19/06/2012
que faire? comment faire? et à quoi bon travailler pour des ingrats?
... Pourrait bien être l'amère réflexion des députés mis hors circuit dimanche !
Pour certains, à ma grande satisfaction ! pour d'autres tout simplement en disant qu'il est bien temps pour une majorité d'entre eux de reprendre place dans la vie commune de ceux qui ne sont pas dotés d'immunités (archaïques) et privilèges (monarchiques) .
Allez ! au boulot plébéiens !
http://www.lepoint.fr/politique/elections-legislatives/vi...
Et sans aucun rapport, sinon que je suis fan de Glenn Gould et qu'il m'accompagna lors de la rédaction de cette note :
http://www.youtube.com/watch?v=ZII_OWJcUfY&feature=related
« A M. le comte d'ARGENTAL.
Aux Délices, 1er avril [1756]
Je reçois votre lettre du 24 mars , mon divin ange que de choses j'ai à vous dire, Mme d'Argental a toujours mal au pied et le messie Tronchin est à Paris . I1 dit que je suis sage et que je me porte bien ah ! n'en croyez rien. Mon procureur dit qu'il m'avait envoyé une procuration , c'est ce qu'un procureur doit envoyer mais il n'en était rien avant vos bontés et avant que M. l'abbé de Chauvelin eût daigné employer auprès de lui son éloquence. J'écris 1 à M. l'abbé de Chauvelin pour le remercier; je ne sais point sa demeure , je lui écris à Paris.
Vous me parlez d'une Mlle Guéant 2; voilà ce que c'est que d'écrire trop tard! les Bonneau 3 sont plus alertes. Un Bonneau m'a écrit, il y a un mois, pour Mlle Hus 4, et mon respect pour le métier ne m'a pas permis de refuser. J'ai signé; j'ai donné Nanine à cette Hus ce n'est pas ma faute je ne suis qu'un pauvre Suisse mal instruit.
On me défigure à Paris, mon Petit Carême 5 est imprimé d'une manière scandaleuse. La jérémiade sur Lisbonne et la Loi naturelle sont deux pièces dignes de la primitive Église, Satan en a fait les éditions. A qui dois-je m'adresser pour vous faire tenir mes sermons avec les notes ? Parlez donc, écrivez donc un petit mot. Quand vous n'auriez pas eu la bonté de mettre à la raison mon procureur, je ne laisserais pas de songer pour vous à quelque drame bien extraordinaire, bien tendre, bien touchant, si Dieu m'en donne la force et la grâce. Mais que faire? comment faire? et à quoi bon travailler pour des ingrats? Moi Suisse, moi fournir la cour et la ville! Je prêche Dieu, et on dit au roi que je suis athée. Je prêche Confucius, et on lui dit que je ne vaux pas Crébillon. Le roi de Prusse ne m'a pas traité avec reconnaissance, et on imprime une Religion naturelle où je le loue 6 à tour de bras .
Comment soutenir tous ces contrastes? Heureusement j'ai une jolie maison et de beaux jardins, je suis libre, indépendant mais je ne digère point, et je suis loin de vous, et je mourrai probablement sans vous revoir.
On me mande que les Anglais sont à Port-Mahon. On me mande que nos affaires de Cadix 7 sont désespérées, et vous ne me dites pas comment va votre petit fait; vous me ferez prendre les tragédies en horreur. Mme Denis vous fait des compliments sans fin, et moi des remerciements et des reproches. Je vous embrasse. Je vous aime de tout mon cœur. »
1 Cette lettre nous est inconnue. (CL.)
2 Mlle Guéant était une jeune actrice d'une figure charmante, dit Grimm dans sa Correspondance littéraire du 1er octobre 1758. Née vers la fin de 1734, elle fut reçue le 12 décembre 1754 au Théâtre-Français, où elle avait paru, dès l'âge de trois et de six ans, dans des rôles d'enfants. Elle mourut, le 12 octobre 1758, de la petite vérole. (CL.) Voir page 247 : http://books.google.fr/books?id=GUoOAAAAIAAJ&pg=PA247&lpg=PA247&dq=mlle+gu%C3%A9ant&source=bl&ots=vsW1HmelK5&sig=7zAvZAHIFaqAAsY6cN8RDjebjxc&hl=fr&sa=X&ei=HqPfT-S7G4a50QX0mZT7CQ&ved=0CEEQ6AEwAA#v=onepage&q=mlle%20gu%C3%A9ant&f=false
3 Voir la Pucelle, chant I, vers 54 et 60. Page 3 : http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre957.html#page_3
4 Mlle Hus : page 250 : http://books.google.fr/books?id=GUoOAAAAIAAJ&pg=PA247&lpg=PA247&dq=mlle+gu%C3%A9ant&source=bl&ots=vsW1HmelK5&sig=7zAvZAHIFaqAAsY6cN8RDjebjxc&hl=fr&sa=X&ei=HqPfT-S7G4a50QX0mZT7CQ&ved=0CEEQ6AEwAA#v=onepage&q=mlle%20hus&f=false
6 La Harpe prétend que Voltaire, après ses brouilleries avec Frédéric, passa quelque temps chez la margrave de Baireuth c'est une erreur; il confond cette princesse avec la duchesse de Saxe-Gotha. Si Voltaire fût allé chez Wilhelmine après sa sortie de Potsdam, il n'eût pas dit à Frédéric, dans la lettre d'avril 1753 « Je suis au désespoir de n'être point allé à Baireuth. »
7 D'une part suite au tremblement de terre de Lisbonne et d'autre part par les actions de piratage des Anglais qui ont ouvert les hostilités sur mer bien avant que la guerre de Sept ans ne soit déclarée .
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18/06/2012
avec vérité j'ai abhorré les abus, les querelles et les crimes mais toujours avec la vénération due aux choses sacrées, que les hommes ont si souvent fait servir de prétexte à ces querelles, à ces abus et à ces crimes
... A tous les défenseurs des choses "sacrées" ou sacrées choses, je dédie le : Bonhomme bleu marine ! Saurez-vous donner un nom , sans vous tromper à ce bonhomme ?
Vous donnez votre langue au chat ( qui n'est toujours pas végétarien ! ) ?
Vous avez trop d'idées après cette merveilleuse période électorale qui enfin va laisser un peu de temps pour se consacrer aux vraies valeurs , celles du foot, du cyclisme et enfin de l'olympisme à l'anglaise ?
Alors écoutez :
http://www.deezer.com/music/track/7007623
http://www.wattpad.com/17596-trait%C3%A9-du-pouvoir-du-ma...
[mars 1756]
Je ne peux que vous remercier, messieurs, de l'honneur que vous me faites d'imprimer mes ouvrages; mais je n'en ai pas moins de regret de les avoir faits. Plus on avance en âge et en connaissances, plus on doit se repentir d'avoir écrit. Il n'y a presque aucun de mes ouvrages dont je sois content, et il y en a quelques-uns que je voudrais n'avoir jamais faits. Toutes les pièces fugitives que vous avez recueillies étaient des amusements de société qui ne méritaient pas d'être imprimés. J'ai toujours eu d'ailleurs un si grand respect pour le public que, quand j'ai fait imprimer la Henriade et mes tragédies, je n'y ai jamais mis mon nom; je dois, à plus forte raison, n'être point responsable de toutes ces pièces fugitives qui échappent à l'imagination, qui sont consacrées à l'amitié, et qui devaient rester dans les porte-feuilles de ceux pour qui elles ont été faites.
A l'égard de quelques écrits plus sérieux, tout ce que j'ai à vous dire, c'est que je suis né Français et catholique et c'est principalement dans un pays protestant que je dois vous marquer mon zèle pour ma patrie, et mon profond respect pour la religion dans laquelle je suis né, et pour ceux qui sont à la tête de cette religion. Je ne crois pas que dans aucun de mes ouvrages il y ait un seul mot qui démente ces sentiments. J'ai écrit l'histoire avec vérité j'ai abhorré les abus, les querelles et les crimes mais toujours avec la vénération due aux choses sacrées, que les hommes ont si souvent fait servir de prétexte à ces querelles, à ces abus et à ces crimes. Je n'ai jamais écrit en théologien je n'ai été qu'un citoyen zélé, et plus encore un citoyen de l'univers. L'humanité, la candeur, la vérité, m'ont toujours conduit dans la morale et dans l'histoire. S'il se trouvait dans ces écrits quelques expressions répréhensibles, je serais le premier à les condamner et à les réformer.
Au reste, puisque vous avez rassemblé mes ouvrages, c'est- à-dire les fautes que j'ai pu faire, je vous déclare que je n'ai point commis d'autres fautes ; que toutes les pièces qui ne seront point dans votre édition sont supposées, et que c'est à cette seule édition que ceux qui me veulent du mal ou du bien doivent ajouter foi. S'il y a dans ce recueil quelques pièces pour lesquelles le public ait de l'indulgence, je voudrais avoir mérité encore plus cette indulgence par un plus grand travail. S'il y a des choses que le public désapprouve, je les désapprouve encore davantage.
Si quelque chose peut me faire penser que mes faibles ouvrages ne sont pas indignes d'être lus des honnêtes gens, c'est que vous en êtes les éditeurs. L'estime que s'est acquise depuis longtemps votre famille dans une république où règnent l'esprit, la philosophie, et les mœurs, celle dont vous jouissez personnellement, les soins que vous prenez, et votre amitié pour moi, combattent la défiance que j'ai de moi-même. Je suis, etc. »
1 Cette lettre est imprimée dans le premier volume des Œuvres de Voltaire, 1756. Elle doit être antérieure au 12 avril, jour où Voltaire écrivait à Thieriot que l'édition était finie depuis quelques jours. (Beuchot)
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Vous direz, mon cher monsieur, que je suis un étourdi, et vous aurez raison
... Diantrement raison . Où sont donc mes clés ? mon permis ? ma tête ? mon portable ?
Ah ! oui , mon portable que j'ai sans doute enterré en plantant deux pommiers le 30 mars , de profundis toshibus kaput !
Mes clés qui naviguent semble-t-il d'un manière autonome de poches en poches, et que j'ai du mal à suivre .
Mon permis, qui a tout prendre et tout bien réfléchi m'est moins indispensable pour rouler qu'un bon plein d'essence .
Ma tête ! oublions ce détail de mon anatomie !
Têtes de linottes
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« A M. BERTRAND
à Berne
Aux Délices, 30 mars [1756]
Vous direz, mon cher monsieur, que je suis un étourdi, et vous aurez raison. J'envoyai cette lettre à M. de Seigneux de Correvon 1, magistrat de Lausanne. Je mis son adresse au lieu de la vôtre. J'étais si malade que je ne savais ce que je faisais. M. de Seigneux m'a renvoyé la lettre, sans savoir pour qui elle est. Je vous rends votre bien, c'est-à-dire mes hommages et mon cœur, qui sont certainement à vous de droit.
Vous me mandez, que Mme de Giez 2 vous a montré ce dessus de lettre; c'est pur zèle de sa part. Le cachet était surmonté d'un H: on disait à Lausanne que H voulait dire Haller; mais ce n'est pas le style d'un homme si respectable. On disait qu'il y a d'autres Haller. Tant mieux pour eux, s'ils ressemblent un peu à ce grand homme 3. Mais que ne dit-on pas à Lausanne ?
Je n'entre point dans les tracasseries; je ne suis point de la paroisse. Je vis dans la retraite, je souffre mes maux patiemment. Je reçois de mon mieux ceux qui me font l'honneur de me venir voir. Je vous aime à jamais, et voilà tout.
V. »
1 Gabriel Seigneux, seigneur de Correvon, né à Lausanne vers la fin du XVIIe siècle; auteur de quelques ouvrages utiles, mort en 1776, dans sa ville natale. http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/745-gabriel-seigneux-de-correvon
3 Dans la bibliothèque cantonale de Berne, ville natale d'Albert de Haller, est un buste avec cette inscription Le grand Haller. (CL.) Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Albrecht_von_Haller
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16/06/2012
Vraiment vous avez bien autre chose à faire qu'à lire mes rêveries; mais quand vous aurez quelque insomnie, elles sont bien à votre service.
... C'est possiblement l'effet de mes propres élucubrations , malheureux lecteurs !
Mais je suis absolument sûr que les lettres de Volti piqueront votre curiosité et votre intérêt . Ce ne sont pas des mouches tsé-tsé .
http://www.deezer.com/music/track/1108022
http://www.passeportsante.net/fr/Maux/Problemes/Fiche.asp...
http://www.deezer.com/music/track/8240123
« A M. le maréchal duc de RICHELIEU.
Aux Délices, 28 mars [1756]
Si je n'avais pas une nièce, mon héros, vous m'auriez vu à Lyon. Je vous aurais suivi à Toulon, à Minorque. Vous auriez eu votre historien avec vous, comme Louis XIV. Que les vents et la
fortune vous accompagnent ! Je ne peux répondre d'eux, mais je réponds que vous ferez tout ce que vous pourrez faire. Si jamais vous pouvez avoir la bonté de me faire parvenir un petit journal de votre expédition, je tâcherai d'en enchâsser les particularités les plus intéressantes pour le public, et les plus glorieuses pour vous, dans une espèce d'Histoire générale qui va depuis Charlemagne
jusqu'à nos jours. Je voudrais que mon greffe fût celui de l'immortalité. Vous m'aiderez à l'empêcher de périr. Il est venu à mon ermitage des Délices des Anglais qui ont vu votre statue à Gênes 1, ils disent qu'elle est belle et ressemblante. Je leur ai dit qu'il y avait dans Minorque un sculpteur bien supérieur. Réussissez, monseigneur; votre gloire sera sur le marbre et dans tous les cœurs. Le mien en est rempli ; il vous est attaché avec la plus vive tendresse et le plus profond respect.
Je me flatte que vous serez bien content de M. le duc de Fronsac 2. On dit qu'il sera digne de vous; il commence de bonne heure.
Oserai-je vous demander une grâce ? Ce serait de daigner vous souvenir de moi, avec M. le prince de Wurtemberg, qui sert, je crois, sous vos ordres 3, et qui m'honore des bontés les plus constantes.
Vous m'avez parlé de certaines rapsodies sur Lisbonne et sur la Religion naturelle. Vraiment vous avez bien autre chose à faire qu'à lire mes rêveries; mais quand vous aurez quelque insomnie, elles sont bien à votre service. »
1 V* écrivit un poème à propos de cette statue érigée par le sénat de Gènes: voir page 289 : http://books.google.fr/books?id=USQHAAAAQAAJ&pg=PA289&lpg=PA289&dq=statue+du+mar%C3%A9chal+de+richelieu+%C3%A0+g%C3%A8nes&source=bl&ots=z6Qn5j7rHJ&sig=Jk2gdVzu45MiYrNxdBlJhVVNjt0&hl=fr&sa=X&ei=NoTcT6aoGOqf0QXrtdXrCg&sqi=2&ved=0CEAQ6AEwAQ#v=onepage&q=statue%20du%20mar%C3%A9chal%20de%20richelieu%20%C3%A0%20g%C3%A8nes&f=false
et page 355 : http://books.google.fr/books?id=tcVCAAAAYAAJ&pg=PA430...
3 Il participe à la bataille de Minorque : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Minorque_(1756)
18:59 | Lien permanent | Commentaires (0)
Vous me tournez la tête encore plus que vous ne la coiffez
... Voir aussi : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6149062f/f354
« A mademoiselle Charlotte PICTET
Quand vos yeux séduisent les cœurs,
Vos mains daignent coiffer les têtes
Je ne chantais que vos conquêtes,
Et je vais chanter vos faveurs.
Voilà ce que c'est, ma belle voisine, de faire des galanteries à des jeunes gens comme moi 1. Ils vont s'en vanter partout. Vous me tournez la tête encore plus que vous ne la coiffez, mais vous en tournerez bien d'autres.
Mille tendres respects à père et mère, etc. »
1 MIle Charlotte Pictet, fille de Pierre Pictet avait fait présent à Voltaire d'un bonnet qu'elle avait peint de sa main. Elle devint la femme de Samuel Constant de Rebecque. (Beuchot.)
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14/06/2012
vous, qui êtes avocat; conciliez le passé avec le présent
... Ce que je fais, moi qui ne suis pas avocat, en usant du matériel électronique pour diffuser la pensée de cet homme extraordinaire qu'est Voltaire . Colini doit en baver d'envie, lui qui se dit esclave "barbouilleur" du "maigre philosophe".
Barbouilleurs de rêves
http://www.youtube.com/watch?v=dUdOWfs4pOQ
« DE COLINI A M. DUPONT ,
A Monrion, près de Lausanne, 20 mars 1756.
Je ne m'attendais pas à la lettre charmante que je viens de recevoir; je me croyais oublié de vous et du reste du genre humain pour ne faire connaitre ma lourde existence qu'à l'homme dont je suis le barbouilleur. Je vous remercie tendrement, orateur aimable, de votre souvenir; je vous remercierais encore bien plus tendrement, si Mme Dupont vous eût chargé d'un petit mot pour moi dans votre lettre. Des Suisses pourraient-ils me faire oublier un homme comme vous Peut-il y avoir une Lausanienne, quelque jolie qu'elle soit, qui puisse effacer de mon cœur la reconnaissance que je dois à vos anciennes bontés? Pouvez-vous penser que l'amour me fait négliger l'amitié? Ne peut-on pas aimer à la fois une maitresse et un ami ? Schœpflin 1 vous dira que je lui parle toujours de vous dans toutes mes lettres. J'oserais vous importuner quelquefois si le digeste, le code, Bartole 2, Cujas 3, et tant d'autres gros docteurs dont vous êtes souvent entouré, ne m'effrayaient pas.
Je vais vous parler de mes occupations des bords du lac Léman, et des livres que nous faisons. Vous seriez bien étonné si vous voyiez actuellement ce maigre philosophe que vous vites jadis dans un caveau de la rue des Juifs 4. Quel changement ! Il est tout aussi maigre que vous l'avez vu; mais il a une maison de campagne assez bien ornée près de Genève; il en a une autre près de Lausanne, et il est en marché pour en louer une autre à Rolle, qui est à peu près à moitié chemin de Genève à Lausanne. Cette dernière maison le décidera à aller plus souvent de Monrion aux Délices et des Délices à Monrion. Il a six chevaux 5, quatre voitures, cocher, postillon, deux laquais, valet de chambre, un cuisinier français, un marmiton, et un secrétaire c'est moi qui ai cet honneur. Les diners qu'on donne aujourd'hui sont un peu plus splendides que ne l'étaient ceux qu'on donnait à Colmar, et on a presque tous les jours du monde à diner. Voilà pour le luxe; faites à présent vos réflexions, et vous, qui êtes avocat; conciliez le passé avec le présent.
L'article des belles-lettres ne va pas mal; je ne cesse d'écrire, et je suis obligé de vous dire que nous faisons plus de besogne en un jour que votre abbé matériel n'en fait en un an. L'Histoire universelle est toute faite; elle se rejoint au Siècle de Louis XIV, et fait ainsi un cours d'histoire complet, depuis Charlemagne jusqu'à la dernière guerre. Cet ouvrage aurait effrayé tout autre historien que le nôtre. Vous savez qu'on n'a jamais fait d'histoire aussi aisément et à meilleur marché; mais il ne faut dans cette histoire qu'y goûter la beauté du style et y profiter de quelques réflexions et de quelques coups de pinceau qui font de temps en temps le tableau de l'univers en peu de traits. Tout cela n'a rien coûté à notre historien. Vous trouverez dans cette Histoire universelle un grand chapitre sur Louis XIII , on ne l'a fait qu'avec le secours du seul Le Vassor 6, dont ce chapitre est un très-petit extrait fait par un homme de goût 7. L'édition des Ouvres mêlées va être finie, et je pense que MM. Cramer la mettront bientôt en vente.
L'édition de l'Histoire universelle ne se débitera qu'après. J'ignore par quel moyen vous comptez vous procurer un exemplaire de cette nouvelle édition des Œuvres. Vous ne ferez pas mal de tâcher de l'avoir, vous y trouverez une foule de pièces nouvelles. Mais ce qui vous surprendra (et que ceci soit dit entre nous), c'est que vous y trouverez une pièce qu'on vous fit lire il y a quelque temps: c'est un poème sur la Religion naturelle. Le titre fait sentir que cet ouvrage n'est pas d'un chrétien, et je crois que l'auteur a mieux rempli son but que votre abbé n'a rempli le sien sur l'immatérialité de l'âme. Personne ne sait que cet ouvrage sera inséré dans cette nouvelle édition; les Cramer, qui ont débité un petit avis sur cette édition, n'en parlent pas, et je vous prie en grâce de n'en rien dire à personne, afin de ne pas inspirer de curiosité aux fanatiques et aux prêtres, toujours prêts à courir sur ceux qui ont la réputation de vouloir leur cogner sur les doigts. Est-il possible que notre philosophe ne sente point le tort que cet ouvrage peut lui faire? On lui a toujours reproché d'être déiste; il a voulu toujours soutenir que non, pour éviter les tracasseries et les persécutions, actuellement il a l'aveuglement d'imprimer qu'il l'est, et de croire que cet ouvrage ne lui fera qu'honneur. Cette pièce, précédée d'une autre, fait la clôture de l'édition, sous le titre de Supplément aux Mélanges de littérature, etc. Cette autre pièce placée sous ce titre est encore un poème sur la Destruction de Lisbonne, ou Examen de cet axiome TOUT EST BIEN. Vous savez que c'est Pope qui a dit que tout ce qui est est bien. Les tremblements de terre qui ont renversé Lisbonne ont fait dire à notre poète que tout n'est pas bien; il fit un poème sur cet événement terrible, et lorsque ce poème n'était encore qu'une ébauche, il eut la bêtise de le lire à quelques Suisses. Ces Suisses, s'imaginant que le poète combattait l'axiome de Pope, crurent qu'il n'admettait que la proposition contraire, savoir que dans ce monde tout est mal. Cette bévue de quelques Suisses n'a pas laissé de lui faire quelque petite tracasserie. Le poète se plaint, à la vérité, que nous habitions un globe qui parait miné, et que nous soyons exposés à des événements si affreux; mais il se résigne à la volonté de Dieu. Comme je suis convaincu du secret de votre part, je vais vous transcrire le commencement de ce poème.
O malheureux mortels! ô terre déplorable! 1
O de tous les fléaux assemblage effroyable!
D'inutiles douleurs éternel entretien
Philosophes trompés, qui criez Tout est bien,
Accourez, contemplez ces ruines affreuses,
Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,
Ces femmes, ces enfants, l'un sur l'autre entassés,
Sous ces marbres rompus ces membres dispersés;
Cent mille infortunés que la terre dévore,
Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,
Enterrés sous leurs toits terminent sans secours
Dans l'horreur des tourments leurs lamentables jours.
Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes,
Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes,
Direz-vous, etc.
Je vous ai ennuyé plus que de raison. Pardonnez ce griffonnage je vous ai écrit fort à la hâte et avec crainte. N'oubliez pas un homme qui vous sera attaché toute sa vie. Schœpflin vous dira que je voudrais pouvoir quitter les bords de ce lac à la première occasion. S'il se présente quelque chose, cher ami, ne m'oubliez pas, vous ne sauriez croire combien je vous. serai obligé, et combien mon esclavage est dur. Je présente mes tendres respects à Mme Dupont. Adieu recommandez-moi à ceux qui ont quelque bonté pour moi. Je vous serai tendrement et inviolablement attaché toute ma vie.
COLINI. »
1 Jean-François Schoepflin le jeune, imprimeur à qui V* avait pr^té de l'argent et donne à imprimer les Annales de l'Empire . V* connut aussi Jean-Daniel Schoepflin, historien : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Daniel_Schoepflin
2 Ancien jurisconsulte : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bartole
3 Jacques Cujas, jurisconsulte : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Cujas
5 Il y a sur ces six chevaux une anecdote fort originale et bien peu connue. A peine installé aux Délices, M. de Voltaire fit acquisition d'un étalon danois excessivement vieux, avec lequel il se proposait d'établir un haras dans sa terre. Il avait cette demi-douzaine de vieilles juments dont parle Colini, pour le traîner, lui et sa nièce; et pour réaliser son beau projet, il se résolut, un matin, aller à pied pour livrer les six demoiselles aux plaisirs de l'étalon il espérait être dédommagé de cette petite gêne par une belle race de chevaux danois nés aux Délices. Ses essais ne furent point heureux les efforts du vieux Danois ne fructifièrent point, et Voltaire écrivit, à cette occasion, un chapitre sur les causes de la stérilité. Mais voici le curieux. On assure que le philosophe, avant d'avoir reconnu. l'impuissance de son Danois, tout fier de la race nouvelle qu'il allait perpétuer en France, donnait chaque jour, après le diner, aux personnes qui venaient le voir le spectacle des joyeux ébats de son sultan; il voulait surtout le montrer aux femmes qui venaient diner chez lui « Venez, mesdames, s'écriait-il, voir le spectacle le plus auguste; vous y verrez la nature dans toute sa majesté. »
Cette folie donna à M. Huber, si connu pour ses découpures, l'idée d'un petit tableau en ce genre, qui se vendit quinze louis. (Note du premier éditeur.)
6 Michel Le Vassor : Histoire du règne de Louis XIII , 1700 : http://books.google.fr/books?id=t2heIRqrgTMC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
7 Voilà un. ouvrage assez lestement apprécié; et, pour un homme d'esprit, M. Colini en montre bien peu dans ce jugement, que l'opinion publique n'a pas confirmé. Il aurait fallu, peut-être, que M. de Voltaire inventât les faits de l'Histoire universelle, pour plaire à M. Colini sans doute, alors, il eût dit que c'était un ouvrage neuf. (Note du premier éditeur.)
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13/06/2012
Je n'ai point songé dans cet ouvrage à avoir de l'esprit, mais à donner à ceux qui en ont de fréquentes occasions de réfléchir
… « Je n'ai pas songé dans ce tweet à semer la zizanie au sein du PS et des législatives, mais donner mon avis qui vaut bien celui des pontes du parti . »
Persiste et signe (selon James, et ceux qui gardent leur sang froid ) : Valérie Trierweiler
Dernière minute, voir : http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Tweet.-Recadree-par-Hollande-et-Ayrault-Valerie-Trierweiler-assume_39382-2086669_actu.Htm
Madame, je vous salue .
J'ajouterai que sont autrement détestables, -bien que non étonnants au sein de l'UMP en dérive, - les propos d'une lâcheté remarquable de la Nadine Morano qui lèche le cul bleu de Marine , de même que quelques uns qui sentent venir la perte d'un pactole électoral . Beau panier de crabes , mais attention, toxiques .
Prenons un peu de hauteur !
Feu vert pour la gauche
Feu rouge pour la droite
Feu rouge pour l'ex majorité qui va droit dans le mur
« A M. BERTRAND
Aux Délices, 18 mars 1756.
Mon cher philosophe, on est quelquefois bien honteux de remplir ses devoirs. J'ai cru en remplir un en vous envoyant ce gros recueil, mais soyez bien sûr que je sens combien un tel hommage est à plusieurs égards indigne d'un homme qui pense si bien. A force d'avoir écrit on finit par souhaiter de n'avoir jamais écrit, on sent la vanité et le néant de tous ces amusements de l'oisiveté. S'il y a dans ce ramas informe quelque chose qui demande grâce pour le reste, et qui puisse vous faire passer un demi-quart d'heure sans ennui, je serais presque consolé d'avoir perdu tant de temps dans ces pénibles et frivoles occupations. Peut-être l'Histoire générale qu'on imprime méritera-t-elle un peu plus vos regards, parce que j'ai choisi des matières plus intéressantes. Je n'ai point songé dans cet ouvrage à avoir de l'esprit, mais à donner à ceux qui en ont de fréquentes occasions de réfléchir. Ce seront les lecteurs sages qui feront mon livre, et il sera meilleur entre vos mains que dans d'autres,
J'étais las des historiens qui m'apprenaient que Volfang épousa Éléonore et que Jean succéda à Pierre. J'ai voulu voir quid turpe, quid utile, quid non 1. Et vous le verrez bien mieux que moi.
Mme de Freudenreich est-elle à Berne? Voulez-vous bien lui présenter mes respects et ceux de toute ma famille, que j'ai rassemblée au bord du lac? Ne m'oubliez pas, je vous en supplie, auprès de monsieur le banneret si vous lui écrivez.
Je crois que le siège du port Mahon tire à sa fin, et qu'avant le mois d'août les habitants des Iles Cassérides 2 n'auront plus d'ile dans la Méditerranée. Il est bon que chacun reste chez soi.
Je vous embrasse tendrement, mon cher ami.
V. »
1 Horace : Qui quid sit pulchrum , quid turpe, quid utile, quid non,
Plenius ac melius Chrysippo ac Crantore dicit
= Sur le beau, le honteux, l'utile et leurs contraires,
Il en dit plus et mieux que Chrysippe et Crantor .
2 V* évoque ici une des options de ces iles légendaires qui auraient pu être les Iles Britanniques .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Eles_Cassit%C3%A9rides
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