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24/06/2012

il n'est pas rare à la nature humaine de voir le bien et de faire le mal

 ... L'éternel problème de la pensée et de l'action, de nos petits accomodements avec la vertu, la morale et la facilité .

Voir le bien et le bien voir, ne sont pas toujours les prémices du bien faire et du bien dire, tout juste, dans le meilleur des cas, un garde-fou temporaire contre la malfaisance . Le fameux dicton qui dit que la main droite doit ignorer ce que fait la main gauche mène tout droit à la schizophrénie dans la pire éventualité, à la sainteté dans la plus désirable .

Ni schizo, ni saint, je tâche de faire au mieux ( qui comme chacun le sait et le dit, est l'ennemi du bien ! ) : zut , le purgatoire , pour le moins sera mon lot ( le plus tard possible, SVP !!) .

 Petit exemple pour avoir "a happy job" dès lundi !

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« A M. le duc d' UZÈS

Aux Délices, près de Genève, 16 avril [1756]

Vous voyez, monsieur le duc, l'excuse de mon long silence 1 dans la liberté que je prends de ne pas écrire de ma main. Mes yeux ne valent pas mieux que le reste de mon corps. Il faut que vous ayez plus de courage que moi, puisque vous écrivez de si jolies lettres avec un rhumatisme; mais c'est que vous avez autant d'esprit que de courage.

Il est vrai, monsieur le duc, que je me suis avisé, il y a quelques années, d'argumenter en vers sur la Religion naturelle avec le roi de Prusse. C'était tout juste immédiatement avant que lui et moi chétif nous fissions l'un et l'autre une petite brèche à cette religion naturelle, en nous fâchant très mal à propos. Mais il n'est pas rare à la nature humaine de voir le bien et de faire le mal 2. On a imprimé à Paris ce petit ouvrage depuis quelque temps, mais entièrement défiguré, et on y a joint des fragments d'une jérémiade sur le Désastre de Lisbonne et d'un examen de cet axiome Tout est bien. Toutes ces rêveries viennent d'être recueillies à Genève; on les a imprimées correctement avec des notes assez curieuses. Si cela peut amuser votre loisir, je donnerai le paquet à M. de Rhodon 3, qui sans doute trouvera des occasions de vous le faire tenir.
Puisque vous me parlez des péchés de ma jeunesse, je vous assure que vous n'avez point la véritable Jeanne. Celle qu'on a imprimée et celles qui courent en manuscrit ressemblent à toutes les filles qui prennent le beau nom de pucelles sans avoir l'honneur de l'être. Bien des gens à qui le sujet plaisait se sont avisés de remplir les lacunes. Je peux vous assurer que ce mot de Bien- Aimé 4 n'est pas dans mon original; il n'est fait que pour le Cantiques des cantiques. Si mon âge, mes maladies, et mes occupations, me permettaient de revoir ces anciennes plaisanteries, qui ne sont plus pour moi de saison, et si le goût vous en demeurait, je me ferais un plaisir de mettre entre vos mains l'ouvrage tel que je l'ai fait; mais ce n'est pas là une besogne de malade. Quant à la foule de mes autres sottises, les frères Cramer en achèvent l'impression à Genève. Je n'en fais point les honneurs. Ils ont entrepris cette édition 5 à leurs risques et périls, et j'ai eu des raisons pour ne pas vouloir en garder plusieurs exemplaires en ma possession. Ma santé, d'ailleurs, est dans un état si déplorable, que j'évite avec soin tout ce qui pourrait entraîner quelque discussion.
Je fais des vœux, en qualité de bon Français et de serviteur de M. le maréchal de Richelieu, pour qu'il arrive dans l'île de Minorque avant les Anglais et je crois qu'on a beau jeu quand on part de Toulon, et qu'on joue contre des gens qui ne sont pas encore partis de Portsmouth. J'oserais bien penser comme vous, monseigneur, sur Calais mais vous avez probablement à la cour quelque Annibal qui croit qu'on ne peut vaincre les Romains que dans Rome 6.
Pardonnez, monseigneur, à un pauvre malade qui peut à peine écrire, et qui vous assure de son tendre respect et de son entier dévouement. »

1  Voir lettre du 14 septembre 1750 page 175 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113533/f178.image.r=roch.langFR

2  Médée, dans le septième livre des Métamorphoses d'Ovide, dit :

Video meliora, proboque;

Deteriora sequor.

3  Ce M. de Rhodon était sans peut être un Genevois que Voltaire appellera le fier, le vaillant Rhoson, dans le chant II de la Guerre civile de Genève. Page 15 : http://archive.org/stream/laguerreciviled00voltgoog#page/n36/mode/1up

Voltaire fait allusion à ces vers sur Louis XV, qui se lisaient dans quelques manuscrits de la Pucelle (chant XV) :

Louis le quatorzième,
Aïeul d'un roi qu'on méprise et qu'on aime.

5  Voir lettre de mars 1756 aux frères Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/06/18/a...

Annibal l'a prédit, croyons-en ce grand homme
On ne vaincra jamais les Romains que dans Rome.

(Mithridate, acte III, sc. 1.)

 

23/06/2012

Quoique vous n'ayez jamais tort avec moi, j'oserai cependant vous dire que le Tout est bien n'est pas mal

 ... Mais cependant exagérément optimiste , n'est-il pas ? 

 

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« A M. DUPONT

Avocat.

Aux Délices, 16 avril [1756]

Le Suisse Voltaire envoie au philosophe de Colmar, pour ses œufs de Pâques, ces deux petits sermons 1 de carême. Mme Denis et lui l'aimeront toujours. »

 

« DE M. DUPONT 2

J'ai reçu vos deux sermons, qu'ils sont beaux, mon révérend père . Ah ! que j'aurais de goût pour le pain de la parole, si ceux qui le distribuent savaient le pétrir comme vous . Vous faites ressusciter en moi des germes de sentiments qui languissaient. Vous remontez les ressorts de mon âme, et je m'aperçois que si vous vouliez, vous pourriez bien faire mon esprit, comme il me souvient que vous faisiez votre corps. Quoique vous n'ayez jamais tort avec moi, j'oserai cependant vous dire que le Tout est bien n'est pas mal. Il serait assez gentil que cette leçon fit des progrès. Les conséquences en sont admirables; mais vous voulez faire votre paix, et vous sacrifiez une assez bonne citadelle dont le parti peut se passer. Votre Loi naturelle est divine. Si les législateurs hébreux et autres parlaient ainsi, quel charme de les écouter . Je ne vous en dirai pas davantage, mon révérend père, crainte de vous mal louer. Il faudrait savoir parler comme vous pour s'en acquitter dignement. Adieu.
Prêchez de temps en temps, et n'attendez pas la fin du carême pour m'envoyer vos sermons, sans quoi je pourrai bien aller en Suisse pour les entendre.
Je ne sais rien dire autre chose à Mme Denis, sinon que je l'admire, et que j'ose l'aimer. »

1 M. de Voltaire m'a écrit ce billet en m'envoyant ses deux poêmes sur le Désastre de Lisbonne et la Loi naturelle. ( Note de Dupont.)

2 Lettres inédites de Voltaire, etc., 1871.

 

vous réparez le tort que me fait son absence en daignant m'envoyer du vin de Bourgogne, qui vaudra mieux pour moi que tous ses remèdes.

 ... Et ce remède bourguignon, je m'en vais le prendre , avec ou sans modération, dès l'heure de l'apéritif de ce jour ensoleillé, avec mes fidèles complices de l'amicale des donneurs de sang, avant d'accueillir lundi ceux qui feront acte de générosité pour donner un peu d'eux-mêmes et sauver des vies .

 Mam'zelle Wagnière , je lève mon verre à votre santé !

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« A M. le président de RUFFEY

Aux Délices, près de Genève, 12 avril 1756.

En revenant, monsieur, à mon petit ermitage qu'on nomme les Délices, je reçois presque à la fois votre lettre et votre présent. M. Tronchin, qui me faisait vivre, m'a abandonné pour aller inoculer des princes; vous réparez le tort que me fait son absence en daignant m'envoyer du vin de Bourgogne, qui vaudra mieux pour moi que tous ses remèdes.
Il ne me manque, monsieur, que d'avoir l'honneur de boire ce vin avec vous. J'ai aussi des vignes, mais ce sont des vignes plus hérétiques qu'à Genève, elles sont maudites de Dieu et de l'Église. Ma retraite est d'ailleurs aussi agréable qu'elle puisse l'être; je m'y attache tous les jours, et je sens que je ne pourrai la quitter que pour venir vous remercier de vos bontés. Ce que vous me mandez de la santé de M. de La Marche 1 me pénètre de douleur, c'est le plus ancien ami qui me reste; la mort m'a enlevé presque tous les autres. Je me flatte encore de le retrouver à Dijon avec vous, si ma santé me permet de faire ce voyage. Adieu, monsieur, recevez les tendres remerciements de votre très- humble et très-obéissant serviteur.

V.

2 Je suis fort en peine de M. le maréchal de Richelieu, j'ai bien peur qu'il ne trouve des vaisseaux anglais dans son chemin avant d'arriver à Minorque mais s'il peut ou les devancer ou les battre, il prendra Port-Mahon, il vengera la France, et reviendra comblé de gloire. Adieu, monsieur, je vous réitère mes remerciements et les tendres sentiments avec lesquels je serai toute ma vie votre très-humble et très-obéissant serviteur.

V. »

1 Claude-Philippe Fyot de La Marche, ami de V* depuis le collège Louis Le Grand .

2 Ce post-scriptum seulement a été publié par Beuchot.

 

22/06/2012

Nous commençons à prendre les systèmes des Anglais mais il faudrait apprendre aussi à les battre sur mer

 ... Ou plus précisément , en ce moment, en ces jours de bagarre sur le gazon ukrainien, les battre , les piler, leur faire regretter d'avoir un aussi désagréable et cynique premier ministre, en un mot comme en cent leur foutre la pâtée . C'est à cet instant que je réalise que je ne sais absolument rien des matchs à venir, que je ne sais absulument pas si l'équipe d'Angleterre est encore en course pour le titre européen, ni si la décevante prestation des Français nous mettra à un moment ou à un autre face aux roastbeefs . Oui, je l'avoue avec une certaine fierté, je me fiche complètement de la coupe d'Europe en particulier, et du foot en général .

De plus les footeux les plus grassement payés n'ont pas attendu l'annonce du taux d'imposition voulu par François Hollande , ni les offres d'accueil à bras ouverts de la "perfide Albion", pour se trouver des petits paradis fiscaux, dont fait partie la Suisse ma voisine . Non, je n'ai pas de voisine Suisse, mais bien des Helvètes habitent mon village et font monter les prix de l'immobilier, de bleu ! de bleueueueu ! ( locution typiquement romande, proche de notre palsambleu si couramment prononcé quand une marquise se casse un ongle ).

 Pour en revenir à un sport que j'aime , le rugby

http://coupe-du-monde.tf1.fr/928/video/lievremont-battre-anglais-49eid_3u0t1_.html

 Battre les Anglais ! quel pied !!

 

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« A madame Marie -Ursule de Klinglin, comtesse de LUTZELBOURG,
à Strasbourg.

Aux Délices, près de Genève, 12 avril [1756]

J'ai déchiffré votre lettre, madame, avec le plus grand plaisir du monde. Ne jugez point, s'il vous plaît, de mon attachement pour vous par mon long silence. Ma mauvaise santé, ma profonde retraite, l'éloignement où je suis de tout ce qui se passe dans le monde, le peu de part que j'y prends, tout cela fait que je n'ai rien à mander aux personnes dont le commerce m'est le plus cher. Je n'ai presque plus de correspondance à Paris. Le célèbre Tronchin, qui gouvernait ici ma malheureuse santé, m'a abandonné pour aller détruire des préjugés en France, et pour donner la petite vérole à nos princes 1. Je ne doute pas qu'il ne réussisse, malgré les cris de la cour et des sots. Tout allait à merveille le 5 du mois. Mme de Villeroi 2 attend la première place vacante pour être inoculée. Les enfants de M. de La Rochefoucauld et de M. le maréchal de Belle-Isle se disputent le pas. Il a plus de vogue que la Duchapt 3, et il la mérite bien. C'est un homme haut de six pieds, savant comme un Esculape, et beau comme Apollon. Il n'y a point de femme qui ne fût fort aise d'être inoculée par lui. Nous commençons à prendre les systèmes des Anglais mais il faudrait apprendre aussi à les battre sur mer. Je crois actuellement M. de Richelieu en chemin pour aller voir s'il y a d'aussi beau marbre à Port-Mahon qu'à Gênes, et si on y fait d'aussi belles statues. Il pourra bien rencontrer sur sa route quelque brutal d'amiral anglais qu'il faudra écarter à coups de canon; mais je me flatte que le gouvernement a bien pris ses mesures, et que les Français arriveront avant les Anglais. Ceux-ci ont plus de deux cents lieues de mer à traverser, et M. de Richelieu n'a qu'un trajet de soixante-dix lieues à faire, ce qui peut s'exécuter en quarante heures très-aisément, par le beau temps que nous avons.
Quoique je ne sois pas grand nouvelliste, il faut pourtant, madame, que je vous dise des nouvelles de l'Amérique. Il est vrai qu'il n'y a pas de roi Nicolas; mais il n'en est pas moins vrai que les jésuites sont autant de rois au Paraguai. Le roi d'Espagne envoie quatre vaisseaux de guerre contre les révérends pères. Cela est si vrai que moi, qui vous parle, je fournis ma part d'un de ces quatre vaisseaux. J'étais, je ne sais comment, intéressé dans un navire considérable qui partait pour Buenos-Ayres, nous l'avons fourni au gouvernement pour transporter des troupes; et, pour achever le plaisant de cette aventure, ce vaisseau s'appelle le Pascal; il s'en va combattre la morale relâchée. Cette petite anecdote ne déplaira pas à votre amie 4: elle ne trouvera pas mauvais que je fasse la guerre aux jésuites, quand je suis en terre hérétique.
Avouez, madame, que ma destinée est singulière. Je vous assure que nous regrettons tous les jours, Mme Denis et moi, que mes Délices ne soient pas auprès de l'ile Jard. Mais songez, s'il vous plaît, que je vois le lac et deux rivières 5 de ma fenêtre, que j'ai eu des fleurs au mois de février, et que je suis libre. Voilà bien des raisons, madame mais elles ne m'empêchent pas de regretter l'île Jard. Daignez faire souvenir de moi monsieur votre fils. Je vous renouvelle mon tendre respect. »

1 Le duc de Chartres, et Mlle d'Orléans, sa sœur, née en 1750.

2 Jeanne-Louise-Constance, fille du duc d'Aumont. Sa mère était morte de la petite vérole en 1753. Née en 1731, mariée, en 1747, à Gabriel-L.-F. de Neuville, duc de Villeroi, dont le père était mort de la même maladie vers la fin de 1732.

3 Marchande de mode dont la boutique était près de l'Opéra ..

4 Mme de Brumath.

5 Le confluent du Rhône et l'Arve, visible depuis la colline de St Jean où sont les Délices .

 

21/06/2012

quoique j'y aie dit tout ce que je pense, je me flatte pourtant d'avoir trouvé le secret de ne pas offenser beaucoup de gens

... Et moi, dirai-je que je n'aime pas la programmation de la Fête à Voltaire 2012 , que l'on peut sans hésiter nommer la Fête à JJ Rousseau ?

Oui !

... Sans offenser beaucoup de monde ?

J'en doute !

Car le Rousseauiste manque cruellement d'humour , n'est pas naturellement tolérant, et  idolâtre l'affreux JJR . Enfin , c'est ce qu'il me semble, mais je peux me tromper, ou non !

Quand je pense que c'est pour la première fois que  celà va se dérouler intégralement sur le site du château de Ferney-Voltaire , ce qui à mes yeux, à ceux de Mam'zelle Wagnière, et de bien d'autres, fait une part exagérément belle à JJ Rousseau dont on célèbre le tricentenaire . Bast ! je ne supporte pas cet individu, et si Voltaire eut la gentillesse de l'inviter chez lui, ce gougnafier de JJR  non seulement campa sur ses ergots mais médit de Volti . Qu'il aille au diable !

En 1994, tricentenaire de Voltaire, la municipalité de Ferney-Voltaire ne se "décolla la pulpe" de l'inertie intellectuelle que sous l'impulsion d' Andrew Brown, anglais étonnant et passionnant, voltairiste émérite, qui avec une petite équipe réussit à faire éditer une commémoration justement due au Patriarche . On fut alors à deux doigts que celle ci fût à Oxford en un nouvel exil anglais, post mortem !

Jean-Jacques, reste chez toi à Genève , espèce de ...

navet !

 

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« A M. THIERIOT.

Aux Délices, 12 avril [1756]

Je dicte ma lettre, mon cher et ancien ami, parce que je ne me porte pas trop bien. C'est tout juste le cas de combattre plus que jamais le système de Pope.

Bonne ou mauvaise santé
Fait notre philosophie 1.


Mandez-moi comment je peux vous envoyer quelques exemplaires de mes lamentations de Jérémie sur Lisbonne, et de mon testament en vers, où je parle de la religion naturelle d'une manière en vérité très-édifiante. J'ai arrondi ces deux ouvrages autant que j'ai pu; et, quoique j'y aie dit tout ce que je pense, je me flatte pourtant d'avoir trouvé le secret de ne pas offenser beaucoup de gens. Je rends compte de tout dans mes préfaces, et j'ai mis à la fin des poèmes des notes assez curieuses. Je ne sais si les théologiens de Paris me rendront autant de justice que ceux de Genève. Il y a plus de philosophie sur les bords de notre lac qu'en Sorbonne. Le nombre des gens qui pensent raisonnablement se multiplie tous les jours. Si cela continue, la raison rentrera un jour dans ses droits mais ni vous ni moi ne verrons ce beau miracle. Je suis fâché que vous ayez perdu l'idée de venir à mes Délices; elles commencent à mériter leur nom: elles sont bien plus jolies qu'elles ne l'étaient quand votre petit aimable Patu y fit un pèlerinage. Je vous assure que c'est une jolie retraite, bien convenable à mon âge et à ma façon de penser. Je ne fais pas de si beaux vers que Pope, mais ma maison est plus belle que la sienne, et on y fait meilleure chère, grâce aux soins de Mme Denis; et je vous réponds que les jardins d'Épicure ne valaient pas les miens. Si jamais vous vous ennuyez des rues de Paris, et que vous vouliez faire un voyage philosophique, je me chargerai volontiers de votre équipage. Dites, je vous en prie, à Lambert, que je vais lui envoyer les poèmes de Lisbonne et de la Loi naturelle. Dites-lui, en même temps, qu'il aurait bien dû s'entendre avec les Cramer pour l'édition de mes rêveries. Il était impossible que cette édition ne se fît pas sous mes yeux; vous savez que je ne suis jamais content de moi, que je corrige toujours et il y a telle feuille que j'ai fait recommencer quatre fois. L'édition est finie depuis quelques jours. Puisque Lambert en veut faire une, il me fera grand plaisir de mettre votre nom 2 à la tête du premier Discours sur l'Homme; le quatrième 3 est pour un roi, et le premier sera pour un ami: cela est dans l'ordre.
Bonsoir; je vous embrasse. »


1 Ce sont les deux derniers vers de l'ode de Chaulieu sur la Première Attaque de goutte : http://www.verse.fr/show.php?table=poems&id=1756

3 En fait le cinquième , le quatrième ayant été dédié à Helvétius en 1738 .

 

20/06/2012

Je trouve que vous avez raison dans tout ce que j'entends, et je suis sûr que vous auriez raison encore dans les choses que j'entends le moins

... Entendez par là ( non, par ici !) , ce que je comprends , ou non . C'est loin, bien sûr, de ce qui fait mon quotidien, où je ne saisis pas le bien fondé de certaines (énormémént de )  lois  pondues par des gouvernants et validées par députés et sénateurs, qui à mon goût sont trop bien payés .


Et pour accompagner Voltaire, que "j'entends", cette oeuvre, que j'écoute, qui fait partie de mes préférées .

http://www.youtube.com/watch?v=Pmj7nCRYNs4&feature=re...

 

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« A M. l'abbé Etienne BONNOT de CONDILLAC 1

à PARIS.

 

[avril 1756]

Vous serez peut-être étonné, monsieur, que je vous fasse si tard des remerciements que je vous dois depuis si longtemps; plus je les ai différés, et plus ils vous sont dus. Il m'a fallu passer une année entière au milieu des ouvriers et des historiens. Les ajustements de ma campagne, les événements contingents de ce monde, et je ne sais quel Orphelin de la Chine qui s'est venu jeter à la traverse, ne m'avaient pas permis de rentrer dans le labyrinthe de la métaphysique. Enfin j'ai trouvé le temps de vous lire avec l'attention que vous méritez. Je trouve que vous avez raison dans tout ce que j'entends, et je suis sûr que vous auriez raison encore dans les choses que j'entends le moins, et sur lesquelles j'aurais quelques petites difficultés. Il me semble que personne ne pense ni avec tant de profondeur ni avec tant de justesse que vous.
J'ose vous communiquer une idée que je crois utile au genre humain. Je connais de vous trois ouvrages l'Essai sur l'origine des connaissances humaines 2, le Traité des Sensations 3, et celui des Animaux 4. Peut-être, quand vous fîtes le premier, ne songiez- vous pas à faire le second, et, quand vous travaillâtes au second, vous ne songiez pas au troisième. J'imagine que, depuis ce temps-là, il vous est venu quelquefois la pensée de rassembler en un corps les idées qui règnent dans ces trois volumes, et d'en faire un ouvrage méthodique et suivi qui contiendrait tout ce qu'il est permis aux hommes de savoir en métaphysique. Tantôt vous iriez plus loin que Locke, tantôt vous le combattriez, et souvent vous seriez de son avis. Il me semble qu'un tel livre manque à notre nation vous la rendriez vraiment philosophe, elle cherche à l'être, et vous ne pouvez mieux prendre votre temps.
Je crois que la campagne est plus propre pour le recueillement d'esprit que le tumulte de Paris. Je n'ose vous offrir la mienne, je crains que l'éloignement ne vous fasse peur mais, après tout, il n'y a que quatre-vingts lieues en passant par Dijon. Je me chargerais d'arranger votre voyage vous seriez le maître chez moi comme chez vous, je serais votre vieux disciple vous en auriez un plus jeune dans Mme Denis, et nous verrions tous trois ensemble ce que c'est que l'âme. S'il y a quelqu'un capable d'inventer des lunettes pour découvrir cet être imperceptible, c'est assurément vous. Je sais que vous avez, physiquement parlant, les yeux du corps aussi faibles que ceux de votre esprit sont perçants. Vous ne manqueriez point ici de gens qui écriraient sous votre dictée. Nous sommes d'ailleurs près d'une ville où l'on trouve de tout, jusqu'à de bons métaphysiciens. M. Tronchin n'est pas le seul homme rare qui soit dans Genève. Voilà bien des paroles pour un philosophe et pour un malade. Ma faiblesse m'empêche d'avoir l'honneur de vous écrire de ma main, mais elle n'ôte rien aux sentiments que vous m'inspirez. En un mot, si vous pouviez venir travailler dans ma retraite à un ouvrage qui vous immortaliserait, si j'avais l'avantage de vous posséder, j'ajouterais à votre livre un chapitre du bonheur. Je vous suis déjà attaché par la plus haute estime, et j'aurai l'honneur d'être toute ma vie, monsieur, etc. »

 

1 Étienne Bonnot de Condillac, frère puiné de l'écrivain politique , l'abbé de Mably : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne_Bonnot_de_Condillac

3 Le Traité des Sensations vit le jour vera novembre 1754, et fut suivi, un an après, du Traité des Animaux.Voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626258v/f7.image.r=.langFR

 

19/06/2012

Je n'en serai pas le témoin, mais j'applaudis de loin aux progrès de l'art dont on vous sera redevable.

 ... Dis-je aussi au nouveau ministre de la culture Aurélie Philipetti .

Quel art nouveau pourrrait-il naitre ces proches années ? Jeunes gens, la balle est dans votre camp !

Pour en savoir plus sur cette  femme à la mine dynamique (et qui pourrait être ma fille ) :

http://www.gouvernement.fr/gouvernement/aurelie-filippetti

Je fais des voeux pour que les travaux programmés et infiniment retardés au château de Voltaire puissent enfin avoir lieu , comme prévu dorénavant, dès cette année .

Le CMN, et l'administration sont à l'image de ce géant velu sur qui poussent des citrouilles dans le parc du château de Voltaire ( si la nature est farceuse, et je le souhaite, ce géant pourrait bien se retrouver avec une grosse paire de coucougnettes cet automne ; je vous tiens au courant ! )

 

géant endormi chez volti6961.JPG


Mme Isabelle Le Courriel Lemesle a préféré démissionner de son poste de présidente ( je mets "présidente" car je sais qu'elle déteste ça, préférant le titre de "président" ! ) du Centre des Monuments Nationaux, je ne sais pourquoi , avez-vous une idée ?

Qui va devenir calife à la place de la califette ?

De ce changement point de trace sur le site du CMN, qui fidèle à sa routine , n'est jamais totalement à jour !


 

 

 

 

« A M. Jean BLANCHET.

Aux Délices, près de Genève, 3 avril [1756]

Recevez, monsieur, mes très-sincères remerciements de l'ouvrage 1 ingénieux et profond que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Il respire le goût et la connaissance des beaux-arts. Le physicien y conduit toujours le musicien. Un tel ouvrage ne pouvait être fait que dans le plus éclairé des siècles. Je souhaite qu'il forme des artistes dignes de vos leçons. Je n'en serai pas le témoin, mais j'applaudis de loin aux progrès de l'art dont on vous sera redevable.
J'ai l'honneur d'être, avec tous les sentiments d'estime, etc.

1 Jean Blanchet, né à Tournon en 1724, mort à Paris en 1778, avait été jésuite, puis médecin. Il est auteur de l'Art, ou les principes philosophiques du chant, 1755, in-12; nouvelle édition, 1756, in-12 : http://books.google.fr/books?id=l1sGAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false