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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

avant ma mort, j’aurai la funeste consolation de rendre les persécuteurs exécrables

... Et ce serait extraordinaire si cela les faisait disparaitre de la surface de notre globe *.

NDLR - En toute modestie .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

29 décembre [1766} , à midi

Je vous ai déjà écrit ce matin 1, mon cher ange, à vous seul comme toutes les précédentes.

Il n’est plus question de faveur , ce nouveau mémoire que j’envoie à monsieur le vice-chancelier 2, et dont voici la copie, doit convaincre que nous ne demandons que la plus exacte justice.

Si on saisit l’équipage de Mme Denis, si on lui fait racheter son carrosse et ses chevaux pour avoir introduit dans le royaume des livres abominables, elle est déshonorée dans la province et ne peut plus y rester. Il serait horrible qu’un commis de bureau fût récompensé pour avoir prévariqué 3, et qu’une femme qui mérite de la considération fût flétrie . Il ne lui resterait que d’aller m’enterrer dans les pays étrangers . Mais avant ma mort, j’aurai la funeste consolation de rendre les persécuteurs exécrables.

Il ne s’agit au bout du compte que de colportage, et ni madame Denis, ni moi, ne pouvons être des colporteurs. Je sais bien qu’en France, sur un simple soupçon souvent absurde, on peut perdre un honnête homme , et même un homme qui mérite des ménagements. Encore une fois, mon cher ange, voici le mémoire sur lequel il faut insister.

Mais le point préalable, le point nécessaire, c’est de faire chasser sans délai le nommé Jeannin, contrôleur du bureau de Saconnex, près de Genève, et de s’adresser pour cela à M. de Courteilles ou à qui vous jugerez à propos . C’est ce que je vous dis dans une autre lettre du 29, sous le couvert de M. le duc de Praslin.

Pardon de tant de lettres, mais on ne peut s’expliquer qu’avec des paroles.

Comptez que ma douleur n’est pas le plus vif de mes sentiments. »

2 Ce mémoire n'est pas connu, mais on possède « l'addition » qui y est jointe le 11 janvier 1767 . On la trouve en note de la lettre du 7 janvier 1767 à d'Argental « Addition au mémoire envoyé à Mgr le vice-chancelier le 29è décembre 1766 par la dame Denis de Ferney au sujet de la saisie de son équipage à Collonges », signé et daté de la main de V* qui ajoute en marge : « Nota qu'ils n'avaient point de droit de visiter puisque le plomb n'est mis que pour assurer qu'on ne mettra point d'autres effets, et que le tout sera visité à l'arrivée à la douane. »

Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/04/correspondance-annee-1767-partie-3.html

3 Exemple frappant de la façon dont V* peut juger les gens en fonction de ses rapports avec eux .

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02/04/2022 | Lien permanent

toutes ces misères ne troublent pas plus mon repos que la lecture de l'Alcoran ou celle des Pères de l'Église

 

 

 

« A Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

[vers le] 5 novembre 1764 aux Délices

 

Madame l'ange est suppliée d'être l'arbitre entre M. de Foncemagne et moi [i] ; si elle me condamne je me tiens pour très bien condamné [ii]. Je sais bien que j'ai affaire à forte partie, car c'est plutôt contre Mme la duchesse d'Aiguillon et M. le maréchal de Richelieu que contre M. de Foncemagne que je plaide [iii]. Il me semble que le procès est assez curieux.

 

Quant au portatif je ne plaide point et je décline toute juridiction. Il est très avéré que cet ouvrage (horriblement imprimé , quoiqu'il ne l'ait pas été chez les Cramer ) est fait depuis plusieurs années [iv], ce qui est très aisé à voir, puisque à l'article Chaîne des évènements, page 70, il est parlé de soixante mille Russes en Poméranie.

 

Il n'est pas moins certain que la plupart des articles étaient destinés à l'Encyclopédie, par quelques gens de lettres, dont les originaux sont encore entre les mains de Briasson. S'il y a quelques articles de moi, comme Amitié, Amour, Anthropophages, Caractères, la Chine, Fraude, Gloire, Guerre, Lois, Luxe, Vertu, je ne dois répondre en aucune façon des autres. L'ouvrage n'a été imprimé que pour tirer de la misère une famille entière. Il me parait fort bon, fort utile, il détruit les erreurs superstitieuses que j'ai en horreur, et il faut bénir le siècle où nous vivons qu'il se soit trouvé une société de gens de lettres et dans cette société des prêtres qui prêchent le sens commun. Mais enfin je ne dois pas m'approprier ce qui n'est pas de moi [v]. L'empressement très inconsidéré de deux ou trois philosophes de Paris, de donner de la vogue à cet ouvrage au lieu de ne le mettre qu'en des mains sures m'a beaucoup nui. Enfin, la chose a été jusqu'au roi qu'il fallait détromper [vi], et vous n'imagineriez jamais de qui je me suis servi pour lui faire connaitre la vérité [vii]. Je n'ai pas les mêmes facilités auprès de maitre Omer mon ennemi, qui me désigna indignement et très mal à propos il y a quelques années dans son réquisitoire contre Helvétius [viii]. Son frère l'ancien intendant de Bourgogne a fait venir le livre pour le lui remettre, et pour en faire l'usage ordinaire.

 

Cet usage ne me parait que ridicule, mais il est pour moi de la dernière importance qu'on sache bien qu'en effet l'ouvrage est de plusieurs mains, et que je le désavoue entièrement. C'est le sentiment de toute l'Académie. Je lui en ai écrit par le secrétaire perpétuel [ix]. Quelques académiciens qui avaient vu les originaux chez Briasson ont certifié une vérité qui m'est si essentielle. Au reste j'ai pris toutes mes mesures depuis longtemps pour vivre et mourir libre, et je n'aurai certainement pas la bassesse de demander, comme M. d'Argenson, la permission de venir expirer à Paris entre les mains d'un vicaire. Un des Omer disait qu'il ne mourrait pas content qu'il n'ait vu pendre un philosophe ; je peux l'assurer que ce ne sera pas moi qui lui donnerai ce plaisir.

 

Soyez bien persuadée, Madame, que d'ailleurs toutes ces misères ne troublent pas plus mon repos que la lecture de l'Alcoran ou celle des Pères de l'Église, et soyez encore plus persuadée de mon tendre et inviolable respect.

 

Voulez-vous bien, Madame, donner à M. de Foncemagne ma réponse dans laquelle je ne crois avoir manqué à aucun des égards que je lui dois ?

 

N.B. - Je reçois la petite lettre de M. le duc de Praslin. C'était, ne vous déplaise, M. l'évêque d'Orléans [x] qui avait déjà parlé, mais je préfère la protection de M. de Praslin à celle de tout le clergé. Pour M. le duc de Choiseul, il m'a écrit : Vieux Suisse, vieille marmotte, vous vous agitez comme si vous étiez dans un bénitier, et vous vous tourmentez pour bien peu de chose [xi].

Je ne suis pas tout à fait de son avis, [xii

 

i L'Arbitrage entre M. de Voltaire et M. de Foncemagne (1765) que V* ne donne pas sous son nom. C'est la reprise du débat sur l'authenticité du Testament politique ... du cardinal de Richelieu. Foncemagne vient de donner une nouvelle édition du Testament en ajoutant un Essai sur l'authenticité. V* répondit par les Doutes nouveaux sur le Testament attribué au cardinal de Richelieu.

http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_Laur%C3%A9ault_de_Foncemagne

 

ii V* remercia les d'Argental le 27, de lui avoir signalé une erreur, après leur avoir répondu sèchement le 14 novembre suite à leurs critiques.

 

iii V* considère Foncemagne comme « l'avocat » de Richelieu et de la duchesse d'Aiguillon en ce qui concerne « le testament de leur grand oncle » ; cf. lettre du 5 novembre à d'Argental.

 

iv Le Dictionnaire philosophique a été imprimé clandestinement en juillet à Genève chez Grasset ; cf. lettre du 19 octobre à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/18/j...

 

v Cf. lettres du 19 octobre à Damilaville et à d'Alembert pour connaitre les articles que V* invoque pour sa défense.

 

vi Cf. lettre du 20 octobre à d'Argental et celle du 19 octobre à d'Alembert.

 

vii V* pense sans doute au président Hénault, que le roi aurait consulté, auquel il a écrit le 20 octobre ; cf. lettre du 2 novembre à Damilaville .

 

viii A savoir le livre De l'esprit en 1759 ; V* verra son Poème sur la loi naturelle condamné en même temps.

 

ix V* écrivit le 20 octobre et le 2 novembre à Duclos et la lettre du 20 fut lue à l'Académie le 27.

 

x Louis Sextius de Jarente de La Bruyère.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Sextius_Jarente_de_La_...

 

xi Le duc avait écrit le 27 octobre à peu près ces paroles, mais aussi « vous désavouez le livre sans que l'on vous en parle, à la bonne heure ; mais vous ne me persuaderez jamais qu'il n'est pas de vous ; le silence sur cet ouvrage était très prudent ; vos lettres multipliées sont une preuve de plus qu'il est de vous et que vous avez peur. Soyez tranquille, et tout le sera à votre égard ... »

 

xii Il manque la fin sur la copie .

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07/11/2010 | Lien permanent

nous reprenons gaiement nos chaînes si elles ne sont pas déshonorantes

... L'élection présidentielle est passée, ne nous déshonorons pas en élisant des guignols à l'Assemblée . Le premier-ministrable auto-proclamé Mélenchon rappelle furieusement Georges Marchais, et l'on sait ce qu'il advint de ces épousailles forcées : divorce et funérailles .

https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_de_la_gauche

NDLR- Rédigé le 7 mai pour parution le 29 avril 2022.

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

13 janvier [1767], partira le 14 1

Nous venions, mon cher ange, d’envoyer le mémoire ci-joint à M. de Montyon 2, et d’en faire une copie pour vous, selon notre usage, lorsque nous avons reçu votre aimable lettre du 7 janvier.

1° C’est à votre sagesse à voir quel usage on peut faire de ce mémoire. C’est un grand bonheur que ce Jeannin n’ait nommé que la Doiret devant ces trois témoins ; il ne sera plus reçu à nommer un autre nom. Faites valoir ou supprimez ce mémoire, tout sera bien fait.

2° Que l’on prononce contre la dame Doiret toutes les condamnations possibles, cela ne nous fait rien. Que l’on fasse des livres ce que l’on voudra, nous ne nous y intéressons assurément point.

3° Nous ne concevons pas, notre cher ange, comment vous nous proposez d’écrire à M. de Chauvelin, lorsque vous êtes à portée de lui parler 3.

Est-il possible que vous nous proposiez de faire par lettres, à cent trente lieues d’éloignement, ce que vous pouvez faire de vive voix à Paris en deux minutes ! Nous ne demandons la prompte révocation de Jeannin qu’afin qu’il ne puisse apprendre le nom de Mme Lejeune au bureau de Collonges, et vous restez tranquille !4

4° Vous ne dites point quel est le président du bureau ; et vous devez bien présumer que nous le saurons sans vous, et que nous le saurons trop tard 5 . N. B. Nous l’apprenons dans le moment, et nous aurions tremblé à ce nom, sans M. de Praslin et M. de Chastellux .

5° Nous sommes aux pieds de M. le duc de Praslin, mais nous serions aussi à son cou s’il avait parlé d’abord à monsieur le vice-chancelier 6.

6° S’il était nécessaire que moi V. j’allasse arranger mes affaires avec M. le duc de Virtemberg, vous concevez bien que les discours de Paris ne m’en empêcheraient pas. Il est vrai que je suis bien malade, et que je risquerais ma vie au milieu des neiges ; mais si on me persécutait à soixante-treize ans, cette vie ne mériterait pas d’être conservée 7.

7° Permettez-nous d’insister plus que jamais sur la saisie de l’équipage de Mme Denis. Vous ne connaissez pas encore une fois la province où nous sommes. Cette saisie et la raison de la saisie ne lui permettraient pas de rester dans un château que j’ai bâti à si grands frais. Il faudrait tout abandonner, et j’irais certainement mourir dans les pays étrangers 8.

8° Moi V., je vous, conjure à présent de songer aux Scythes plus que jamais. C’est précisément dans ce temps-ci qu’il faut qu’ils paraissent pour faire diversion ; il est absolument nécessaire ou qu’on les joue ou qu’on les débite. Vous ne m’avez point accusé réception des deux exemplaires adressés à M. le duc de Praslin . Je lui en ai adressé encore un troisième, avec les directions nécessaires pour les acteurs. Puisse cette pièce être jouée comme elle va l’être à Ferney ! M. et Mme de La Harpe sont des acteurs excellents, et tout le reste est fort bon 9.

Maintenant vous me demanderez peut-être comment je ne me suis pas adressé à M. le duc de Choiseul dans l’affaire présente ? C’est que précisément, dans ce temps-là même, je prenais la liberté de lui en recommander d’autres auxquelles il se prêtait avec une bonté et un courage inexprimables. C’est enfin parce que, ne sachant pas quelle serait l’issue de cette abominable aventure, je réservais sa protection pour mes affaires avec M. le duc de Virtemberg 10.

Je vous supplie de remercier pour moi M. le chevalier de Chastellux. Je le connais par ricochet ; c’est un philosophe. On me mande qu’on exerce une furieuse tyrannie contre les autres philosophes. Jugez si j’ai dû commencer par faire mes paquets !

Songez bien aux dates, mon cher ange, je vous en conjure . Le mémoire pour M. de Montyon est parti un jour avant que je vous écrive cette lettre 11. Si vous jugez à propos que ce mémoire n’ait d’autre effet que celui de faire voir combien le receveur du bureau de Collonges est indigne de recevoir le prix de sa rapine, il suffira que M. de Montyon l’ait lu sans pousser les choses plus loin.

Songez bien encore que nous n’avons commencé un procès criminel contre des quidams inconnus que pour montrer combien nous avons à cœur de poursuivre les délinquants et de constater notre innocence. Ce procès criminel n’a point été suivi, et nous en avons effacé tous les vestiges.

Encore une fois, que la Doiret et le quidam soient condamnés à l’amende, c’est ce que nous demandons ; et que le nom de Jeannin même ni le mien ne paraissent point dans l’arrêt.

Nous aurions demandé un délai à M. de Montyon ; mais, sur votre lettre et sur la lettre détaillée de l’abbé Mignot, nous n’en demandons plus.

Le mot d’amende qui se trouvait dans la lettre de Mme d’Argental, et qui semblait porter sur Mme Denis, nous avait cruellement alarmés ; nous étions résolus à tout hasarder plutôt que de nous soumettre à un tel affront 12.

Nous respirons depuis douze ans l’air des républiques ; mais nous reprenons gaiement nos chaînes si elles ne sont pas déshonorantes. Vous savez que, de cette petite affaire-là, j’ai eu une attaque d’apoplexie ; mais je ne veux pas en avoir deux, et je veux mourir tranquille 13.

Je me mets aux pieds du satrape Nalrisp 14. J’ai des raisons essentielles pour que l’on joue les Scythes, et pour qu’on les débite incessamment.

Le temps est horrible : le thermomètre est à quinze degrés au-dessous de la glace, comme en 1709, dans notre Sibérie. Le froid est, dit-on, excessif à Paris ; mais on peut apprendre ses rôles dans cette extrême rigueur de la saison, et jouer la pièce dans un temps plus doux.

Au reste, j’écris un mot de remerciement à M. le chevalier de Chastellux 15, et je vous supplie de vouloir bien le lui faire remettre.

Il ne me reste plus qu’a baiser les ailes de mes anges avec mon idolâtrie ordinaire. 

V.»

1 Les commentaires qui figurent en notes sont de la main de d'Argental , rajoutés par lui en marge des paragraphes en question .

3 « C'est pour gagner du temps que l'on a indiqué cette voie, persuadé que c'était tout perdre que de demander sur-le-champ la révocation . »

4 « C'est précisément ce qu'il ferait s'il était révoqué e ton ne douterait pas alors que M. de Voltaire n'eut favorisé le colportage « . Remarque fort judicieuse : l'insistance que met V* à réclamer la révocation du malheureux procède évidemment plus d'un désir de vengeance que d'un calcul raisonné .

5 M. d’Argental répond en marge : « On ne l’a point nommé parce que cela ne pouvait servir qu’à inquiéter. »

6 Note de M. d’Argental : « M. de Praslin n’était point à portée de parler au vice-chancelier ; sa recommandation aurait tout gâté. »

7 Note de M. d’Argental : « Le duc est parti pour Venise ; ainsi le prétexte serait tout trouvé. »

8 « Monsieur l'abbé a répondu à cet article du prétendu déshonneur. »

9 « On peut les jouer le mercredi des Cendres mais soit qu'on les joue, soit qu'on en distribue l'édition il est essentiel que M ; de V. retouche son Vè acte . »

10 Note de M. d’Argental : « Cette raison est mauvaise ; M. le duc de Choiseul n’aurait pas mieux demandé que d’ajouter ce service aux autres. »

11 Note de M. d’Argental : « Le mémoire et la lettre sont arrivés en même temps ; la poste n’est point exacte, et c’est ce qui fait que monsieur le chancelier a reçu le procès-verbal avant que nous en ayons eu l’avis. »

12 Note de M. d’Argental : « Mme d’Argental n’a jamais parlé d’amende que comme devant tomber sur la Doiret. »

13 « Il est affreux de reprocher à son ami qu'il a été cause de la prétendue attaque d'apoplexie . »

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29/04/2022 | Lien permanent

tout est net et clair ; je ne dois presque rien, et on me doit beaucoup

... Ioulia Navalnaïa  pourrait le clamer haut et fort à juste titre ; l'assassin Poutine l'a privée de son mari et poursuit tous ceux qui haïssent la corruption et prônent la liberté . Il va disparaitre , sans aucun doute les femmes ne le laisseront jamais en paix jusqu'à son dernier souffle . Vlad, toi et tes comparses vous allez voir bientôt votre fin . Les femmes russes sont les descendantes de celles qui ont vaincu le nazisme les armes à la main , ne l'oublions pas : https://fr.wikipedia.org/wiki/Femmes_sovi%C3%A9tiques_pen...

Voir : https://www.francetvinfo.fr/monde/russie/alexei-navalny/r...

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« A Marie-Louise Denis

A Ferney par Lyon et Versoix 23 juillet 1768

M. Du Buisson n'est point encore venu, ma chère nièce, mais j'ai reçu votre lettre du 16è juillet . Si nous avions, vous vingt-cinq ans et moi quarante, il serait fort doux de passer l'hiver à Paris et les trois autres saisons à Ferney; mais il ne me faut plus qu'un tombeau, et à vous une société consolante et des secours prompts pour votre santé qui commence à se déranger . Vous croyez à la médecine, Joly 1 en qui vous aviez confiance a quitté cette profession pour la perruque de conseiller . Il n'y a plus à Genève de médecin, et bientôt il n'y aura plus de chirurgien . Pour moi je me passe à merveille de tous ces messieurs, j'ai vécu sans eux et malgré eux soixante-quatorze ans ; je mourrai très bien de même . Tous les lieux me sont égaux pour finir ma carrière . Il ne me faut qu'un bon feu en hiver, et quelques prairies en été . S'il n'avait été question que de moi, je n'aurais jamais bâti Ferney . Le mieux qu'on puisse faire est de le vendre au plus tôt, pourvu qu'on en donne de quoi vous faire toucher sur-le-champ une somme considérable. Cela vous procurerait tout d'un coup toutes les commodités de la vie, en attendant vos rentes sur M. le duc de Virtemberg et sur M. l’Électeur palatin, qui ont assurées de la manière la plus juridique, et qui vous seront payées par des fermiers de trois mois en trois mois . L'arrangement que j'ai fait pour moi ne sera consommé que dans deux ans, mais tout est en sûreté, tout est net et clair ; je ne dois presque rien, et on me doit beaucoup .

M. d'Hornoy ne m'a point fait savoir s'il faut une procuration en forme, ou une simple prière de signer le compte de M. de Laleu . Je pense qu'il faudrait plutôt savoir simplement si M. de Laleu me doit quelque chose ; car peut-être après avoir rendu son compte ne voudrait-il plus avoir l'embarras de se charger de mes rentes . Je ferai sur cela ce qu'on voudra . Conférez-en bien avec votre neveu . Je le prie instamment d'éclaircir l'affaire de M. de Maulevrier . C'est M. de Maulevrier le fils qui doit deux mille livres de rente, et qui n'a point payé depuis dix années . Il est très riche par son mariage et fort en état de payer .

Je crois que le procureur boiteux pourra très bien faire payer M. de Maulevrier comme il a fait payer M. de Lézeau .

Ce sont encore des ressources pour vous et pour moi en attendant le temps où les arrangements pris avec M. le duc de Virtemberg auront leur exécution .

Je prie M. d'Hornoy de vouloir bien s'instruire de cette petite affaire, et d'engager M. de Laleu à faire réponse à ma dernière lettre, ce qui n'est pas trop aisé .

Après ce fatras de mes affaires temporelles, il faut dire un mot des affaires de griffonnage . J'ai bien peur que Damila se trompe quand il dit qu'on lui rendra son paquet . Il est vraisemblable qu'on ne le lui rendra point, puisque depuis deux mois on ne l'a point rendu . C'est tout ce qu'il pourrait espérer s'il était l'intime ami de M. de Sartines . Il doit savoir combien cette affaire est délicate . Je ne devrais pas y être mêlé . Il y avait trois petits paquets, l'un qui ne contenait pour vous qu'une lettre indifférente non signée ; les deux autres pour d'Alemb. et pour Damila, contenant, je crois des ouvrages suspects qu'un correspondant de Genève leur envoyait par cet étourdi de Delorme . Je crois que parmi ces livres il y avait une Princesse de Babylone, ce qui pourrait donner lieu de soupçonner que j'ai part aux autres ouvrages . Ces soupçons seraient à la vérité mal fondés, mais enfin on les aurait . Vous pouvez être sûre que M . de Sartines rend compte de tout . La sécurité de ce pauvre Damila donne de l’épouvante .

Je ne sais si M. de Chimène qui était ami de M. de Sartines pourrait le sonder en général sur mon compte, en se gardant bien de lui dire se quoi il est question ; et en s'en gardant d'autant mieux qu'il ne faudrait pas le dire, même à M. de Chimène . M. de Chabanon pourrait aussi beaucoup servir . M. de Sartines l’aime et pourrait lui dire si cette affaire est assoupie . Le mieux serait peut-être de vous ouvrir à Marin.

Il me paraît bien ridicule de m'imputer la foule innombrable de brochures que Marc-Michel Rey imprime, tandis que je passe comme vous savez, les jours et les nuits à faire Le Siècle de Louis XIV et celui de Louis XV . Je puis vous assurer que cet ouvrage sera utile à quiconque aime la vérité, la patrie et le roi . Je vous l'aurais déjà envoyé s'il n'avait plu à Cramer d'aller voyager uniquement pour son plaisir dans le temps que je me tue le corps et l’âme pour ses beaux yeux . Il est vrai pourtant que ce n'est pas pour lui précisément que je travaille .

Vous ne vous souciez guère, je crois, des colimaçons 2. Cependant j'ai coupé la tête à plusieurs de ces messieurs et ces têtes sont revenues . Comment a-t-on ignoré ce prodige depuis qu'il y a des colimaçons dans le monde ? Comment des têtes reviennent-elles ?

Adieu, je vous embrasse vous et les vôtres.

V. »

1Après avoir résigné ses fonctions de conseiller le 12 avril 1768 ; Gaspard Joly en a été de nouveau chargé à sa propre demande le 21 juin .Voir : https://gw.geneanet.org/rossellat?lang=fr&n=joly&oc=3&p=gaspard

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28/02/2024 | Lien permanent

Il arrive toujours quelque chose à quoi on ne s'attend point , et qui décide de la conduite des hommes . Il faudrait êtr

... Aussi les "systèmes" pullulent au gré des appartenances politiques et religieuses, se contredisant le plus souvent, ce qui fait que rien ne change , -au mieux,- ou sème la panique , -au pire . Toujours le trop peu ou l'excès , pas d'équilibre .

 

Mis en ligne le 14/11/2020 pour le 4/8/2015

 

« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental

10 [3] august 1760 1

Mon archange, que votre volonté soit faite sur le théâtre comme ailleurs . Je vois que votre règne est advenu, et que les méchants ont été confondus .

Et pour vous souhaiter tous les plaisirs ensemble,

Soit à jamais hué quiconque leur ressemble 2.

Si j'avais pu prévoir ce petit succès, si en barbouillant L’Écossaise en moins de huit jours j'avais imaginé qu'on dût me l'attribuer et qu’elle pût être jouée, je l'aurais travaillée avec plus de soin, et j'aurais mieux cousu le cher Fréron à l'intrigue 3. Enfin je prends le succès en patience . J'oserais seulement désirer que Mme Alton 4 parût à la fin du premier acte . On s'y attendait . Je vous supplie de lui faire rendre son droit . Mme Scaliger va-t-elle aux spectacles ? a-t-elle vu la pièce de M. Hume ?

N'avez-vous pas grondé M. le duc de Choiseul de ce que la chevalerie traine dans 5 les rues , et de ce que l'abbé mords-les est encore sédentaire 6? Cet abbé mords-les n'a point fait La Vision, c'est Pylade qui se sacrifie pour Oreste . Il mérite une pension 7.

Il ne me parait pas douteux à présent qu'il ne faille donner à Tancrède le pas sur Médime 8. On m'écrit que plusieurs fureteurs en ont des copies dans Paris . Les commis des affaires étrangères n'ayant rien à faire l'auront copiée . Il faut je crois se presser . Je ne crois pas qu'il y ait un libraire au monde capable de donner sept louis à un inconnu . En tout cas si Prault trouve grâce devant vos yeux, qu'il imprime Tancrède après qu'il aura été applaudi ou sifflé . Vous êtes le maître de Tancrède et de moi comme de raison .

J'ignore encore en vous faisant ces lignes 9 si j'aurai le temps de vous envoyer par ce courrier les additions, retranchements, corrections que j'ai faits à la chevalerie . Si ce n'est pas pour cette poste, ce sera pour la prochaine .

Savez-vous bien à quoi je m'occupe à présent? à bâtir une église à Ferney . Je la dédierai aux anges . Envoyez-moi votre portrait et celui de Mme Scaliger . Je les mettrai sur mon maître-autel . Je veux qu'on sache que je bâtis une église, je veux que M. de Limoges 10 le dise dans son discours à l'Académie ; je veux qu'il me rende la justice que Lefranc de Pompignan m'a refusée . J'avoue que je ressemble fort aux dévots qui font de bonnes œuvres, et qui conservent leurs infâmes passions . Il entre un peu de haine contre Luc dans ma politique . Je vous avoue que dans le fond du cœur je pourrais bien penser comme vous, et entre nous il n'y a jamais eu rien de si ridicule que l'entreprise de notre guerre, si ce n'est la manière dont nous l'avons faite sur la terre et sur l'onde 11. Mais il faut sortir d'où l'on est, et être le très humble et très obéissant serviteur des évènements . Il arrive toujours quelque chose à quoi on ne s'attend point , et qui décide de la conduite des hommes . Il faudrait être bien hardi à présent pour avoir un système . Je me crois aujourd’hui le meilleur politique 12 que vous ayez en France, car j’ai su me rendre très heureux et me moquer de tout . Il n'y a pas qu'au parlement de Dijon à qui j'aie résisté en face ; et je l'ai fait désister de ses prétentions, comme vous verrez par ma réponse ci-jointe à M. de Chauvelin 13. Mon cher ange, je vous le répète, il ne me manque que de vous embrasser , mais cela me manque horriblement . »

 

1 Date rectifiée d'après ce que dit V* lui-même dans cette lettre . On a ici un des premiers exemples de l'emploi par V* de la forme « auguste » avec formes variées pour « août » qui à ses yeux est un monument de la « barbarie welche » ; voir lettre du 10 août 1760 à d'Argental : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1760/Lettre_4220

2 Parodie de Rodogune, ac. V, sc. 4, de Corneille ; le premier vers est ajouté entre les lignes sur le manuscrit .

3 Mme du Bocage, à ce propos, écrivait judicieusement à Algarotti le 15 mai 1760 : « La scène est dans un café, où il y a un nommé Frelon, faiseur de feuilles, et fripon peut-être . Ce rôle est-il ajouté à la pièce ? Il y tient peu . » Sur le succès de la pièce, d'Argental écrit le 27 juillet 1760 : [...] cette Écossaise que vous aviez fait imprimer ne la jugeant pas digne de la représentation, cette Écossaise que vous n'avez pas daigné corriger, cette Écossaise en un mot dont vous faisiez peu de cas a été jouée hier avec le plus prodigieux succès . » ; et Thieriot, écrit le 30 juillet : « C'est aujourd’hui la troisième représentation de l’Écossaise dont le succès sans exagération est égal à celui de Mérope [...] Fréron y était et sa femme qui soutint fort bien son rôle, ayant été fort sérieuse dans les endroits qui regardaient son mari, et applaudissant sans affectation à tout le reste . »

4 Mme Alton fait une brève apparition à la fin de l'acte ; mais quelques vers avaient été omis par les comédiens .

5 dans est ajouté au-dessus de la ligne .

6 Morellet a été remis en liberté le 30 juillet , jour où Thieriot écrit à V* : « Protagoras et les autres frères se flattaient tous que le digne abbé mords-les sortirait hier, et nous croyons tous que vous y avez plus fait que Jean-Jacques qui dans cette affaire a été bizarre et singulier comme il l'est en tout . »

7 A partir de « Cet abbé mords-les ... » le passage supprimé sur la copie Beaumarchais-Kehl, manque dans les éditions .

8 Le 27 juillet 1760, d’Argental écrit : « Le jour même de notre triomphe [création de l’Écossaise] Prault le fils m'a dit qu'un inconnu très mal mis lui avait demandé s'il voulait imprimer Tancrède . Très volontiers , a répondu le libraire . Sur cela ils ont conclu le marché sur le champ à sept louis (cela n'est pas cher) . L'inconnu n'ayant pas le manuscrit dans sa poche n'a pas pu le livrer tout de suite . Il a prétendu qu'il allait le chercher et il n'est pas revenu [...]. J'ai loué Prault de sa fidélité, je l'ai assuré que non seulement on le rembourserait de ses sept louis, mais qu'il aurait la préférence pour imprimer la tragédie [...] . j'ai parlé à M. de Malesherbes [...]. Que faut-il donc faire mon cher ami ? Se mettre le plus promptement qu'il sera possible en état de jouer Tancrède, la revoir bien sérieusement, bien scrupuleusement, joindre les nouvelles corrections à celles que vous avez fait déjà, nous envoyer le tout à l’adresse de M. Chauvelin l'intendant. »

9 V* souligne cette formule qui pastiche le style épistolaire des gens peu cultivés .

10 V* pense , non pas au titulaire de l'évêché de Limoges, Louis-Charles du Plessis d’Argentré, mais à son prédécesseur du Coëtlosquet qui allait être élu à l'Académie française et devait y prononcer un discours de réception le 9 avril 1761 .

11 Réminiscence de Cinna, ac. II, s. 1 .

12 D'Argental , le 27 juillet écrit : «  [...] le plus beau génie du siècle et de tous les siècles n'est pas un bon politique » , à cause d'une « lettre charmante », une « jolie lettre à Palissot » que ce dernier montrait et dont V* devait  avoir « eu des remords » puisqu'il ne l’avait pas adressée ainsi que les autres à d'Argental . D'Alembert écrit le 3 août 1760 : « [...] je vous dirai que vos amis ne sont point contents de votre troisième lettre . » ; c'est la lettre du 12 juillet 1760 à Palissot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/01/25/je-suis-comme-mlle-de-lenclos-qui-ne-voulait-pas-qu-on-appel-5750114.html

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04/08/2015 | Lien permanent

On paraît actuellement déterminé à des partis terribles.

... Mariage pour tous ou non ? Gens de toutes religions, allez vous faire voir chez les Grecs ( qui ne demandent pas mieux pour ranimer le tourisme ! si ! si ! ) .

Plus sérieusement je pense aux décisions guerrières qui sont le dernier argument, non le meilleur, pour faire cesser des conflits au sein de pays déchirés par les extremistes, et les fanatiques, et les voleurs de tous bords .

Par exemple, entre mille : http://www.courrierinternational.com/article/2012/03/15/jours-terribles-dans-un-village-du-delta

 

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 Folie meurtrière en chaine en Egypte : si j'ai bien compris , suite à des émeutes lors d'un match de foot, il y eut des morts , des présumés coupables viennent d'être condamnés à mort, la foule imbécile se mobilise et tue à nouveau , les présumés coupables arrêtés vont être condamnés à mort, la foule indécrottablement fanatique (faute de travail, on a tout le temps pour faire des con... ) va tuer de nouveau policiers, etc., etc.

Et le combat cessera faute ce combattants . Populace stupide, reflet du pouvoir et vice-versa  .

 

 

« A M. [Jean-]Robert TRONCHIN

de Lyon

11 novembre [1757].
« On 1 est aigri par l'infortune; on dit qu'on hasarderait une seconde démarche, si on avait quelque succès qui pût ne pas jeter d'humiliation sur ce qu'on propose. On paraît actuellement déterminé à des partis terribles. »
Voilà ce qu'on me mande, mon cher correspondant. C'est le précis de deux longues lettres bien singulières 2. Vous pouvez en faire part à la personne respectable 3 et sage dont on doit suivre
les lumières. Ses conseils seront des ordres pour moi et jamais elle ne sera compromise.

Au reste on me mande du 30 octobre que le frère est très mal, mais non pas qu'il soit mort comme on le dit .

Je vous embrasse bien tendrement .

V.

P.S. - On parle toujours beaucoup d'une convention secrète . Cela n'est pas impossible; mais je n'y crois pas encore, attendu que cet événement serait bien contradictoire avec tout ce qu'on m'écrit. »

1 La margravine de Baireuth, sœur de Frédéric II .

2 Non retrouvées .

3 Le cardinal de Tencin .

 

 

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28/01/2013 | Lien permanent

s'il y a des cas où le fond doit faire taire la forme, c'est assurément quand il s'agit de la vie des hommes

... Le drame des émigrés pose ce genre de problème . Que va-t-il advenir ? Va-t-on laisser les Italiens sans aide, sans partager l'accueil , au moins temporaire, de cette foule inattendue de migrants ?

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« A Etienne-Noël Damilaville

8è février 1768 1

Le malheur des Sirven fait le mien . Je suis encore atterré de ce coup. Je conçois bien que la forme a pu l'emporter sur le fond. Le Conseil a respecté les anciens usages mais, mon cher ami, s'il y a des cas où le fond doit faire taire la forme, c'est assurément quand il s'agit de la vie des hommes.

Quelle forme enfin reprendra votre fortune? que deviendrez-vous ? Je n'en sais rien. Tout ce que je sais, c'est que je suis profondément affligé.

Nos chagrins redoublent par la quantité incroyable d'écrits contre la religion chrétienne, qui se succèdent aussi rapidement en Hollande que les gazettes et les journaux. L'infâme Fréron, le calomniateur Coger, et d'autres gens de cette espèce, ont la barbarie de m'imputer, à mon âge, une partie de ces extravagances, composées par des jeunes gens et par des moines défroqués.

Tandis que je bâtis une église où le service divin se fait avec autant d'édification qu'en aucun lieu du monde, tandis que ma maison est réglée comme un couvent, et que les pauvres y sont plus soulagés qu'en aucun couvent que ce puisse-être; tandis que je consume le peu de force qui me reste à ériger à ma patrie un monument glorieux, en augmentant de plus d'un tiers le Siècle de Louis XIV, et que je passe les derniers de mes jours à chercher des éclaircissements de tous côtés pour embellir, si je puis, ce siècle mémorable, on me fait auteur de cent brochures, dont quelquefois je n'ai pas la moindre connaissance. Je suis toujours vivement indigné, comme je dois l'être, de l'injustice qu'on a eue, même à la cour, de m'attribuer le Dictionnaire philosophique, qui est évidemment un recueil de vingt auteurs différents; mais comment puis-je soutenir l'imposture qui me charge du petit livre intitulé Le Dîner du comte de Boulainvilliers, ouvrage imprimé il y a quarante ans, dans une maison particulière de Paris ouvrage auquel on mit alors le nom de Saint-Hyacinthe 2, et dont on ne tira, je crois, que peu d'exemplaires? On croit, parce que je touche à la fin de ma carrière, qu'on peut m'attribuer tout impunément. Les gens de lettres, qui se déchirent et qui se dévorent les uns les autres, tandis qu'on les tient sous un joug de fer, disent: « C'est lui voilà son style. » Il n'y a pas jusqu'à l'épigramme contre M. Dorat que l'on n'ait essayé de faire passer sous mon nom 3; c'est un très mauvais procédé de l'auteur. Il faut être aussi indulgent que je le suis pour l'avoir pardonné. Quelle pitié de dire « Voilà son style, je le reconnais bien » ! On fait tous les jours des livres contre la religion, dont je voudrais bien imiter le style pour la défendre. Y a-t-il rien de plus plaisant, de plus gai, de plus salé, que la plupart des traits qui se trouvent dans la Théologie portative 4 ? Y a-t-il rien de plus vigoureux, de plus profondément raisonné, d'écrit avec une éloquence plus audacieuse et plus terrible, que Le Militaire philosophe 5, ouvrage qui court toute l'Europe? Concevez-vous rien de plus violent que ces paroles qui se trouvent à la page 84 : «  Voici, après de mûres réflexions, le jugement que je porte de la religion chrétienne , je la trouve absurde, extravagante, injurieuse à Dieu, pernicieuse aux hommes, facilitant et même autorisant les rapines, les séductions, l'ambition, l'intérêt de ses ministres, et la révélation des secrets des familles. Je la vois comme une source intarissable de meurtres, de crimes et d'atrocités commises sous son nom. Elle me semble un flambeau de discorde, de haine, de vengeance, et un masque dont se couvre l'hypocrite pour tromper plus adroitement ceux dont la crédulité lui est utile. Enfin j'y vois le bouclier de la tyrannie contre les peuples qu'elle opprime, et la verge des bons princes quand ils ne sont point superstitieux. Avec cette idée de votre religion, outre le droit de l'abandonner, je suis dans l'obligation la plus étroite d'y renoncer et de l'avoir en horreur, de plaindre ou de mépriser ceux qui la prêchent, et de vouer à l'exécration publique. ceux qui la soutiennent par leurs violences et leurs superstitions.6 »

Certainement les dernières Lettres provinciales ne sont pas écrites d'un style plus emporté.

Lisez la Théologie portative, et vous ne pourrez vous empêcher de rire, en condamnant la coupable hardiesse de l'auteur.

Lisez L'Imposture sacerdotale , traduite de Gordon et de Trenchard 7, vous y verrez le style de Démosthène.

Ces livres malheureusement inondent l'Europe . Mais quelle est la cause de cette inondation? Il n'y en a point d'autre que les querelles théologiques, qui ont révolté tous les laïques. Il s'est fait une révolution dans l'esprit humain que rien ne peut plus arrêter . Les persécutions ne pourraient qu'irriter le mal. Les auteurs de la plupart des livres dont je vous parle sont des religieux qui, ayant été persécutés dans leurs couvents, en sont sortis pour se venger sur la religion chrétienne des maux que l'indiscrétion de leurs supérieurs leur avait fait souffrir. On aurait prévenu cette révolution si on avait été sage et modéré. Les querelles des jansénistes et des molinistes ont fait plus de tort à la religion chrétienne que n'en auraient pu faire quatre empereurs de suite comme Julien 8.

Il est certain qu'on ne peut opposer au torrent qui se déborde d'autre digue que la modération et une vie exemplaire. Pour moi, qui ai trop vécu, et qui suis près de finir une vie toujours persécutée, je me jette entre les bras de Dieu, et je mourrai également opposé à l'impiété et au fanatisme.

Renvoyer Sirven au plus vite ; il aura au moins de quoi vivre et il sera justifié dans toute l'Europe . »

1 Copie envoyée à d'Argental ; sur le premier manuscrit la lettre porte entête : à M. d'Argental – le 15 février 1768 --, sans doute parce que c'est la copie envoyée avec la lettre du 15 février à d'Argental . Le nom et la date furent alors changés en Damilaville et 8 février et le texte absorbé dans cette lettre-ci . Ce texte correspond aux manuscrits 2 et 3, ce qui est sans aucun doute correct .

2 L'attribution à Saint-Hyacinthe est moins nette que d’habitude.

6 Le texte cité par V* est très fidèle à celui de l’édition de 1768 . Mais celle-ci n'est pas fidèle au manuscrit – déjà remanié – d'après lequel Naigeon a composé l'ouvrage . Les différences, insignifiantes jusque vers le milieu du texte cité par V* deviennent ensuite importantes . Voici le texte du manuscrit, y compris le dernier paragraphe, que Naigeon a purement et simplement supprimé : « Elle me semble un flambeau de discorde, de haine, de vengeance, un masque propre à l'hypocrisie, et à tous ces malheureux vêtus de noir qui vantent cette religion ou ses effets prétendus . Enfin ,j'y vois dans son tronc l’idolâtrie , la superstition et les fraudes pieuses . Après cette idée que votre religion, outre le droit de l'abandonner, je suis dans l'obligation la plus étroite d'y renoncer et de l'avoir en horreur ; de plaindre ou de mépriser ceux qui la prêchent, et anathématiser ceux qui la soutiennent par leurs violences . Si je ne me trompe, ce n'est pas ma faute si j'ai [le manuscrit porte : je n'ai ] cette idée : j'ai donné toute mon attention et employé toute ma capacité à en bien juger, avec la même bonne foi et la même circonspection dont j'ai agi dans les occasions de ma vie les plus intéressantes [...] »( texte du manuscrit 1163 de la Bibliothèque Mazarine, publié par Roland Mortier, Difficultés sur la religion proposées au P. Malebranche, 1971.)

7 De l'Imposture sacerdotale, ou Recueil de pièces sur le clergé, traduit de l'anglais (ou plutôt composé par le baron d'Holbach), 1767, petit in-12. On a quelquefois confondu ce volume avec l'ouvrage traduit de l'anglais de Trenchard et de Gordon, et refait en partie par le baron d'Holbach, intitulé Esprit du clergé ou le Christianisme primitif vengé des entreprises et des excès de nos prêtres modernes, 1767, deux volumes in-8°. (Beuchot.)

8 Cette fois le jugement est très exact . Ces querelles avaient déjà produit sur Challe, qui écrivait en 1710, une impression très fâcheuse . Aux jésuites il reprochait leurs empiétements sur le pouvoir royal et leur esprit de politique ; aux jansénistes, il ne pardonnait pas de nier en fait la liberté humaine, ce qui à ses yeux ruinait la morale . Après la querelle de la bulle Unigenitus, le scandale de ces divisions parut plus grand encore .

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18/09/2023 | Lien permanent

Je suis une passade et j’ai eu l’agrément des coquetteries.

http://www.youtube.com/watch?v=UJfPMbqnWs0

 

Je mets ce lien sans savoir ce qu'il donne, juste parce qu'il y a Manu Chao et les Ogres de Barbak ; je les prends les yeux fermés .

Advienne que pourra !

 

De l'animation, de la pêche , de la dérision ! C'est ce qui me convient en ce moment présent !

Je viens de lire sur mon blog préféré (celui de LoveV) une lettre de Volti à Mme du Deffand d'où je tire ceci qui tombe au poil (pardon à tous les chauves !! ) :

Que j’aime les gens qui disent ce qu’ils pensent ! C’est ne vivre qu’à demi que de n’oser penser qu’à demi.

 

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Si vous continuez à me lire après ça, je me fais moine (frère goûteur à la Chartreuse , si possible ! ).
Vous pouvez sauter mes notes d'humour qui font rire une moitié de moi-même ( la part d'ombre ou de lumière ? )
PS. Y -en a-t-il encore, mesdames, qui écoutent les vieux grincheux mal foutus ?
 Mais lisez Volti, sans retenue ...

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Nicolas-Claude Thiriot

A Rinsberg ce 24 novembre 1740.

 

 

                            J’ai reçu, mon cher monsieur, votre lettre du 7. Je commence par vous dire que je viens de parler à Sa majesté en présence de M. de Keiserling [V* est allé à la cour de Prusse, il la quittera début décembre ]. Les sentiments de ce grand homme sont dignes de ses lumières. Il a dans l’instant réglé tout ce qui vous regarde [pension promise par Frédéric à Thiriot]; il se réserve le plaisir de vous en faire instruire lui-même.

 

                            J’ai tout lieu de croire que Dumolard sera content [Charles Dumolard-Bert qu’on pourrait appeler comme « linguiste, bibliothécaire et imprimeur]. Pour moi je le suis plus que personne d’avoir vécu huit jours auprès d’un homme que tout le monde se disputerait à Paris, et qui n’a nul besoin d’être roi. M. de Maupertuis est ici, mais il est enfoncé dans ses calculs. Je suis une passade et j’ai eu l’agrément des coquetteries. Je pars, car c’en est trop que d’avoir quitté huit jours ses anciens amis pour un souverain quelque aimable qu’il puisse être. M. Algarotti n’est point venu au Marly de Rinsberg [Rheinsberg, ou Remusberg ], il fait l’amour à Berlin, et il fait aussi la vie de César ; le premier emploi n’est pas le pire des deux.

 

                            Il n’y a que mes ennemis qui puissent dire que je me porte bien. Je suis tout comme à l’ordinaire ; malade ambulant, poète philosophe et toujours votre véritable ami.

 

                            Votre pension n’est pas mauvaise. Vale.

 

                            Je vous prie de voir M. Gresset [qui a écrit Vert-Vert, histoire d’un perroquet de Nevers et Edouard III ]. S’il savait comme  j’ai parlé de lui au roi, il m’aimerait un peu. J’espère qu’il sera un des ornements de la cour de Berlin. Il s’apercevra que je connais l’estime pour les talents, et non la jalousie.

 

                            Vous savez que Sa Majesté a offert douze mille livres de pension à M. de Maupertuis pour le retenir et qu’il donne à chaque académicien huit mille livres.

 

                            Il fait bâtir un palais, une salle pour les académies, une salle d’opéra, une de comédie. Il engage des artistes de toute espèce [V* sert d’intermédiaire et avait négocié avec La Noue et sa troupe ] et il a cent mille soldats bien nourris, bien payés, et bien vêtus.

 

                            Vale.

 

                            Que les blancs-becs de Paris disent ce qu’ils voudront. Mille compliments au sage Hollandais [le 9 octobre, V* avait demandé à Thiriot de « procurer ce qu’il y a de mieux »  à Paris en fait d’hommes et de livres à cette « graine des Périclès », « jeune républicain d’une famille distinguée dans son pays »  ].

 

 

 

 

 

 

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on va jusqu'à m'appeler l'oracle des philosophes, pour me faire brûler le premier.

...

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« A Nicolas-Claude Thieriot

à l'Arsenal

à Paris

rue Couture-sainte

Catherine chez un

médecin

Aux Délices 19 juin 1760

Vous devez, encore une fois, mon cher et ancien ami, avoir reçu ma réponse et mes remerciements, et la liste de mes besoins, par M. Darboulin, à qui je l'ai recommandée.
M. d'Alembert suppose toujours que j'ai tout vu; c'est une règle de fausse position. Je n'ai rien vu ; je n'ai point le Mémoire de M. Lefranc de Pompignan ; je demande l'Interprétation de la Nature 1, la Vie heureuse de l'infortuné La Mettrie, etc., etc. Je paierai tout loyalement .2
Je réitère mes sanglots sur la Vision; cette vision est celle de la ruine de Jérusalem. Voilà la philosophie perdue et en horreur aux yeux de ceux qui ne l'auraient pas persécutée. 0 ciel ! attaquer les femmes! insulter à la fille d'un Montmorency! à une femme expirante! Je suis réellement au désespoir.
M. d'Alembert croit m'apprendre que M. le duc de Choiseul protège Palissot et Fréron. Hélas! j'en sais plus que lui sur tout cela, et je peux répondre que M. le duc de Choiseul aurait protégé davantage les pauvres Socrates; et je vous prie de le lui dire.
Il m'écrit que les philosophes sont unis,3 et moi, je lui soutiens qu'il n'en est rien ; quand ils souperont deux fois par semaine ensemble, je le croirai. On cherche à les diviser; on va jusqu'à m'appeler l'oracle des philosophes, pour me faire brûler le premier. On ose dire, dans la Préface de Palissot, que je suis au- dessus d'eux; et moi je dis, j'écris qu'ils sont mes maîtres.
Quelle comparaison, bon Dieu! des lumières et des connaissances des d'Alembert et des Diderot avec mes faibles lueurs! Ce que j'ai au-dessus d'eux est de rire et de faire rire aux dépens de leurs ennemis; rien n'est si sain : c'est une ordonnance de Tronchin.
Écrivez-moi, mon ancien ami ; voyez Protagoras-d'Alembert, et venez aux Délices. »

1 Pensées sur l'interprétation de la nature. Cet ouvrage est de Diderot. Il parut au commencement de 1754

2 Cette dernière phrase est omise dans l'édition de Kehl et suivantes .

3 « Ce n'est pas l'union qui manque aux frères » écrit d'Alembert le 11 juin 1760, et le 16 juin 1760 : « 9° C'est très-bien fait au chef de recommander l'union aux frères; mais il faut que le chef reste à leur tête, et il ne faut pas que la crainte d'humilier des polissons protégés l'empêche de parler haut pour la bonne cause, sauf à ménager, s'il le veut, les protecteurs, qui au fond regardent leurs protégés comme des polissons. » ; voir page 420 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f434.texte.r=3764

 

 

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19/06/2015 | Lien permanent

Vous m’avez incendié, dit-il ; incendiez donc aussi mon confrère

... Also sprach Recep Tayyip Erdogan ! Je plains les réfugiés qui se trouvent pris en tenaille à la frontière greco-turque . Que faire face à un va-en-guerre de cet acabit ?

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« A Etienne-Noël Damilaville

4 Janvier 1765

Vraiment, mon cher frère, la lettre dont vous m’avez envoyé copie n’est pas une lettre de Pline, et les vers qui la paraphrasent ne sont pas de Catulle. Tout cela, en vérité, est de même parure et digne du siècle.

Il est vrai que Jean-Jacques écrit mieux ; mais, en vérité, c’est un homme d’esprit qui se conduit comme un sot. Toutes les apparences sont qu’on le fera repentir d’avoir voulu mettre le feu dans la parvulissime 1 qu’il a quittée. Vous avez vu, par ma dernière lettre 2, combien il est méchant. Je ne reviens point de mon étonnement qu’un homme, qui s’est dit philosophe, joue publiquement le rôle d’un délateur et d’un calomniateur. Vous m’avez incendié, dit-il ; incendiez donc aussi mon confrère. J’ai fait mal, mais il a fait pis. Ce n’est pas ainsi, ce me semble, que Socrate parlait aux Athéniens. Je vois que le grand défaut de Jean-Jacques est d’être enragé contre le genre humain : il a là une bien vilaine passion.

Je suis toujours bien surpris que vous n’ayez pas reçu encore le paquet du médecin anglais. J’espère qu’il ne tardera pas, et que vous en aurez d’autres incessamment. Omer est longtemps à s’échauffer . Je ne désespère pas que Jean-Jacques ne lui écrive pour le prier de se hâter un peu.

Vous devez à présent avoir reçu des nouvelles de la Destruction de Jérusalem , avec une petite lettre pour Archimède-Protagoras 3.

Je vous embrasse en 1765 comme en 1764. »

1 Encore une fois V* pastiche l'expression Sérénissime République employée à propos de Venise ; voir petitissime et pédantissime république dans la lettre du 16 décembre 1762 à d'Argental (http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/10/25/j... ) et petitissime république dans la lettre du 18 janvier 1763 à d'Alembert (http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/16/jean-jacques-fait-des-lacets-dans-son-village-avec-les-monta.html )

2 La lettre du 31 décembre 1764 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/03/06/cela-peut-etre-adroit-mais-cela-n-est-pas-honnete-6217858.html

Ce ne sont pas les paroles textuellement citées mais un résumé fidèle au passage évoqué en note 3 de cette lettre .

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09/03/2020 | Lien permanent

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