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04/01/2017

J’ai cru d’ailleurs m’apercevoir que les remords et la religion faisaient toujours un très-grand effet sur le public

... Oui hier, oui encore aujourd'hui . Pour "spectateurs", personnellement, je traduis par "gogos" . Les religions sont de grandes mises en scène , avec des producteurs qui rêvent de coucher avec les jeunes premières (vierges, bien entendu ! ) et mater les mâles crédules .

Et pourtant ... il est si simple d'être libre quand il nous reste pour deux sous de jugeotte ...

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« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine

4 janvier [1762]

Enfin donc, ma chère nièce, je reçois une lettre de vous ; mais je vois que vous n’êtes pas dévote, et je tremble pour votre salut. J’avais cru qu’une religieuse, un confesseur, un pénitent, une tourière, pourraient toucher des âmes timorées. Les mystères sacrés sont en grande partie l’origine de notre sainte religion : les âmes dévotes se prêtent volontiers à ces beaux usages. Il n’y a ni religieuse, ni femme, ni fille à marier, qui ne se plaise à voir un amant se purifier pour être plus digne de sa maîtresse.

Vous me dites que la confession et la communion ne sont pas suivies ici d’événements terribles ; mais n’est-ce rien qu’une fille qui se brûle, et qu’un amant qui se poignarde 1 ?  

Où avez-vous pêché que Cassandre est un coupable, entraîné au crime par les motifs les plus bas ? 1° Il n’a point cru empoisonner Alexandre ; 2° on n’a jamais appelé la plus grande ambition un motif bas ; 3° il n’a pas même cette ambition ; il n’a donné autrefois à Statira un coup d’épée qu’en défendant son père ; 4° il n’a de violents remords que parce qu’il aime la fille de Statira éperdument, et il se regarde comme plus criminel qu’il ne l’est en effet : c’est l’excès de son amour qui grossit le crime à ses yeux.

Pourquoi ne voulez-vous pas que Statira expire de douleur ? Lusignan ne meurt que de vieillesse : c’était cela qui pouvait être tourné en ridicule par les méchantes gens. Corneille fait bien mourir la maîtresse de Suréna sur le théâtre :  

Non, je ne pleure point, madame, mais je meurs.2  

Vous êtes tout étonnée que, dans l’église, deux princes respectent leur curé : mais les mystères sacrés ne pouvaient être souillés, et c’est une chose assez connue.  

Au reste, nous ne comptons point jouer sitôt Cassandre . M. d’Argental n’en a qu’une copie très informe. Si vous aviez lu la véritable, vous auriez vu que Statira, par exemple, ne meurt pas subitement. Ces vers vous auraient peut-être désarmée :  

Cassandre à cette reine est fatal en tout temps.

Elle tourne sur lui ses regards expirants ;

Et croyant voir encore un ennemi funeste

Qui venait de sa vie arracher ce qui reste,

Faible, et ne pouvant plus soutenir sa terreur,

Dans les bras de sa fille expire avec horreur ;

Soit que de tant de maux la pénible carrière

Précipitât l’instant de son heure dernière,

Ou soit que, des poisons empruntant le secours,

Elle-même ait tranché la trame de ses jours 3.  

Si vous aviez vu, encore une fois, mon manuscrit, vous auriez vu tout le contraire de ce que vous me reprochez. J’ai cru d’ailleurs m’apercevoir que les remords et la religion faisaient toujours un très-grand effet sur le public ; j’ai cru que la singularité du spectacle produirait encore quelque sensation. Je me suis pressé d’envoyer à M. et à madame d’Argental la première esquisse. Je n’ai pas imaginé assurément qu’une pièce faite en six jours n’exigeât pas un très long temps pour la corriger. J’y ai travaillé depuis avec beaucoup de soin ; elle a fait pleurer et frémir tous ceux à qui je l’ai lue, et il s’en faut bien encore que je sois content. 

Vous voyez, par tout ce long détail, que je fais cas de votre estime, et que vos critiques font autant d’impression sur moi que les louanges de votre sœur. Elle est aussi enthousiasmée de Cassandre que vous en êtes mécontente 4; mais c’est qu’elle a vu une autre pièce que vous, et qu’une différence de soixante à quatre-vingts vers, répandus à propos, change prodigieusement l’espèce.  

Je ne sais ce qu’est devenu un gros paquet d’amusements de campagne que j’avais envoyé à Hornoy, et que j’avais adressé à un intendant des postes. Il y avait un petit livre relié, avec une lettre pour vous, et quelques manuscrits : tout cela était très indifférent ; mais apparemment le livre relié fit retenir le paquet. J’ai appris depuis qu’il ne fallait envoyer par la poste aucun livre relié : on apprend toujours quelque chose en ce monde.  

Vous ne m’avez pas dit un mot de l’alliance avec l’Espagne. Je vois que vous et moi nous sommes Napolitains, Siciliens, Catalans ; mais je ne vois pas que l’on donne encore sur les oreilles aux Anglais, et c’est là le grand point.

Revenons au tripot. Vous allez donc bientôt voir Zulime (3)5 ! Je vous avoue que je fais plus de cas d’une scène de Cassandre que de tout Zulime. Elle peut réussir, parce qu’on y parle continuellement d’une chose qui plaît assez généralement ; mais il n’y a ni invention, ni caractères, ni situations extraordinaires : on y aime à la rage . Clairon joue, et puis c’est tout.

Bonsoir, ma chère nièce ; je vous regrette, vous aime, et vous aimerai tant que je vivrai.

On dit que nous aurons Florian au printemps : il verra mon église et mon théâtre. Je voudrais vous voir à la messe et à la comédie. »

1 Voir Olympie .

2 Suréna, V, 5 ; Corneille .

3 Olympie, V, 1, mais tout ce passage fut réécrit .

4 Mme Denis avait l'intention de jouer le rôle principal d'Olympie ; elle avait donc écrit le 2 janvier 1762 à Ami Camp en vue de faire faire à Lyon l'habit de prêtresse « résolue de [se] coiffer et de [s'] habiller exactement comme Mlle Clairon dans Iphigénie [de La Touche] » Elle souhaitait les conseils de Mlle Destouches qui avait habillé les prêtresses des chœurs « lorsque Mlle Clairon joua Iphigénie à Lyon » . elle précisait : « Mlle Corneille m'embarrasse . Je veux la mettre un peu mieux que les autres prêtresses, et pas si bien que moi, car elle n'a que trois vers à dire . » Mme Denis joua en définitive le rôle de Statira, mère de l'héroïne .

5 On l'avait reprise le 29 décembre 1761 .

 

03/01/2017

je regarde le traité comme des compliments du jour de l’an

... Ce qui est même flatteur concernant des traités et accords qu'on voit fleurir à propos de la guerre de Syrie, et qui comme toutes fleurs en hiver, sont flétris avant qu'on puisse en apprécier la couleur .

 Drôles d'étrennes cette année !

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

4 janvier 1762

Mes divins anges, songez donc que je ne peux pas faire copier toutes les semaines un Cassandre. Ne serait-il pas amusant que je vous renvoyasse l’ouvrage cartonné, que vous me le renvoyassiez apostillé, et que toutes les semaines vous vissiez les changements en bien ou en mal ? Rien ne serait plus aisé. Si vous pensez avoir la pièce telle qu’elle est, vous êtes loin de votre compte. Dépêchez-moi un exemplaire, et sitôt qu’il sera arrivé, vite des cartons, et mes raisons en marge ; et le lendemain le paquet repart, et la poste est toujours chargée de rimes. Cela est juste, puisque j’ai fait Cassandre en poste 1.

Madame de Fontaine n’aime pas Cassandre . Madame Denis l’aime beaucoup ; mademoiselle Corneille n’y comprend pas grand-chose : ce qui est sûr, c’est que cet ouvrage nous amusera.

Madame Denis m’a fait entendre qu’elle avait écrit à mes anges des choses que je désavoue formellement. Je ne suis pas si pressé d’imprimer. Il est vrai que je ne pourrai guère me dispenser de donner Cassandre dans quelques mois, parce qu’il y a une personne au bout du monde 2 qui a la rage d’avoir une dédicace, et qu’il est bon d’avoir des amis partout ; mais je ne me presserai point.

Crébillon 3 me fait lever les épaules ; c’est un vieux fou à qui il faut pardonner.

L’alliance, le pacte de famille 4, le plaisir de me voir tout d’un coup catalan, napolitain, sicilien, parmesan, m’a d’abord transporté ; mais si l’Espagne n’attaque pas les Anglais avec cinquante vaisseaux de ligne, je regarde le traité comme des compliments du jour de l’an. Je veux qu’on batte les Anglais et Luc, et qu’on ne siffle ni Zulime ni Cassandre.

Mes anges, je baise le bout des ailes.

V. »

1 C'est-à-dire à la hâte .

2 Le comte de Schouvalov ; voir fin de la lettre du 23 décembre 1761 à Schouvalov : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/12/20/je-suis-persuade-que-vous-ne-voulez-pas-que-j-entre-dans-les-5889437.html

4 Voir lettre du 11 octobre 1761 à d'Argental, note précédente .

 

02/01/2017

il dénie la paternité de l'Ode sur la guerre

... Et bien plus encore son implication dans la guerre . Qui est-il ? qui sont-ils, ceux qui qui correspondent à ces qualités (sic) ? Si j'étais pape , bénissant urbi et orbi, j'en aurais diablement beaucoup à exclure des bienfaits de mon goupillon, et la liste est longue, toujours trop longue . Nous verrons fin 2017 si les voeux pieux et profanes ont eu quelque semblant de réalisation . Wait and see !

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« A Joseph du Fresne de Francheville 1

[2 janvier 1762]

[Dans cette lettre d'une main de secrétaire, mais dont la formule est autographe, V* , entre autres choses, fait amicalement grief à son ancien secrétaire d'avoir pu croire qu'une « seconde partie » de Candide était de lui ; il lui apprend qu'il n'aurait pas entrepris le commentaire de Corneille s'il n'avait été assuré de l'aide de ses confrères de l'Académie ; il dénie la paternité de l'Ode sur la guerre (voir lettre du 16 septembre 1761 à Pierre Rousseau ) , quoiqu'il avoue en aimer quatre strophes ; les souscriptions pour l'édition de Corneille doivent être envoyées aux Cramer à Genève . Pour sa part, il vit maintenant à Ferney, où il a construit une église et son théâtre .]2

2 Les détails donnés sont tirés de la réponse de Du Fresne de Francheville envoyée « De Hoff en Saxe, quartier général de Son Altesse Royale » le 5 février 1762, dans laquelle celui-ci remercie V* d'une lettre qu'il a reçue de lui « par la voie [du] prince Henri ».

 

Voulez-vous remettre la partie à dimanche ?

... Oui ! mais sauf erreur, je crois bien que c'est ce qui est prévu depuis longtemps, nous tirerons les rois comme d'hab , faute de changer de président .

 galette des rois

 

 

 

« A Camille Gallatin 1

Ferney jeudi [vers 1761-1762]

Nous sommes obligés madame de sortir demain et samedi . Voulez-vous remettre la partie à dimanche ?

Je suis à vos ordres tous les jours de ma vie .

V. »

1 La destinataire est une des cinq filles de Jean-Louis Pictet, femme de Pierre Gallatin . Voir : http://www.archivesfamillepictet.ch/bibliographie/documents/VoltaireetRousseau_02_2016.pdf

 

Que je suis heureux d'être étranger à tout ce qui s'écrit et se dit en ce monde !

... Sur les réseaux dits sociaux .

Quelles économies d'énergies on ferait en faisant taire cet intolérable et inepte bavardage qui constitue 99,99999% des messages , et je parie qu'on pourrait se passer du gaz de schiste rien qu'en interdisant les messages contenant des fautes d'or tograf d'orthographe . Je n'en dis pas plus . Logique .

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

[1761-1762] 1

Vous n'avez pas lu le tome II d'un mauvais livre ? Si cela va chez vous, ne lui ouvrez pas, car s'il est bon que Memnon soit partout, il est bon que Candide ne soit nulle part .

Que je suis heureux d'être étranger à tout ce qui s'écrit et se dit en ce monde !

C'en est fait : dans les bois je veux vivre à mon gré,

Et du sentier des sots je me retirerai.

J'éviterai le jeu, la table, les querelles,

Les vains amusements, les spectacles, les belles.

Quel plaisir noble et doux de haïr les plaisirs ;

De se dire en secret : me voilà sans désirs,

Je suis maître de moi, juste, insensible, sage,

Et mon âme est un roc au milieu de l'orage .

J'oubliais que je joue la comédie ce soir et que mon rôle est de fondre en larmes, de mourir d'amour, de me tuer de désespoir . »

1 André Delattre, en 1752, place cette lettre à la fin de 1765 ; mais quel est alors le « tome II » contenant à la fois Memnon et Candide ? Ou du moins Candide, car Memnon pourrait figurer dans un tome I.

 

l'indignation de la postérité

... Fanfoué la mérite-t-il ? le demander, c'est peut-être y répondre .

http://www.programme.tv/news/videos/172802-deguise-en-fra...

 1964 - Marsupilami : poster Boutique Spirou par André Franquin - Illustration:

 On n'oublie rien de rien ! on s'habitue, c'est tout ! mais, en attendant, ça n'empêche pas de nous mettre en boule .

http://www.deezer.com/album/13902994

 

 

 

« A Henri Rieu

à Genève

[1761-1762]

Monsieur,

Mille remerciements, mon cher monsieur ; l'ombre du grand Corneille et sa petite-nièce vous feront aussi les leurs . Scudéry eut très grand tort 1; l'Académie n'eut pas toujours raison, et Scudéry mérite l'indignation de la postérité . Elle paierait en cette monnaie si elle pouvait connaître son nom .

Bonjour, monsieur ; quand aurons-nous l'honneur de vous voir ?

V. »

 

01/01/2017

en gaulois je vous remercie de tout mon cœur

... et sous le gui traditionnel, --autre tradition historique dont on hérite dès qu'on devient Français, selon un certain Nico-les-casseroles--, je vous souhaite une bonne année 2017, ainsi que les suivantes si jamais je n'étais plus en état de vous présenter mes voeux par la suite .

Lisez Voltaire, et si jamais vous avez une minute de plus , laissez un commentaire .

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« A Henri Rieu 1

à Genève

[1761-1762]

Monsieur,

Je vous ai des obligations en anglais, et en gaulois je vous remercie de tout mon cœur . Je vois que ce cardinal de Richelieu, le fondateur de notre comédie, était un des plus mauvais poètes de son temps . Notre confrère le cardinal de Bernis fait mieux des vers, mais il n'y a pas d’apparence qu'il soit premier ministre comme l'autre . Quand vous n'aurez rien à faire ayez la bonté de vous souvenir d'un ermite que sa mauvaise santé empêche d'aller à Genève, et qui sent tout le bonheur de vous posséder quand vous voulez bien lui faire cet honneur . J'ai celui d'être avec tous les sentiments que je vous dois

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

gentilhomme ordinaire du roi . »