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24/04/2025

On m’a dit qu’il y avait des Français dans l’armée turque : je ne veux pas le croire

... Y a-t-il des Turcs dans l'armée française ? A part dans la Légion étrangère, je ne crois pas . Toujours est-il que le Chat-j'ai-pété ne m'a pas répondu à ce sujet : secret défense ? L'Ia n'est pas d'une franchise extraordinaire .

 

 

« À Catherine II, impératrice de Russie.

17 octobre 1769

Madame,

Le très vieux et très indigne chevalier de Votre Majesté impériale était accablé de mille faux bruits qui couraient et qui l’affligeaient. Voilà tout à coup la nouvelle consolante qui se répand de tous côtés que votre armée a battu complètement les esclaves de Moustapha vers le Dniester. Je renais, je rajeunis, ma législatrice est victorieuse ; celle qui établit la tolérance, et qui fait fleurir les arts, a puni les ennemis des arts : elle est victorieuse, elle jouit de toute sa gloire. Ah ! madame, cette victoire était nécessaire : les hommes ne jugent que par le succès. L’envie est confondue. On n’a rien à répondre à une bataille gagnée : des lauriers sur une tête pleine d’esprit, et d’une force de raison supérieure, font le plus bel effet du monde.

On m’a dit qu’il y avait des Français dans l’armée turque : je ne veux pas le croire. Je ne veux pas avoir à me plaindre de mes compatriotes ; cependant j’ai connu un colonel 1 qui a servi en Corse, et qui avait la rage d’aller voir des queues de cheval ; je lui en fis honte, je lui représentai combien sa rage était peu chrétienne ; je lui mis devant les yeux la supériorité du Nouveau Testament sur l’Alcoran mais surtout je lui dis que c’était un crime de lèse-galanterie française de combattre pour de vilaines gens qui enferment les femmes, contre l’héroïne de nos jours. Je n’ai plus entendu parler de lui depuis ce temps-là. S’il est votre prisonnier, je supplie Votre Majesté impériale de lui ordonner de venir faire amende honorable dans mon petit château, d’assister à mon Te Deum, ou plutôt à mon Te Deam, et de déclarer à haute voix que les Moustapha ne sont pas dignes de vous déchausser.

Aurai-je encore assez de voix pour chanter vos victoires ? J’ai l’honneur d’être de votre académie 2 ; je dois un tribut. M. le comte Orlof n’est-il pas notre président ? Je lui enverrais quelque ennuyeuse ode pindarique, si je ne le soupçonnais de ne pas trop aimer les vers français.

Allons donc, héritier des Césars, chef du saint empire romain, avocat de l’Église latine, allons donc. Voilà une belle occasion. Poussez en Bosnie, en Servie, en Bulgarie ; allons, Vénitiens, équipez vos vaisseaux, secondez l’héroïne de l’Europe.

Et votre flotte, madame, votre flotte !… Que Borée la conduise, et qu’ensuite un vent d’occident la fasse entrer dans le canal de Conslantinople !

Léandre et Héro, qui êtes toujours aux Dardanelles, bénissez la flotte de Pétersbourg. Envie, taisez-vous ! peuples, admirez ! C’est ainsi que parle le malade de Ferney ; mais ce n’est pas un transport au cerveau, c’est le transport du cœur.

Que Votre Majesté impériale daigne agréer le profond respect et la joie de votre très humble et très dévot ermite. »

1 Ce colonel n’exécuta pas son projet ; voir lettre de Catherine II : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1769/Lettre_7707

2 Voltaire était de l’Académie de Saint-Pétersbourg depuis 1746 ; voyez sa lettre à Muller, page 456 et suiv. : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome36.djvu/459

23/04/2025

Nous allons tomber en tout dans l’outré et dans le gigantesque ; adieu les beaux vers, adieu les sentiments du cœur, adieu tout. La musique ne sera bientôt plus qu’un charivari...On a voulu tout perfectionner, et tout a dégénéré

... Bonne prédiction : le rap sévit , encore, pour combien de temps, hélas .

 

 

« A Charles -Augustin Ferriol, comte d'Argental

13 octobre 1769

Mon cher ange, j’aurais dû plus tôt vous faire mon compliment de condoléance sur votre triste voyage d’Orangis ; je vous aurais demandé ce que c’est qu’Orangis 1, à qui appartient Orangis, s’il y a un beau théâtre à Orangis ; mais j’ai été dans un plus triste état que vous. Figurez-vous qu’au 1er d’octobre il est tombé de la neige dans mon pays : j’ai passé tout d’un coup de Naples à la Sibérie ; cela n’a pas raccommodé ma vieille et languissante machine. On me dira que je dois être accoutumé, depuis quinze ans, à ces alternatives ; mais c’est précisément parce que je les éprouve depuis quinze ans que je ne les peux plus supporter. On me dira encore : George Dandin, vous l’avez voulu 2; George répondra comme les autres hommes : J’ai été séduit, je me suis trompé, la plus belle vue du monde m’a tourné la tête ; je souffre, je me repens ; voilà comme le genre humain est fait.

Si les hommes étaient sages, ils se mettraient toujours au soleil et fuiraient le vent du nord comme leur ennemi capital. Voyez les chiens, ils se mettent toujours au coin du feu ; et quand il y a un rayon de soleil, ils y courent. Lamotte, qui demeurait sur votre quai, se faisait porter en chaise, depuis dix heures jusqu’à midi, sur le pavé qui borde la galerie du Louvre, et là il était doucement cuit à un feu de réverbère.

J’ai peur que les maladies de Mme d’Argental ne viennent en partie de votre exposition au nord. N’avez-vous jamais remarqué que tous ceux qui habitent sur le quai des Orfèvres ont la face rubiconde et un embonpoint de chanoine, et que ceux qui demeurent à quatre toises derrière eux, sur le quai des Morfondus, ont presque tous des visages d’excommuniés ?

C’est assez parler du vent du nord, que je déteste, et qui me tue.

Vous avez sans doute vu Hamlet 3 : les ombres vont devenir à la mode : j’ai ouvert modestement la carrière, on va y courir à bride abattue ; domandaro acqua, non tempestà 4. J’ai voulu animer un peu le théâtre en y mettant plus d’action, et tout actuellement est action et pantomime ; il n’y a rien de si sacré dont on n’abuse. Nous allons tomber en tout dans l’outré et dans le gigantesque ; adieu les beaux vers, adieu les sentiments du cœur, adieu tout. La musique ne sera bientôt plus qu’un charivari italien, et les pièces de théâtre ne seront plus que des tours de passe-passe. On a voulu tout perfectionner, et tout a dégénéré : je dégénère aussi tout comme un autre. J’ai pourtant envoyé à mon ami La Borde le petit changement que je vous avais envoyé pour Pandore, un peu enjolivé. Je vous avoue que j’aime beaucoup cette Pandore, parce que Jupiter est absolument dans son tort ; et je trouve extrêmement plaisant d’avoir mis la philosophie à l’Opéra. Si on joue Pandore, je serais homme à me faire porter en litière à ce spectacle ; mais,

Sic vos non vobis mellificatis, apes.5

J’ai donné quelquefois à Paris des plaisirs dont je n’ai point tâté. J’ai travaillé de toute façon pour les autres, et non pas pour moi ; en vérité, rien n’est plus noble.

Je vous ai envoyé, je crois, deux placets pour M. le duc de Praslin ; ce n’est point encore pour moi, je ne suis point marin, dont bien me fâche ; je me meurs sur un vaisseau : sans cela, est-ce que je n’aurais pas été à la Chine, il y a plus de trente ans, pour oublier toutes les persécutions que j’essuyais à Paris, et que j’ai toujours sur le cœur ?

Mille tendres respects à Mme d’Argental.

À propos, si tout est chez moi en décadence, mon tendre attachement pour vous ne l’est pas. »

4  C’est l’exclamation d’un paysan italien qui demandait au ciel de la pluie, et non de l’orage.

Voir lettre du 6 mai 1768 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/01/06/cette-bonne-compagnie-de-paris-est-fort-agreable-mais-elle-n-6478945.html

5 Virgile : Ainsi vous travaillez et ce n’est pas pour vous : https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article14022

22/04/2025

je commence à croire que nous devenons trop Anglais, et qu’il nous siérait mieux d’être Français

... Vu ce qu'en dit le Chat j'ai pété : blablabla lénifiant, mou du genou .

Par ailleurs, quelques uns de nos dirigeants ne semblent pas trop atteints d'anglophilie démesurée, notre président et surtout notre premier ministre ne sont pas encore des anglophones de haut niveau : merci à nos méthodes d'enseignement ?

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

À Ferney, 10 octobre 1769 1

Mon héros, dans sa dernière lettre, a daigné me glisser un petit mot de son jardin. Je suis, comme Adam, exclu du paradis terrestre, et je suis devenu laboureur comme lui. Je vous assure, monseigneur, que jamais mon cœur n’a été pénétré d’une plus tendre reconnaissance. Oserais-je vous supplier de vouloir bien faire valoir auprès de votre amie 2 les sentiments dont la démarche qu’elle a bien voulu faire m’a pénétré ? J’ai été tenté de l’en remercier ; mais je n’ose, et je vous demande sur cela vos ordres.

Au reste, il n’y a pas d’apparence que j’aie l’impudence de me présenter devant vous dans le bel état où je suis. Il n’est bruit dans le monde que de votre perruque en bourse, et je ne puis être coiffé que d’un bonnet de nuit. Toutes les personnes qui vous approchent jurent que vous avez trente-trois à trente-quatre ans tout au plus. Vous ne marchez pas, vous courez ; vous êtes debout toute la journée. On assure que vous avez beaucoup plus de santé que vous n’en aviez à Closter-Severn 3, et que vous commanderiez une armée plus lestement que jamais. Pour moi, je ne pourrais pas vous servir de secrétaire, encore moins de coureur : la raison en est que mes fuseaux, que j’appelais jambes, ne peuvent plus porter votre serviteur, et que mes yeux sont actuellement à la Chaulieu, bordés de grosses cordes rouges et blanches, depuis qu’il a neigé sur nos montagnes. Vous, qui êtes un grand chimiste, vous me direz pourquoi la neige, que je ne vois point, me rend aveugle, et pourquoi j’ai les yeux très bons dès que le printemps est revenu. Comme vous êtes parfaitement en cour, je vous demanderai une place aux Quinze-Vingts pour l’hiver. Je défie toute votre Académie des sciences de me donner la raison de ce phénomène ; il est particulier au pays que j’habite. J’ai un ex-jésuite auprès de moi qui est précisément dans le même cas, et plusieurs autres personnes éprouvent cette même faveur de la nature. Plus j’examine les choses, et plus je vois qu’on ne peut rendre raison de rien.

J’ai à vous dire qu’on imprime actuellement dans le pays étranger les Souvenirs de Mme de Caylus 4. Elle fait un portrait fort plaisant de M. le duc de Richelieu votre père, et votre père véritable, quoi que vous en disiez 5 ; je vois que c’était un bel esprit, et que l’hôtel de Richelieu l’emportait sur l’hôtel de Rambouillet.

Permettez-moi, monseigneur, de vous remercier encore, au nom des Scythes, de la vieille Mérope et de Tancrède.

On vient donc de jouer une tragédie anglaise 6 à Paris ; je commence à croire que nous devenons trop Anglais, et qu’il nous siérait mieux d’être Français. C’est votre affaire, car c’est à vous à soutenir l’honneur du pays.

Agréez toujours mon tendre respect et mon inviolable attachement. »

2 Mme Du Barry.

4 Voir les préface et notes de Voltaire sur ces Souvenirs, dont il donna la première édition : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome28.djvu/295

5 Voltaire, écrivant à Richelieu, n’avait pas les mêmes idées que quand il parlait à Mme de Fontaine du père putatif du maréchal (voir lettre à Mme de Fontaine du 8 janvier 1756 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvre... )

6 Hamlet, tragédie de Ducis, jouée le 30 septembre 1769 : https://wdc.contentdm.oclc.org/digital/collection/empire/id/4187/

21/04/2025

je crois que vous regardez Dieu comme le père de tous les garçons et de toutes les filles

... Cher François vous allez ( peut-être *) voir enfin le Père de près : https://www.lepoint.fr/monde/le-pape-francois-est-mort-21...

Paix sur la terre aux Humains de bonne volonté .

Amen .

* Paroles de l'incroyant que je suis .

 

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Avanti

 

 

« A monsieur le ministre Jacob Vernes

à Genève

Le 9 octobre 1769

Mon cher philosophe, si Dieu a dit : « Croissez et multipliez 1, » voici deux personnes qui veulent obéir à Dieu. L’une est catholique romain, l’autre est de votre religion et née à Berne. Nos belles lois de 1685 2 ne permettent pas à un serviteur du pape d’épouser une servante de Zwingle 3; mais je crois que vous regardez Dieu comme le père de tous les garçons et de toutes les filles. Vous savez que la femme fidèle peut convertir le mari infidèle 4.

Tachez, mon cher philosophe, de faire en sorte que ces deux personnes puissent se marier à Genève. Je vous demande votre protection pour elles ; mais ne me nommez pas, car le mariage est un sacrement dans notre Église, et l’on m’accuse, quoique assez mal à propos, de ne pas croire aux sept sacrements.

Permettez-moi de vous embrasser de tout mon cœur, sans cérémonie. »

1 Genèse, I, 28 : https://www.aelf.org/bible/Gn/1

20/04/2025

si mon pouls était comme celui d’un autre homme

... je me ferais une joie de vous bénir urbi et orbi depuis mon balcon ( ma e pericoloso sporgersi comme disaient les évêques à propos de l'abbé Pierre )." dixit Franciscus the First .

 

 

« A Pierre-Michel Hennin

4 octobre au soir.

Je suis à vos ordres, monsieur, et je vous remercie de la préférence. Vous n’avez qu’à envoyer chercher les rogatons dont vous avez besoin. Je viendrais vous les porter moi-même, si mon pouls était comme celui d’un autre homme.

J’ai l’honneur d’être, avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Le vieux malade de Ferney. »

 

 

19/04/2025

Quoiqu’on sache combien la fumée de la réputation pèse peu, on ne laisse pas de l'aimer

... Des millions d'individus , dont quelques un.es briguent le titre d'influenceurs.euses , le prouvent par leurs interventions de toutes sortes, minables pour la majorité . Le vieux slogan "Vu à la télé" a évolué comme un Pokémon en "Vu sur l'I Phone", la chasse aux gogos est fructueuse et pas près de fermer , la réputation [sic] se monnaie trop facilement pour y renoncer .

 

 

« A Jacques Lacombe, Libraire

rue Christine

à Paris .

30è septembre 1769

En réponse à votre lettre du 7è septembre, mon cher correspondant, je vous dirai d'abord qu'il est démontré que je suis paresseux puisque je ne réponds que le 30 ; mais il est démontré aussi que je suis vieux et malade .

Je vous prie de remercier pour moi M. de La Dixmerie 1, quoiqu'il ait parlé de Fréron dans son ouvrage 2 .

Permis à l'abbé Foucher d'ennuyer ; mais permis aussi à l'homme qui lui a déjà répondu 3 de se moquer de lui .

Je suis très sensible à l'honneur que vous me faites d'imprimer mes folies théâtrales . Quoiqu’on sache combien la fumée de la réputation pèse peu, on ne laisse pas de l'aimer .

Le sage dit que son cœur la méprise ;

Le sage ment, et dit une sottise .4

Comptez que je dis une chose très vraie en vous renouvelant, monsieur, les sincères assurances de mon estime et de mon amitié .

V. »

2 Sur cet ouvrage, voir lettre du 26 août 1769 à Lacombe : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/03/05/j-ai-trois-faveurs-a-vous-demander-6538373.html

Voir : Les deux âges du goût et du génie français, sous Louis XIV & sous Louis XV. La Haye : chez Lacombe, 1769. 8º mayor.

18/04/2025

Il vous expliquera ses intentions

... Mister Macron que suggérez-vous à propos de Haïti ? Est-il opportun de battre notre coulpe et de cracher au bassinet alors que cette île est aux mains des gangsters qui ont déjà razzié tout ce qui est possible et seraient heureux d'avoir de la fraiche *: https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/dette-ha%C3%AFtienne-une-commission-d-historiens-fera-des-recommandations-annonce-emmanuel-macron/ar-AA1D71Tp?ocid=winp1taskbar&cvid=1542fda45a3e41af9a4f6c3845d670fd&ei=54

*Un peu d'argot pour coller au sujet .

 

 

« A monsieur le ministre Jacob Vernes

à Genève

Je vous envoie, mon cher philosophe, un homme dont vous pouvez faire quelque chose . Il s'agit ici de transmutation, mais ce n'est pas dans le goût de La Palingénésie de Bonnet 1 . Si vous pouvez rendre service au porteur ce sera une très bonne action . Il vous expliquera ses intentions ; la mienne est de vous aimer toujours.

V.

29è septembre 1769. »