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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Voici surtout le temps de vivre pour soi et ses amis, et de sentir le néant de toutes les brillantes illusions... c’est

... Il n'est pas plus juste déclaration . Esclaves de tous partis et toutes religions, limez vos chaînes, renvoyez vos gourous, pensez par vous-mêmes ! Peut-être est-ce trop vous demander ?

Pour moi et mes amis , un musicien franc et massif , si jamais vous avez un coup de blues : https://www.arte.tv/fr/videos/097995-008-A/chilly-gonzale...

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

22 avril [1765] 1

Il faut donc que vous sachiez, madame, qu’il y avait un prêtre dans mon voisinage . Son nom était d’Estrées et ce n’était point la belle Gabrielle, et ce n’était point le cardinal d’Estrées ; car c’était un petit laquais natif du village d’Estrées, lequel vint à Paris faire des brochures, se mettre dans ce qu’on appelle les ordres sacrés, dire la messe, faire des généalogies, dénoncer son prochain, et qui enfin a obtenu un prieuré à ma porte, et non pas à ma prière. Il était là le coquin, et il écrivait en cour, (comme nous disons nous autres provinciaux) ; il écrivait même en parlement, et il y avait du bruit, et j’étais très peu lié avec madame de Jaucourt, et je ne savais pas si elle était plus philosophe qu’huguenote ; et il y a des occasions où il faut ne se mêler absolument de rien . M’entendez-vous à présent ? m’entendez-vous, madame ? et ignorez-vous combien l’Inquisition est respectable ? Vous êtes au physique malheureusement comme les rois sont en morale : vous ne voyez que par les yeux d’autrui. Mandez-moi s’il y a sûreté 2 ; et soyez très sûre que toutes les fois qu’on pourra vous amuser sans rien risquer, sans vous compromettre, on n’y manquera pas.

Ma situation est un peu épineuse ; il y a des curieux qui ouvrent quelquefois les lettres arrivant de Genève. Vous m’entendez parfaitement, et vous devez savoir que je vous suis tendrement attaché. Je donnerai, quand on voudra, un de mes yeux pour vous faire rattraper les deux vôtres.

M. le chevalier de Boufflers, avec son esprit, sa candeur, sa gaucherie pleine de grâces et la bonté de son caractère, ne sait ce qu’il dit. Le fait est que je suis dans un climat singulier, qui ne ressemble à rien de ce que vous avez vu. Il y a, dans une vaste enceinte de quatre-vingts lieues, un horizon bordé de montagnes couvertes d’une neige éternelle. Il part quelquefois de cet Olympe de neige un vent terrible qui aveugle les hommes et les animaux ; c’est ce qui est arrivé à mes chevaux et à moi par notre imprudence. Mes yeux ont été deux ulcères pendant près de deux ans. Une bonne femme m’a guéri à peu près ; mais quand je m’expose à ce maudit vent, adieu la vue. C’était à M. Tronchin à m’enseigner ce qu’il fallait faire, et c’est une vieille ignorante qui m’a rendu le jour. Il faut, à la gloire des bonnes femmes, que je vous dise que, dans notre pays, nous sommes fort sujets au ver solitaire, à ce ver de quinze ou vingt aunes de long, qui se nourrit de notre substance, comme cela doit être dans le meilleur des mondes possible ; c’est encore une bonne femme qui en guérit, et le grand Tronchin en raisonne fort bien . Sachez encore, madame, que les femmes commencent à inoculer la petite-vérole, qu’elles en font un jeu, tandis que votre parlement donne des arrêts contre l’inoculation, et que vos facultés welches disent des sottises. Voyez donc combien je respecte le beau sexe !

La Destruction des jésuites est la destruction du fanatisme. C’est un excellent ouvrage ; aussi votre inquisition welche l’a-t-elle défendu. Il est d’un homme supérieur qui vient quelquefois chez vous . C’est un esprit juste, ferme, éclairé, qui fait des Welches le cas qu’il doit . Il contribue beaucoup à détruire, chez les honnêtes gens, le plus absurde et le plus abominable système qui ait jamais affligé l’espèce humaine. Il rend en cela un très grand service . Avec le temps, les Welches deviendront Anglais. Dieu leur en fasse la grâce !

M. le président Hénault m’a mandé qu’il a quatre-vingt et un an 3 . Je ne le croyais pas. La bonne compagnie devrait être de la famille de Mathusalem. J’espère du moins que vous et vos amis serez de la famille de Fontenelle . Mais voici le temps de dire avec l’abbé de Chaulieu  :

Ma raison m’a montré, tant qu’elle a pu paraître,

Que rien n’est en effet de ce qui ne peut être ;

Que ces fantômes vains sont enfants de la peur, etc.4

Voici surtout le temps de vivre pour soi et ses amis, et de sentir le néant de toutes les brillantes illusions.

Madame la duchesse de Luxembourg n’a point répondu au petit mémoire dont vous me parlez 5. Il est clair que son protégé à tort avec moi ; mais il est sûr aussi que je ne m’en soucie guère, et que je plains beaucoup ses malheurs et sa mauvaise tête.

Vous ne me parlez point des Calas. N’avez-vous pas été un peu surprise qu’une famille obscure et huguenote ait prévalu contre un parlement, que le roi lui ait donné trente-six mille livres, et qu’elle ait la permission de prendre un parlement à partie ? On a imprimé à Paris une lettre que j’avais écrite à un de mes amis, nommé Damilaville 6. Il y a dans cette lettre un fait singulier qui vous attendrirait si vous pouviez avoir cette lettre.

En 7 voilà, madame, une un peu 8 bien longue, écrite toute de ma main . Il y a longtemps que je n’en ai tant fait . Je crois que vous me rajeunissez.

Je tâcherai de vous faire parvenir tout ce que je pourrai par des voies indirectes. Quand vous aurez quelques ordres à me donner, ayez la bonté de faire adresser la lettre à monsieur Wagnière, chez M. Souchay, négociant à Genève, et ne faites point cacheter avec vos armes. Avec ces précautions, on dit ce que l’on veut ; et c’est un grand plaisir, à mon gré, de dire ce qu’on pense. Le contraire est un esclavage humiliant .

Adieu, madame ; je suis honteux d’avoir recouvré un peu la vue pour quelques mois, pendant que vous en êtes privée pour toujours. Vous avez besoin d’un grand courage dans le meilleur des mondes possibles. Que ne puis-je servir à vous consoler ! 

V. »

1 Un main contemporaine a ajouté 1764 à la date sur le manuscrit ; la lettre a été pour la première fois correctement datée par Beuchot . Celle à laquelle V* répond n'est pas connue .

2 Pour l'envoi de livres infernaux par les mains de Mme de Jaucourt .

3 Hénault date en effet sa lettre comme suit : »Paris 19 mars 1765 . et l'an de notre vie 81 où je suis entré heureusement le 8 février . »

4 Ode sur la mort ( à M. le marquis de La Fare), de Chaulieu ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Sur_la_mort,_conform%C3%A9...)

7 En ajouté en marge par V*.

8 V* a d'abord écrit lettre remplacé par peu .

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10/08/2020 | Lien permanent

Je sais que ce spectacle est aujourd’hui le favori de la nation ; mais je sais aussi à quel point la nation s’est dégrad

 

Mon cher Volti, que dirais-tu en voyant les "spectacles" télévisés du XXième siècle !

Très élégamment, tu parles "d'excréments du grand siècle", Jean-pierre Coffe, dans un autre registre sait très bien dire "c'est de la merde", ce qui malheureusement ne fait plus seulement allusion à la mauvaise bouffe ! Opéra-bouffe ? Ô père rat ! bouffe !

 

 

« A Anne-Madeleine-Louise-Charlotte-Auguste de La Tour du Pin de Saint Julien

 

A Ferney ce 3 mars 1769

 

             Minerve papillon, le hibou à qui vous avez fait l’honneur d’écrire a été enchanté de votre souvenir. Il en a secoué ses vieilles ailes de joie, il est tout fier de vous avoir si bien devinée : car dès le premier jour qu’il vous vît, il vous jugea solide plus que légère, et aussi bonne que vous êtes aimable.

 

             Soyez bien sûre, Madame, que mon cœur est pénétré de tout ce que vous me dites ; mais il faut laisser les aigles, les rossignols et les fauvettes dans Paris, et que les hiboux restent dans leurs masures. J’ai soixante et quinze ans ; ma faible machine s’en va en détail ; le peu de jours que j’ai à respirer sur ce tas de  boue doit être consacré à la plus profonde retraite. Les enfants [les Dupuits] qui sont revenus sont chez eux, et je reste chez moi ; ma maison n’est plus faite pour les amuser. Je l’ai fermée à tout le monde, bien heureux de pouvoir vivre avec moi-même dans le triste état où je suis. Regardez-moi, Madame, comme un homme enterré, et ma lettre comme un De profundis.

 

             Il est vrai que mes De profundis sont quelquefois fort gais, et que je les change souvent en Alléluia. J’aime à danser autour de mon tombeau, mais je danse seul comme l’amant de Ma mie Babichon qui dansait tout seul dans sa grange [à Thiriot, il avait déjà écrit le 29 août 1760 : « Il est comme l’amant de ma mie Babichon qui aimait tant à rire, que souvent tout seul il riait dans sa grange. ».

 

             J’estime trop l’homme principal [Choiseul qui défendait La Bletterie face aux grief puis épigrammes de Voltaire contre La Bletterie et son Tibère ou les six prmiers livres des Annales de Tacite traduits… ] dont vous me faites l’honneur de me parler, pour penser qu’il ait pris sérieusement l’ordre que m’a donné l’abbé de La Bletterie de me faire enterrer au plus vite, et les petites gaietés avec lesquelles je lui ai répondu. Il faudrait que la tête lui ait tourné pour voir gravement des bagatelles. S’il veut faire quelque attention sérieuse à moi, il ne doit considérer que ma passion pour son bonheur et pour sa gloire. Il serait très ingrat s’il faisait la moindre fêlure à la trompette qui s’est embouchée pour lui.

 

             Si quelque autre personne, fort en-dessous, en tout sens, du caractère de grandeur et du génie de votre ami, veut déplumer le hibou, il ira tout doucement mourir ailleurs. Je suis un être assez singulier, Madame ; né presque sans bien, j’ai trouvé le moyen d’être utile à ma famille et de mettre cinq cent mille francs à peupler un désert[Ferney]. Si la moindre persécution y venait effrayer mon indépendance, il y a partout des sépulcres, rien ne se trouve plus aisément.

 

             J’ai lu la petite esquisse que vous avez eu la bonté de m’envoyer [sans doute de la musique de Grétry pour Le Baron d’Otrante]. Je pense donc qu’on en pourrait faire quelque chose de fort noble et de fort gai pour les noces de monseigneur le Dauphin. Ce serait même une très bonne leçon pour un jeune prince, et les personnes de votre espèce pourraient voir avec plaisir qu’elles sont faites pour rendre quelquefois de plus grands services que les hommes d’Etat. Ce ne serait point aux bateleurs de l’opéra-comique qu’il faudrait abandonner cet ouvrage. L’opéra-comique n’est  autre chose que la foire renforcée. Je sais que ce spectacle est aujourd’hui le favori de la nation ; mais je sais aussi à quel point la nation s’est dégradée. Le siècle présent n’est presque composé que des excréments du grand siècle de Louis XIV. Cette turpitude est notre lot presque dans tous les genres ; et si le grand homme dont vous me parlez a des lubies, je donne le siècle à tous les diables sans exception, en vous exceptant pourtant vous, Madame Minerve papillon, pour qui j’ai un vrai respect, et que je prends même la liberté d’aimer.

 

             V. »

 

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03/03/2010 | Lien permanent

Tout ce que je sais, aussi certainement qu’on peut savoir quelque chose, c’est-à-dire en doutant

...

 

« A Etienne-François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul

1er Avril 1768.1

Mon protecteur, ceci s’adresse au ministre de paix. Vous avez la bonté de m’accorder quelques éclaircissements sur le Siècle de Louis XIV. Tout ce qui regarde la cruelle guerre est imprimé. Je n’ai plus qu’un seul petit objet de curiosité sur une tracasserie ecclésiastique en cour de Rome. Mon protecteur connaît ce pays-là. Il y avait, en 1699, un birbone, un furfante, un malandrino 2 nommé Giori, espion de son métier, prenant de l’argent à toute main, et en donnant partie ad alcuni ragazzi ; quello buggerone 3 trahissait le cardinal de Bouillon en recevant ses présents . Il fut la cause de tous les malheurs de ce cardinal. Il doit y avoir deux ou trois lettres de ce maraud, écrites en février et mars 1699, à M. de Torcy. Si vous vouliez, monseigneur, en gratifier ma curiosité, je vous serais fort obligé.

Y aurait-il encore de l’indiscrétion à vous demander la relation de la colique néphrétique de cet ivrogne de Pierre III, adorateur du roi de Prusse, écrite par M. de Lunière 4, secrétaire du baron de Breteuil ? Cette relation est entre les mains de plusieurs personnes, et n’est plus un secret. Tout ce que je sais, aussi certainement qu’on peut savoir quelque chose, c’est-à-dire en doutant, c’est que Pierre III n’aurait point eu la colique s’il n’avait dit un jour à un Orlof, en voyant faire l’exercice aux gardes Préobazinsky : « Voilà une belle troupe ; mais je ferais fuir tous ces gens-là comme des gredins, si j’étais à la tête de cinquante Prussiens. »

Je vous jure, mon protecteur, que ma Catherine ne m’a pas dit un mot de cette colique, quoiqu’elle ait eu la bonté de me mander tout le bien qu’elle fait dans ses vastes États. Je ne lui ai point écrit :

Ninus, en vous chassant de son lit et du trône,

En vous perdant, madame, eût perdu Babylone.

Pour le bien des mortels vous prévîntes ses coups ;

Babylone et la terre avaient besoin de vous :

Et quinze ans de vertus et de travaux utiles,

Les arides déserts par vous rendus fertiles,

Les sauvages humains soumis au frein des lois,

Les arts dans nos cités naissant à votre voix,

Ces hardis monuments, que l’univers admire,

Les acclamations de ce puissant empire,

Sont autant de témoins, dont le cri glorieux

A déposé pour vous au tribunal des dieux.5

Elle n’a pas même fait jouer Sémiramis une seule fois à Moscou. Cependant je ne la crois pas si coupable qu’on le dit ; mais si vous daignez m’envoyer la petite relation, je vous jure, foi de votre créature, de n’en jamais faire le moindre usage.

Je ne me suis pas encore fait chartreux, attendu que je suis trop bavard, mais je fais régulièrement mes pâques, et je mets aux pieds du crucifix toutes les calomnies fréroniques et pompignantes qui m’imputent toutes les gentillesses antidévotes 6 que Marc-Michel Rey imprime depuis trois ou quatre ans, à Amsterdam, contre les plus pures lumières de la théologie. Il y a deux ou trois coquins défroqués qui travaillent, sans relâche, à l’œuvre du démon. Mais sérieusement vous m’avouerez qu’il serait bien injuste d’imaginer qu’un radoteur de soixante et quatorze ans, occupé du Siècle de Louis XIV, de mauvaises tragédies, de mauvaises comédies, d’établir une fortune de quarante écus , de suivre dans ses voyages une princesse de Babylone, et de faire continuellement des expériences d’agriculture, eût le temps et la volonté de barboter dans la théologie.

Les envieux mourront, mais non jamais l’envie.7

Les envieux ont eu beau jeu. Une nièce qui va à Paris quand un oncle est à la campagne est une merveilleuse nouvelle : mais le fait est que mes affaires étant fort délabrées par le manque de mémoire de plusieurs illustres débiteurs grands seigneurs, tant français qu’allemands, je me suis mis dans la réforme . Je me suis lassé d’être l’aubergiste de l’Europe. Je donne vingt mille francs de pension à ma nièce, votre très humble servante. Cornélie-Chiffon, nièce du grand Corneille, a eu en mariage environ quarante mille écus, grâce à vos bienfaits et à ceux de madame la duchesse de Gramont. J’ai partagé une partie de mon bien entre mes parents, et je n’ai plus qu’à mourir doucement, gaiement, et agréablement, entre mes montagnes de neige, où je suis à peu près sourd et aveugle.

Voilà un compte très exact de ma conduite . Ma reconnaissance le devait à mon bienfaiteur , le bavard lui demande pardon de l’avoir tant ennuyé ; il bavardera vos bontés jusqu’au dernier moment de sa vie.

Il voudrait bien bâtir une jolie maison dans votre ville de Versoix, mais il sera mort avant que votre port soit fait.

la vieille marmotte des Alpes. »

1 V* a daté la minute : «  1er avril à M. le duc de Choiseul. »

2 Un drôle, un gredin, un malandrin .

3 A quelques garçons ; ce bougre-là [...]

4 Plus exactement Claude Carloman de Rulhière dont les souvenirs et anecdotes furent publiés pour la première fois partie dans les Œuvres posthumes de M. de Rulhière, 1792, partie dans une nouvelle édition des Œuvres posthumes de Rulhière, 1819 . L'épisode dont il est ici question fut imprimé dans l'Histoire, ou Anecdotes sur la révolution de Russie en l'année 1762, 1797, dont l'épître dédicatoire est datée du 10 février 1768 .

Rulhière faisait lecture dans les sociétés de ses Anecdotes sur la révolution de Russie. (Georges Avenel.)

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Carloman_de_Rulhi%C3%A8re

5 Sémiramis, Ac. I, sc. 5 , de Voltaire . Sur le manuscrit, on lit d'abord le premier vers suivi de etc., onze vers, puis ajouté dans la marge : « Copiez ici les 11 vers de Sémiramis ».Voir : https://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_SEMIRAMIS.xml

6 Parmi ces créations plaisantes, on pourrait se demander si antidévot n'est pas attesté : or il n'est enregistré ni par Littré ni par le très riche Dictionnaire national de Bescherelle .

7 Tartufe, Ac.V, sc. 3 , vers 1666, de Molière : http://moliere.gueuledebois.net/Tartuffe/LeTartuffe_5_3.html

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26/11/2023 | Lien permanent

un ministre n'a qu'à ordonner, et le pauvre campagnard des Alpes est obligé de faire tout lui-même . Il n'a jamais de lo

... Penser et agir, l'un n'exclut pas l'autre chez Jean-Pierre Coffe qui vient de casser sa pipe . Il aurait aimé Voltaire qui tenait à offrir des produits de qualité à sa table et qui aimait le rire .

http://www.lepoint.fr/medias/coffe-vous-allez-encore-ecrire-que-je-m-insurge-facilement-06-05-2015-1926581_260.php?M_BT=443989616563&m_i=HvLxM1YPZWezHLZ5e0qbZlbSVOG0pcbTsHBkc_k36auJGIhLqzSnNFSPrL5GBV4v1pAL232bgBMRWsEysZXsJj2H1MHHHf#xtor=EPR-6-[Newsletter-Matinale]-20160330

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Ecce homo  !

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

17è avril [1761] à Ferney

Plus anges que jamais, et moi plus endiablé . La tête me tourne de ma création de Ferney . Je tiens une terre à gouverner pire qu'un royaume, car un ministre n'a qu'à ordonner, et le pauvre campagnard des Alpes est obligé de faire tout lui-même . Il n'a jamais de loisir ; et il en faut pour penser . Ainsi donc mes anges vous pardonnerez à ma tête épuisée .

1° Oreste se recommande à vos divines ailes . Ma mère en fait autant 1 est le commencement d'une chanson plutôt que d'un vers tragique, quelquefois un misérable hémistiche coûte .

Il a montré pour nous l'amitié la plus tendre

Il révérait mon père ; il pleurait sur sa cendre .

ELECTRE

Et ma mère l'invoque ! Ainsi donc les mortels 2

Se baignent dans le sang, et tremblent aux autels .

Voilà je crois la sottise amendée .

La sottise des anecdotes de Fréron 3 est d'un La Harpe, jadis son complice, aujourd’hui domestique de M. le duc de La Vallière . Thieriot me les a envoyées . Je vous en ai fait part, mais cela n'est bon que pour vos laquais et pour les cafés .

Votre première présidente est une bigote insolente, et son frère un fripon 4. Mais il faut être poli .

Il est plaisant que Bernard m’ait volé, et que je n'ose pas le dire 5, mais Leriche 6 vaut mieux , et grâces vous soient rendues . Le produit net des 173 journaux 7 est fort plaisant, et plus honnête, mais savez-vous bien que vous faites Jean-Jacques un très grand seigneur ? Vous lui donnez là cent mille écus de rente . La compagnie des Indes sans le tabac ne pourrait en donner autant à ses actionnaires ; vous êtes généreux mes anges .

J'ai une curiosité extrême de savoir si Mme de Pompadour et M. le duc de Choiseul ont reçu leur exemplaire de Prault .

Autre curiosité de savoir si on joue la seconde scène du second acte de Tancrède comme elle est imprimée dans l'édition Cramer, et comme elle ne l'est pas dans l'édition de ce Prault . Je vous conjure de me dire la vérité . Je trouve la façon Cramer , plus attachante, plus théâtrale, plus favorable à de bons acteurs . Ai-je tort ?

Lekain ne m'a point écrit .

Si vous étiez des anges sans préjugés vous verriez que Le Droit du seigneur n'est pas à dédaigner, que le fond en était bon, que la forme y a été mise à la fin, qu'il n'y a pas une de vos critiques dont on n'ait profité, que la pièce est tout le contraire de ce que vous avez vu . En un mot je vous conjure de la laisser passer sous le masque en son temps .

Il faut un autre amant à Fanime . Je lui en fournirai un . Mais le czar m'attend, et l'Histoire générale se réimprime augmentée de moitié ; et la journée n'a que vingt-quatre heures, et je ne suis pas de fer .

Je n'ai point la nouvelle reconnaissance d'Oreste et d'Electre . Daignez me l'envoyer ; ou , j'en ferai une autre . Je suis entouré de vers, de prose, de comptes d'ouvriers . Je ne peux me reconnaître . Il est très vrai qu'il s'agit d'un mariage pour Mlle Corneille, et que l'emploi de valet de poste a arrêté le soupirant 8. Voilà ce qu'a produit Fréron ! et on protège cet homme !

Le Brun est un bavard . Il m’avait insinué dans ses premières lettres que je ne devais pas laisser Mlle Corneille dans l'indigence après ma mort . Je lui ai mandé que j'avais fait là-dessus mon devoir . Il l'a dit, et il a tort .

Que voulez-vous donc de plus terrible, de plus affreux à la mort de Clytemnestre, que de l'entendre crier ? Il n'y a point là de beaux vers à faire . C'est le spectacle qui parle , et ce qu'on dit en pareil cas , affaiblit ce qu'on fait .

Mais songez que Térée 9 et Oreste tout de suite, … voilà bien du grec, voilà bien de l'horreur ; il faut laisser respirer ; je voudrais une petite comédie entre ces deux atrocités pour le bien du tripot .

Daignerez-vous répondre à tous mes points ? Je n'en peux plus . Mais je vous adore .

V.

Pour Dieu dites-moi si vous ne trouvez pas le mémoire contre les jésuites bien fort 10, et bien concluant ? Comment s'en tireront-ils ? Je les ai fait plier tout d'un coup sans mémoire ; je les ai fait sortir d'un domaine qu'ils usurpaient . Ils n'ont pas osé plaider contre moi , mais il ne s'agissait que de 160 000 livres . Quand pourrai-je voir, disait un homme assez dur, les jésuites étranglés avec des boyaux de jansénistes ?11 »

 

1 Ce vers était ainsi conçu : Ma mère en fait autant : les coupables mortels [...]

2 Oreste , IV, 3

3 Voir lettre du 3 avril 1761 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/03/22/c-est-une-affaire-que-nous-n-abandonnerons-jamais-5777656.html

Noter que ce paragraphe et le suivant sont omis dans l'édition de Kehl .

4 Ce sont Mme de Molé et le financier Bernard ; voir lettre du 15 mai 1758 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/08/19/nous-sommes-des-barbares-et-vous-autres-gens-polis-vous-donn.html

et lettre du 11 avril 1754 à Mme Denis : « M. de Mauconseil m'assure que Bernard est mort absolument ruiné, qu'il le savait depuis trois ans, et que son notaire l'avertit alors de ne pas avoir à faire avec lui . Laleu, notaire de Bernard, nous a fait donner dans le traquet . »

5 Sur la copie Beaumarchais-Kehl, on lit ici cette note de Condorcet : « Nota . Il était père de la première présidente Molé qui ne paya point ses dettes mais qui trouvait fort mauvais qu'on dit qu'il avait volé ses créanciers . »

6 Le copiste a écrit ce mot Leriche suivant en cela sans doute l'original ; en fait V* propose ici une correction au vers 32 de l 'Épître sur l'agriculture , où on lit : « Qu'un Bernard l'ai volé » ; cette substitution, qui suppose d'ailleurs un remaniement du vers ne fut pas faite .

7 V* n'est pas loin de la vérité car une bibliographie cite 124 périodiques français pour l'année 1790 .

8 Voir lettre du 3 avril 1761 à d'Argental , citée plus haut .

 

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30/03/2016 | Lien permanent

Il y a prodigieusement de baïonnettes et fort peu de livres.

Aujourd’hui, petit passage par les mains de la coiffeuse, juste le temps de constater que j’ai décidément un front des troupes pileuses qui recule (sans peur et en ordre régulier ) et une tendance à passer de la couleur au noir et blanc (heureusement, je ne passe pas par le sépia, trop pisseux pour une tignasse ! ).

Et instinctivement me vient en tête ceci : http://www.dailymotion.com/video/xd396_brassens-quand-on-...

et le commentaire du titre de cette note : quand le budget de l'armée sera-t-il inférieur à celui de l'éducation et de la culture ? 

Je crois que je serai chauve comme le capot d'une Twingo ou mes cendres dispersées à tous les vents lorsque celà arrivera, je le crains . Je parle pour la France, je n'ose envisager cette hypothèse pour l'Iran, la Palestine, Israël ou le Pakistan ( je ne peux pas nommer tous les pays du monde, j'y serai encore demain !)...

brassens chenu.jpg

 Au ciel ce gaillard là doit chanter quelques poêmes de Volti dédiés à de jolies femmes ! Je suis prêt à prendre les paris !...

 

 

« A Jean Le Rond d’Alembert

de l’Académie des Sciences etc.

 

 

                            Vraiment, Monsieur, c’est à vous à dire :

Je rendrai grâce au ciel, et resterai dans Rome [Rome sauvée].

 

                            Quand je parle de rendre grâce au ciel, ce n’est pas du bien qu’on vous a fait dans votre patrie, mais de celui que vous lui faites. Vous, et M. Diderot, vous faites un ouvrage qui sera la gloire de la France, et la honte de ceux qui vous ont traversés [l’Encyclopédie a été condamnée]. Paris abonde de barbouilleurs de papier, mais de philosophes éloquents je ne connais que vous et lui. Il est vrai qu’un tel ouvrage devait être fait loin des sots et des fanatiques sous les yeux d’un roi aussi philosophe que vous, mais les secours manquent ici totalement. Il y a prodigieusement de baïonnettes et fort peu de livres. Le roi a fort embelli Sparte, mais il n’a transporté Athènes que dans son cabinet ; et il faut avouer que ce n’est qu’à Paris que vous pouvez achever cette grande entreprise. J’ai assez bonne opinion du ministère pour espérer que vous ne serez pas réduit à ne trouver que dans vous-même la récompense d’un travail si utile.

 

 

                            J’ai le bonheur d’avoir chez moi l’abbé de Prades, et j’espère que le Roi, à son retour de Silésie, lui apportera les provisions d’un bon bénéfice [le 18 juillet V* écrit à l’abbé que le roi lui a promis « le premier bénéfice vacant en Silésie »]. Il ne s’attendait pas à ce que sa thèse dût le faire vivre du bien de l’Église, quand elle lui attirait de si violentes persécutions [Jean-Martin de Prades avait soutenu en Sorbonne une thèse intitulée « Jerusalem coelesti, quaestio theologica : Quis es ille, cuius in faciem deus inspirauit spiraculum uitae ? L’université avait accepté la thèse, puis était revenue sur sa décision quand de  Prades avait été attaqué par l’Eglise et par le parlement qui condamna la thèse au feu . Il s’était alors enfui en Hollande puis en Prusse.]. Vous voyez que cette Église est comme la lance d’Achille qui guérissait les blessures qu’elle avait faites. Heureusement les bénéfices ne sont point en Silésie à la nomination de Boyer ni de Couturier [dans une note ajoutée au Mondain, V* accuse Couturier, prêtre ami du cardinal de Fleury, d’avoir contribué à faire condamner Le Mondain et de l’avoir ainsi obligé à fuir]. Je ne sais pas si l’abbé de Prades est hérétique, mais il me parait honnête homme, aimable et gai.

 

 

                            Comme je suis toujours très malade, il pourra bien m’exhorter à mon agonie, il l’égayera et ne me demandera point de billet de confession. Adieu, Monsieur ; s’il y a peu de Socrate en France, il y a trop d’Anitus et de Melitus [accusateurs de Socrate], et surtout trop de sots. Mais je veux faire comme Dieu qui pardonnait à Sodome en faveur de cinq justes. Je vous embrasse de tout mon cœur.

 

 

                            Voltaire

                            A Potsdam, 9 septembre 1752. »

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je ne perds pas plus le repos dans cette petite affaire que je méprise , qu'un juge ne le perd, quand il examine le proc

Au hasard d'un furetage !

Mais qu'est-ce qui peut faire perdre le repos ? Je vous le donne en  mille : l'AMOUR !

http://www.citations-amour.fr/lamour-fait-perdre-le-repos...

Je n'ai perdu qu'une des deux choses citées , sachant , pour vous guider , que je mange toujours d'un bon appétit .

 

repos chaton.jpg

 

 

Et celui-ci n'a perdu ni l'une ni l'autre !

 

 

« Au baron Albrecht von Haller

 

Aux Délices près de Genève

26 février 1759

 

Monsieur,

 

Vous serez encore importuné de moi, mais prenez-vous en à l'estime que j'ai pour vous .

 

Laissons imprimer des libelles en Hollande, c'est une denrée du pays, mais notre Suisse est et doit être le séjour de la tranquillité . Si le ministre Saurin vola des chevaux il y a soixante et onze ans, son fils secrétaire de M. le prince de Conti, et sa famille au nombre de onze têtes, ne doit pas aujourd'hui être couverte d'opprobre ; ni la physique ni la morale ne gagnent rien à l'écrit scandaleux du ministre Le Resche qui termine le libelle i.

 

Permettez-moi, Monsieur, d'observer qu'il y a quelque différence entre le soin de vous avertir que M. Grasset, garçon-libraire de Bousquet, et renvoyé de chez lui quoique présenté au feu pape ii, a volé ses maîtres iii à Genève, et la cruauté d'imprimer que le ministre Saurin vola dans le siècle passé ; Saurin ne volera personne .

 

Je sais que les misérables, qui ont imprimé le libelle à Lausanne, l'ont fait pour gagner quelque argent ; cela peut les excuser auprès d'un marchand, mais non auprès d'un philosophe .

 

Le libelle doit être, Monsieur, d'autant plus désagréable pour vous et pour moi qu'il y a une lettre ou Mémoire daté de Göttingen qu'on vous impute .

 

Le ministre Le Resche prouve que je suis déiste et athée, parce que j'ai pris le parti d'une famille affligée, il est vrai que sa preuve n'est pas excellente, mais elle n'en mérite pas moins d'être supprimée . J'ai été persuadé, Monsieur, qu'ayant été commissaire du Conseil pour policer ou encourager l'Académie de Lausanne vous étiez plus à portée que personne d'étouffer ce scandale, et qu'un mot de votre part à M. de Bonstetten pourrait suffire . J'ai pensé et je crois encore que l'amour de l'ordre et le plaisir de faire du bien en empêchant du mal vous engageront à cette démarche, dont je vous aurai en mon particulier d'autant plus d'obligation que le bien public y est attaché .

 

Croyez-moi, Monsieur, je ne perds pas plus le repos dans cette petite affaire que je méprise , qu'un juge ne le perd, quand il examine le procès d'un malfaiteur . Vous me dites que je suis riche iv; je le suis assez pour dépenser beaucoup d'argent à Lausanne quand j'y vais , il n'est en vérité ni décent ni convenable qu'on fasse dans Lausanne un libelle contre un étranger, qui n'était pas nuisible dans cette ville .

 

Daignez vous souvenir, Monsieur, de la satisfaction que vous demandâtes de la rapsodie de ce fou de La Mettrie v, ce n'était qu'une impertinence qui ne portait aucun coup, une saillie d'ivrogne, qui ne pouvait nuire à personne, pas même à son auteur, tant il était décrié et sans conséquence . Mais ici, Monsieur, ce sont des gens de sens rassis, des ministres, des gens de lettres qui se servent du prétexte de la religion pour colorer les injures les plus noires . Permettez-moi donc du moins d'agir lorsqu'on m'outrage d'une façon dangereuse, comme vous en avez usé, quand on vous offensa d'une façon qui n'était qu'extravagante . J'ai tout lieu de croire que des magistrats de Berne ayant eu la bonté de m'avertir de ce complot, le Conseil ayant ordonné que le libelle fût saisi, les Seigneurs curateurs ayant voulu que l'Académie en rendît compte, cet infâme ouvrage demeurera supprimé ; mais j'avoue , Monsieur, que j'aimerais mieux vous en avoir l'obligation qu'à personne ; on aime à être obligé de ceux dont on est l'admirateur, si dans l'enceinte des Alpes , que vous avez si bien chantées, il y a un homme sur la bonté duquel j'ai dû compter, c'est assurément l'illustre M. de Haller .

 

Voilà les sentiments de mon cœur avec lesquels je serai toute ma vie

Monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

 

Voltaire. 

 

Il ne faut point affranchir les lettres pour Tournay, la poste s'est imaginé que c'était Tournay en Flandre. Il n'y a qu'à écrire Genève.»

 

i Réponse à la Réfutation que M. D. V.[oltaire] a faite d'un écrit anonyme qui se trouve dans le Journal helvétique d'octobre dernier, où Le Resche attaquait l'article « Saurin » du catalogue du Siècle de Louis XIV et feu Saurin .

Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/02/07/t...

 

ii En écrivant à Haller le 24 mars, V* précisera : « Ne soyez point étonné que Grasset ait eu une médaille de ce bon pape Benoit . Il lui a fait accroire qu'il imprimerait à Lausanne les énormes et inlisibles volumes de Sa Sainteté. »

iii « ses maîtres » = les Cramer, qui ont fourni un certificat ( à la demande pressante de V*) ;

voir lettres à Cramer et à Bertrand vers le 10 février : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/02/13/s...

 

iv Haller se permit de répondre à V* le 17 février : « Quoi ! J'admirerai un homme riche, indépendant, ... applaudi ... » ;

voir lettre MMDCCLXXXI page 217 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f222.image.r...

Albrecht von Haller :http://en.wikipedia.org/wiki/Albrecht_von_Haller

v Voir lettre du 5 septembre 1752 à Frédéric : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/05/v...

 

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26/02/2011 | Lien permanent

il y en a de tracasseurs, d'envieux, de méchants, il faut les faire taire

... Qu'ils soient du gouvernement ou du plus humble O.S .

 

 

« A Marie-Marthe de La Harpe 1

16 mars 1768 à Ferney

Nos lettres se sont croisées, madame, ; mettez-vous, je vous en supplie, à ma place, pour un moment, sans rien diminuer des sentiments que vous avez, et que vous devez avoir pour M. de La Harpe .

Je crois vous avoir mandé que les représentants de Genève ont enfin gagné leur procès par leur union et par leur persévérance . Vous sentez combien il m'importait qu'on ne publiât pas la plaisanterie, innocente à la vérité, mais très dangereuse, qui pourrait ulcérer tous ces représentants mes voisins, tous gens un peu difficiles . Ce second chant qui lie les deux autres ne paraissant point, j'étais sûr que l'ouvrage ne serait point imprimé . Voilà pourquoi je l'avais refusé à des princes voisins qui prennent autant d'intérêt aux tracasseries de Genève qu'on les méprise à Paris . Je n'avais certainement donné ce manuscrit à personne ; il n’était jamais sorti de mon portefeuille, M. Wagnière qui écrit cette lettre sous ma dictée en est témoin . Cet ouvrage n’était point achevé, il s'en fallait de beaucoup .

M. de La Harpe l'emporte à Paris sans m'en rien dire, la donne à M. d'Alembert, à M. le comte de Rochefort, à M. Dupuits et à une dame, les copies se multiplient et il est trois mois s'en m'en avertir, lui qui me parlait dans chacune de ses lettres de toutes les nouvelles de la littérature .

Enfin tout l’ouvrage arrive en Suisse, il parvient à un libraire, et tout ce que je puis faire, c'est d'obtenir du libraire qu'il accepte une bonne copie au lieu d'une mauvaise et que l'ouvrage complet paraisse dans un meilleur état .

Vous savez, madame, que j'ai été extrêmement affligé, mais jamais en colère . En vérité M. de La Harpe aurait bien dû se jeter avec confiance entre les bras de l'amitié, prendre sur lui de me parler avec quelque douceur, chercher avec moi les moyens de réparer le tort qu'il me faisait ; il en était peut-être encore temps . Au lieu de prendre ce parti que je devais attendre de son amitié il me dit au bout de huit jours, c'est un nommé Antoine, sculpteur de la rue Hautefeuille, qui lui a donné la copie et qui le distribue dans Paris . J'envoie à Paris chez ce sculpteur, il répond que cela n'est pas vrai . Je me tais, et mon affliction redouble . Enfin M. de La Harpe m'écrit une lettre dure et insultante de sa chambre à la mienne , il part de chez moi sans donner la moindre marque d’attendrissement et de cordialité à son ami .

Cette aventure a eu je vous le redis encore, de suites plus douloureuses pour moi que vous ne pensez . J'ai plus d'un chagrin cruel à dévorer .

M. d'Alembert me mande que M. de La Harpe lui a avoué son tort, c'est-à-dire qu'il a eu une franchise qu'il aurait dû avoir avec moi, franchise que la mienne mérite, franchise qui m'aurait entièrement consolé ma tendre amitié et soulagé ma douleur .

Je n'écrivis à Paris sur cette affaire qu'à M. d'Alembert et à mon neveu le conseiller au Parlement . Je n'écrivis que pour savoir quelles mesures on pourrait prendre pour empêche la publicité . Non seulement, madame, il m'est impossible de nuire à M. de La Harpe, mais il m'est impossible de ne pas estimer ses talents, sa personne, et chercher à le servir . J'écrirai assurément tout ce que vous voudrez . Vous avez sur son esprit le crédit que vous devez avoir, et vous ne vous en servirez que pour fortifier dans son cœur l'amour des devoirs de la société qui doit contribuer à sa fortune et à la douceur de sa vie ; je ne suis en peine ni de ce que vous lui direz, ni de ce qu'il sentira .

On vous à trompée, madame,quand on vous a dit que j'avais voulu mettre sur la tête de mon neveu au Grand conseil la pension dont le roi m’honore ; il vous dira,quand vous voudrez, que rien au monde n'est plus faux ; il n'en a jamais été question .

On vous a trompée de même en vous disant que ma pension était supprimée . Je n'en ai jamais demandé le paiement . M. Bertin m'en fît payer quelques années en sortant du ministère des Finances, M. de Boulogne me manda le 14 août de l'année passée que monsieur le contrôleur général n'avait point retrouvé mon brevet dans ses bureaux . Je viens de le faire retrouver dans ceux de M. de Saint-Florentin .

Tout ce que je vous dis dans ma lettre, madame,est d'un bout à l'autre de la plus exacte vérité . Je vous épargne le récit de mes chagrins . Je suis très sensible aux vôtres .

Tout le mal vient, encore une fois, de ce que M. de La Harpe n’a pas eu assez de confiance en mon amitié . Il en porte la peine bien douloureusement, mais j'empêcherai, je vous le jure, que cette affaire lui fasse le moindre tort .

J'écrirai encore une fois tout ce qu'il faudra ; il est ridicule que cette bagatelle devienne une affaire sérieuse parmi les gens de lettres de Paris, il y en a de tracasseurs, d'envieux, de méchants, il faut les faire taire . Il faut que M. de La Harpe jouisse d'une gloire pure . Il faut surtout que l’amitié lui soit aussi chère que la gloire . Je me confie entièrement à vous, madame,je vous parle à cœur ouvert ; si M. de La Harpe avait eu outre ce manuscrit quelques papiers qui pouvaient être dans le même portefeuille, je le conjure par tous les sentiments que je conserverai toujours pour lui de n'en faire aucun usage , et de les brûler . Un papier très innocent peut être traité quelquefois en criminel . Je vous ai dit très naïvement tout ce que j'avais sur le cœur, soyez bien persuadée qu'il n'y a dans ce cœur qu'une amitié inaltérable pour vous, et pour monsieur votre mari 2. »

1 Née Marie- Marthe Monmayeux, épouse La Harpe depuis le 12 novembre 1764 , divorcera en 1793, mourra en 1794 . Voir : https://obvil.sorbonne-universite.fr/corpus/sainte-beuve/html/sainte-beuve_causeries-du-lundi-ed-03_05.html

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30/10/2023 | Lien permanent

il en faut faire une ville commerçante ou n'en rien faire du tout . Mais pour y appeler des habitants et le commerce il

... Bien vu mon cher Voltaire .

Des moyens financiers et surtout une liberté absolue, sources de développement indispensables, deux conditions qui semblent plus que difficiles à réunir dans toutes ces petites communes qui perdent leurs commerces et leurs médecins .

Etat des lieux : https://www.journaldeslycees.fr/actualite-jeunes/morbihan/lycee-jean-baptiste-colbert/petits-commerces--bientot-un-souvenir---,1889.html

et :  https://brm-conseil.fr/fr/2023/03/30/commune-recherche-son-medecin-generaliste-voici-pourquoi-vous-ne-trouvez-pas/

On connait le mal, reste à appliquer le remède .

 

 

 

« A Marie-Louise Denis

rue Bergère, vis-à-vis l'hôtel des Menus

à Paris

18è novembre 1768

Ma chère nièce, le résultat de votre dernière lettre et de celle de M. d'Argental a produit son effet en grande partie . Les premières scènes du Vè acte qui étaient très languissantes et faiblement écrites sont devenues touchantes et fortes, et tout ce qu'on a demandé avec juste raison a été fait sur-le-champ ; mais pour le grand point qui regarde la prêtraille, il est impossible d'y remédier . C'est le fondement de la pièce . Un grand inquisiteur païen ne peut être qu'un objet d'horreur ; et si ce païen ressemble à quelques chrétiens, ce n'est pas ma faute . Il faudra voir si en présentant l'ouvrage à monsieur le Chancelier, qui est un homme d’esprit et qui n'est pas sacerdotal, on ne pourrait pas fermer la bouche aux faiseurs d'allusions . Le temps est plus favorable qu'on ne croit . On me mande de Toulouse que j'ai converti les trois quarts du parlement 1 . Il en est à peu près de même à Dijon, à Besançon et à Grenoble . Il est certain que le monstre du fanatisme rend les derniers soupirs en se débattant . Les Guèbres lui donneront l'extrême-onction . Si on ne les joue pas, on les fera imprimer avec la préface la plus sage, et la plus capable de dérouter les faiseurs d'allusions . C'est à mon gré l'ouvrage le moins mal inventé et le moins faible qui soit sorti du cabinet de votre ami . J'oubliais de vous dire que monsieur le Chancelier m'a écrit, sur Le Siècle de louis XIV, la lettre la plus agréable et la mieux faite . On en parait très content jusqu'à présent .

On me mande que le roi de Danemark avait dit au roi de France que je lui avais appris à penser 2. Un prince qui parle ainsi était bien en état de penser sans moi .

Vos voisins les républicains de Genève paraissent bien changés ; ils jouent tous la comédie . Je suis sorti une fois de ma solitude pour aller à leur invitation . Ils m'ont reçu mieux qu'un ambassadeur . Je ne suis pas si content des éléments . Je crains une grande disette pour l'année prochaine . Je me suis obstiné à faire semer trois fois un petit champ que je protège, et que je cultive comme un potager .

Tout le Châtelard tombe de vétusté . Je commence de nouveaux bâtiments qui coûteront quinze mille livres . Cela augmentera votre terre que j'améliore autant que je peux .

Je ne sais pas encore ce que deviendra Versoix . Il est certain qu'il en faut faire une ville commerçante ou n'en rien faire du tout . Mais pour y appeler des habitants et le commerce il faut y jeter des trésors et y établir en tout genre une liberté inaltérable . Sans ces deux moyens, on perdra toutes ses avances . Je serais outré de désespoir que M. le duc de Choiseul ne réussit pas dans ses entreprises . On dit que les Français ont encore été battus par les Corses le 2 du mois . Cela est d’autant plus triste que toute l'Europe est corse .

Je ne sais où est actuellement votre frère le Turc . Il a dû recevoir son Siècle comme vous le vôtre. J'ai à lui écrire et je ne sais où le prendre . J'attends le retour d'Hornoy pour le remercier de tous ses bons offices .

Je crois vous avoir déjà mandé que l'affaire du président Hénault n'était point du tout finie, et qu je suis chargé de le défendre 3 contre les violentes critiques du prétendu marquis de Bélestat, sous le nom duquel on a vexé le président . Il y a là un fond d'intrigue fort singulier et fort plaisant . Je cherche à découvrir l'espiègle qui a joué cette comédie . C'est malheureusement un homme d'esprit et savant . L'abbé Boudot cherche actuellement des armes pour m'aider à combattre .

Je vous embrasse le plus tendrement du monde vous et vos deux enfants .

V. »

1 On a vu dans la lettre du 13 novembre 1768 à Christin , qu'Audra est loin d'avoir dit cela ; mais on a vu aussi que c'est déjà ce que répète V* depuis quelque temps ; voir lettre du12 novembre 1768 au duc de Choiseul : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/05/22/vous-etes-accoutume-a-reparer-quelquefois-les-fautes-d-autrui.html

et voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/05/24/non-seulement-toute-la-jeunesse-du-parlement-mais-une-grande-partie-du-cent.html

2 C'est ce qu'a dit d'Alembert à V* le 12 novembre 1768 : page 181 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_%28d%E2%80%99Alembert%29/Correspondance_avec_Voltaire/Texte_entier

à quoi Mme Du Deffand apporte une confirmation en écrivant les 7 décembre 1768 à Walpole que le roi ne dit rien qui vaille la peine d'être rapporté « excepté quelques louanges qu'il donne de temps en temps à Voltaire et au feu président de Montesquieu »

3 L'expression montre à quel point V* sait donner un tour aux événements qu'il rapporte . Mme Du Deffand s’exprime à cet égard comme suit dans une lettre à Walpole du 23 novembre 1768 : « Il y a dans cette brochure [l'Examen de la nouvelle histoire de Henri IV ] une critique amère et cinglante de la Chronologie du président ; nous avons été occupés pendant quatre mois à empêcher qu’il en eût connaissance […] Il y a six semaines ou deux mois que le président reçoit une lettre de Voltaire qui lui parle de cette brochure et lui transmet l'article qui le regarde, et une autre qu'on peut appliquer à une personne bien considérable . Nous fûmes bien déconcertés ; le président ne fut pas aussi troublé que nous l'appréhendions . Il fait une réponse fort sage : Voltaire lui a récrit trois lettres depuis cette première ; il veut absolument qu’il réponde, et comme le président persiste à ne le vouloir pas, il lui offre de répondre pour lui . Le président y consent, pourvu que Voltaire y mette son nom. » Mme Du Deffand ajoute qu'on soupçonne Voltaire lui-même d'avoir fait cet Examen, ce qui est très invraisemblable .

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02/06/2024 | Lien permanent

on peut encore parler de quelques faiblesses d'un grand homme, surtout quand il s'en est corrigé.

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« A Ivan Ivanovitch Shouvalov



Aux Délices près de Genève 7 août 1757



Avant d'avoir reçu les mémoires dont Votre Excellence m'a flatté, j'ai voulu vous faire voir du moins par mon empressement que je cherche à n'en être pas indigne.



J'ai l'honneur de vous envoyer huit chapitres de l'Histoire de Pierre le Grand. C'est une très légère esquisse que j'ai faite sur les Mémoires manuscrits du général Le Fort, sur les relations de la Chine, sur les mémoires de Strelemberg [= Strahlenberg] et de Perri [John Perry]. Je n'ai point fait usage d'une vie de Pierre le Grand, faussement attribuée au prétendu boyard Nevestoy et compilée par un nommé Rousset [ Mémoires du règne de Pierre le Grand, 1725-1726, de Iwan Nestesuranoi (= J. Rousset de Missy)]] en Hollande. Ce n'est qu'un recueil de gazettes et d'erreurs très mal digéré, et d'ailleurs un homme sans aveu qui écrit sous un faux nom ne mérite aucune créance.



J'ai voulu savoir d'abord si vous approuvez mon plan, et si vous trouvez que j'accorde la vérité de l'histoire avec les bienséances. Je ne crois pas, Monsieur, qu'il faille toujours s'étendre sur les détails des guerres, à moins que ces détails ne servent à caractériser quelque chose de grand et d'utile. Les anecdotes de la vie privée ne me paraissent mériter d'attention qu'autant qu'elles font connaître les mœurs générales. On peut encore parler de quelques faiblesses d'un grand homme, surtout quand il s'en est corrigé. Par exemple l'emportement du czar avec le général Le Fort peut être rapporté, parce que son repentir doit servir d'un bel exemple. Cependant, si vous jugez que cette anecdote doive être supprimée, je la sacrifierai très aisément. Vous savez, Monsieur, que mon principal objet est de raconter tout ce que Pierre Ier a fait d'avantageux pour sa patrie, et de peindre ses heureux commencements qui se perfectionnent tous les jours sous le règne de son auguste fille.



Je me flatte, Monsieur, que vous voudrez bien rendre compte de mon zèle à Sa Majesté, et je continuerai avec son agrément. Je sens bien qu'il doit se passer un peu de temps avant que je reçoive les mémoires que vous avez eu la bonté de me destiner. Plus j'attendrai, plus ils seront amples. Soyez sûr, Monsieur, que je ne négligerai rien pour rendre à votre empire la justice qui lui est due. Je serai conduit à la fois par la fidélité de l'histoire, et par l'envie de vous plaire.



Vous pouviez choisir un meilleur historien, vous ne pouviez vous confier à un homme plus zélé.



Si ce monument devient digne de la postérité, il sera tout entier à votre gloire ; et j'ose dire à celle de Sa Majesté l'Impératrice, ayant été composé sous ses auspices.



J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous ai voués

Monsieur,

de votre Excellence,

le très humble et très obéissant serviteur.

VOLTAIRE.



M. de Vetslow [ Fedor Pavlovitch Veselovsky ; il a été chargé par Schouvalov de demander à V* d'écrire l'Histoire de la Russie] m'a dit que Votre Excellence voulait envoyer quelques jeunes Russes étudier dans le pays que j'habite. Lausanne est bien moins chère que Genève, et je me chargerai de les établir à Lausanne avec tout le zèle et toute l'attention que mériteront vos ordres.



NB : Il paraît important de ne point intituler cet ouvrage Histoire, ou Vie de Pierre Ier. Un tel titre engage nécessairement l'historien à ne rien supprimer. Il est alors forcé de dire des vérités odieuses, et s'il ne les dit pas, il se déshonore sans faire honneur à ceux qui l'emploient.



Il faudrait donc prendre pour titre, ainsi que pour sujet, La Russie sous Pierre Ier. Une telle annonce écarte toutes les anecdotes de la vie privée du czar qui pourraient diminuer sa gloire, et n'admet que celles qui sont liées aux grandes choses qu'il a commencées et qu'on a continuées depuis lui. Les faiblesses ou les emportements de son caractère n'ont rien de commun avec les objets importants ; et l'ouvrage alors concourt également à la gloire de Pierre Ier, de l'Impératrice sa fille , et de sa nation.



On travaillera sur ce plan avec l'agrément de Sa Majesté Impériale qui est nécessaire. »

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07/08/2010 | Lien permanent

C'est un de mes plus violents chagrins qu'un homme que j'aime puisse avoir quelque chose à me reprocher

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

15 juin 1755

 

Mon cher ange, je vous demande toujours en grâce de montrer ce dernier chant 1 à M. de Thibouville, afin qu'il voie que les sottises qu'on y a insérées ne sont pas de moi . C'est un de mes plus violents chagrins qu'un homme que j'aime puisse avoir quelque chose à me reprocher, et il n'y a certainement d'autre remède que de lui faire voir le manuscrit que vous avez : tout cela est horrible . Comment puis-je, encore une fois, travailler à mes Chinois et à mes Tartares 2 dans cette crainte perpétuelle, dans les soins qu'il me faut prendre pour prévenir cette malheureuse édition et dans la douleur de voir que mes soins seront inutiles ? La personne qui m'avait juré que la copie qu'elle avait ne sortirait jamais de ses mains 3, l'a pourtant confiée à Darget dans le temps que j'étais en France, croyant que Darget ne manquerait pas de l'imprimer et qu'alors je serais forcé de lui demander un asile : voila sa conduite, voila le nœud de tout . Darget m'a avoué lui-même dans la lettre qu'il vient de m'écrire, que cette personne lui avait donné ce malheureux manuscrit 4. Il l'a lu publiquement à Vincennes et aurait fait tout aussi bien de ne le pas lire ; d'autant plus que si cet ouvrage est jamais imprimé, on serait en droit de s'en plaindre à lui . M. l'abbé Chauvelin voit quelquefois Darget ; je ne doute pas qu'il ne l'affermisse dans le dessein où il parait être de n'en point donner de copie . Je vous supplie d'engager M. l'abbé Chauvelin à faire cette bonne œuvre, il est si accoutumé à en faire ! Mais en prenant cette précaution, en défendant un côté de la place, empêcherons-nous qu'elle ne soit prise dans d'autres attaques ? Les copies se multiplient 5, les lettres de M. de Malesherbes et du président Hénault me font trembler 6. Tous les libraires de l’Europe sont aux aguets 7. Je vous jure que si j'avais du temps et encore un peu de génie je me remettrais à cet ouvrage, j'en ferais quelque chose dans le goût de l'Arioste, quelque chose d'amusant, de gai et d'assez innocent . J'empêcherais du moins par là le tort qu'on fera un jour à ma mémoire ; j'anéantirais les détestables copies qui courent, et un poème agréable résulterait de tout ce fracas . Mais je sens bien que vous demanderez la préférence pour nos cinq actes 8. Dieu veuille que je sois assez recueilli, assez tranquille pour vous bien obéir ! Nous verrons ce que je pourrai tirer d'une tête un peu embarrassée et si je pourrai conduire à la fois mes ouvriers, La Pucelle, l'Histoire générale et mes Tartares . Je ne vous réponds que de ma sensibilité pour vos bontés . Vous aimer de tout mon cœur est la seule chose que je fasse bien . Adieu mon cher et respectable ami .

 

V. »

1La Pucelle, le « chant de l'âne » en particulier ; voir lettre du 20 novembre 1754 :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/11/19/consolez-par-un-mot-une-ame-qui-en-a-besoin.html#more

et 2 décembre 1754 :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/11/30/feu-mme-du-chatelet-qui-n-a-fini-que-par-des-infidelites.html#more et 6 février 1755 :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/02/06/c... . V* a envoyé le 2 avril à d'Argental le manuscrit de La Pucelle.

2 L’Orphelin de la Chine .

3 Frédéric II . Le 13 juin, V* écrivit à Darget : « Tout le monde sait dans Paris ... » ; page 234 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f238.image.r=.langFR

Et le 23, aux d'Argental, il ajoute un post-scriptum : « Si ce n'est lui, c'est donc son frère, mais c'est lui qui est le loup » ; lui = Frédéric et son frère = le prince Henri .

4 Le 1er juin, Darget écrit à V* :  « La copie que j'ai lue à Vincennes devant le chevalier de Croismare ... » ; voir page 228 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f232.image.r=.langFR

5 Le 23, V* précise : « Ce Grasset a apporté un exemplaire de Paris . Un magistrat de Lausanne l'a vu ... L’Allemagne est pleine de copies . Vous savez qu'il y en a dans Paris . Vous n'ignorez pas que M. le duc de La Vallière en a marchandé une . »

6 Malesherbes a écrit à Mme Denis qu'il lui semble très difficile d'empêcher que les premiers chants de La Pucelle ne paraissent, et qu'il serait fâcheux pour V* qu'ils parussent .

7 Trois éditions pirates dans six états typographiques parurent en 1755 .Les démêlés de V* et Grasset (qui travailla à Genève puis à Lausanne) ont commencé ; voir lettre du 28 juillet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/07/28/cela-est-a-la-verite-compose-par-de-la-canaille-et-fait-pour.html#more

8 L’Orphelin de la Chine.

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07/06/2011 | Lien permanent

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