09/06/2022
On donne à la Chine vingt coups de latte à ceux qui écrivent aux ministres des lettres trop longues et du galimatias
... Et combien de coups de pied au cul * pourra-t-on donner à nos ministres qui tiennent des discours amphigouriques ?
*Et non des coups de pied occultes .
« Au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally
4 février 1767
Il y à environ cinquante ans, mon Che[valier], que j’ai eu l’honneur de jouer aux échecs avec M. le vice-chancelier 1; mais il me gagnait, comme de raison. J’étais attaché à toute sa maison. Il y avait surtout un certain évêque de […]2, grand philosophe et très savant, qui m’honorait de la plus sincère amitié. Un vice-chancelier ne se souvient pas de tout cela, mais les petits ne l’oublient pas. J’ai le cœur pénétré de ses bontés, et de la justice qu’il a rendue dans l’affaire qui m’intéressait par contrecoup.
Je prends la liberté de lui écrire quatre mots 3, car il ne faut pas de verbiage pour les hommes en place. On donne à la Chine vingt coups de latte à ceux qui écrivent aux ministres des lettres trop longues et du galimatias.
Je vous écrirais bien au long, à vous, mon chevalier, si j’en croyais mon cœur, qui est bavard de son naturel . Je vous dirais combien je suis enchanté de vous et de vos bons offices ; mais la guerre de Genève, les embarras qu’elle cause, les effroyables neiges qui m’environnent, la fièvre, les rhumatismes, imposent silence à ma bavarderie. Cependant il faut que je vous demande si vous avez entendu la musique de Pandore 4, de M. de La Borde.
Vous me permettez donc de vous embrasser sans cérémonie. »
1 René-Charles de Maupeou ; voir page 107 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome16.djvu/117
2 Le nom était sans doute en blanc dans la lettre de Voltaire. Je pense qu’il faut lire Lombez. Charles-Guillaume de Maupeou était évêque de cette ville de 1721. à 1751 .
3 Cette lettre à Maupeou manque.
4 Opéra de Voltaire ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Pandore_(Voltaire)/1740 . La représentation aura lieu le 14 février 1767 comme l’apprend une lettre de Jean-Benjamin de La Borde à V* du 15 février 1767 . V* se réfère -t-il à une représentation privée,ou plus simplement à une répétition ? Voir : https://operabaroque.fr/LA_BORDE_PANDORE.htm
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08/06/2022
Vous avez trouvé le vrai bien. Pourquoi faut-il qu’on s’embarrasse Du vain bruit qui ne donne rien ?
... Pourquoi écouter les mensonges d'un Mélenchon , d'un Zemmour, d'une Marine et même, ô désespoir d'un Emmanuel ? Tenons-nous en aux faits, ça suffira .
Ce n'est pas marrant, je vous l'accorde, mais accordons-nous le temps de réfléchir pour ne pas nous faire embobiner , minimum vital .
Voir : https://citations.ouest-france.fr/theme/mensonge-politique-1479/
Rédigé le 9 pour parution le 8 juin 2022 .
« A Pierre-Joseph Thoulier d'Olivet
4 février 1767 1
Bonjour, bon an, ou plutôt bonjour, bon siècle, car vous ferez le tour du cadran, comme Fontenelle et Saint-Aulaire.
Nous avons à l’Académie
Des gens qui bravent les hivers.
Pour eux la mort s’est endormie
En lisant leur prose ou leurs vers.
Vous, vous avez charmé la Parque
Par votre esprit, il m’en souvient.
Moi, je pose un pied sur la barque,
Mais votre lettre me retient.
Je suis au haut d’un mont sauvage,
Où se confinent les autans.
Mais votre amitié du bel âge
Me ramène encore un printemps.
Vous parlez toujours comme Horace,
Vous avez trouvé le vrai bien.
Pourquoi faut-il qu’on s’embarrasse
Du vain bruit qui ne donne rien ?
La gloire n’est qu’une importune
Qui fait ombre à notre bonheur,
L’amour ne fait jamais fortune,
Et l’esprit appauvrit le cœur.
Vous avez raison ; les hommes ne valent pas la peine qu’on perde une seconde pour eux, et si vous n’étiez plus de ce monde, je ne croirais plus à rien.
Je vous embrasse tendrement, et je veux toujours me dire votre disciple.
V. »
1Edition Dernier Volume des Œuvres de Voltaire ; Paris, 1862.
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07/06/2022
Voilà l’homme que j’aimerai tant que j’aurai un souffle de vie, et tant que je détesterai les ennemis de la raison
... VOLTAIRE !
Rédigé le 8 pour parution le 7 juin 2022 .
« A Etienne-Noël Damilaville
4 février 1767
Le discours de M. Thomas 1, mon cher ami, est un des plus beaux et des plus grands services rendus à la littérature. Voilà l’homme que j’aimerai tant que j’aurai un souffle de vie, et tant que je détesterai les ennemis de la raison.
À propos de raison, avouez que j’ai un bon second dans mon conseiller au Grand Conseil 2; tous les oncles n’ont pas de pareils neveux. J’augure bien de l’affaire des Sirven. Le roi de Danemark m’écrit une lettre charmante, de sa main 3, sans que je l’aie prévenu, et leur envoie un secours. Tout vient du Nord. N’admirez-vous pas encore une fois le roi de Pologne, qui a forcé doucement les évêques à être tolérants ? N’oubliez jamais la condamnation de l’évêque de Rostow 4, pour avoir dit qu’il y à deux puissances. Vous n’aurez point de sitôt les Scythes ; il y a toujours quelque chose à changer à ces maudits ouvrages-là: j’espère que M. de La Harpe vous donnera, à Pâques, quelque chose de meilleur que les Scythes.
On ne peut vous aimer plus tendrement que je vous aime. É. L.»
1 Voir lettre du 20 décembre 1766 à Marmontel : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/03/20/m-6372387.html
2 L’abbé Mignot
3 On n’a pas trouvé cette lettre du roi. (Kehl.)
4 Voir lettre du 25 janvier 1765 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/13/il-est-utile-meme-que-le-peuple-soit-persuade-que-la-vie-et-6315771.html
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06/06/2022
Ceux qui font des heureux sont les vrais conquérants
... Rédigé le 8 pour parution le 6 juin 2022 .
« A Christian VII, roi de Danemark
Au château de Ferney 4 février 1767 1
Sire, la lettre dont Votre Majesté m’a honoré 2 m’a fait répandre des larmes de tendresse et de joie. Votre Majesté donne de bonne heure de grands exemples. Ses bienfaits pénètrent dans des pays presque ignorés du reste du monde. Elle se fait de nouveaux sujets de tous ceux qui entendent parler de sa générosité bienfaisante. C’est désormais dans le Nord qu’il faudra voyager pour apprendre à penser et à sentir . Si ma caducité et mes maladies me permettaient de suivre les mouvements de mon cœur, je viendrais me jeter aux pieds de Votre Majesté.
Du temps que j’avais de l’imagination, Sire, je n’aurais fait que trop de vers pour répondre à votre charmante prose. Pardonnez aux efforts mourants d’un homme qui ne peut plus exprimer l’étendue des sentiments que vos bontés font naître en lui. Je souhaite à Votre Majesté autant de bonheur qu’elle aura de véritable gloire.
J'ai l'honneur d'être, avec un très profond respect, Sire, de Votre Majesté le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
Pourquoi, généreux prince, âme tendre et sublime,
Pourquoi vas-tu chercher dans nos lointains climats
Des cœurs infortunés que l’injustice opprime 3?
C’est qu’on n’en peut trouver au sein de tes États.
Tes vertus ont franchi par ce bienfait auguste
Les bornes des pays gouvernés par tes mains ;
Et partout où le ciel a placé des humains,
Tu veux qu’on soit heureux et tu veux qu’on soit juste.
Hélas ! assez de rois que l’histoire a faits grands
Chez leurs tristes voisins ont porté les alarmes ;
Tes bienfaits vont plus loin que n’ont été leurs armes :
Ceux qui font des heureux sont les vrais conquérants. »
1 Copie contemporaine . L'original est passé à la vente du comte Ludwig Paar, chez Albert Cohn à Berlin les 20-23 mars 1893 . une note de service sur la copie établit que la lettre est parvenue le 21 février 1767 .
2 Lettre non connue .
3 Les Sirven .
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05/06/2022
On juge du prince par le ministre, et du ministre par le prince
... Actuellement, notre gouvernement et quelques uns de ses membres ne sont pas flatteur pour le président , lequel s'est enferré en apportant sa confiance à quelques canards boiteux , envers et contre tout . Résultat normal : la méfiance domine , régal pour les démolisseurs de l'opposition .
« Au comte Johan Hartwig Ernst von Bernstorff
Au château de Ferney par Genève, 4è février 1767 1
Monsieur,
La famille Sirven, qui va manifester à Paris son innocence et les bienfaits de Sa Majesté, a dû remercier aujourd’hui Votre Excellence de ces mêmes bienfaits, dont elle vous est redevable 2.
Je ne vous dois pas moins de reconnaissance, monsieur, de la lettre du roi, dont vous m’avez procuré la faveur. J’y reconnais un monarque pénétré de vos principes. On juge du prince par le ministre, et du ministre par le prince. Il y a plus de cent ans que la bienfaisance est assise sur le trône de Danemark. Heureux le pays ainsi gouverné !
Permettez, monsieur, qu’avec mes très humbles remerciements je vous adresse ceux que je dois à Sa Majesté.
J’ai l’honneur d’être, avec beaucoup de respect, monsieur, de Votre Excellence, le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Edition de Kehl . Bernstorff était devenu Premier ministre de Danemark . Voir : https://stringfixer.com/fr/Count_Johann_Hartwig_Ernst_von_Bernstorff
2 Effectivement ; la lettre de V* est accompagnée d'une lettre dont V* a dû surveiller la rédaction : « Genève 4è février 1767 / Monseigneur, / Permettez que ma pauvre famille et moi nous présentions à Votre Excellence nos très humbles actions de grâce, et nous vous supplions de nous mettre aux pieds de Sa Gracieuse Majesté . M. de Voltaire nous apprend ses bienfaits, que nous vous devons, et que notre affaire est déjà portée au Conseil de Sa Majesté Très Chrétienne . Nous y allons porter notre innocence, et faire retentir autant que nous le pourrons les bontés dont Sa Majesté le roi votre maître a daigné nous combler . Nous n'oublierons jamais son auguste nom ni le vôtre ./ Nous sommes avec un profond respect /Monseigneur/ de Votre Excellence/ les très humbles et très obéissants serviteurs et servantes / Sirven / Marianne Ramond née Sirven / Jeanne Sirven / Paul-Jean-Pierre Ramon . »
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04/06/2022
Le vrai salut est la bienfaisance
... Quelques propositions et actions : https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/bienfaisance#3
« À Stanislas-Auguste Poniatowski,
roi de Pologne
Du 3è février 1767 à Ferney
Sire,
Ma respectueuse reconnaissance n’a osé passer les bornes de deux lignes 1, quand j’ai remercié Votre Majesté de ses bienfaits envers la famille des Sirven, qui lui devra bientôt son honneur et sa fortune 2. Mais le bien que vous faites à l’humanité entière, en établissant une sage tolérance en Pologne, me donne un peu plus de hardiesse. Il s’agit ici du genre humain : vous en êtes le bienfaiteur, Sire ; vous pardonnerez donc au bon vieillard Siméon de s’écrier Je mourrai en paix, puisque j’ai vu les jours du salut3. » Le vrai salut est la bienfaisance.
J’ai lu deux discours de Votre Majesté à la diète, qui sont de cette éloquence qui n’appartient qu’aux grandes âmes. Mme de Geoffrin est bien heureuse 4. Les vieillards de Saba en feraient autant que leur reine, s’ils n’avaient que leur vieillesse à surmonter ; mais la caducité, jointe à la maladie, ne laisse de libre que le cœur. Permettez, Sire, que ce cœur, pénétré de vos vertus et de votre sagesse, se mette à vos pieds pour sa consolation.
Je suis avec le plus profond respect . »
1 En tête du manuscrit, Wagnière a porté la mention « Au roi de Pologne » et V* a écrit au verso de la feuille : « Correspondance avec l'impératrice de Russie, le roi de Danemark et le prince Gallitzin. »
Les deux lignes de remerciements au roi de Pologne manquent.
2 Cette lettre n'est pas connue .
3 Évangile de Luc, II, 29-30 : https://www.aelf.org/bible/Lc/2
4 Elle était à Varsovie.
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03/06/2022
Il y a quelquefois une justice qui s’élève au-dessus de la justice, mais je vous assure que ce n’est pas sans peine
... Ce qu'espèrent tous/toutes les bafoué.e.s , molesté.e.s dont les plaintes ne sont plus reconnues, les délais de prescription étant atteints , les coupables s'en tirent sans peine , les victimes n'ont que leurs souffrances sans fin, sans prescription elles .
« A François-Louis-Henri Leriche
Directeur et receveur général des domaines du roi, etc.
à Besançon
2 février 1767
Quand trente pieds de neige le permettront, monsieur, et qu’on sera sûr de tromper les argus, ce paquet, qu’on attend depuis si longtemps, partira. Puisque vous avez sauvé Fantet 1, je me flatte que vous le sauverez encore . Votre ouvrage ne restera pas imparfait. L’aventure de Leclerc 2 me pénètre de douleur. Faut-il donc que les jésuites aient encore le pouvoir de nuire, et qu’il reste du venin mortel dans les tronçons de cette vipère écrasée !
L’affaire dont vous avez été instruit 3 était cent fois plus épineuse que celle de Leclerc ; mais heureusement on a des amis, et des amis philosophes, jusque dans le conseil. Les commis seront réprimandés, et on rendra l’argent ; ils seront punis pour avoir fait leur infâme devoir.
Il y a quelquefois une justice qui s’élève au-dessus de la justice, mais je vous assure que ce n’est pas sans peine. Je me flatte que Leclerc aura des amis à Paris. Il y a des gens qui pensent et qui sentent, quoiqu’on veuille étouffer le sentiment et la pensée. J’emploie, monsieur, ces deux facultés qui restent à mon faible corps pour vous dire combien je vous aime, et combien je désire de vous voir. »
1Voir lettre du 5 septembre 1766 à Leriche : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/12/02/il-faut-avouer-qu-aujourd-hui-aucune-nation-n-approche-de-la-6352749.html
2 C’était un libraire de Nancy qu’on était allé arrêter en janvier 1767, et qu’on amena à la Bastille. Il était en correspondance avec Cramer de Genève, Grasset de Lausanne, etc. On saisit cette correspondance, et une grande quantité de livres. (Beuchot.)
3 L’affaire Le Jeune.
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