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08/09/2025

je m’acquitte de ce devoir en vertu de la sainte obédience

... Plier bagage, perdre sa place, être un ex-, c'est écrit mon pauvre François . La meute de ceux qui veulent ta place t'a cerné, tu leur a fourni le bâton pour qu'ils te battent , trop tard pour dire "si j'aurais su qu'ça soye ça ! [" P'tit Gibus ]

 

 

« A Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul

Du 26 mars 1770 à Ferney 1

Madame,

J’ai envoyé bien vite à votre protégé, M. Fabry, la lettre que vous avez bien voulu faire passer par mes mains. Vous avez, comme M. le duc de Choiseul, le département de la paix et de la guerre. Vous faites du bien aux pacifiques capucins et aux meurtriers canonniers. Je vous dois en outre mon salut, car c’est à vous, après Dieu et frère d’Alamballa, que je dois mon cordon. Frère Ganganelly espère beaucoup des opérations de la Grâce sur ma personne ; vous êtes, madame, le premier principe de tant de faveurs.

 

Il faut avouer que la Grâce
Fait bien des tours de passe-passe
Avant que d’arriver au but 2.

 

Je me flatte que, quand Versoix sera bâti, monseigneur votre époux voudra bien me nommer aumônier de la ville. Je suis encore un peu gauche à la messe, mais on se forme avec le temps, et l’envie de vous plaire donne des talents.

Un de nos frères, qui fait des vers, m’a envoyé ces petits quatrains 3, et m’a prié de vous les présenter ; je m’acquitte de ce devoir en vertu de la sainte obédience.

Je vous supplie, madame, d’agréer toujours mon profond respect, ma reconnaissance, et ma bénédiction.

Frère François,

capucin par la grâce de Dieu

et de madame la duchesse de Choiseul. 

P.-S. – Une dame de Genève a dit que Philibert Cramer, mon ancien libraire, ambassadeur de la République, ferait beaucoup d'impression à la cour .»

1 Copie par Wyatt ; Beaumarchais-Kehl, suivie par les éditions omet le post-scriptum ; éd. Kehl.

2 Piron , Poésies badines et facétieuses : Bethzabée :

https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Piron_-_Po%C3%A9sies_badines_et_fac%C3%A9tieuses,_1800.djvu/22

Ces trois vers sont la fin de la pièce .

Voir lettre du 21 février 1770 à Mme Du Deffand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/08/06/on-a-encore-appuye-la-baionnette-sur-le-ventre-ou-dans-le-ve-6558093.html

3 Voir les Stances à madame la duchesse de Choiseul sur la fondation de Versoix, jointes à la lettre ; elles furent imprimées dans les Nouveaux mélanges, 1770 . Mme Du Deffand les a envoyées à Walpole le 4 avril 1770 .Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome8.djvu/552

On menace ces émigrants de les jeter dans des cachots s'ils mettent les pieds dans une ville qui n'est plus leur patrie

... C'est à très peu de choses près la menace qui pèse sur les Palestiniens chassés de la bande de Gaza . Eradiquer le Hamas ET conquérir un nouveau territoire sont les désirs de Netanyahou et de ses partisans sanguinaires et affairistes . Des milliards vont tomber dans les mains des entreprises de travaux publics, les trois pour cent de chômeurs peuvent-ils s'en réjouir ? Quoi qu'ils fassent, ils vont bâtir sur du sang, et la haine n'est pas un bon ciment .

 

 

« A François de Caire

Commandant

à Versoix

Monsieur,

Il y a quelques Natifs de Genève, réfugiés dans mon village ; ils sont dans la nécessité d'aller quelquefois à Genève pour retirer leurs effets, solder leur compte, et ramener leurs femmes et leurs enfants que les Bourgeois insultent tous les jours . On menace ces émigrants de les jeter dans des cachots s'ils mettent les pieds dans une ville qui n'est plus leur patrie . Ils sont français ; ils ont signé qu'ils étaient français . Des Bourgeois d 'une petite ville auront-ils l'insolence d'insulter le roi de France dans la personne de ses sujets ?

Je vous demande, monsieur, si vous ne pouvez pas avoir la bonté de m'envoyer cinq ou six de vos déclarations 1 signées de vous avec la date en blanc ; ils mettraient leur nom au bas ; mais ce passeport ne serait pas suffisant encore .

Ne pourriez-vous pas écrire au premier syndic de Genève, et l'avertir que le roi regarde comme ses sujets tous ceux qui passeront par Genève munis de ces déclarations, que ceux qui les molesteront en quelque manière que ce puisse être, seront censés avoir manqué de respect au roi, que vous ne doutez pas qu'on ne les laisse entrer et sortir librement pour reprendre leurs femmes,leurs enfants et leurs effets ?

Que personne sans doute dans Genève n'osera s'exposer de mécontenter un souverain qui a été jusqu'ici le protecteur de la ville ?

Il me semble qu’une telle lettre serait bien à sa place, et que c'est le seul moyen de mettre un frein à la brutale audace de ceux qui dans un misérable trou entre la France et la Savoie parlent tous les jours avec la dernière indignité de vous, du résident de France et même du roi aussi bien que de M. le duc de Choiseul ? Je suis très sût que ce ministre ne vous désavouera pas .

J'aurais bien d’autres choses à vous dire mais je suis toujours malade dans mon lit . Ma lettre est pour vous seul.

Agréez, monsieur, mon sincère respect , et mon tendre attachement .

26è mars 1770. »

1 Il existait des formules en blanc en vue d'une demande de naturalisation ; le modèle en a été reproduit dans l'ouvrage de Jean-Pierre Ferrier , Le Duc de Choiseul, Voltaire et la création de Versoix-la-Ville, 1922 .

07/09/2025

Il en est de la vie comme de la cour ; plus on en reçoit de grâces, plus on en demande

...

 

« A Michel-Philippe Bouvart

16 mars 1770

Le vieux capucin de Ferney, qui a eu l’honneur de consulter M. Bouvart, le remercie très sensiblement des conseils qu’il a bien voulu lui donner.

Il a eu précisément les gonflements sanglants dont M. Bouvart parle. Il prend le lait de chèvre avec beaucoup de retenue, dans un pays couvert de glaces et de neiges six mois de l’année, et où il n’y a point d’herbe encore.

Il croit qu’il sera obligé de chercher un climat plus doux l’hiver prochain, et, en ce cas, il demande à M. Bouvart neuf mois de vie au moins, au lieu de six, sauf à lui présenter une nouvelle requête après les neuf mois écoulés. Il en est de la vie comme de la cour ; plus on en reçoit de grâces, plus on en demande. Il prie M. Bouvart de vouloir bien agréer les sentiments de reconnaissance dont il est pénétré pour lui.

V. »

06/09/2025

Quelques fanatiques n’en sont pas si contents, mais c’est qu’ils n’ont ni esprit ni mœurs . Aussi n’est-ce pas pour ces monstres que l’on écrit, mais contre ces monstres

... Quand parler français est aussi un art .

 

 

« A Joseph Audra

Le 26 mars [1770] 1

Mon cher philosophe, c’est apparemment depuis que je suis capucin que vous me croyez digne d’entrer dans des disputes théologiques. Vous n’ignorez pas qu’ayant obtenu de M. le duc de Choiseul une gratification pour les capucins de mon pays, frère Amatus d’Alamballa, notre général résidant à Rome, m’a fait l’honneur de m’agréger à l’ordre . Mais je n’en suis pas plus savant.

J’attends toujours, avec la plus grande impatience, le mémoire de M. de Lacroix, en faveur de Sirven. Je vous prie de vouloir bien me mander si Sirven a reçu quinze louis d’or que je lui envoyai à la réception de votre dernière lettre.

Je suis toujours bien malade. La justification entière de Sirven, et ce coup essentiel porté au fanatisme, me feront plus de bien que tous les remèdes du monde. On m’a mis au lait de chèvre, mais j’aime mieux écraser l’hydre.

Amusez mes confrères, les maîtres des jeux floraux, de ces petits versiculets 2 ; vous verrez qu’ils sont d’un capucin bien résigné.

Donnez-moi votre bénédiction, et recevez celle de

Frère François, capucin indigne.

P. -S. -- M. d’Alembert est bien content de votre abrégé de mon Essai sur l’Histoire générale de l’Esprit et des Mœurs des nations. Quelques fanatiques n’en sont pas si contents, mais c’est qu’ils n’ont ni esprit ni mœurs . Aussi n’est-ce pas pour ces monstres que l’on écrit, mais contre ces monstres. »

1 Copie Beaumarchais-Kehl ; copie contemporaine ; l'original est passé à la vente Charavay à Paris le 17 avril 1880 ; éd. Kehl.

2 Voir lettre du 21 mars 1770 à Saurin :

Il est vrai, je suis capucin...

je crois que la charité chrétienne ne me défend pas de souhaiter qu’il soit pendu, et que l’archevêque le confesse à la potence

... Qu'il en soit ainsi de chacun de ces agresseurs sexuels ayant quelque fonction religieuse, y compris évêques et archevêques, une haute fonction n'étant pas gage de sainteté .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

26 mars 1770

Mon cher ange, je vous remercie de tout mon cœur de la consultation de M. Bouvart ; j’avais oublié de vous remercier de Semiramis 1 c’est un vice de mémoire et non de cœur. Je vous ai envoyé 2 un mémoire sur Fréron, qui m’a été adressé par son beau-frère, et qui me paraît bien étrange. Si vous découvrez quelque chose touchant cette affaire, ayez la bonté, je vous prie, de m’en instruire.

Je ne sais aucune nouvelle des grandes opérations de M. l’abbé Terray, je trouve seulement qu’il ressemble à M. Bouvart ; il met au régime.

Je m’amuse actuellement à travailler à une espèce de petite encyclopédie, que quelques savants 3 brochent avec moi. J’aimerais mieux faire une tragédie, mais les sujets sont épuisés, et moi aussi.

Les comédiens ne le sont pas moins ; on ne peut plus compter que sur un opéra-comique.

J’avais fait, il y a quelque temps, une petite réponse 4 à des vers que m’avait envoyés M. Saurin : cela n’est pas trop bon ; mais les voici, de peur qu’il n’en coure des copies scandaleuses et fautives. Je ne voudrais déplaire pour rien du monde ni à mon bon patron saint François, ni à frère Ganganelly.

Comme l’ami Grizel n’est pas de notre ordre, je crois que la charité chrétienne ne me défend pas de souhaiter qu’il soit pendu, et que l’archevêque le confesse à la potence, ce qui ne sera qu’un rendu.

Je me flatte que la santé de Mme d’Argental se fortifie et se fortifiera dans le printemps. Je me mets au bout des ailes de mes deux anges. »

1 Tragédie représentée à Versailles le 14 juillet 1770

3 Bertrand , Christin et Moultou .

Si je n’étais pas depuis longtemps au lit je viendrais moi-même m'informer

... Grasse mat' du WE . Les infos attendront . Il sera toujours temps de connaitre les misères du monde .

 

« A Marie-Anne Deprez de Crassier

23è mars 1760 [1770] à Ferney 1

Madame,

Nous sommes pénétrés, ma nièce et moi, des procédés nobles de monsieur de Crasser et des vôtres. Si je n’étais pas depuis longtemps au lit je viendrais moi-même m'informer de la santé de monsieur de Crassier, et vous assurer du respectueux dévouement avec lequel j'ai l'honneur d'être,

madame,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1Original signé ; éd. Cayrol .

L'identification de la destinataire comme le femme de Jean-Baptiste Deprez de Crassier est probable, mais non certaine . L’erreur sur l'année est curieuse ; et pourtant, en mars 1760, V* était aux Délices, non à Ferney . On notera d'autre part qu'après avoir omis de parler des Deprez de Crassier pendant longtemps, V* les mentionne dans une lettre à Mme Du Deffand du 5 mai 1770 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1770/Lettre_7875

05/09/2025

Les équivoques ont de tout temps fait bien du mal

... Nous sommes continuellement affrontés à ce mal, depuis les simples quidams jusqu'aux chefs de nations . Les uns tuent à coups de couteau les autres avec des missiles, juste question de moyens . S'entendre  et se comprendre semble être un effort disproportionné à beaucoup trop d'humains, nos amies les bêtes, elles, heureusement ne vivent pas dans l'équivoque . Le don de la parole est un cadeau empoisonné .

Que n'est-on comme Voltaire  :"Je souhaite que l'univers soit libre et que personne n'abuse de sa liberté.", qui dit mieux ?

 

 

« A Jacob Tronchin

[vers le 25 mars 1770] 1

Monsieur,

Les équivoques ont de tout temps fait bien du mal et Boileau aurait dû faire une meilleure satire contre l'équivoque 2.

L’article il qui est dans la lettre de ce Gaubiac 3 me regarde, et non pas vous . Il me promet d'écrire en ma faveur . M. Tronchin entra, et il m'assura qu'en ne venant à Genève avec permission, que pour retirer mes effets et solder mes comptes je serais aussi libre que M. le premier syndic .

Cet il c'est moi . J'ai présumé qu'un homme qui veut passer deux heures à Genève comme étranger doit y être libre comme un syndic, je le crois encore . C'est moi qui ai prononcé ces paroles pacifiques 4 . Je souhaite que l'univers soit libre et que personne n'abuse de sa liberté . J'ai donné asile à Gaubiac parce qu'il me l'a demandé . Je donnerais asile au grand Turc s'il se réfugiait chez moi . Je suis dans mon lit, j’ignore qui est premier syndic . Je suis son très humble serviteur, celui du Conseil, celui de tous les citoyens, celui de tous les Bourgeois . Je leur souhaite à tous, tranquillité, prospérité, honneurs et biens dans cette vie, et la gloire éternelle dans l'autre . Mais je suis particulièrement monsieur avec l'attachement le plus respectueux

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire,

gentilhomme ordinaire de

la chambre du roi.

 

À l'égard de la petite affaire dont vous m'avez chargé, je ne pourrai avoir si tôt réponse. »

3  Pierre-Paul Gaubiac ; voir lettre du 16 mars 1770 à Choiseul : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/08/28/procurer-a-eux-et-a-leurs-camarades-toutes-les-facilites-con-6560521.html

Voir aussi : Genève, ARC, CCLXXI, 240-241, 332-333 .

4  Tout ceci est éclairé par une dépêche de Hennin à Choiseul du 30 mars : « D'abord on s'acharne parmi les Représentants à soutenir que les Natifs étaient mis en jeu par les magistrats qui ont demandé leur retraite . M. Jacob Tronchin, l'un de ces magistrats, homme d''esprit, frère de l'ancien procureur général, ayant eu le chagrin de voir que quelques uns de ses anciens confrères paraissaient lui imputer des manœuvres auxquelles il n'a jamais pensé, a été convaincu qu'on se permettait tout pour le noircir en particulier dans l'esprit du peuple . On l'accusait d'avoir dit chez M. de Voltaire à un Natif que dans deux ans il serait aussi libre dans Genève que le premier syndic, et on citait pour preuve une lettre de ce Natif à sa femme . De Luc même avait débité cette anecdote avec un air de mystère . M. Tronchin a été à la source, il a trouvé la lettre, elle dit positivement le contraire . C'est M. de Voltaire qui , au moment où M. Tronchin entrait, dit à ce Natif qui lui demandait si étant devenu sujet du Roi il pourrait aller à Genève : Vous y serez aussi en sûreté que le premier syndic. »