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30/10/2024

j’espère que vous serez content de ma politesse

... et des marchés juteux que l'on vient de signer ." dit Emmanuel Macron président de la République au commandeur des croyants Mohammed VI . A suivre ...

 

 

 

« A Paul Foucher 1

Monsieur,

Je suis un homme de lettres, et je n’ai jamais rien publié ; ainsi je suis aussi obscur que beaucoup de mes confrères qui ont écrit. Je suis à la campagne depuis quelques années, auprès d’un bon vieillard qui, en son temps, ne laissa pas d’écrire beaucoup, et qui cependant est fort connu. J’ai eu l’honneur de vivre familièrement avec le neveu de feu l’abbé Bazin qui répondit si poliment et si plaisamment 2 à M. Larcher, ce superbe ennemi de l’abbé Bazin. Permettez que j’aie aussi l’honneur de vous répondre. Je n’entends rien à la raillerie ; mais j’espère que vous serez content de ma politesse.

On m’a mandé, monsieur, que vous aviez bien maltraité le bon vieillard auprès de qui je cultive les lettres ; on dit que c’est dans le vingt-septième volume des Mémoires de l’Académie des belles-lettres, p. 331. Je n’ai point ce livre ; c’est à vous à voir, monsieur, si les paroles qu’on m’a rapportées sont les vôtres . Les voici .

« M. de Voltaire, par une méprise assez singulière, transforme en homme le titre du livre intitulé le Sadder. Zoroastre, dit-il, dans les écrits conservés par le Sadder, feint que Dieu lui fit voir l’enfer et les peines réservées aux méchants, etc. Je parierais bien que M. de Voltaire n’a jamais lu le Sadderetc.3 »

Permettez, monsieur, que je défende, devant vous et devant l’Académie des belles-lettres, la cause d’un homme hors de combat, qui ne peut se défendre lui-même. J’ai consulté le livre que vous citez, et que vous censurez. Le titre n’est pas Histoire universelle, comme vous le dites, mais Essai sur l’histoire générale et sur les mœurs et l’esprit des nationsL’endroit que vous citez, et sur lequel vous offrez de parier, est à la page 63 de la nouvelle édition de 1761, tome Ier 4. Voici les propres paroles : « C’est dans ces dogmes qu’on trouve, ainsi que dans l’Inde, l’immortalité de l’âme et une autre vie heureuse ou malheureuse. C’est là qu’on voit expressément un enfer. Zoroastre, dans les écrits que le Sadder a rédigés 5, dit que Dieu lui fit voir cet enfer, et les peines réservées aux méchants », etc. 

Vous voyez bien, monsieur, que l’auteur n’a point dit, Zoroastre, dans les écrits conservés par Sadder. Vous concevez bien que le Sadder ne peut pas être un homme, mais un écrit. C’est ainsi qu’on dit, les choses annoncées par l’Ancien Testament, et prouvées par le Nouveau ; la destruction de Troie négligée par Homère, et connue par l’Enéide ; l’Iliade d’Homère abrégée par la traduction de La Mothe ; les Fables d’Esope embellies par les Fables de La Fontaine.

Vous voulez parier, monsieur, que ce pauvre bon homme, que vous traitez un peu durement, n’a jamais lu le Sadder. Je lui ai montré aujourd’hui la petite correction que vous lui faites, et votre offre de lui gagner son argent. « Hélas ! m’a-t-il dit, qu’il se garde bien de parier, il perdrait à coup sûr. Je me souviens avoir lu autrefois dans le Sadder, porte 32è : « Si quelque homme docte veut lire le livre de Vesta, il faut qu’il en apprenne les propres paroles, afin qu’il puisse citer juste. » C’est un excellent conseil que Le Sadder donne aux critiques.

« Le même Sadderporte 46, dit (autant qu’il m’en souvient) : « Il ne faut pas reprendre injustement et tromper les lecteurs  . C’est le péché d’Hamimal . Quand vous avez été coupable de ce péché, il faut faire excuse à votre adversaire ; car, si votre adversaire n’est pas content de vous, sachez que vous ne pourrez jamais passer, après votre mort, sur le pont aigu. Allez donc trouver votre adversaire que vous avez contristé mal à propos ; dites-lui : J’ai tort, je m’en repens ; sans quoi ; il n’y a point de salut pour vous. »

« Il faut encore, m’a dit ce bon vieillard, que M. l’abbé Foucher ait la bonté de lire les portes 57 et 58 ; il y verra que Dieu ordonne qu’on dise toujours la vérité. Je ne doute pas que M. l’abbé Foucher n’aime beaucoup la vérité. Il a bien dû concevoir qu’il est impossible que le Sadder signifie un homme, et non pas un livre. Les Italiens sont le seul peuple de la terre chez qui on accorde l’article le aux auteurs : Le Dante, le Pulci, le Boyardo, l’Arioste, le Tasse ; mais on n’a jamais dit chez les Latins, le Virgile, ni chez les Grecs, l’Homère 6; ni chez les Asiatiques, l’Esope ; ni chez les Indiens, le Brama ; ni chez les Persans, le Zoroastre ; ni chez les Chinois, le Confutzé. Il était donc impossible que Le Sadder signifiât un homme et non pas un livre. Il est donc nécessaire et décent que cette petite bévue de M. l’abbé Foucher soit corrigée, et qu’il ne tombe plus dans le péché d’Hamimal.

« Quant au pari qu’il veut faire. Il est vrai que Roquebrune, dans Le Romain comique, offre toujours de parier cent pistoles 7. Il est vrai que Montagne dit : « Il faut parier, afin que votre valet puisse vous dire au bout de l’année : Monsieur, vous avez perdu cent écus en vingt fois pour avoir été ignorant et opiniâtre. » Je ne crois point M. l’abbé Foucher ignorant, au contraire, on m’a dit qu’il était très savant. Je ne crois point non plus qu’il soit opiniâtre, et je ne veux lui gagner ni cent pistoles ni cent écus. »

Voilà, monsieur, mot pour mot, tout ce que m’a dit l’homme plus que septuagénaire, et fort près d’être octogénaire, que vous avez voulu contrister au mépris des lois du Sadder. Il n’est nullement fâché de votre méprise ; il vous aime beaucoup : j’en use de même, et c’est avec ces sentiments que j’ai l’honneur d’être,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

30è Avril 1769 à Ferney.8»

1 Membre de l’Académie des belles-lettres. Cette lettre fut imprimée dans le Mercure. (G.Avenel.)

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Foucher_(%C3%A9rudit)

et : https://obtic.huma-num.fr/elicom/voltaire/doc.jsp?id=1769-04-30_49394

3 Citation de Fouché [Paul Foucher], « Les Ecrits de Zoroastre », Histoire de l'Académie royale aux inscription et belles-lettres, 1761, XXVII, 331.

5 En 1765, on lisait : « Zoroastre dans les écrits conservés par Sadder. » En 1761, Voltaire mit : « Dans les écrits abrégés dans le Sadder. » (Georges Avenel.)

Quoi qu'en dise V*, il est difficile d'admettre qu'un ouvrage puisse être dit avoir «  rédigé » des écrits .

6 On voit ici que les connaissances de V* en grec sont très superficielles, puisque , précisément, l'article s'emploie couramment en grec devant les noms de personnes .

7 Scarron, Le Roman comique, I, xvi : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6216939s.texteBrut

8 Copie par Wagnière ; édition « Copie de la lettre à M. l'abbé Foucher [etc.] », Mercure de France de juin 1769, p. 151-156 . Sur la copie on lit une signature ( peut-être De Bure ) biffée ; mais les lettres suivantes à Foucher seront signées de Bigex, et de même celle-ci dans toutes les éditions . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvre...

29/10/2024

rien ne serait en effet plus plat et plus grossier que de dire en face à un homme : En dusses-tu crever

... Et pourtant ce serait justifié face à une foule de chefs d'Etats de Poutine à Ali Khamenei en passant par un Trump et cette flopée de tyranneaux de toutes obédiences qui terrorisent leurs peuples au nom d'un dieu, d'un prophète, mais surtout de leurs intérêts : puissiez-vous crever, et vite !

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

J’ai peur que mon ancien ami ne connaisse pas le tripot auquel il a affaire. Je ne crois pas qu’il y ait aucun de ces animaux-là à qui Dieu ait daigné donner le goût et le sens commun . Ils aiment d’ailleurs passionnément leur intérêt, et ne l’entendent point du tout. Il n’y en a point qui n’ait la rage de vouloir mettre du sien dans les choses qu’on lui confie. Ils ne jugent jamais de l’ensemble que par la partie qui les regarde, et dans laquelle ils croient pouvoir réussir.

De plus, le détestable goût d’un petit siècle qui a succédé à un grand siècle égare encore leur pauvre jugement. Le vieux vin de Falerne et de Cécube 1 ne se boit plus ; il faut la lie du vin plat de La Chaussée 2.

À propos de plat, rien ne serait en effet plus plat et plus grossier que de dire en face à un homme : En dusses-tu crever 3 ; mais le dire à un mort me paraît fort plaisant.

L’épître de M. de Rulhière est pleine d’esprit, de vérité, de gaieté, et de vers charmants ; elle mérite d’être parfaite. Je lui écris ce que j’en pense 4.

Je vous embrasse.

V.

28è avril 1769. 5»

1 Le vin de Cécube, en Campanie, est célébré par Horace dans ses Satires, II, vii, 15 : « Le connaisseur qui sait par quel art on allie / Le sorrente au cécube encore sur sa lie, ...»

Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Satires_(Horace,_Raoul)/Texte_entier#SATIRE_VII._2

3 Dans son Épître à Boileau ,vers 125 : https://www.whitman.edu/VSA/poems/Boileau.epitre.html

Voltaire dit :

En dusses-tu crever, j’embrasserai Quinault.

5 Original ; les trois derniers mots et l’initiale autographes ; édition Kehl.

pour comble de honte, il se croit obligé de s’allier avec les Turcs

... Poutine est fier d'attirer Erdogan;  entre dictateurs faux jetons l'entente est cordiale, le plus pourri des deux est difficile à distinguer ; au fond la trouille les mène : https://www.lemonde.fr/international/article/2024/10/22/l...

 

 

« A Gabriel-Henri Gaillard

À Ferney, 28è avril 1769

Je vous assure, monsieur, qu’un vaisseau arrive plus vite de Moka à Marseille que votre Siècle de François Ier 1 n’est arrivé de Paris à Ferney. Mon gendre Dupuits l’avait laissé à Paris ; je ne l’ai eu que depuis huit jours. Grand merci de m’avoir fait passer une semaine si agréable. Vous m’avez instruit et vous m’avez amusé : ce sont deux grands services que vous m’avez rendus.

Je n’aime guère François Ier, mais j’aime fort votre style, vos recherches, et surtout votre esprit de tolérance. Vous avez beau dire et beau faire, Charles-Quint n’a jamais brûlé de luthériens à petit feu ; on ne les a pas guindés au haut d’une perche en sa présence, pour les descendre à plusieurs reprises dans le bûcher, et pour leur faire savourer pendant cinq ou six heures les délices du martyre. Charles-Quint n’a jamais dit que, si son fils ne croyait pas la transsubstantiation, il ne manquerait pas de le faire brûler, pour l’édification de son peuple. Je ne vois guère dans François Ier que des actions ou injustes, ou honteuses, ou folles. Rien n’est plus injuste que le procès intenté au connétable 2, qui s’en vengea si bien, et que le supplice de Semblançay 3, qui ne fut vengé par personne. L’atrocité et la bêtise d’accuser un pauvre chimiste italien d’avoir empoisonné le dauphin son maître, à l’instigation de Charles-Quint, doit couvrir François Ier d’une honte éternelle. Il ne sera jamais honorable d’avoir envoyé ses deux enfants en Espagne, pour avoir le loisir de violer sa parole en France.

Quelques pensions données et mal payées à des pédants du Collège royal ne compensent point tant d’actions odieuses . Toutes ses guerres en Italie sont conduites avec démence. Point d’argent, point de plan de campagne ; son royaume est toujours exposé à la destruction ; et, pour comble de honte, il se croit obligé de s’allier avec les Turcs, dans le temps que Charles-Quint délivre dix-huit mille captifs chrétiens des mains de ces mêmes Turcs. En un mot, vous me paraissez meilleur historien que l’amant de la Pisseleu 4 ne me paraît un grand roi. Ce n’est pas que je sois enthousiasmé de son prédécesseur Louis XII, encore moins de Charles VIII. J’ai la consolation d’abhorrer Louis XI, de ne faire nul cas de Charles VII. Il est triste que la nation n’ait pas mis Charles VI aux Petites-Maisons. Charles V du moins était assez adroit ; mais il y a un intervalle immense entre lui et un grand homme. Enfin, depuis saint Louis jusqu’à Henri IV, je ne vois rien ; aussi les recueils de l’histoire de France ennuient-ils toutes les nations, ainsi que moi . David Hume a eu un très grand avantage sur l’abbé Velly 5 et consorts, c’est qu’il a écrit l’histoire des Anglais, et qu’en France on n’a jamais écrit l’histoire des Français. Il n’y a point de gros laboureur en Angleterre qui n’ait la grande charte chez lui, et qui ne connaisse très bien la constitution de l’État. Pour notre histoire, elle est composée de tracasseries de cour, de grandes batailles perdues, de petits combats gagnés, et de lettres de cachet. Sans cinq ou six assassinats célèbres, et surtout sans la Saint-Barthélémy, il n’y aurait rien de si insipide. Remarquez encore, s’il vous plaît, que nous sommes venus les derniers en tout ; que nous n’avons jamais rien inventé ; et qu’enfin, à dire la vérité, nous n’existons aux yeux de l’Europe que dans le siècle de Louis XIV. J’en suis fâché, mais la chose est ainsi. Convenez-en de bonne foi, comme je conviens que vous faites honneur au siècle de Louis XV, et que vous êtes savant, exact, sage, et éloquent. Croyez que mon estime pour vous est égale à mon mépris pour la plupart des choses ; c’était à vous à faire le Siècle de Louis XIV. Une édition nouvelle de ce Siècle unique paraîtra bientôt. J’ai eu soin de corriger les bévues de l’imprimeur et les miennes ; mais, comme je ne revois point les épreuves, il y aura toujours quelques fautes . Je me donne actuellement du bon temps, attendu que j’ai été à la mort il y a quinze jours. Comptez que je vous estimerai, que je vous aimerai jusqu’à ce que j’aille embrasser Quinault et le Tasse, à la barbe de Nicolas Boileau. »

2 Le connétable Charles III, duc de Bourbon : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_III_de_Bourbon

3 Jacques de Beaune, baron de Semblançay . François Ier ne fut en rien responsable de sa mort . C'est la reine mère, Louise de Savoie qui, pendant l'absence du roi, lui fit faire son procès pour péculat et le fit pendre . Il fut réhabilité, et son fils rétabli dans tous ses biens . Marot écrit sur sa mort une pièce que V* considère comme le « chef d’œuvre de l'épigramme sérieuse ; »

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_de_Beaune

et : https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1895_num_56_1_447822

4 Anne de Pisseleu a été la favorite de François Ier : https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_de_Pisseleu

28/10/2024

Vous m'apprenez qu'il n'y a rien de commun entre vos deux personnes

... Mélenchon et Bardella ? Rien de commun ? Pourtant il semble bien que ... tout deux se disent, haut et fort ,indispensables à leur partis et à la nation, excusez du peu , et circulons, il n'y plus rien à voir . La roche tarpéienne les attend immanquablement tant ils sont malhonnêtes .

 

 

« Au comte Alessandro Carli etc.1

à Vérone

Italie

Monsieur,

J'ai été trois semaines aux portes de la mort . Je ne pouvais alors avoir l'honneur de vous répondre . J'avais cru que vous et M. Stephano Carli 2 étiez de la même maison 3, et en vous lisant tous deux j’avais jugé que vous étiez infailliblement de la branche aînée . Vous m'apprenez qu'il n'y a rien de commun entre vos deux personnes non plus qu'entre vos vers . Agréez les assurances sincères de ma profonde estime et de ma reconnaissance . permettez-moi de présenter mes tendres respects à M. le marquis Albergati . J’ai l’honneur d'être avec les mêmes sentiments,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

le malade de Ferney V.

28 avril 1769 à Ferney.4 »

2 Stefano Carli, auteur de La Erizia,1765, dédicacée à Voltaire et à J.-J. Rousseau : https://archive.org/details/laeriziatragedia00carl/page/n1/mode/2up

4 Copie ; édition Franco Piva, « Voltaire e la cultura veronese nel settecento : il conte Alessandro Carli » Aevum (Milan 1968). Un fragment d'une minute par Wagnière, comportant seulement la date du 27 avril 1769 et la signature V., utilisée comme signet par V* a été conservée dans un livre de sa bibliothèque ; voir Valdimir Lublinsky, « Voltaire and His Library », The Book collector, 1958 .

27/10/2024

le plus grand des torts est d’avoir trop raison

...  

 

« A Claude Carloman de Rulhière

A Ferney 26è avril 1769

Je vous remercie, monsieur, du plus grand plaisir que j’aie eu depuis longtemps. J’aime les beaux vers à la folie : ceux que vous avez eu la bonté de m’envoyer 1 sont tels que ceux que l’on faisait il y a cent ans, lorsque les Boileau, les Molière, les La Fontaine, étaient au monde. J’ai osé, dans ma dernière maladie écrire une lettre à Nicolas Despréaux 2 . Vous avez bien mieux fait, vous écrivez comme lui.

« Le jeune bachelier qui répond à tout venant sur l’essence de Dieu ; les prêtres irlandais qui viennent vivre à Paris d’arguments et de messes , le plus grand des torts est d’avoir trop raison ; la justice qui se cache dans le ciel, tandis que la vérité s’enfonce dans son puits, etc., etc. » sont des traits qui auraient embelli les meilleures épîtres de Nicolas.

Le portrait du sieur d’Aube 3 est parfait. Vous demandez à votre lecteur

S’il connaît par hasard le contradicteur d’Aube,
Qui daubait autrefois, et qu’aujourd’hui l’on daube,
Et que l’on daubera tant que vos vers heureux
Sans contradiction plairont à nos neveux.4

Oui, vraiment, je l’ai fort connu et reconnu sous votre pinceau de Ténière 5. Si vous vouliez, monsieur, vous donner la peine, à vos heures de loisir, de relimer quelques endroits de ce très joli discours en vers, ce serait un des chefs-d’œuvre de notre langue. »

1V* vient manifestement de recevoir le Discours en vers sur les disputes, de Rulhière, imprimé sous la rubrique « Dispute » des Questions sur l'Encyclopédie, 1771 : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Dispute

Voir : https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/claude-carloman-de-rulhiere

2 Épître à Boileau : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome10.djvu/407

Rappel : Nicolas Boileau est sieur Despréaux .

3 François Richer d'Aube, qui passait pour le neveu de Fontenelle . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Richer_d%27Aube

4 Dans son Discours sur les Disputes, que Voltaire reproduisit dans ses Questions sur l’Encyclopédie ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome18.djvu/407

5 Téniers que V* prononce apparemment Ténière.

26/10/2024

J'ai la petite vanité de croire que je vais vite en besogne

... Dixit Macron ? Barnier ? Aucun des deux, la modestie n'est pas au programme .

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vanité des vanités, tout est vanité

 

 

« A Marie-Louise Denis

26è avril 1769

Perrachon arriva il y a quelques jours, ma chère nièce, et je reçois tous vos paquets 1 . Il y avait une lettre de M. d'Argental qui demandait une réponse prompte. Je lui écrivis sur-le-champ 2. J'ai été encore bien malade depuis . Enfin, je n'ai pu vous écrire qu'aujourd'hui .

Je vous dirai d'abord que je ne crois pas devoir faire aucune démarche avant que l'affaire des deux frères 3 soit faite ou manquée . J'ai prié M. d'Argental de m'envoyer sur-le-champ le mémoire des deux frères auxquels j'ai fait des additions et des corrections assez importantes . Dès que je les aurai fait porter sur le manuscrit qu'on me renverra je le ferai repartir sur-le-champ . Dans quelque saison que ce procès soit jugé, il ne m’importe ; il me suffira même de trois ou quatre audiences, et pourvu qu'elles me soient accordées, fut-ce dans la chambre des vacations, tout me sera bon . Ce procès est de nature qu'il est gagné s'il est plaidé ; et il en peut résulter des choses très agréables et très utiles .

Je ne sais si vous avez entendu parler d'un singulier procès qu'un prêtre dévot a fait à M. de La Borde, premier valet de chambre du roi , et à toute sa famille . La Borde prétend que son père en est mort de chagrin . Mais comme il avait quatre-vingt-quatre ans, il est à croire que le chagrin y a eu moins de part que la vieillesse . Cette affaire très désagréable a beaucoup nui à Pandore . Je ne sais pourquoi il ne songe à donner cette belle fête à madame la Dauphine . Cela coûterait quelque argent, mais du moins cet argent ne sort pas du royaume . On paie tous les ans quatre millions cinq cent mille livres aux Genevois, et des annates au pape : c'est là un argent qui ne revient plus .

On m'écrit de Versailles de très mauvaises nouvelles sur la caisse d'escompte . J'avais lieu de croire que c’était le meilleur effet de l'Europe ; nous nous étions trompés de même sur Bernard4 ; il ne faut compter sur rien.

Ferney commence à être beau, quoiqu’il y ait encore beaucoup de neige sur le mont Jura . Il est vrai que cette solitude est charmante l'été ; mais elle est horrible et mortelle l'hiver . Je ne sais pas encore quel parti je prendrai . Les deux frères me décideront . Je ne veux m'adresser d'ici à ce temps-là ni au notaire, ni à La Sourdière 5, ni à personne . Je pense même qu'un jour je pourrai faire mon affaire tout seul quand je voudrai . Nous raisonnerons de tout cela à loisir . Il faut d'abord que je cherche à raffermir un peu ma santé qui est bien délabrée . Si je n'en peux venir à bout tout est dit, il n'y a plus ni soins, ni crainte, ni espérance .

Vous savez que j'avais joué le pape aux trois dés, j'avais amené Stopani, et je le croyais pape ; je me suis trompé sur cela comme sur le reste . Je ne me trompe point en vous annonçant que Versoix ne va pas trop vite . Si on continue du même train, la ville ne sera bâtie que dans quatre générations . Le Châtelard va mieux car je m'en mêle . J'ai la petite vanité de croire que je vais vite en besogne, témoin le mémoire des deux frères qui fut fait en moins de quinze jours, et les épîtres qui n'en ont jamais conté que deux ou trois . Mais après ces efforts il faut se reposer longtemps .

Vous aurez dans un mois Mme Cramer, femme de Gabriel ; elle court à Strasbourg, de Strasbourg à Paris, de Paris à Prégny 6. Pour moi, mon plus grand voyage est au Châtelard, encore n'y vais-je que très rarement .

Adieu, je me flatte que vous vous portez très bien ce printemps . Mais mandez-moi donc quel projet de courir vous aviez . Aimez un peu ce pauvre vieux solitaire .

V.

La petite caisse que vous avez demandée 7 est partie hier par la diligence de Lyon, à votre adresse .»

1 Contenant une lettre importante de Mme Denis qui éclaire les relations entre les deux personnages :

« Ce 15 avril [1769] de Paris

Ce que vous me dites , mon cher ami au sujet de vos pâques est ce qu'on peut dire de mieux, et j'ai fait usage de votre lettre dans toutes les occasions . Chacun dit son mot et en général on ne sait ce que l'on dit . On parle des choses quatre jours puis on en parle plus . C'est un drôle de pays que celui-ci .

Votre santé m'inquiète . Il est très sûr que le genre de vie que vous avez pris n'est pas fait pour la rendre bonne . Vous avez moins besoin de société qu'un autre, j'en conviens, mais pourquoi vous attrister à plaisir et vous tuer de travail sans aucune dissipation que d'aller à la messe et d'avoir pour toute récréation le Père Adam ? Vous êtes né gai, la nature vous a prodigué tous les dons, ne perdez pas celui de la gaieté . Il fait vivre , il adoucit tous les maux, il ferait le bonheur de tous ceux qui vous approchent et qui vous aiment ( si vous vouliez vous laisser approcher ). Je vois que tous les vieillards qui poussent fort loin leur carrière sont gais et se dissipent . Vous m'avez reproché d’avoir rendu votre maison trop vivante . Autrefois cela ne vous déplaisait pas . Il y avait beaucoup de monde les jours de comédie, mais auriez-vous voulu qu'on jouât vos pièces aux chaises ? Enfin je l'ai fait pour vous, et croyant que cela pourrait vous plaire et vous délasser . Vous avez changé de façon de penser . Je crains que votre santé n'y perde . Du moins ne faudrait-il pas prendre le carême de haut, et avoir le soir quelqu'un avec qui vous puissiez vous délasser . Pourquoi attrister sa vie quand on a toutes les facilités possibles de la rendre agréable . Soyez sûr qu'il n'y a pas un homme tel qu’il soit qui ne voulût être dans votre position . En changeriez-vous avec un autre ? Certainement non .

Je ne sais ce que vous entendez en me disant que j'ai avancé mon voyage de trois jours pour revoir mes parents, mes amis,, les spectacles et pour jouir de tout ce que la capitale peut avoir d'agrément .

Vous savez mon cher ami que vous m’avez obligée et forcée de sortir de chez vous, que ne pouvant y rester malgré vous, je vous ai supplié de me permettre de me retirer à Lyon, que vous n'avez jamais voulu y consentir, qu'il m'a fallu aller de force à Paris, que vous me demandiez tous les jours si mes paquets étaient faits, que vous le faisiez demander à tous les gens de la maison . Voilà ce qui m'a fait partir la mort dans le cœur . Ce moment m'est toujours présent, il empoisonne ma vie, il me paraît aussi nouveau que le premier jour . Peut-être aurais-je dû vous résister ? Je n'en eus pas la force, j'avais le cœur crevé . Cependant, je ne vous fais aucun reproche, je n'ai pas cessé un moment de vous regretter et de vous aimer . Je sens jusqu'au fond de l'âme tout ce que vous faites pour moi et je suis toujours à vos ordres . Vous ne m'empêcherez pas de vous regarder comme mon père et comme mon meilleur ami . Il y a trente-deux ans que je vous aime de tout mon cœur, et il y en a vingt-six que je vous suis attachée uniquement . Je ne changerai jamais .

Vous devez avoir reçu ma lettre par Perrachon . Il mande ici qu'il est arrivé . Quand vous m'aurez répondu à cette lettre mon cher ami je vous dirai quels sont mes projets . Je les soumettrai à votre volonté . Je ne ferai rien que vous ne l'approuviez, mais je vous demande en grâce de me dire ce que vous comptez faire . Ne m'envoyez pas encore l'édition que je vous demande . Il faut auparavant que nous soyons concertés ensemble, et que je sache si vous approuverez mes desseins .

M. de Laborde n'a point eu de lettre de cachet, mais on l'a prié de rester dans ses terres . Il a emmené sa femme et ses enfants . Sa maison est fermée à Paris .

Mme la comtesse Du Barry a été présentée hier . On dit qu'elle était belle comme un ange .

Je ne louerai pas mon cher ami le petit appartement de Mme Dupuits . J'en aurais tout au plus cent écus, et comme je ne compte pas garder le mien encore longtemps, si j'en détachais celui-là cela pourrait m'empêcher de louer le grand . Malgré le goût que vous me croyez pour Paris je n'y resterai jamais que forcément et dès que vous me permettrez d'en sortir je ne perdrai pas de temps .

L'abbé Binet est dans une très mauvaise position . Je doute qu'il résiste longtemps . Cela est moralement impossible . M. de La Sourdière va être sur le pinacle .

J'ai reçu votre paquet de M. de La Borde . Je reçois très bien tous vos paquets . Mais La Borde passe sa vie avec une fille d'opéra et ne voit personne . Je l'ai fait prier cent fois de me venir voir sans avoir pu y parvenir . Je ne doute pas qu'il ne fasse de son mieux pour faire jouer son opéra . J'espère bientôt pouvoir vous dire des nouvelles des deux frères . Je vous embrasse bien tendrement . »

3Les Guèbres .

4Sur la faillite de Bernard, voir lettre du 11 avril 1754 à Mme Denis : « M. de Mauconseil [Etienne-Louis Guignot, marquis de Mauconseil, gouverneur de Colmar] m'assure que Bernard [Samuel-Jacques Bernard , qui par ses extravagances vint à bout de l'immense fortune accumulée par son père .] est mort absolument ruiné, qu'il le savait depuis trois ans, et que son notaire l'avertit alors de ne pas avoir à faire avec lui . Laleu, notaire de Bernard, nous a fait donner dans le traquet. »

5 Richelieu . Mme Denis emploie le même surnom dans sa lettre en parlant de lui .

6C'est-à-dire le château de Tournay .

7Apparemment les Œuvres complètes de V* que Mme Denis avait réclamées à son oncle par une lettre du 8 mars 1769.

25/10/2024

Nous autres Français, mon cher ami, nous ne sommes pas dignes des billets de banque ni d'aucuns billets publics

... Aussi est-ce par milliers que les amendements pleuvent sur le projet de loi définissant le budget national ; encore une fois les députés font preuve d'inutilité et sont payés pour brasser du vent , RN et LFI tenant la tête , ce qui n'étonne plus personne, ou qui ne devrait plus étonner quand on a suivi un tantinet ces politicards-là :

https://www.france24.com/fr/france/20241025-budget-2025-un-imp%C3%B4t-pour-les-milliardaires-adopt%C3%A9-le-budget-de-la-s%C3%A9curit%C3%A9-sociale-rejet%C3%A9

 

 

 

« A Jean-François-René Tabareau

Nous autres Français, mon cher ami, nous ne sommes pas dignes des billets de banque ni d'aucuns billets publics. Cela est bon pour des Hollandais, des Anglais, des Vénitiens et des Génois ; mais ce qui est remède pour un est poison pour nous . Un poison qui me mine, c'est l'aventure de la caisse d'escompte . J'y ai mis presque tout mon bien libre . Ne savez-vous rien de ce nouvel arrangement de finance ? Les pauvres actionnaires de bonne foi seront-ils ruinés ? La Gazette de Suisse dit que Laborde est exilé dans une de ses terres 1 ; mais je crois qu'il n'y a de banni que l'argent mis par des particuliers à la caisse d'escompte .

Portez-vous bien, santé vaut mieux que richesse . Je vous embrasse de tout mon cœur.

V. 

A Ferney 24 avril 1769.2»

2 Original ; édition Kehl amalgame la présente lettre avec quatre autres lettres postérieures, ce qui donne une idée de la fidélité des éditeurs . Cayrol rectifie .