot de l'homme dont j'avais pris le parti , et dont vous me parlez xii. M. de Malesherbes , qui est assurément une belle âme, m'a mandé que c'était ce même homme qui avait déterminé l'arrêt funeste xiii dont l'Europe a eu tant d'horreur, que sans lui les voix auraient été partagées . Je me tais, et je me tairai sur cet homme ; mais cette nouvelle a achevé de m'accabler . Je me jette entre vos bras .
V. »
ii V* se moquera un peu de ce chercheur d'or ; Luchet avait fait de malheureuses spéculations sur des mines d'or .
Voir lettre du 1er mai à d'Argental : page 43 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80042j/f48.image.r=...
et 5 mai à Mme de Saint-Julien : page 45, même adresse .
iii C'est Dom Pèdre , pièce à propos de laquelle il écrivait à d'Argental le 3 avril : page 30 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80042j/f35.image.r=... : «J'ai abandonné totalement dom Pèdre et Duguesclin ... »
Dom Pèdre
voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113232/f242.image
vi C'est-à-dire à Moinel, dont V* proposait d'escamoter le témoignage ; voir lettre du 11 décembre 1774 à Condorcet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2008/12/11/c...
et 30 décembre à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/12/30/f...
viii Daté 30 juin, il va publier Le Cri du sang innocent . http://www.voltaire-integral.com/VOLTAIRE/Crisang.htm
ix Guy-Jean-Baptiste Target : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guy-Jean-Baptiste_Target
xi Vers le 30 avril, V* écrira à Condorcet : « Il manquerait d'ailleurs essentiellement au roi son maître (Frédéric II) et il se déshonorerait s'il allait faire entériner à genoux ces lettres de grâce par ses bourreaux en portant l'habit uniforme des vainqueurs de Rosback ! »
xii Maupéou, dont V* a loué la réforme en 1771 . Plus explicitement, V* le 17 mars écrit à l'abbé Mignot : « ... je ne sais que depuis peu à qui on doit principalement imputer le double assassinat dont la postérité fera justice . C'est à ce même homme qui vous avait installé , à ce même homme qui vous devait tant de récompenses, et qui ne vous en a donné aucune ; à ce même homme dont j'avais pris le parti ; à ce même homme qui est à présent l'exécration de la France ».
05:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
16/04/2011
Que m'importe qu'un auteur tragique ait du génie, si aucune de ses pièces ne peut être représentée en aucun pays du monde
http://www.deezer.com/listen-1502132
« A George Keate
Nandos Coffee house
London
Aux Délices 16 avril 1760
Ce n'est pas, mon cher Monsieur, parce que vous m'écrivez en anglais que je me borne à vous répondre en français, c'est parce que je ne peux écrire , et que je suis obligé de dicter ; je n'ai point encore vu votre compatriote, qui devait m'apporter votre poème i sur Rome ancienne et moderne, soyez sûr que de tous les voyageurs, ce gentilhomme est celui que je désire le plus de voir ; j'attends avec bien de l'impatience le contraste de Rome la grande et de Rome la sainte ; de la Rome des Titus et des Trajan, et celle des papes et des cardinaux ; du Capitole où triompha Paul Émile, et du Capitole où des récollets disent la messe . Vous faites bien de l'honneur à Genève ii, elle ne vaut ni Rome l'ancienne, ni celle d'aujourd'hui ; il s'en faut beaucoup qu'on soit à Genève aussi libre qu'en Angleterre ; c'est un couvent assez ennuyeux, dans lequel il y a des gens de beaucoup d'esprit . Je n'ai choisi ma retraite dans les environs de ce petit pays que pour me consoler de ne pouvoir vivre à Londres . Je ne veux point me brouiller avec vous pour Shakespeare ; je conviens avec vous que la nature avait fait beaucoup pour lui ; elle lui donna tous ses diamants, mais son siècle ne permit pas qu'ils fussent polis . Que m'importe qu'un auteur tragique ait du génie, si aucune de ses pièces ne peut être représentée en aucun pays du monde . Cimabue iii avait du génie pour la peinture, mais ses tableaux ne valent rien ; Lully avait un très grand génie pour la musique, mais personne en Europe ne chante ses airs, excepté nous, encore commençons-nous à en être dégoûtés .
Les jardins d'Alcinoüs iv étaient fort beaux dans leur temps ; aujourd'hui ils composeraient à peine le jardin d'un bon fermier .
Personne ne sent plus que moi les beaux endroits qui se trouvent par-ci par-là dans Shakespeare ; mais je vous dirai avec Pope , que ce n'est pas un nez et un menton qui font un beau visage, et qu'il faut un assemblage régulier .
Si Addison v avait pu mettre plus de chaleur dans son Caton, il eût été mon homme . Vous avez encore un Thomson qui ne fait pas mal des vers, mais son génie était à la glace ; Otway vi était plus chaud, mais on voit un homme qui prend Shakespeare pour son modèle, et qui n'en approche point ; je ne saurais souffrir le mélange du tragique et du bouffon , cela me paraît un monstre . D'ailleurs je ne vous donne pas mon avis comme bon, mais comme mien ; je vous expose mon goût comme Dieu me l'a donné ; nous sommes tous à table, chacun mange et boit ce qu'il lui plaît ; je ne me querellerai pas avec mon voisin s'il aime le bœuf, et moi le mouton .
J'ai fait venir d'Angleterre toutes les œuvres de Middleton vii, j'aime cet homme-là passionnément ; je trouve aussi Warburton viii bien savant, mais je n'ai que ses deux premiers tomes de la Légation de Moïse ; je ne sais comment m'y prendre pour avoir les deux derniers volumes ; je suis bien curieux de savoir comment il s'y prend pour prouver que l'ignorance de l'immortalité de l'âme est une démonstration qu'on est conduit par Dieu même . Il prouvera aisément que les Juifs n'attendaient point une autre vie et qu'ils bornaient toute leur félicité à prêter à usure quand ils pouvaient ; mais il ne prouvera que cela, et on le tiendra quitte du reste .
Adieu, Monsieur, je vous ennuie, mais je vous aime de tout mon cœur .
Your for ever .
V. »
i George Keate : http://fr.wikipedia.org/wiki/George_Keate .
Ancient and modern Rome . A poem . Written at Rome in the year 1755, 1760 .
ii En écrivant A short account of the ancient history, present government and laws of the Republic of Geneva, 1761 .
iv Alcinoüs : http://fr.wikipedia.org/wiki/Alcinoos
v Joseph Addison : http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Addison
vi Thomas Otway : http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Otway
vii Thomas Middleton : http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Middleton
viii William Warburton : http://fr.wikipedia.org/wiki/William_Warburton
Nando's coffe house , see Round St Paul's in :
05:15 | Lien permanent | Commentaires (0)
15/04/2011
je vous prie de me faire canoniser au plus vite : cela ne coûtera que cent mille écus
L'amour vache ?
Auréoles sans taches :
http://www.deezer.com/listen-1580503
http://www.deezer.com/listen-7154800
http://www.deezer.com/listen-2843110
« A Frédéric II, roi de Prusse
A Ferney, 27 avril [1770]
Sire,
Quand vous étiez malade je l'étais bien aussi, et je faisais même tout comme vous de la prose et des vers, à cela près que mes vers et ma prose ne valaient pas grand-chose ; je conclus que j’étais fait pour vivre et mourir auprès de vous, et qu’il y a eu du malentendu si cela n'est pas arrivé .
Me voila capucin pendant que vous êtes jésuite i, c'est encore une raison de plus qui devait me retenir à Berlin ; cependant on dit que frère Ganganelli a condamné mes œuvres ii, ou du moins celles que les libraires vendent sous mon nom .
Je vais écrire à Sa Sainteté que je suis très bon catholique, et que je prends Votre Majesté pour mon répondant .
Je ne renonce point du tout à mon auréole ; et comme je suis près de mourir d'une fluxion de poitrine, je vous prie de me faire canoniser au plus vite : cela ne coûtera que cent mille écus iii; c'est marché donné .
Pour vous, Sire, quand il faudra vous canoniser, on s’adressera à Marc-Aurèle . Vos Dialogues iv sont tout à fait dans son goût comme dans ses principes : je ne sais rien de plus utile . Vous avez trouvé le secret d'être le défenseur, le législateur, l'historien et le précepteur de votre royaume ; tout cela est pourtant vrai ; je défie qu'on en dise autant de Moustapha . Vous devriez bien vous arranger pour attraper quelques dépouilles de ce gros cochon : ce serait rendre service au genre humain .
Pendant que l'empire russe et l'empire ottoman se choquent avec un fracas qui retentit jusqu'aux deux bouts du monde, la petite république de Genève est toujours sous les armes ; mon manoir est rempli d'émigrants qui s'y réfugient v. La ville de Jean Calvin n'est pas édifiante pour le moment présent .
Je n'ai jamais vu tant de neige et tant de sottises . Je ne verrai bientôt rien de tout cela, car je me meurs .
Daignez recevoir la bénédiction de frère François et m'envoyer celle de saint Ignace .
Restez un héros sur la terre, et n'abandonnez pas absolument la mémoire d'un homme dont l'âme a toujours été aux pieds de la vôtre . »
i Le 6 avril, Frédéric lui écrit : « ... j'apprends que les capucins vous ont choisi pour leur protecteur .. je ne vous le cède pas car les jésuites m'ont pris pour le leur, et si je les soutiens chez moi, St Ignace et St Xavier n'ont qu'à trembler que je ne fourre dans leur niche que St Voltaire et St Frédéric » .
V* dit dans le Précis du siècle de Louis XV que Frédéric a accueilli les jésuites chassés des autres pays parce qu'il les jugeait utiles à l'enseignement des belles lettres et qu'il était assez puissant pour ne pas les redouter . Voir fin du chapitre XXXIII : http://www.voltaire-integral.com/Html/15/12PRECFI.html#i39
iii Voir sa Canonisation de Saint Cucufin . http://fr.wikipedia.org/wiki/Saint_Cucufin
Page 255 et suivantes : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5781462p/f268.image...
iv Dialogue de morale à l'usage de la jeune noblesse, envoyé le 6 avril à V* . Voir page 158 : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-201476&...
v Voir lettre à Hennin du 11 mars : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/03/11/v... à Sébastien Dupont du 30 mars : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/03/28/o... et du 9 avril à la duchesse de Choiseul : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/04/10/je-me-jette-a-vos-gros-et-grands-pieds.html#more
05:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
14/04/2011
j'ai toujours détesté et méprisé des monstres noirs et insolents, ennemis de la raison et du roi
A tous ceux que certains mariages princiers à venir intéressent et qui se demandent pourquoi ceux-là ont choisi de s'unir, Volti donne cette réponse ( à mettre au pluriel) : "Ce mariage-là n'est pas tout à fait selon les canons, mais il est selon la nature dont les lois sont plus anciennes que le concile de Trente . "
http://www.deezer.com/listen-5189118
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
1er avril 1772
Mon cher ange a sans doute reçu la lettre écrite au quinque i, et je ne puis rien ajouter au verbiage de M. du Roncel ii. Vraiment je vous enverrai tant de neuvièmes iii que vous voudrez, mais comment, et par où ? Les clameurs commencent à s'élever iv, et il y a des personnes qui n'osent pas voyager . Si vous ne trouvez pas une voie, vous qui habitez la superbe ville de Paris, comment voulez-vous que j'en trouve, moi qui suis chez les antipodes dans un désert entouré de précipices ?
Vous m'avez ôté un poids de quatre cents livres qui pesait sur mon cœur, en me disant que M. d'Albe v avait toujours de la bonté pour moi . Mais ce n'est pas assez, et je mourrai certainement d'une apoplexie foudroyante s'il n'est pas persuadé de mon inviolable attachement, et de la reconnaissance la plus vive que ce cœur oppressé lui conserve . L'idée qu'il en peut douter me désespère . Je l'aime comme je l'ai toujours aimé vi, et autant que j'ai toujours détesté et méprisé des monstres noirs et insolents, ennemis de la raison et du roi vii.
Florian viii qui pleurait ma nièce, et qui est venu chez moi toujours pleurant, a trouvé dans la maison une petite calviniste assez aimable et au bout de quinze jours il est allé se faire marier vers le lac de Constance par un ministre luthérien ix. Ce mariage-là n'est pas tout à fait selon les canons, mais il est selon la nature dont les lois sont plus anciennes que le concile de Trente .
Est-il vrai que M. le duc de La Vrillière se retire ? J'en serais fâché x, il m'a témoigné en dernier lieu les plus grandes bontés . Ayez celle de me mander si vous voyez déjà des arbres verts aux Tuileries, des fenêtres de votre palais . Je me mets de ma chaumière au bout des ailes de mes anges, avec effusion de cœur . »
i V*, dans des lettres précédentes parlait d'un quatuor d'experts en théâtre : les d'Argental, Thibouville et sans doute Chauvelin ; s'y ajoute alors Praslin (exilé à Praslin) ou Pont-de-Veyle, frère de d'Argental.
ii Le « jeune avocat du Roncel », auteur prétendu des Lois de Minos . http://www.voltaire-integral.com/Html/07/04MINOS.html
iv Le 26 mars, le Consistoire de Genève a décidé de prendre des mesures contre la publication des Questions sur l'Encyclopédie .
vi Sur ses relations avec Choiseul depuis sa disgrâce, voir lettres aux d'Argental, à la duchesse de Choiseul, à Mme du Deffand, à La Ponce depuis janvier 1771.
Sur les « doutes » des Choiseul, voir le passage d'une lettre de la duchesse cité dans une note de la lettre à de La Ponce de mars 1771 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/03/10/un-moment-a-tout-detruit-nous-n-avons-a-present-qu-une-persp.html
vii L'ancien parlement de Paris ; V* approuvant la réforme Maupéou, ce qu'admettent difficilement les Choiseul et leurs alliés .
ix Florian épousa Mme Rilliet, divorcée d'un huguenot, huguenote . V* le 28 janvier, avait écrit au cardinal de Bernis pour lui faire demander une permission au pape : il promettait la conversion de la jeune femme ... après la mariage ; la requête ne fut pas agréée .Voir page 402 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80040v/f407.image.r=.langFR
05:07 | Lien permanent | Commentaires (0)
13/04/2011
Le plus grand malheur qui puisse arriver à un honnête homme est d'être soupçonné
"il n’y a que le diable qui ne pardonne point"
http://www.deezer.com/listen-7413237 Comprenne qui peut !
Ce qui ne m'étonne pas du tout !
Combien sont des diables pour leurs semblables ?
Quand je lis des énormités pareilles à celle qui figure ci-dessus , je suis partagé entre le rire et une énorme frustration , celle de ne pas donner un énorme électrochoc du pauvre (coup de pied occulte !! ) à ceux qui croient de telles coïonneries .
Le messager de Dieu, - selon Jaber (qui le tient du fils de la concierge du cousin de la tante à Jules ! )- a l'air d'avoir été assez intime avec le chef des diables pour avoir été à sa table, et assez mauvais invité pour critiquer celui qui le recevait . D'abord ce n'est pas beau de rapporter ! Na !!
Mouslim (La Purée pour les intimes) , fidèle d'entre les fidèles, intégriste parmi les intégristes, borné et crédule, intolérant, peut donc devenir manchot, à condition que ce soit du bras gauche . Sinon, la privation du bras droit le condamne inexorablement à la mort de faim et soif . Dommage ?! Ou pas ?
Continuez, chers frères musulmans, à vivre dans la crainte de déplaire à Mohamed ,- susdit scribe de Dieu,- la peur au ventre et le front à terre . Il aurait été plus simple, -mais la simplicité peut-elle exister dans une quelconque religion-, d'avouer que traditionnellement une grande part des habitants de ce monde , y compris arabe, se torche traditionnellement les fesses avec les doigts de la main gauche, d'où, pour question de salubrité, la prescription de l'usage de la main droite seule pour s'alimenter .
Dieu vous garde, s'il le veut bien encore !
Je ne vous envierai jamais, et au diable votre paradis qu'on ne gagne que par l'esclavage de la pensée et du corps .
Ecoutez attentivement cet homme aimant et aimable, Charles Trenet , qui sera mal vu par l'Eglise apostolique et romaine (et qui serait peut-être lapidé en monde musulman ? ) ! il chante et ne condamne pas ! il chante : "Pardon" : http://www.deezer.com/listen-3588621 et aussi : "Je n'irai pas à Notre Dame" : http://www.deezer.com/listen-3588619
Moi, roumi de base, je garde l'usage de tous mes membres pour tout ce que Dieu a prévu dès l'origine, sans distinguo de latéralité ; in medio stat virtus .
« A Etienne-Noël Damilaville
1er avril 1768
Mon cher ami, je reçois votre lettre du 26 mars. Votre sensibilité me pénètre. L'aventure de La Harpe a des suites bien désagréables . Malheur à la célébrité ! On a mis contre lui et contre moi dans la Gazette d'Utrecht un article abominable i. Cela est fait par quelques-uns de ces polissons de Paris qui sont aux gages des gazetiers étrangers , et qui leur fournissent des calomnies contre les particuliers , ne sachant pas un mot des affaires publiques . On dit dans cette Gazette d’Utrecht du 11 mars que La Harpe m'a volé Le Catéchumène et l'a fait imprimer . C'est là une des moindres douceurs de cet article . Je suis tous les jours en butte aux plus affreuses calomnies . Vous savez bien de qui est ce Catéchumène ii. C'est un ouvrage très médiocre dans lequel il y a quelques plaisanteries ; c'est une viande au gros sel . Peut-on supporter un voyageur qui est étonné de voir un temple, et qui est tout surpris que ce temple ait des portes qu'on ouvre et qu'on ferme ? Cependant on ose m'attribuer cent ouvrages dans ce goût, et enfin je puis en être la victime .
Le baron d'Holbach fait venir tous ces rogatons de Hollande . On ne manque pas chez lui de me les imputer et ces bruits courent dans tout Paris . Vous allez quelquefois dans sa maison ; je me recommande à vous, et je vous supplie de détourner les coups qu'on m'y porte .
Le correspondant qui m'a fait votre éloge iii, dont vous êtes si content, ne serait pas lui-même en état de me sauver si l'imposture m'attaquait avec des armes contre lesquelles il n'y a point de bouclier .
Vous me mandâtes il y a près d'un mois qu'on avait dit que chez le baron d'Holbach ma lettre à mon neveu sur La Harpe avait été lue devant vingt personnes . Il est vrai qu'on l'a dit, mais il est vrai aussi que jamais cette lettre n'y a été lue .
Comptez que le public ne fait que mentir . Comptez encore qu'il n'y a pas un mot de vrai dans la prétendue histoire de L’Honnête criminel, puisque Favre lui-même m'a écrit, m'a envoyé le procès-verbal, m'a prié d'envoyer un placet à M. le comte de Beauvau et qu'assurément je suis plus instruit que personne de cette affaire iv. Comptez que je sais très bien ce qui se passe . Comptez surtout qu'on est très irrité contre ces misérables brochures dont on est inondé . Le plus grand malheur qui puisse arriver à un honnête homme est d'être soupçonné et que les seuls soupçons peuvent conduire aux extrémités les plus funestes .
La Harpe m'a fait bien du mal v, mais il m'en a demandé pardon ; il m'a tout avoué avec componction ; il n’y a que le diable qui ne pardonne point . J'ai dû le gronder, mais je ne dois point le laisser en proie aux outrages qu'on lui fait dans les gazettes vi.
Adieu, mon très cher ami, la vertu et votre amitié me consolent de tout .
Je ne vois pas ce que la calomnie peut m'imputer sur Mme Denis . Je lui donne vingt mille francs de pension . Je lui en ai assuré trente-cinq mille . La petite Corneille a eu plus de quarante mille écus en mariage . Si on vend Ferney, tout le prix de la terre sera pour Mme Denis . J'ai donné à mes autres parents tout ce que j'ai pu . J'en suis fâché pour la calomnie . »
i Dans une « Nouvelle de Paris » , datée du 11 mars, parue dans la Gazette du 18 ; V* protestera dans Le Mercure de France et La Harpe dans L'Avant-Coureur .
iv En transmettant aux éditeurs de Kehl une lettre de V* du 11 avril,
voir page 95 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80039n/f100.image.r=.langFR
Fenouillot de Falbaire n'écrira pas la même chose à propos de l'histoire « du jeune Fabre »;
et voir lettre du 2 mars 1768 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/03/02/i...
05:05 | Lien permanent | Commentaires (0)