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23/09/2024

tout doit céder à l'intérêt public

... J'ose espérer que les nouveaux gouvernants en sont convaincus et agiront en conséquence en oubliant, rejetant , les projets d'annulations de lois utiles même si impopulaires, comme la réforme des retraites .

Il est temps qu'on apprenne à compter immédiatement et agisse en conséquence .

 

 

 

« A François de Caire

On ne peut être plus sensible que je le suis, Monsieur, à la bonté prévenante que vous avez, de me faire rendre les bois que j'ai achetés, et qui sont pour moi de la nécessité la plus pressante, comme vous le verrez par la déclaration que j'ai l'honneur de vous envoyer.

Je vois que nous n'avons plus d'autre ressource que la Franche-Comté, grâce à l’inexécution des lois qui ont vainement prohibé les transports de bois de charpente du pays de Gex à Genève. Non seulement on devrait empêcher tout transport de bois à bâtir, mais encor celui de chauffage.

Il fut permis il y a trente ans de porter le bois de chauffage à Genève sur la prétendue réquisition des états, parce qu'alors quelques personnes qui avaient entrée aux états avaient du bois à vendre; mais dans l'extrémité où nous allons être réduits cette faible raison ne doit plus subsister, tout doit céder à l'intérêt public. On verra que si la ville de Versoix est bâtie, il sera impossible de la faire subsister une seule année. Le bois de chauffage coûtera plus de deux louis la voiture, et le comestible sera au poids de l'or.

Je ne doute pas, Monsieur, que dans l'occasion vous ne fassiez les représentations les plus fortes à M. le duc de Choiseul sur un objet si important. Pour moi je suis si accablé de ma vieillesse et de mes maladies que je suis devenu absolument inutile. Je n'ai plus de force que pour vous remercier de vos bontés. J'ai l'honneur de présenter mes respects à Madame De Caire, et d'être avec les mêmes sentiments, Monsieur, vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

21e mars au soir 1769 à Ferney .1

Oserais-je vous supplier, Monsieur, de vouloir bien essayer d'un piqueur d'ouvriers qui s'appelle Barbera? Il est le mari d'une femme qui est à moi. Je vous réponds de sa conduite et de sa fidélité. C'est le porteur de cette Lettre.

J'achetai au mois de Janvier par le nommée Landry, charpentier demeurant à Ferney, mille pièces de bois de charpente tant petites que grandes et deux cent douzaines de planches avec vingt quatre douzaines de plateaux, pour les bâtiments que je fais construire au Châtelard et qui doivent être prêts pour la récolte.

Le marché étant conclu à Mijoux avec les frères Janins et Claude Joseph, forestiers demeurant à la Combe de Mijoux, je payai quarante louis d'or d'avance.

J'en donnai la déclaration à monsieur Fabry qui mit au bas, bon pour le passage.

Ce bon, n'est valable que pour cinq mois et je n'aurais pas le temps de bâtir les granges et écuries nécessaires, si on empêchait mes bois de me parvenir ; ma récolte serait entièrement perdue.

En foi de quoi j'ai signé au château de Ferney ce 21e mars au soir 1769

Voltaire. »

 

1 Original signé;édition Wade publie le corps de la lettre et la déclaration jointe comme s'il s'agissait de deux lettres différentes .

Vous êtes instruit sans doute des règlements faits par les parlements

... Alors rendez-vous à 15H à l'Elysée ! Avec ou sans voiture de fonction ...

Trombinoscope attendu .

 

 

 

« A Pierre Gros, Curé

de Ferney

Le jour des Rameaux [19 mars 1769]1

Il n’y a que d’infâmes calomniateurs qui aient pu, monsieur, vous dire les choses dont vous parlez. Je puis vous assurer qu’il n’y a pas un mot de vrai, et que rien ne doit s’opposer aux usages reçus. Vous êtes instruit sans doute des règlements faits par les parlements, et je ne doute pas que vous ne vous conformiez aux lois du royaume. Vous êtes d’ailleurs bien persuadé de mon amitié.

Voltaire. »

1 Manuscrit olographe ; copie Beaumarchais-Kehl ; édition Lettres de Mgr l'év[êque]de G*** à M. de V*** . La note suivante est portée au bas de l'original :

« Voltaire étant malade, dans le temps de Pâques, fit avertir le curé de Ferney de lui apporter le viatique. Le curé répondit qu’il ne le pouvait qu’après que Voltaire aurait rétracté les mauvais ouvrages qu’il avait faits. Voltaire, impatienté, lui écrivit les lettres des 19 et 24 mars 1769 ; enfin le 31 mars il fit la déclaration suivante, et communia le lendemain. ». Suivent les deux derniers paragraphes du certificat de mœurs reproduit par Besterman . Le tout est suivi de la signature de l'évêque . Cette note ne semble pas correspondre au contenu de la lettre. Elle est pourtant confirmée par la lettre du 24 mars à Gros et la réponse de celui-ci . Voir aussi la lettre du 30 mars à Gros et celle du 9 avril 1769 à d'Argental .

«Déclaration par devant notaire et procès-verbal

« Au château de Ferney, le 31 mars 1769. par-devant le notaire Raffoz, et en présence des témoins ci-après nommés, est comparu messire François-Marie de Voltaire, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, l’un des quarante de l’Académie française, seigneur de Ferney, etc., demeurant en son château, lequel a déclaré que le nommé Nonotte, ci-devant soi-disant jésuite, et le nommé Guyon, soi-disant abbé, ayant fait contre lui des libelles aussi insipides que calomnieux, dans lesquels ils accusent ledit messire de Voltaire d’avoir manqué de respect à la religion catholique, il doit à la vérité, à son honneur, et à sa piété, de déclarer que jamais il n’a cessé de respecter et de pratiquer la religion catholique professée dans le royaume ; qu’il pardonne à ses calomniateurs ; que si jamais il lui était échappé quelque indiscrétion préjudiciable à la religion de l’État, il en demanderait pardon à Dieu et à l’État ; et qu’il a vécu et veut mourir dans l’observance de toutes les lois du royaume, et dans la religion catholique, étroitement unie à ces lois.

« Fait et prononcé audit château, lesdits jour, mois et an que dessus, en présence du R. P. sieur Antoine Adam, prêtre, ci-devant soi-disant jésuite, de, etc., etc., témoins requis et soussignés avec ledit M. de Voltaire, et moidit notaire. »

 

Autre déclaration.

"1er avril.

« Au même château de Ferney, à neuf heures du matin, le 1er avril 1769, par-devant ledit notaire, et en présence des témoins ci-après nommés, est comparu messire François-Marie Arouet de Voltaire, gentilhomme ordinaire, etc., lequel, immédiatement après avoir reçu, dans son lit où il est détenu malade, la sainte communion de monsieur le curé de Ferney, a prononcé ces propres paroles :

« Ayant mon Dieu dans ma bouche, je déclare que je pardonne sincèrement à ceux qui ont écrit au roi des calomnies contre moi, et qui n’ont pas réussi dans leurs mauvais desseins*.

« De laquelle déclaration ledit messire de Voltaire a requis acte, que je lui ai octroyé en présence de révérend sieur Pierre Gros, curé de Ferney, d’Antoine Adam, prêtre, ci-devant soi-disant jésuite, de, etc., etc., témoins soussignés avec ledit M. de Voltaire, et moi dit notaire, audit château de Ferney, lesdits heure, jour, mois et an. »

22/09/2024

Il est très éloigné de vouloir jamais revenir contre ce qui a été décidé

... Le président Macron a sans doute le gouvernement qui lui plait - enfin - !

L'opposition de gauche enrage, celle de droite extrême se la joue grenouille aussi grosse que le boeuf, le citoyen sort peureusement manifester, les fins de mois restent difficiles, beaucoup d'argent public gaspillé, la montagne a accouché d'une souris .

Rentrée des classes pour : https://www.vie-publique.fr/en-bref/295289-le-gouvernemen...

Nota bene : Quelles sont les conditions pour être ministre  : https://www.vie-publique.fr/fiches/19465-conditions-pour-etre-ministre-et-incompatibilites-gouvernementales

Pourquoi pas vous ? ou moi ?

Est-ce la nécessité de probité qui a ralenti si démesurément le choix de nos nouveaux gouvernants ? En notant au passage que Rachida Dati , bien que mêlée à une affaire de corruption reste en poste, ce qui ne me rassure pas sur la qualité blanc-bleu demandée aux nommés , et non respectée évidemment . Rendez-vous à de nouvelles "affaires" touchant ces nouveaux dirigeants .

 

 

 

« A Louise-Bernarde Berthier de Sauvigny

17è mars 1769 à Ferney

J’ai attendu, madame, pour vous remercier de la confiance et de la bonté avec laquelle vous avez bien voulu m’instruire de l’état des affaires de monsieur votre frère, que je fusse plus particulièrement informé de sa conduite présente. Je n’ai rien épargné pour en avoir les informations les plus sûres. J’ai envoyé un homme sur les lieux ; j’ai écrit aux magistrats, aux gentilshommes ses voisins. Je crois que vous serez contente d’apprendre que, depuis sept ans qu’il est dans ce pays-là, tout le monde, sans exception, a été charmé de sa conduite. On lui a donné partout droit de bourgeoisie, et on a partout recherché son amitié. Ces témoignages unanimes plairont sans doute à une sœur qui pense aussi noblement que vous.

Je sens bien que la crainte de voir un frère peu accueilli dans les pays étrangers devait vous inquiéter ; je sens combien il est cruel d’avoir à rougir de ceux à qui le sang nous lie de si près, et je partage la consolation que vous devez éprouver d’être entièrement rassurée.

Tout le défaut de M. Durey de Morsan, comme je vous l’ai déjà dit 1, madame, est cette malheureuse facilité qui causa sa ruine . Il a été pillé en dernier par trois ou quatre réfugiés, les uns banqueroutiers, les autres chargés de mauvaises affaires. Il s’était endetté pour eux. L’un d’eux lui avait fait accroire qu’il devait avoir quarante-deux mille livres de rente par la liquidation de ses biens ; et on ne lui mettait ces chimères dans la tête que pour vivre à ses dépens.

Je lui ai fait voir clair comme le jour qu’il ne doit espérer de longtemps que les six mille livres de pension auxquelles il est réduit par ses fautes passées. Je lui ai fait, sentir très fortement qu’il doit vivre avec une sage économie, en homme de lettres tel qu’il est ; et que, loin de se plaindre de vous, il doit s’appliquer à mériter votre tendresse par la conduite la plus mesurée, et par une confiance entière.

Je l’ai tiré des mains qui dévoraient sa subsistance ; j’ai payé pour lui environ deux mille livres : je lui ferai rentrer de 2 ce qu’on lui doit, autant que je le pourrai ; la pitié que m’a d’abord inspirée son état s’est changée ensuite en amitié.

Il est très éloigné de vouloir jamais revenir contre ce qui a été décidé par sa famille ; il se contentera de ses six mille livres. Il n’a nul dessein de tenter jamais de revenir à Paris ; il voudrait seulement pouvoir faire un petit voyage dans le pays de Bresse et dans celui de Saint-Claude, où on lui doit quelque argent. Je lui procurerai une habitation fixe et peu coûteuse vers le territoire de Genève ; j’empêcherai qu’il ne dépense un écu au delà de sa pension : il donnera une procuration à un homme de confiance pour recevoir son revenu tous les mois, et payer son petit ménage . Il aura des livres qui le consoleront dans sa retraite . Je veillerai sur sa conduite, j’en répondrai comme de moi-même ; et je m’engage envers vous, madame, et envers sa famille, comme s’il s’agissait de mes propres intérêts.

Je suis bien persuadé que vous aimerez mieux le savoir sous mes yeux que sous des yeux étrangers.

Je vous donne encore ma parole d’honneur qu’il ne sortira pas hors des limites du mont Jura, et qu’il n’habitera jamais aucune ville du royaume. La personne chargée de son revenu ne le permettra pas, et, de plus, je vous jure qu’il n’a nulle envie de se montrer, et qu’il veut vivre dans la plus profonde obscurité. Je me flatte, encore une fois, que ce parti vous agréera, et que vous ne souffrirez pas qu’on poursuive votre malheureux frère comme un voleur de grand chemin, tandis qu’il est assez puni de ses faiblesses passées, et qu’il les expie depuis si longtemps par une vie irréprochable. Je sais, madame, que vous avez eu de la générosité pour des étrangers . Vous en aurez pour un frère.

J'ai l'honneur d'être avec respect . »

2 L'édition Besterman omet le mot ce .

Il est vrai que les énergumènes de ce temps-ci sont plus dangereux ... ceux-ci veulent s’engraisser et dominer

... La Gauche ne sait plus que crier à l'injustice de n'avoir pas l'honneur d'être des ministrables , le RN plus vicieux manoeuvre en sourdine .

A l'heure où sera publiée cette note on saura peut-être enfin qui seront nos gouvernants , pour un certain temps ...

 

 

« A Hans Karl Heinrich von Trautschen 1

16è mars 1769

Monsieur, si la vieillesse et la maladie l’avaient permis, j’aurais eu l’honneur de vous remercier plus tôt de votre lettre et de votre dialogue 2. On dit que les Allemands sont fort curieux de généalogies ; je vous crois descendu de Lucien en droite ligne ; vous lui ressemblez par l’esprit ; il se moquait, comme vous, des prêtres de son temps . Les choses n’ont guère changé que de nom. Il y a toujours eu des fripons et des fanatiques qui ont voulu s’attirer de la considération en trompant les hommes, et toujours un petit nombre de gens sensés qui s’est moqué de ces charlatans.

Il est vrai que les énergumènes de ce temps-ci sont plus dangereux que ceux du temps de Lucien, votre devancier. Ceux-là ne voulaient que faire bonne chère aux dépens des peuples ; ceux-ci veulent s’engraisser et dominer. Ils sont accoutumés à gouverner la canaille, ils sont furieux de voir que tous les gens bien élevés leur échappent. Leur décadence commence à être universelle dans l’Europe. Une certaine étrangère nommée la raison a trouvé partout des apôtres, depuis une quinzaine d’années. Son flambeau a éclairé beaucoup d’honnêtes gens, et a brûlé les yeux de quelques fanatiques qui crient comme des diables. Ils crieront bien davantage, s’ils voient votre joli dialogue.

Pour moi, monsieur, je n’élève la voix que pour vous témoigner mon estime et ma reconnaissance, et pour vous dire avec quels sentiments respectueux j’ai l’honneur d’être,

monsieur,

votre, etc. »

1 Voir : https://de.wikipedia.org/wiki/Hans_Karl_Heinrich_von_Trautzschen

Le nom du destinataire a été jusqu'ici donné par erreur sous la forme Trantzsehen par une double erreur de lecture sur les lettres u et c ; le nom devait être écrit Trautzehen sur le manuscrit original .

Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1769/Lettre_7508

2 Voir : Militarische und Litterarische Briefe , 1769 . L’auteur n’a point place dans  l’Allemagne littéraire.

Voir : https://saebi.isgv.de/biografie/Hans_Karl_Heinrich_von_Tr...)

21/09/2024

On commence à être très las de toutes les disputes sur l'origine des parlements

... A la proportionnelle ou pas, chaque élu est bien heureux du résultat qui le concerne, et se fiche des vaincus , comme d'hab' .

 

 

« A Gabriel Cramer

[Mars 1769]

Voici bientôt le temps, mon cher Caro, d'achever votre Histoire du Parlement 1 . Je crois qu'avant deux mois tout sera décidé, réglé et aplani .

En attendant, je vous prie de faire imprimer quelques exemplaires d'une troisième édition 2 corrigée et augmentée d'un certain petit rogaton qu'on m'a envoyé sur les affaires présentes ; cette petite pièce peut, si je ne me trompe, faire quelque bien, et préparer les esprits . Il me semble qu'il y a des faits vrais, et point d' injure .

On commence à être très las de toutes les disputes sur l'origine des parlements, et on paraît assez content de cette nouvelle brochure qui n'entre point dans ces conditions ennuyeuses . Je vous prie très instamment de me faire l'amitié d'imprimer d'un caractère cicéro, et de vouloir bien m'en faire tenir trente-six exemplaires le plus tôt que vous pourrez . Il est nécessaire que tout ceci finisse, sans quoi messieurs nos payeurs de Paris auraient toujours un prétexte de ne payer personne !

Vale .

Le vieil ermite. »

20/09/2024

Une partie de l’Europe me console d’être né français

... Une moitié de l'Europe suffit à me faire apprécier l'autre moitié comprenant la France .

 

 

« A Henri Lambert d'Herbigny, marquis de Thibouville

15è mars 1769

Vous me mandez, par votre lettre du 25 février 1, que ma dernière lettre tenait un peu de l’aigre-doux. S’il y a du doux, mon cher marquis, il est pour vous : s’il y a de l’aigre, il est pour toutes les sottises de Paris, pour le mauvais goût qui y règne, pour les plates pièces qu’on y donne, pour les plats auteurs qui les font, et pour les plats acteurs qui les jouent ; pour la décadence en toutes choses, qui fait le caractère de notre siècle.

Je sens pourtant que j’aimerais encore le tripot de la Comédie, si j’étais à Paris ; mais je vous aimerais bien davantage : ce serait une consolation pour moi de parler avec vous des impertinences qu’on a la bêtise d’applaudir sur le théâtre où Mlle Lecouvreur a joué Phèdre.

À l’égard des autres bêtises, je ne vous en parle point, parce que je les ignore, Dieu merci. Je suis encore enterré sous la neige au mois de mars. Je me réchauffe dans une belle fourrure de martre zibeline que l’impératrice Catherine m’a envoyée, avec son portrait enrichi de diamants, et une boîte tournée de sa main, avec le recueil des lois qu’elle a données à son vaste empire. Tout cela m’a été apporté par un prince qui est capitaine de ses gardes. Je doute qu’une lettre d’un bureau de ministre puisse être plus agréable. Une partie de l’Europe me console d’être né français, et de n’être plus que suisse 2.

Je vous embrasse bien tendrement.

V. »

1 Les lettres du marquis de Thibouville à V* n'ont pas été conservées .

2 Mot significatif de l'état d'esprit de V* à l'époque .

Vous êtes aucunement le maître, monsieur, de demeurer dans un cul-de-sac

... M. Michel Barnier vous y avez été fourré par le président , certes, mais vous n'avez pas dit "non", croyant sans doute que pour sortir d'un cul-de-sac reculer est aussi simple qu'y entrer ou que , optimisme remarquable ou confiance démesurée, vous considériez le fond  inatteignable ou inexistant .

A suivre : https://www.rtl.fr/actu/politique/invite-rtl-nouveau-gouvernement-toujours-plus-de-ministrables-que-de-ministres-en-france-selon-louvrier-7900419759

 

 

« A Simon-Nicolas-Henri Linguet 1

A Ferney 15è mars 1769 2

Vous êtes aucunement le maître, monsieur, de demeurer dans un cul-de-sac 3, de dater vos lettres du mois d’août, quoique celui qui a donné son nom à ce mois se nommât Augustus, et d’appeler la ville de Cadomum, Can 4, quoiqu’on l’écrive Caen. Vous aurez pu voir des courtisans chez le roi, sans avoir jamais vu de courtisanes chez la reine. Vous avez vu dans votre cul-de-sac passer les coureurs du cardinal de Rohan, mais point de coureuses. Vous aurez vu chez lui de beaux garçons, et point de garces ; des architraves dans son palais, et aucune trave. Les gendarmes qui font la revue dans la cour de l’hôtel de Soubise sont si intrépides qu’il n’y en [a] pas un de trèpide.

La langue d’ailleurs s’embellit tous les jours : on commence à éduquer les enfants, au lieu de les élever ; on fixe une femme, au lieu de fixer les yeux sur elle. Le roi n’est plus endetté envers le public, mais vis-à-vis le 5 public. Les maîtres d’hôtel servent à présent des rostbif de mouton 6, tandis que le Parlement obtempère ou n’obtempère pas aux édits.

Notre jargon deviendra ce qu’il pourra. Je suis moitié Suisse et moitié Savoyard, enseveli à soixante-quinze ans sous les neiges des Alpes et du mont Jura ; je m’intéresse peu aux beautés anciennes et 7 nouvelles de la langue française ; mais je m’intéresse beaucoup à vos grands talents, à vos succès, au courage avec lequel vous avez dit quelques vérités 8. Vous en diriez de plus fortes si ceux qui sont faits pour les redouter ne cherchaient point à les écraser ; cependant elles percent malgré eux. Le temps amène tout, et la raison vient enfin consoler jusqu’aux misérables qui se sont déclarés contre elle. Le même imbécile, conseiller de grand’chambre, qui a donné sa voix contre l’inoculation, finira par inoculer son fils, et quand la campagne aura besoin de pluie, on ne fera plus promener la châsse de sainte Geneviève à Paris sur le pont Notre-Dame.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, avec toute l'estime que vous méritez, votre . »

2 Réponse à la lettre de Linguet : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1769/Lettre_7496

Minute autographe à partir de et quand la campagne … ; copies Beaumarchais -Kehl ; éd. « Réponse de M. de Voltaire à M. Linguet », Journal étranger 1er septembre 1769, VI, 299-300 . Linguet, comme Féraud était un adepte de la « néologie ».

4 L'étymologie de Caen est longuement discutée dans le Dictionnaire universel de Thomas Corneille : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040116g/f7.item

Quoi qu'il en soit, V* prend les choses à l'envers : c'est l'orthographe qu'on pourrait changer pour la mettre en accord avec la prononciation et non la prononciation qui comme pour les mots faon, taon, paon, etc., a réduit l'hiatus existant en ancien français .

5 Ici, V* ne songe pas qu'une langue, contrairement à ce qu'on entend dire parfois n'est pas un système réductible à un modèle formalisable . Toute langue comporte l'anormal à côté du régulier, la redondance à côté de la déficience, l'analogique à côté du logique, etc. , et toutes ces irrégularités se trouvent, non dans la périphérie, mais au cœur même du système linguistique . Il n'est, pour s'en convaincre,que d'examiner les formes du verbe être ou ou du verbe aller .

6 Ici, V* reprend un certain nombre de néologismes déjà signalés (sauf fixer transitif) dans le Dictionnaire néologique de l'abbé Desfontaines et Jean-Jacques Bel , 1726 ; plusieurs réédition augmentées jusqu'en 1750 .

Voir : https://www.persee.fr/doc/gadge_1950-974x_2009_num_7_1_930

7 Cette impropriété ne semble pas s'être répandue ; pourtant V* reprend sa critique au début de sa Lettre à l'Académie française, 1776 : https://books.google.ru/books?id=aBVbAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

8 Ces mots sont de la main de V*sur le manuscrit .