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15/02/2024

la vraie consolation consiste dans beaucoup d'acheteurs

... Tel est plutôt le credo de ceux qui nous nourrissent, et qui se dispenseraient volontiers de recevoir des subventions au prix  d'infiniment de temps perdu avec leurs lots de paperasses insensées .

 

 

« A Gabriel Cramer

[vers le 30 juin 1768] 1

Le malade de Ferney a écrit une lettre très consolante à l'ami Panckoucke . Mais la vraie consolation consiste dans beaucoup d'acheteurs .

Le vieux bonhomme est toujours d'avis qu'il faut une carton à la dernière scène d'Oreste, car si quelque curieux voit jouer cet Oreste tout différemment de cet in-4°, ledit in-4° sera très décrié .

Plus la promptitude dans l’exécution dans Le Siècle de Louis XIV et de Louis XV est nécessaire, plus on me fait languir . On ne m'a donné que sept feuilles depuis six semaines . Ce n'est pas ainsi qu'on doit traiter un premier garçon d'imprimerie qui travaille pour monsieur Gabriel depuis quinze ans .

Ut ut est 2, mille amitiés. 

V.»

1 Original, bibliothèque de l'université Columbia, collection David Eugene Smith . La date est fixée à peu de chose près par la mention, au début de la lettre, de « la lettre très consolante » envoyée par Panckoucke, qui doit être celle-ci : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/02/13/imitez-les-filles-soyez-modeste-pour-etre-riche-6485097.html

2 Quoi qu'il en soit .

14/02/2024

imitez les filles ; soyez modeste pour être riche

...

 

 

« A Charles-Joseph Panckoucke

A Ferney [vers le 30 juin 1768] 1

En vous remerciant, monsieur, de votre lettre et de votre beau présent 2, qui ornerait le cabinet d'un curieux. Vous vous êtes chargé d'un livre qui ne se débitera pas si bien . Je vous en ai averti dans un petit prologue de La Guerre de Genève, qui n'est pas encore parvenu jusqu'à vous . Les goûts changent aisément en France . On peut aimer Henri IV sans aimer La Henriade . On peut vendre des ornements à la grecque sans débiter Mérope et Oreste, toutes grecques que sont ces tragédies.

Et Gombaud tant loué garde encore la boutique. 3

Si j'avais un conseil à vous donner, ce serait de modérer un peu l’ancien prix établi à Genève 4, mais de ne point jeter à la tête une édition qu'alors on jette à ses pieds . Il faut que les chalands demandent, et non pas qu'on leur offre . Les filles qui viennent se présenter sont mal payées ; celles qui sont difficiles font fortune ; c'est l’abc de la profession : imitez les filles ; soyez modeste pour être riche . Interim je vous embrasse, et je suis de tout mon cœur, monsieur, votre, etc. »

1 L' édition de Kehl consiste en un amalgame de fragments déformés de trois lettres ; la présente, celle du 29 septembre 1768 et une suivante . La première édition place cette lettre fin mars 1768 et Beuchot, sans en avertir, change simplement la date en 1769 . Or si l'année est fausse, le mois l'est aussi ! Il est clair qu'on a ici une réponse à la lettre de Panckoucke annonçant l'envoi du livre dont V* accuse réception par la lettre du 9 juillet 1768 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/07/correspondance-annee-1768-partie-21.html

2 On retrouvera plus loin ce présent, sans doute une édition des Fables choisies de La Fontaine ; voir lettre du 9 juillet : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/07/correspondance-annee-1768-partie-21.html

4 Dans le Mercure de juin 1768, II, 153, les sept premiers volumes de l'édition quarto sont annoncés à onze livres chacun . Voir page 153 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3746613x/f155.item.r=onze%20livres

13/02/2024

cette précieuse liberté sans laquelle la vie est un fardeau

...Nos paysans nous l'ont rappelé un peu brutalement , en France nous sommes les champions pondeurs de lois et normes , et ce, depuis un temps infini . Ministres, députés et sénateurs, c'est à qui laissera sa trace écrite dans le fouillis des codes de toute nature . Voir pour info , et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg : https://www.vie-publique.fr/discours/290438-conseil-21072...

Allons, du balai !

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« A François de Caire 1

Ingénieur en chef , etc.

à Versoix

Supposé, monsieur, que M. de Marcheval 2 soit aussi bon, aussi indulgent, aussi philosophe que vous, il me fera autant de plaisir que d'honneur . Mais si vous ne venez pas me soutenir, que deviendrai-je ? Je suis seul et très malade . M. Dupuits m'a quitté hier avec un autre ami qui me consolait .

Si vous pouvez venir, monsieur, vers les 2 heures, je vous supplierai de vouloir bien vous rendre le maître de la maison , de dîner comme vous pourrez avec M. de Marcheval, de me souffrir entre vous deux, de me voir aller et venir sans vous mettre en peine, et de jouir avec moi de cette précieuse liberté sans laquelle la vie est un fardeau .

Agréez mon respect, monsieur, mais agréez davantage les sentiments que vous m'avez inspirés, et qui vont tout droit à l'amitié .

Le vieux malade V.

A Ferney à 7 heures 1/4 du matin 30è juin 1768 . »

12/02/2024

vous savez mieux que moi ce qu’il faut en penser

... https://www.francetvinfo.fr/

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

29è juin 1768 à Ferney

 Vous conservez donc des bontés, monseigneur, pour ce vieux solitaire ! Je les mets hardiment à l’épreuve. Je vous supplie, si vous pouvez bien me dire ce que vous savez de la fortune qu’a laissée votre malheureux lieutenant-général Lally, ou plutôt de la fortune que l’arrêt du Parlement a enlevée à sa famille. J’ai les plus fortes raisons de m’en informer. Je sais seulement qu’outre les frais du procès, l’arrêt prend sur la confiscation cent mille écus pour les pauvres de Pondichéry ; mais on m’assure qu’on ne put trouver cette somme. On me dit, d’un autre côté, qu’on trouva quinze cent mille francs chez son notaire, et deux millions chez un banquier, ce dont je doute beaucoup. Vous pourriez aisément ordonner à un de vos intendants de prendre connaissance de ce fait.

Je vous demande bien pardon de la liberté que je prends ; mais vous savez combien j’aime la vérité, et vous pardonnez aux grandes passions. Je ne vous dirai rien de la sévérité de son arrêt. Vous avez sans doute lu tous les mémoires, et vous savez mieux que moi ce qu’il faut en penser.

Permettez-moi de vous parler d’une chose qui me regarde de plus près. Ma nièce m’a appris l’obligation que je vous ai d’avoir bien voulu parler de moi à M. l’archevêque de Paris. Autrefois il me faisait l’honneur de m’écrire ; il n’a point répondu à une lettre que je lui ai adressée il y a trois semaines 1. Dans cet intervalle, le roi m’a fait écrire, par M. de Saint-Florentin, qu’il était très mécontent que j’eusse monté en chaire dans ma paroisse, et que j’eusse prêché le jour de Pâques 2. Qui fut étonné ? ce fut le révérend père Voltaire. J’étais malade ; j’envoyai la lettre à mon curé, qui fut aussi étonné que moi de cette ridicule calomnie, qui avait été aux oreilles du roi. Il donna sur-le-champ un certificat qui atteste qu’en rendant le pain bénit, selon ma coutume, le jour de Pâques, je l’avertis, et tous ceux qui étaient dans le sanctuaire, qu’il fallait prier tous les dimanches pour la santé de la reine dont on ignorait la maladie dans mes déserts, et que je dis aussi un mot touchant un vol qui venait de se commettre pendant le service divin.

La même chose a été certifiée par l’aumônier du château et par un notaire au nom de la communauté. J’ai envoyé le tout à M. de Saint-Florentin, en le conjurant de le montrer au roi, et ne doutant pas qu’il ne remplisse ce devoir de sa place et de l’humanité.

J’ai le malheur d’être un homme public, quoique enseveli dans le fond de ma retraite. Il y a longtemps que je suis accoutumé aux plaisanteries et aux impostures. Il est plaisant qu’un devoir que j’ai très souvent rempli ait fait tant de bruit à Paris et à Versailles. Madame Denis doit se souvenir qu’elle a communié avec moi à Ferney 3 , et qu'elle m'a vu communier à Colmar4. Je dois cet exemple à mon village, que j’ai augmenté des trois quarts . Je le dois à la province entière, qui s’est empressée de me donner des attestations auxquelles la calomnie ne peut répondre.

Je sais qu’on m’impute plus de petites brochures contre des choses respectables que je n’en pourrais lire en deux ans ; mais, Dieu merci, je ne m’occupe que du Siècle de Louis XIV ; je l’ai augmenté d’un tiers. La bataille de Fontenoy 5, le secours de Gênes 6, la prise de Minorque 7, ne sont pas oubliés ; et je me console de la calomnie en rendant justice au mérite.

Je vous supplie de regarder le compte exact que j’ai pris la liberté de vous rendre, comme une marque de mon respectueux attachement. Le roi doit être persuadé que vous ne m’aimeriez pas un peu si je n’en étais pas digne. Mon cœur sera toujours pénétré de vos bontés pour le peu de temps qui me reste encore à vivre.

Vous savez que rarement je peux écrire de ma main ; agréez mon tendre et profond respect.

V. »

1 On a déjà vu que cette lettre à Christophe de Beaumont ne nous est pas parvenue.

2 Cette lettre de Saint-Florentin est conservée, et ce qui est y dit n'a guère de quoi surprendre V* : « Le Roi a, monsieur, été informé par des plaintes qui en ont été portées à Sa Majesté, que le jour de Pâques dernier vous avez fait dans votre paroisse de Ferney une exhortation publique au peuple, et même pendant la célébration de la messe . Vous ne pourriez qu'être approuvé si dans l'intérieur de votre maison vous aviez rappelé aux habitants de votre paroisse les devoirs de la religion et ce qu'elle exige d'eux, mais il n'appartient à aucun laïc de faire ainsi une espèce de sermon dans l'église et surtout pendant le service divin. »

4 Collini en effet rapporte le fait (Collini, p. 128 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k86428j/f148.item )

il y a encore loin de là à la vérité démontrée

...Mais d'ici c'est plus près, non ?

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L'Ia n'en sait pas plus que moi

 

 

« A Louis Dutens

29è juin 1768 à Ferney 1

Vous rendez, monsieur, un grand service à la littérature en imprimant toutes les œuvres de Leibnitz 2 . Vous faites à peu près comme Isis qui rassembla, dit-on, les membres épars d'Osiris pour le faire adorer . Peut-être mon culte pour les monades, et pour l'harmonie préétablie n'est-il pas violent, mais enfin, Neuton a commenté l’apocalypse et n'en est pas moins Neuton . Leibnitz était un prodigieux polymathe 3, et ce qui est bien plus il avait du génie, mais il y a encore loin de là à la vérité démontrée . Neuton a trouvé cette vérité :

Nes propius fas est mortali attingere divos .4 »

1 Minute où le mois est changé en « février » par une autre main ; édition Louis Dutens, Mémoires d'un voyageur qui se repose : Dutensiana, 1806 , qui donne une version très déformée en date du 9 juin 1768 .

Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2072278/f2.item , ( tome III non trouvé )

et https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Dutens

3 Si polymathie apparaît au milieu du XVIIè siècle chez Naudé, on a ici une des premières attestations anciennes de polymathe, personne qui s'adonne à plusieurs sciences à la fois . Littré n'en donne pas d'exemple .

4 D'après Catulle, LI, 2 . Et il n'est pas permis à un mortel d'approcher de plus près les dieux .

11/02/2024

Je vous prie de vouloir bien me mander quelles mesures vous avez prises pour me faire les paiements dont vous êtes chargé

... La question se pose vivement au moment où l'on parle essentiellement d'économie(s) : https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/les-debats-de-l-...

 

 

« A Charles-Henri-Chrétien Rosé

J'ai compté sur vous, monsieur. Je vous prie de vouloir bien me mander quelles mesures vous avez prises pour me faire les paiements dont vous êtes chargé . J'ose espérer que vous aurez autant d'exactitude que vous trouverez toujours en moi de facilités pour les arrangements que vous voudrez prendre .

J''ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

gentilhomme ordinaire

de la chambre du roi.

Au château de Ferney par Versoix 1 près Genève 28è juin 1768. 2»

1 Noter cette mention ; on a vu qu'un bureau de poste a été établi à Versoix ; voir lettre du 24 juin 1768 à Mme Denis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/02/07/il-s-imagine-que-c-est-moi-qui-ai-souleve-tous-les-esprits.html

2 L'original est endossé : « Reçue le 2 juillet / Rép le 3 ». En fait , les réponses de Rosé ne nous sont pas parvenues . Voir aussi : https://collections.geneve.ch/gazette-delices/15/voltaire.html

et lettre 15 : https://www.jstor.org/stable/24722149?read-now=1&seq=26#page_scan_tab_contents

je n'ai pas de mauvaises nouvelles à vous apprendre de Versoix

... Voyez par vous-même : https://www.versoix.ch/news/commune/ et

https://www.24heures.ch/tags/33062/versoix

Pour le reste du monde, une vie ne suffirait pas pour faire le catalogue des horreurs actuelles . Alors consacrons-nous à faire aussi bien que possible .

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« A Henri Rieu

à Chouilly

Mon cher corsaire, je n'ai pas de mauvaises nouvelles à vous apprendre de Versoix . Si vous passez par nos cantons quand vous aurez fait vos foins, je vous dirai bien des choses .

Je vous prie instamment de vouloir bien demander à M. Gaussen 1 s'il a eu la bonté de faire parvenir en Angleterre les petits paquets que j’ai pris la liberté de lui envoyer . Il me fera un sensible plaisir .

Je vous embrasse bien tendrement .

V.

28è juin 1768 à Ferney. »