15/07/2024
que le parlement commence à ouvrir les yeux : que plusieurs jeunes conseillers embrassent le parti de la tolérance
... Que ce voeu se réalise et tout ira mieux, du moins on peut l'espérer .
« A François de Varagne-Gardouch, marquis de Bélestat
Du 5 janvier 1769
Votre lettre du 20 de décembre, monsieur, n’est point du style de vos autres lettres : et votre critique de Bury est encore moins du style de l’Éloge de Clémence Isaure. C’est une énigme que vous m’expliquerez quand vous aurez en moi plus de confiance 1.
Le libraire de Genève 2 qui imprima votre dissertation 3 étant le même qui avait imprimé les Mémoires de La Beaumelle, on crut que ce petit ouvrage était de lui ; et ce nom le rendit suspect. Le public ne regarda l’intitulé, Par M. le marquis de B…, que comme un masque sous lequel La Beaumelle se cachait. L’article du petit-fils de Sha-Abas parut à tout le monde un portrait trop ressemblant. Le libraire de Genève envoya à Paris six cents exemplaires que M. de Sartines fit mettre au pilon, et il en informa M. de Saint-Florentin.
Ce n’est pas tout, monsieur ; comme le livre venait de Genève, on me l’attribua ; et cette calomnie en imposa d’autant plus que dans ce temps-là même je faisais imprimer publiquement à Genève une nouvelle édition du Siècle de Louis XIV.
Le président Hénault, si durement traité dans votre brochure 4, est mon ami depuis plus de quarante ans ; je lui ai toujours donné des marques publiques de mon attachement et de mon estime. Ses nombreux amis m’ont regardé comme un traître qui avait flatté publiquement le président Hénault, pour le déchirer avec plus de cruauté en prenant un nom supposé.
Si vous m’aviez fait l’honneur de répondre plus tôt à mes lettres 5, vous m’auriez épargné des chagrins que je ne méritais pas. Lorsque je vous écrivis, j’étais persuadé avec toute la ville de Genève que La Beaumelle était l’auteur de cet écrit, et tout Paris croyait qu’il était de moi. Voilà, monsieur, l’exacte vérité.
Vous pouvez me rendre plus de services que vous ne m’avez fait de peines ; il s’agit d’une affaire plus importante.
J’ai auprès de moi la famille des Sirven ; vous n’ignorez peut-être pas que cette famille entière a été condamnée à la mort dans le temps même qu’on faisait expirer Calas sur la roue. La sentence qui condamne les Sirven est plus absurde encore que l’abominable arrêt contre les Calas. J’ai fait présenter au nom des Sirven une requête au conseil privé du roi . Cette famille malheureuse, jugée par contumace, et dont le bien est confisqué, demandait au roi d’autres juges, et ne voulait point purger son décret au parlement de Toulouse, qu’elle regardait comme trop prévenu, et trop irrité même de la justification des Calas . Le conseil privé, en plaignant les Sirven, a décidé qu’ils ne pouvaient purger le décret qu’à Toulouse.
Un homme très instruit me mande de cette ville même que le parlement commence à ouvrir les yeux : que plusieurs jeunes conseillers embrassent le parti de la tolérance ; qu’on va jusqu’à se reprocher l’arrêt contre M. Rochette et les trois gentilshommes 6, Ces circonstances m’encourageraient, monsieur, à envoyer les Sirven dans votre pays, si je pouvais compter sur quelque conseiller au parlement qui voulût se faire un honneur de protéger et de conduire cette famille aussi innocente que malheureuse. Je serais bien sûr alors qu’elle serait réhabilitée, et qu’elle rentrerait dans ses biens. Voyez, monsieur, si vous connaissez quelque magistrat qui soit capable de cette belle action, et qui, ayant vu les pièces, puisse prendre sur lui de confondre la fanatique ignorance des premiers juges, et tirer l’innocence de la plus injuste oppression.
Combien que le parlement ne soit qu’une forme des trois états raccourcis au petit pied( ce sont les termes des premiers états de Blois, page 445 ) 7 . Ce sera à vous seul, monsieur, qu’on sera redevable d’une action si généreuse et si juste . Le parlement même nous en devra de la reconnaissance, vous lui aurez fourni une occasion de montrer sa justice, et d’expier le sang des Calas.
Pour moi, je n’oublierai jamais ce service que vous aurez rendu a l’humanité, et j’aurai l’honneur d’être avec la plus vive reconnaissance, avec l’estime que je dois à vos talents, et toute l’amitié d’un confrère, votre très humble. »
1 Voir note 6 de la lettre du 31 octobre 1768 à Hénault : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/05/10/en-fait-d-ouvrages-de-gout-il-ne-faut-jamais-repondre-en-fai-6497711.html
2 Claude Philibert .
3 Examen de la Nouvelle histoire de Henri IV, de M. de Bury ; voir lettre du 13 septembre 1768 à Hénault : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/03/26/m-6491423.html
4 Voir le passage cité dans la lettre du 13 septembre 1768 à Hénault : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/03/26/m-6491423.html
5 Lettre du 15 octobre 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/04/24/si-je-me-comptais-encore-au-nombre-des-vivants-je-desirerais-6495590.html
et du 17 octobre 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/04/29/j-ai-cru-devoir-a-votre-merite-et-a-l-estime-que-vous-m-avez-inspiree-les-i.html
6 On reconnaît les termes de la lettre de l’abbé d'Audra déjà cités par V* à plusieurs correspondants ; voir lettre https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1769/Lettre_7457
7 Note de Voltaire qu'il a mise entre parenthèses .
Sur cette phrase, voir les lettres du 28 septembre 1768 et du 31 octobre 1768 à Hénault : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/04/10/me-voila-lave-mais-non-absous-6493592.html
Il est à noter que ce début de paragraphe ne paraît pas être à sa place ; il ne se rattache ni à ce qui précède ni à ce qui suit .
10:19 | Lien permanent | Commentaires (0)
14/07/2024
Je les loue et les révère d'être détrompés des illusions de Paris, et de sentir tout le néant du tumulte
.... Amicales salutations aux parisiens qui fuient la capitale , ses manifestations et ses embouteillages records, au moins pour un temps ; le reste de la France vaut largement le déplacement, entre autres allez visiter le château de Voltaire à Ferney.
« A Philippe-Antoine de Claris, marquis de Florian
et à
Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine, marquise de Florian
4 janvier 1769
Je remercie tendrement la dame picarde, et le seigneur devenu picard, de leur souvenir . Comment ne leur saurais-je pas gré d'aimer la campagne, moi qui achève ma vie dans une solitude dont il n'y a d'exemple que chez les chartreux . Je les loue et les révère d'être détrompés des illusions de Paris, et de sentir tout le néant du tumulte .
Comme j'ai toujours cru, mes chers habitants d'Hornoy, que vous étiez prêts à revenir passer votre hiver à Paris, je ne vous ai point adressé en Picardie cette histoire où vous verrez l’étonnant et fatal traité de Louis XIV et de l'empereur pour accabler leur parent le roi d'Espagne, et pour partager les dépouilles d'un enfant ; la révélation de la confession du roi d'Espagne Philippe V par le jésuite d'Aubenton, la belle réponse du maréchal de Luxembourg à ses juges qui l’interrogeaient à la Bastille ; la bataille de Fontenoy, dans la plus exacte vérité, et dans les derniers détails ; le procès infâme fait à La Bourdonnais, trois ans d'une prison cruelle pour unique récompense d’avoir pris Madras, et d'avoir seul vengé le pavillon de la France dans les Indes ; les anecdotes très véritables qui ont conduit sur l'échafaud le très brutal et très innocent Lally, etc.
J'ai prié le libraire Panckoucke de vous présenter un exemplaire . Il y a longtemps que je ne me sens plus de la voie que vous m'aviez indiquée, parce que j'ai su qu'il y avait des gens qui goûtaient les sauces dans les plats que je vous servais .
Je vous demande avec les plus vives instances la continuation de votre amitié, la mienne est pour le peu de vie qui me reste . »
08:03 | Lien permanent | Commentaires (0)
13/07/2024
Voilà comme sont faits tous ces animaux-là. Ils croient régenter un collège, et c’est au collège qu’il faut les renvoyer...tout cela est l’excrément du siècle
.... Que tous les partis qui se vantaient de donner en quelques heures de réflexion des noms de ministrables se le tiennent ici pour dit : excréments !
« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
4è janvier 1769 1
Eh bien ! madame, j’écris très souvent quand j’ai des thèmes. Faites-vous lire la lettre de M. le marquis de Bélestat 2, et jugez après cela si c’est avec justice qu’on m’a imputé son ouvrage. Jugez si j’ai été fidèle à l’amitié, si j’ai été offensé du mal qu’on disait de M. le président Hénault, et si je n’ai pas pris son parti beaucoup plus que je n’ai jamais pris le mien. Voilà la vérité enfin reconnue, et il faut que le président en soit instruit : j’ai cru sentir dans ses lettres qu’il me soupçonnait, je n’en ai eu que plus de zèle. Oui, madame, je suis vif, et je le serai jusqu’au dernier moment de ma vie, quand je croirai servir l’amitié et la raison.
La Bletterie est encore plus coupable que le marquis de Bélestat ; puisqu’il veut être de l’Académie, il ne devait pas outrager un homme de quatre-vingt-deux ans qui fait tant d’honneur à notre corps. Rougissez d’avoir pris le parti de ce pédant orgueilleux. Que votre petite mère ou grand’mère se repente de l’avoir protégé ! Voilà comme sont faits tous ces animaux-là. Ils croient régenter un collège, et c’est au collège qu’il faut les renvoyer . Le duc de Choiseul m’a écrit trois pages de sa main pour m’assurer l’innocence de ce janséniste. Je me repens bien d’avoir répondu gaiement, et d’avoir tourné le tout en plaisanterie. J’aurais dû lui faire connaître un méchant homme, qui abuse de sa protection pour insulter tout le monde. Comptez que La Bletterie ne vaut pas mieux que Jean-Jacques : tout cela est l’excrément du siècle. Le royaume du bon goût et de l’esprit est tombé en quenouille . Je ne prétends dire une fadeur ni à vous, ni à Mme la duchesse de Choiseul. Ce n’était pas en Sorbonne que le roi de Danemark devait aller : il devait venir souper chez vous sans façon.
Je suis un de ces étrangers qui regrettent de n’avoir pas cet honneur , mais je suis bien mieux encore, je suis un vieux serviteur attaché à votre char depuis quarante ans, vous respectant et vous aimant de toutes mes forces. »
1 Correspondance complète de Mme du Déffant avec la duchesse de Choiseul, l’abbé Barthélémy, et M. Craufurt, publiée par M. le marquis de Sainte-Aulaire, 1859 et 1877 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2063902/f587.item
2 On a dit que cette lettre était conservée et on en a donné le texte ; voir lettre du 31 octobre 1768 à Hénault : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/05/10/en-fait-d-ouvrages-de-gout-il-ne-faut-jamais-repondre-en-fai-6497711.html
00:52 | Lien permanent | Commentaires (0)
12/07/2024
Ceux que nous avons obligés une fois semblent avoir des droits sur nous, et lorsque nous nous retirons d’eux, ils se croient offensés
... On en a un petit exemple avec Marion Maréchal aux prises avec Eric Zemmour, chacun s'estimant trahi par l'autre après une période d'union sulfureuse , en réalité bassement intéressée , chacun s'estimant un cadeau pour l'autre . Pouvoir et argent mènent toujours le bal .
Tout passe, tout lasse ...
« A Louise-Bernarde Berthier de Sauvigny 1
3è janvier 1769 à Ferney
Madame,
Il y a, dans la lettre dont vous m’honorez, du 27 de décembre, un mot qui m’étonne et qui m’afflige. Vous dites que monsieur votre frère 2 vous menace, et que vous ne devez plus rien faire pour empêcher ses menaces d’être effectuées .
Je serais inconsolable si, ayant voulu l’engager à se confier à vos bontés, j’avais pu laisser échapper dans sa dernière lettre quelque expression qui pût faire soupçonner qu’il vous menaçât, et qui pût jeter l’amertume dans le cœur d’un frère et d’une sœur.
Je vous ai obéi avec la plus grande exactitude. Vous m’avez pressé par deux lettres consécutives de l’attirer chez moi, et de savoir de lui ce qu’il voulait. Je vous ai instruite de toutes ses prétentions ; je vous ai dit que, dans le pays qu’il habite, il ne manquait pas de prétendus amis qui lui conseillaient d’éclater et de se pourvoir en justice . Je vous ai dit que je craignais qu’il ne prît enfin ce parti ; je vous ai offert mes services . Je n’ai eu et je n’ai pu avoir en vue que votre repos et le sien. Non-seulement je n’ai point cru qu’il vous menaçât, mais il ne m’a pas dit un seul mot qui pût le faire entendre.
Je vous avoue, madame, que j’ai été touché de voir le frère de madame l’intendante de Paris arriver chez moi à pied, sans domestique, et vêtu d’une manière indigne de sa condition.
Je lui ai prêté cinq cents francs ; et s’il m’en avait demandé deux mille, je les lui aurais donnés.
Je vous ai mandé qu’il a de l’esprit, et qu’il est considéré dans le malheureux pays qu’il habite. Ces deux choses sont très conciliables avec une mauvaise conduite en affaires.
Si le récit qu’il m’a fait de ses fautes et de ses disgrâces est vrai, il est sans contredit un des plus malheureux hommes qui soient au monde.
Mais que voulez-vous que je fasse ? S’il n’a point d’argent, et s’il m’en demande encore dans l’occasion, faudra-t-il que je refuse le frère de madame l’intendante de Paris ? Faudra-t-il que je lui dise : « Votre sœur m’a ordonné de ne vous point secourir » après que je lui ai dit, pour montrer votre générosité, que vous m’aviez permis de lui prêter de l’argent dans l’occasion, lorsque vous étiez à Genève ? Ceux que nous avons obligés une fois semblent avoir des droits sur nous, et lorsque nous nous retirons d’eux, ils se croient offensés.
Vous savez, madame, que depuis quatorze ans il a auprès de lui une nièce de l’abbé Nollet 3. Ils se sont séparés, et il ne faut pas qu’il la laisse sans pain. Toute cette situation est critique et embarrassante. Cette Nollet est venue chez moi fondre en larmes. Ne pourrait-on pas, en fixant ce que monsieur votre frère peut toucher par an, fixer aussi quelque chose pour cette fille infortunée ?
Je ne suis environné que de malheureux. Ce n’est point à moi de solliciter la noblesse de votre cœur, ni de faire des représentations à votre prudence. Monsieur votre frère prétend qu’il doit lui revenir quarante-deux mille livres de rente, et qu’il n’en a que six . Je crois, en rassemblant tout ce qu’il m’a dit, qu’il se trompe beaucoup. Il vous serait aisé de m’envoyer un simple relevé de ce qu’il peut prétendre : cela fixerait ses idées, et fermerait la bouche à ceux qui lui donnent des conseils dangereux.
Il me paraît convenable que ses plaintes ne se fassent point entendre dans les pays étrangers.
Au reste, madame, je vous supplie d’observer que je n’ai jamais rien fait dans cette malheureuse affaire que ce que vous m’avez expressément ordonné. Soyez très persuadée que je ne manquerai jamais à votre confiance, que j’en sens tout le prix, et que je vous suis entièrement dévoué. »
1 Épouse de Louis Bénigne François Bertier de Sauvigny : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_B%C3%A9nigne_Fran%C3%A7ois_Bertier_de_Sauvigny
2 Sur ce frère et ses relations avec V*, voir la lettre du 18 janvier 1768 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/08/23/il-n-a-assiste-aux-grandes-assemblees-de-la-nation-que-sous-6457840.html
Durey de Morsan ; voir ; https://jim.media/articles-jim/culture-histoire-philosophie/lhomme-qui-dupa-voltaire/
et page 500 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome45.djvu/510
3 V* devra plus tard essayer de trouver un mari à cette demoiselle Nollet , Voir : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/284-joseph-marie-durey-de-morsan
10:03 | Lien permanent | Commentaires (0)
je ne puis vous répondre que de moi
... C'est ainsi que , en toute logique, on peut conclure la lettre du président Macron qui , ô merveille ! est persuadé que le peuple désire une nouvelle culture politique et alors se porte garant de sa mise en oeuvre : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/07/10/lettre-d...
Bref, et sans intérêt véritable ...
« Au comte Alessandro Carli
3è janvier 1769 au château de Ferney 1
Monsieur,
La lecture de votre tragédie 2 m’a fait oublier les fluxions dont mes yeux sont accablés. J’ai éprouvé que le meilleur des médecins est le plaisir. Cette écriture a suspendu tous mes maux . La vivacité de l’intrigue m’a attaché depuis le premier vers jusqu’au dernier. Je ne sais pas assez quel est le goût de votre nation pour vous dire à quel point vous devez lui plaire ; je ne puis vous répondre que de moi. Agréez avec bonté mes remerciements et mon estime. Permettez que je fasse ici les plus tendres compliments à M. Albergati, votre ami. Le triste état où je suis ne me permet pas d’écrire plusieurs lettres.
J’ai l’honneur d’être, avec tous les sentiments que vous méritez,
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Original signé ; édition Cayrol . Sur le destinataire, voir l'article de Franco Piva, « Voltaire e la cultura veronese nel settecento : il conte Alessandro Carli. », Aevum, 1968 : Piva, Franco. “VOLTAIRE E LA CULTURA VERONESE NEL SETTECENTO: IL CONTE ALESSANDRO CARLI.” Aevum, vol. 42, no. 3/4, 1968, pp. 316–31. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/25820715 . Accessed 11 July 2024.
Une copie de la main d'Albergati porte : « Copie de la lettre de M. de Voltaire au noble seigneur de Vérone Alessandro Carli qui, par la voie de l'Albergati, lui avait envoyé sa tragédie Telano e Ermelinda . »
2 Carli a dédié sa tragédie Telano ed Ermelinda à V* ; voir lettre du 31 mars 1769 à Carli .
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
11/07/2024
le père reste avec ses filles condamnées comme lui. Il a toujours craint de comparaître devant le parlement
... C'est évidemment la famille Le Pen, gibier de potence pour ses paroles et condamnable pour ses malversations financières : https://www.la-croix.com/france/affaire-des-assistants-du...
Unis quand ça les arrange ...
« A Joseph Audra
3 janvier 1769 au château de Ferney
Il s'agit monsieur de faire une bonne œuvre, je m'adresse donc à vous.
Vous m'avez mandé 1 que le parlement de Toulouse commence à ouvrir les yeux, que la plus grande partie de ce corps se repent de l'absurde barbarie exercée contre les Calas. Il peut réparer cette barbarie, et montrer sa foi par ses œuvres 2.
Les Sirven sont à peu près dans le cas des Calas. Le père et la mère Sirven furent condamnés à la mort par le juge de Mazamet dans le temps qu'on dressait à Toulouse la roue sur laquelle le vertueux Calas expira.
Cette famille infortunée est encore dans mon canton; elle a voulu se pourvoir au conseil privé du roi; elle a été plainte et déboutée. La loi qui ordonne de purger son décret, et qui renvoie le jugement au parlement est trop précise pour qu'on puisse l'enfreindre. La mère est morte de douleur, le père reste avec ses filles condamnées comme lui. Il a toujours craint de comparaître devant le parlement de Toulouse, et de mourir sur le même échafaud que Calas. Il a même manifesté cette crainte aux yeux du conseil.
Il s'agit maintenant de voir s'il pourrait se présenter à Toulouse avec sûreté. Il est bien clair qu'il n'a pas plus noyé sa fille que Calas n'avait pendu son fils. Les gens sensés du parlement de Toulouse seront ils assez hardis pour prendre le parti de la raison et de l'innocence contre le fanatisme le plus abominable et le plus fou? Se trouvera-t-il quelque magistrat qui veuille se charger de protéger le malheureux Sirven et acquérir par là de la véritable gloire? En ce cas je déterminerai Sirven à venir purger son décret, et à voir sans mourir de peur la place où Calas est mort.
La sentence rendue contre lui par contumace lui a ôté son bien dont on s'est emparé. Cette malheureuse famille vous devra sa fortune, son honneur et sa vie; et le parlement de Toulouse vous devra la réhabilitation de son honneur flétri dans l'Europe.
Vous devez avoir vu, monsieur, le factum des dix-sept avocats du parlement de Paris 3 en faveur des Sirven. Il est très bien fait, mais Sirven vous devra beaucoup plus qu'aux dix-sept avocats, et vous ferez une action digne de la philosophie et de vous.
Pouvez vous me nommer un conseiller à qui j'adresserai Sirven?
Permettez-moi de vous embrasser avec la tendresse d'un frère.
V. »
1 Dans deux lettres conservées, des 2 et 20 novembre 1768, dans lesquelles Audra affirme : « Je connais actuellement assez Toulouse pour vous assurer qu'il n'est peut-être aucune ville du royaume où il y ait autant de gens éclairés […] . Vous ne sauriez croire combien tout a changé depuis la malheureuse aventure des Calas.[...]. »
2 Réminiscence de Jacques, II, 18 : https://saintebible.com/james/2-18.htm
3 Sur ce factum, voir lettre du 4 mars 1767 à Élie de Beaumont, il porte non pas dix-sept mais dix-neuf signatures : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/08/12/p...
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
10/07/2024
le Parlement, il fait naître le plus d’épines qu’il peut
... Paroles prophétiques sans attendre leur réalisation dès la rentrée officielle du 18 juillet . On va voir de vilaines passes d'armes . Et de formidables preuves d'hypocrisie .
« Au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally
et à
Jeanne-Louise Pavée de Provenchères de Rochefort d'Ally
1er janvier [1709]
Je présente mes tendres et sincères respects au couple aimable qui a honoré de sa présence pendant quelques jours l’ermitage d’un vieux solitaire malingre. Je ne leur souhaite point la bonne année, parce que je sais qu’ils font les beaux jours l’un de l’autre. On ne souhaite point le bonheur à qui le possède et à qui le donne.
Je me flatte qu’un jour Dix-huit-ans 1 sera le meilleur comme le plus bel appui de la bonne cause. La raison et l’esprit introduiront leur empire dans le Gévaudan, et on sera bien étonné. La bonne cause commence à se faire connaître sourdement partout, et c’est de quoi je bénis Dieu dans ma retraite. J’achève ma vie en travaillant à la vigne du Seigneur, dans l’espérance qu’il viendra de meilleurs apôtres, plus puissants en œuvres et en paroles.
Quoiqu’on dise à Paris que la fête de la Présentation de Notre-Dame 2 doit se célébrer au commencement de janvier, je n’en crois encore rien : car à qui présenter ? à des vierges ? Cela ne serait pas dans l’ordre.
On parle de grandes tracasseries. Je ne connais que celles de Corse. Elles ne réussissent pas plus dans l’Europe que le Tacite de La Bletterie en France. Mais le mal est médiocre ; et, après la guerre de 1756, on ne peut marcher que sur des roses. Pour le Parlement, il fait naître le plus d’épines qu’il peut. »
1 Surnom de Mme de Rochefort qui a dix-huit ans. Sur son mariage, voir lettre du 20 avril 1767 au chevalier Rochefort : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/10/23/toutes-les-choses-de-ce-monde-n-atteignent-pas-a-leur-but-il-6407923.html
2 Pour comprendre ce passage, il faudrait savoir ce que le comte de Rochefort avait écrit à Voltaire. (Beuchot.) — Il s’agit sans doute de la présentation de la Du Barry à Versailles. (Georges Avenel.)
Voir lettre du même jour à Mme Denis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/07/09/vous-ferez-l-usage-que-vous-croirez-le-plus-convenable-tout-6506351.html
10:12 | Lien permanent | Commentaires (0)