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19/06/2025

Je lui ai envoyé quelque argent, dont il n’a pas seulement accusé la réception. Je ne sais plus où en est son affaire, ni ce qu’il fait, ni ce qu’il fera

... On croirait bien lire ici le constat d'un fonctionnaire à une demande de renseignements à propos d'une PrimeRenov accordée après la renonciation de la pause estivale pour les petits travaux  : https://www.bfmtv.com/immobilier/renovation-travaux/le-di...

Comprenne qui peut !

 

 

« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont

10è janvier 1770 à Ferney

Mon cher Cicéron, il y a un mois que je n’ai entendu parler de Sirven. Je lui ai envoyé quelque argent, dont il n’a pas seulement accusé la réception. Je ne sais plus où en est son affaire, ni ce qu’il fait, ni ce qu’il fera . Si j’en apprends quelque chose, je ne manquerai pas de vous le mander. Il fait si froid dans nos quartiers que tous les juges, les plaideurs, et les huissiers, se tiennent probablement au coin du feu.

À l’égard de l’affaire de ce pauvre petit diable qui a fait tant de sottises, et qui en est si durement puni 1, je suis toujours prêt a le sécher au bord du puits du fond duquel je l’ai tiré ; mais je vous avoue que je ne voudrais pas me hasarder à écrire à M. Gerbier, que je n’ai pas l’honneur de connaître, et à essuyer un refus. J’aimerais mieux la voie de ce procureur qui est venu vous parler : cela tirerait moins à conséquence.

Il serait bon d’ailleurs de savoir s’il y a quelques fonds sur lesquels on pourrait donner six mille livres au petit interdit ; car, s’il n’y en a point, toutes les démarches seraient peines perdues, attendu que sa sœur ne veut rien avancer, et qu’on ne voit pas où l’on prendrait ces deux mille écus. Je ne crois pas qu’on les assigne pour le présent sur les Postes. Vos commis de ce grand bureau des secrets de la nation se tuent comme Caton 2; mais Caton ne volait pas des caisses comme eux.

Votre roi de Portugal 3  n’a point été assassiné ; il a eu quelques coups de bâton d’un cocu qui n’entend pas raillerie, et qui l’a trouvé couché avec sa femme . Cela s’est passé en douceur, et il n’en est déjà plus question.

Mille respects à madame votre femme : conservez toujours vos bontés pour l’homme du monde qui vous est le plus attaché, et qui sent tout le prix de votre mérite et de votre amitié.

V. »

1 J.-M. Durey de Morsan ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome45.djvu/510

V* ne dit rien de ces « sottises » .

2 Caton d'Utique, réputé honnête : https://fr.wikipedia.org/wiki/Caton_d%27Utique

3 Joseph 1er . Version optimiste ; un nouvel attentat été commis contre la vie de Joseph Ier le 3 décembre 1769: https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome15.djvu/183

18/06/2025

Il est très vrai qu’on commence à parler bien haut en Italie

...

 

« A Marc-Antoine-Louis Claret de La Tourrette

6 janvier [1770] 1

Le vieux malade de Ferney remercie bien tendrement M. de La Tourrette. Une traduction de La Henriade 2 est une preuve que les Italiens sont convertis. Vous pouviez très bien, monsieur, m’envoyer cette traduction par la poste. M. Vasselier s’en chargerait très volontiers. Pour le Riflessioni di in Italiano sopra la Chiesa 3, je ne l’ai point, et vous me ferez plaisir de me faire avoir cet ouvrage.

Il est très vrai qu’on commence à parler bien haut en Italie, et surtout à Venise ; tous les esprits des honnêtes gens sont éclairés, et toutes les mains prêtes à fracasser l’idole. Il ne s’agit plus que de trouver quelque brave qui donne le premier coup. On m’a dit que M. de Firmian 4 est instruit et hardi, et M. de Tanucci 5, instruit, mais un peu timide. Il a osé prendre Bénévent, qui n’appartenait point au roi de Naples, et n’a pas osé prendre Castro, qui lui appartient.

Mme Denis est aussi sensible qu’elle le doit à votre souvenir ; Dupuits est à sa campagne ; il vous conserve toute l’amitié qu’on a pour vous dès qu’on vous a connu . C’est ainsi que j’en use. Conservez-moi des sentiments qui me sont bien chers, et agréez l’inviolable attachement du pauvre vieillard.

V. »

1 Copie Beaumarchais-Kehl ; éd. Kehl qui supprime les deuxième et troisième phtase ; Beuchot les restitue.

2 Par Ceretesi ; il fut question, un peu plus tard, que cette traduction fut publiée chez Cramer, mais le projet ne fut pas réalisé .Voir lettre de La Tourrette à V* du 26 juin 1770 : https://fr.m.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1770/Lettre_7938

3 Carlo Antonio Pilati di Tassulo ; Riflessioni di un Italiano sopra la chiesa […] e sopra i diritti ecclesiastici de' principi, 1768 : https://www.treccani.it/enciclopedia/carlo-antonio-pilati_(Enciclopedia-Italiana)/

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Carlantonio_Pilati

4 Comte Karl von Firmian, ambassadeur d'Autriche , ministre de l’empereur à Milan : https://fr.wikipedia.org/wiki/Carlo_Giuseppe_di_Firmian

5 Marquis Bernardo di Tanucci, ministre du roi de Naples : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernardo_Tanucci

17/06/2025

nous autres Gaulois nous venons les derniers en tout ; mais enfin nous arrivons , et j’espère que vous ferez doubler le pas à vos contemporains ... Il s’est élevé depuis peu un cri général dans l'Europe, mais ce n'est encore qu'un cri

... Pourvu qu'un reste de lucidité empêche qu'on souligne le cri en envoyant nos soldats !

 7777è note .

 

« A Joseph-Michel-Antoine Servan

5è janvier 1770 1

Monsieur,

Vous croyez bien que si j’avais été en vie, je vous aurais remercié le jour même que je reçus votre paquet 2. J’ai été dans un état bien déplorable ; mais je vous relis, et je me porte bien. Je me suis demandé à moi-même pourquoi tous les discours du chancelier d’Aguesseau me refroidissent, et pourquoi tout ce que vous écrivez m’échauffe ? C’est que vous parlez du cœur, et qu’il ne parle que de l’esprit ; il est rhéteur, et vous êtes éloquent . C’est pourtant le premier homme qu’ait eu le parlement de Paris.

Vous avez tous deux traité l’article des spectacles. En vérité, la différence qui est entre vous et lui, c’est qu’il a traité ce sujet en pédant, et je crois, en lisant le peu que vous en avez dit, que vous avez fait quelque bonne tragédie.

Je ne suis pas du tout honteux de ne pas mériter les éloges dont vous m’honorez. Je sais bien que personne ne peut aller au delà des bornes que la nature a prescrites à son talent. Il ne faut point rougir de n’avoir pas six pieds de haut quand on n’en a que cinq. Je n’ai jamais été où je voulais aller ; mais je suis né vif et sensible, et je le suis à soixante-seize ans comme à vingt-cinq. C’est cette sensibilité qui m’attache infiniment à vous, monsieur ; c’est elle qui me fait retrouver mon âme tout entière quand je lis vos lettres, dans lesquelles la vôtre se peint avec de si vives couleurs.

Je retombe de vous à M. d'Aguesseau pour vous dire que je suis indigné que dans une instruction sur l'étude du droit ecclésiastique, il dise sans façon qu'il y a deux puissances 3, c'est-à-dire plus que Jésus-Christ n'a avancé . Est-ce donc là cet homme qui forgeait à Fresnes des boucliers sur l'enclume des libertés gallicanes contre les prétendues foudres de Rome !

Savez-vous bien, monsieur, qu'il n'y a pas quatre ans qu'un évêque de Russie ( et ces gens-là sont plus savants qu'on ne croit ) s'avisa de soutenir la doctrine des deux puissances 4 ? Ses confrères le déposèrent, le condamnèrent à faire pénitence dans un couvent, et Catherine lui fit grâce .

Croyez-moi, nous autres Gaulois nous venons les derniers en tout ; mais enfin nous arrivons , et j’espère que vous ferez doubler le pas à vos contemporains . Il s’est élevé depuis peu un cri général dans l'Europe, mais ce n'est encore qu'un cri . On se moque de Rome, mais on lui paye des annates . On donne de l'argent à la daterie 5 pour épouser sa nièce , et on en donnerait pour épouser sa fille 6 . Si jamais il y eut une chose qui dut dépendre de la grande police, c'est assurément la nourriture des cultivateurs . Mais à la honte de la raison et de la magistrature c'est un évêque qui permet ou qui défend de manger des œufs pendant quarante jours à des gens qui ont à peine des œufs et on souffre de ces absurdités , et tous les gens du roi, c'est-à-dire le peuple, ne se liguent pas d'un bout du royaume à l'autre contre un tel abus . Je vous demande pardon pour Gros-Jean, qui remontre à plus que son curé. Le vieux Gros-Jean a de grandes espérances en vous, et il est pénétré pour vous, monsieur, de tendresse et de respect.

V. »

1 Original ; éd. Beuchot qui abrège toute la fin depuis Je retombe de vous […] à contre un tel abus , comme suit : « Courage, monsieur, c'est à vous à signaler les abus de tout genre dont nous sommes environnés . » Moland donne la même version falsifiée que Beuchot .

2Une lettre du 19 décembre 1769 .

3 C'est là un des thèmes de la pensée de d'Aguesseau ; ainsi, dans le Mémoire sur la juridiction royale, il écrit : « Autrement, il faudrait avancer cet étrange paradoxe, que pendant qu'il n'y a qu'une seule puissance par rapport au spirituel, il y aurait dans chaque État deux Souverains et deux Puissances également suprêmes par rapport au temporel. » ; voir ses Œuvres, 1763-1769, XVIII, 64 .

4 Ce fait est rapporté dans une lettre de Catherine du 9 décembre 1767  à laquelle on ne connaît pas la réponse de V*.

5 La daterie est la chancellerie vaticane .

16/06/2025

Il voit d’ailleurs, avec une honnête indifférence, qui gouverne et qui ne gouverne pas, qui se remue beaucoup pour rien et qui ne se remue pas, qui tracasse et qui ne tracasse pas 

... Serait-ce la description du pape Léon XIV estimant la valeur des présidents de tous poils en gardant une neutralité angélique ?

 

 

« A Gottlob Louis, comte de Schomberg

5 janvier 1770

Monsieur,

Quand l’ermite du mont Jura s’intitulait le pauvre vieillard, il n’avait pas tort. Sa santé et ses affaires étaient également dérangées, et le sont encore : malheur aux vieillards malades ! La faiblesse extrême où il est ne lui a pas permis d’écrire pendant un mois entier, il est tout à fait hors de combat, et d’ailleurs excédé par des travaux qui l’avaient d’abord consolé des misères de ce monde.

Soyez très persuadé, monsieur, qu’il n’a jamais trempé dans l’infâme complot que quelques parents et amis avaient fait de l’arracher à sa retraite. Il connaît trop le prix de la liberté, et celui du repos nécessaire à son âge. Il est sensible à vos bontés comme s’il était jeune. Il voit d’ailleurs, avec une honnête indifférence, qui gouverne et qui ne gouverne pas, qui se remue beaucoup pour rien et qui ne se remue pas, qui tracasse et qui ne tracasse pas ; il aime, il estime votre philosophie, et rend justice à vos différentes sortes de mérite ; il mourra votre très attaché.

Si vous n’avez pas un petit livre de Hollande intitulé Dieu et les Hommes 1, je pourrai vous en procurer un par un ami ; vous n’avez qu’à ordonner.

Si vous voyez M. d’Alembert, voici un petit article pour lui 2.

Je sais qu’un homme qui fait des vers mieux que moi lui a récité des bribes fort jolies d’un petit poème intitulé Michaud, ou Michon et Michette 3, et qu’il lui a dit que ces gentillesses étaient de moi. Le bruit en a couru par la ville. Il est clair cependant qu’elles sont de celui qui les a récitées. C’est, dit-on, une satire violente contre trois conseillers au Parlement, qui sont des gens fort dangereux. On met tout volontiers sur mon compte, parce qu’on croit que je peux tout supporter, et qu’étant près de mourir, il n’y a pas grand mal de me faire le bouc émissaire. Après tout, je crois l’auteur trop galant homme pour m’imputer plus longtemps son ouvrage. Il est dans une situation à ne rien craindre de MM. Michon ou Michaud, supposé qu’il y ait des conseillers de ce nom. Je ne suis pas dans le même cas ; et d’ailleurs je n’ai jamais vu un seul vers de cet ouvrage. Je ne doute pas que M. d’Alembert, quand il reverra l’auteur, qui n’est pas actuellement à Paris, ne lui conseille généreusement de se déclarer, ou d’enfermer son œuvre sous vingt clefs.

Voilà, monsieur, ce que je vous supplie de montrer à M. d’Alembert dans l’occasion. Je ne lui écris point, je suis trop faible, et c’est un effort pour moi très grand de dicter même des lettres.

Adieu, monsieur ; je serai, jusqu’au dernier moment, pénétré pour vous de la plus tendre estime. Je ne cesse d’admirer un militaire si rempli de goût, d’esprit et de bonté. »

2 On ne sait ce que c'est que cet écrit, lettre ou brochure .

3 Voir la note 3 sur la lettre du 15 octobre de d'Alembert : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1769/Lettre_7688

je vous donne ma parole d'honneur de le brûler en présence de témoins dès que j'en aurai fait usage

... A ceci près que son usage est précisément de brûler les témoins" disent les exposants en armes israëliens venus au Salon Aéronautique du Bourget qui se voient refuser l'autorisation de vendre et montrer les armes dont ils font un usage terriblement efficace à Gaza et en Iran et au Liban, etc.: https://www.franceinfo.fr/monde/israel/salon-du-bourget-i...

 

 

« A Jacques Lacombe Libraire

rue Christine

à Paris

5è janvier 1770 à Ferney

Vous serez bien étonné, monsieur, que j'aie besoin du recueil de l'Année littéraire 1 ; mais je vous donne ma parole d'honneur de le brûler en présence de témoins dès que j'en aurai fait usage . Il s'agit du mot critique dans le nouveau dictionnaire encyclopédique qu'on prépare 2, et comme on rend dans cet ouvrage une justice très impartiale aux bons et aux méchants esprits, aux savants et aux ignorants, aux honnêtes gens et au coquins, on ne peut s’empêcher d'y mettre Fréron, quoique son nom n'ait jamais été enregistré qu'au Châtelet et au Fort-L'Evêque .

Vous avez sans doute dans votre grenier les vieux paquets que je vous demande . Donnez-moi, je vous en prie , la préférence sur les beurrières . Ayez la bonté de me faire tenir le ballot par les rouliers de Bourgogne . Il me parviendra sûrement .

Je vous souhaite la bonne année, et j'ai l'honneur d'être avec le plus vif intérêt qu'on puisse prendre à vous, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

V. »

1 Dans sa bibliothèque , V* n'avait que des extraits de l'Année littéraire .

2 Un article « Critique » a déjà paru dans le Dictionnaire philosophique ; la version augmentée des Questions sur l'Encyclopédie de 1771 contient un bref morceau contre Fréron : https://artflsrv03.uchicago.edu/philologic4/toutvoltaire/navigate/939/1/49/

nous raisonnerons de tout cela à tête reposée

... Il serait heureux que cela ne tarde pas pour que des accords soient signés au plus tôt et qu'Israël ne se contente pas de démontrer sa puissance par les armes seulement . Raser une région et affamer toute une population est monstrueux, vouloir faire tomber le régime iranien  par les armes est insensé et présomptueux . Foutue loi du talion qui règne encore en ce Moyen-Orient surchauffé !            

 

 

« A Charles-Frédéric-Gabriel Christin fils

Avocat au parlement

à Saint-Claude

Cent bonnes années à mon cher petit philosophe . Le vieil ermite est toujours bien malade, et bien faible ; mais ses sentiments pour le Cicéron de Saint-Claude ne sont point affaiblis .

Nous commencerons l'impression d'une très honnête encyclopédie, dès que nous aurons reçu les Réflexions sur la jurisprudence des Francs, l'article « Criminel1 », où le procès du chevalier de La Barre est tout au long .

On ne sait encore si on imprimera cette pièce sous le nom du chevalier de La Barre ou sous un nom supposé . Nous espérons voir monsieur Christin vers le saint temps de Pâques, et nous raisonnerons de tout cela à tête reposée .

L'oncle et la nièce lui font les plus sincères compliments .

5è janvier 1770. »

1 L'article « Criminel » ne mentionne pas La Barre quoiqu'il soit de V*.

15/06/2025

on se fait une conscience d’affliger trop un pauvre homme qui approche de quatre-vingts

... Et on aurait tort de faire du sentiment quand il s'agit de Nicolas Sarkozy justement condamné et dégradé pour ses délits :

https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/06/15/nicolas-sarkozy-finalement-exclu-de-la-legion-d-honneur-a-la-suite-de-sa-condamnation-dans-l-affaire-des-ecoutes_6613121_3224.html

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

5è janvier 1770

Je vous supplie instamment, mon cher ange, de me rendre le plus important service. Il faut que Mme Lejeune me déterre le livre du père Griffet 1, ou de frère Griffet. On imprime la lettre A d’un supplément au Dictionnaire encyclopédique dans le pays étranger, et frère Griffet doit avoir sa place à l’article « Ana », « Anecdote 2 ». On peut envoyer le livre aisément par la poste, en deux ou trois paquets : pourvu qu’un paquet ne pèse pas plus de deux livres, il arrive à bon port. Marin, Suard, peuvent le contresigner ; rien n’est plus aisé. Mme Lejeune ou son ayant cause recevra une lettre de change payable au porteur. Ayez la bonté d’avoir pitié de ma passion, qui est très vive. J’abuse de votre complaisance ; mais les jeunes gens sont actifs, ils se démènent pour rendre service. Je vous l’avais bien dit que vous n’aviez que soixante et neuf ans. Vous êtes bien injuste et bien lésineux 3 de m’en accorder à peine soixante-quinze, lorsque je suis possesseur de la soixante-seizième. Il faut dire que j’en ai soixante et dix-huit 4, et n’y pas manquer, car, après tout, on se fait une conscience d’affliger trop un pauvre homme qui approche de quatre-vingts.

Je suis bien étonné que cette comédie 5 dont vous parlez soit si drôle.

Par le sang-bleu, messieurs, je ne croyais pas être

Si plaisant que je suis 6.

Mais j’ai plus de tendresse pour Les Scythes, et une passion furieuse pour Les Guèbres. Je tiens que ces Guèbres feraient une révolution.

M. le duc de Praslin a eu la bonté de m’envoyer un détail touchant les diamants pris par les corsaires. J’ai bien peur que ce ne soit une affaire finie, et [que] les propriétaires des diamants n’aient aucun renseignement, moyennant quoi le corsaire se moquera d’eux. Je m’en lave les mains, et je remercie M. le duc de Praslin de toute sa bonté. Mme Denis et moi, nous souhaitons à mes deux anges santé et prospérité cette année 1770. Je ne me suis jamais attendu à voir cette année, et j’avais fait plus d’un marché qui a fini à l’an 1760, tant je me suis toujours défié de mes forces. J’ai été heureusement trompé.

Mille tendres respects à vous deux.

V. »

1 Henri Griffet : Traité des différentes sortes de preuves qui servent à établir la vérité de l’histoire ; Liège, 1769, in-12 ; https://books.google.be/books?id=3eFaAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

et voir  : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome14.djvu/447

2 Les thèses de Griffet sont effectivement discutées dans l'article en question des Questions sur l’Encyclopédie .Voir pages 204 et suiv. : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome17.djvu/224

3 Lésineux est un mot rare ; Littré et le Dictionnaire général n'en cite que ce seul exemple .

4Mot caractéristique de l'importance que V* attache à l'opinion, plus importante à ses yeux que la réalité .

6 On lit dans Le Misanthrope, acte II, scène 7 , vers 773-774

Par la sambleu, messieurs, je ne croyais pas être
Si plaisant que je suis.