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09/01/2025

Vous ne sauriez croire quelle considération le ministère de France a chez l’étranger

... Effectivement, je n'en crois rien, ça se saurait .

Qui est Jean-Noël Barrot et que fait-il ?https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/les-ministres/jean-noel...

Demandez aux manchots

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

7 juillet 1769 1

Rien n’est plus sûr, mon cher ange, que les lettres de Lyon . Vous pouvez d’ailleurs les adresser à M. Lavergne, banquier, ou à M. Schérer, aussi banquier, tantôt l’un, tantôt l’autre. Cela est inviolable et inviolé, et je vous en réponds sur ma vieille petite tête.

Permettez-moi de réfuter quelques petits paragraphes de votre exhortation du 29 de juin 2, en me soumettant à beaucoup de points.

Les sermons du Père Massillon sont un des plus agréables ouvrages que nous ayons dans notre langue. J’aime à me faire lire à table ; les anciens en usaient ainsi, et je suis très ancien. Je suis d’ailleurs un adorateur très zélé de la divinité ; j’ai toujours été opposé à l’athéisme . J’aime les livres qui exhortent a la vertu 3, depuis Confucius jusqu’à Massillon ; et sur cela on n’a rien à me dire qu’à m’imiter. Si tous les conseils des rois de l’Europe étaient assemblés pour me juger sur cet article, je leur tiendrais le même langage, et je leur conseillerais la lecture à dîner, parce qu’il en reste toujours quelque chose ; et qu’il ne reste rien du tout des propos frivoles qu’on tient dans ces repas, tant a Rome qu’à Paris.

Quant à l’histoire dont vous me parlez, mon cher ange, il est impossible que j’en sois l’auteur ; elle ne peut être que d’un homme qui a fouillé deux ans de suite dans des archives poudreuses. J’ai écrit sur cette petite calomnie, qui est environ la trois-centième, une lettre à M. Marin 4, pour être mise dans le Mercure, qui commence à prendre beaucoup de faveur. Je sais, à n’en pouvoir douter, que cet ouvrage n’a pas été imprimé à Genève, mais à Amsterdam, et qu’il a été envoyé de Paris. Je sais encore qu’on en fait deux éditions nouvelles avec additions et corrections, car je suis fort au fait de la librairie étrangère

Il est bon, mon cher ange, que l’on fasse imprimer, sans délai, jour et nuit, sans perdre un moment, ces Guèbres, sur lesquels je pense précisément comme vous. On me les a dédiés dans le pays étranger, et on me loue, dans l’épître, d’aimer passionnément la tolérance, et de respecter beaucoup la religion ; cela fait toujours plaisir.

On a fait deux nouvelles éditions du Siècle de Louis XIV et de Louis XV. On m’a envoyé d’Angleterre une belle médaille d’or de l’amiral Anson, en signe de reconnaissance du bien que j’ai dit de ce grand homme 5, avec la vérité dont je suis assez partisan.

On dit que nous allons voir une petite histoire de la guerre de Corse 6. Je suis bien fâché que M. de Chauvelin n’ait pas été à la place de M. de Vaux 7. Vous ne sauriez croire quelle considération le ministère de France a chez l’étranger, ou plutôt vous le savez mieux que moi. Faire un pape, gouverner Rome, prendre un royaume en vingt jours, ce ne sont pas là des bagatelles. Tout languissant et tout mourant que je suis, je pourrais bien ajouter un chapitre 8 au Siècle de Louis XV.

Je prends la plume, mon cher ange, pour vous dire que j’ai su que vous cherchiez quelque argent. Je n’ai actuellement que dix mille francs dont je puisse disposer à Paris . Les voilà 9. Agréez le denier de la veuve. Je suis très affligé du dérangement de la santé de Mme d’Argental. Dites-moi de ses nouvelles, je vous en conjure.

N’admirez-vous pas comme j’écris lisiblement quand j’ai une bonne plume ?

À l’ombre de vos ailes, mes anges. 

V.»

1 Les deux derniers paragraphes et l'initiale sont autographes .

2 Qui, pas plus que les autres lettres de d'Argental ne nous est parvenue .

3 Cette phrase et la précédente illustrent l'attitude de V* à l'égard de la religion telle qu'il l'exposera, notamment dans l'Histoire de Jenni : https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Histoire_de_Jenni_ou_le_Sage_et_l%E2%80%99Ath%C3%A9e

5 V* consacre un chapitre entier de l'Essai sur les Mœurs à la navigation autour du monde de l'amiral Anson : page 312- : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome15.djvu/322

6 Je pense que Voltaire veut parler de l’ouvrage de Boswell, dont il parut deux traductions en 1769 : l’une intitulée Relation de l’île de Corse, un volume in-8° ; l’autre, État de la Corse, deux volumes in-12. (Beuchot.)

James Boswell : « An Account of Corsica », 1768 ; traductions parues coup sur coup, l'une de S.D.C (Seigneux de Correvon) sous le titre d'Etat de la Corse, 1768, l'autre de J.-P.-I. Dubois sous le titre de Relation de l'île de Corse, 1769 .

7 Le comte de Vaux vient d'être envoyé en mission d'inspection des armées .

8C'est ce qu'il fit ou était en train de faire, dans le volume XII de l'édition quarto ; l'addition forme l'actuel chapitre XI. : De la Corse parut, pour la première fois, en 1769, dans l’édition in-4° du Précis du Siècle de Louis XV ; voir page 406 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome15.djvu/416

9En 1774 le prêt n'est toujours pas remboursé ; voir les lettres de V* à d'Argental des 14 , 23 et 25 septembre 1774 :

http://www.monsieurdevoltaire.com/2016/06/correspondance-annee-1774-partie-17.html

http://www.monsieurdevoltaire.com/2016/06/correspondance-annee-1774-partie-18.html

08/01/2025

Auriez-vous le mémoire de la chambre des comptes ? Je m'y intéresse . On dit qu'il est très bien fait

...  Paroles de M. Lombard, ministre - tout neuf - de l'Economie :

https://www.forbes.fr/business/budget-2025-lombard-lance-...

Va-t-il lire tout ça ? https://paperjam.lu/article/budget2025-cour-comptes-critiq

Ce n'est pas de trop  , un homme averti en vaut deux , et doit travailler pour deux, parait-il, ce qui est recommandé quand on accumule autant de retard ; mémoire pas rassurant .

 

 

 

« A Marie-Louise Denis

rue Bergère, vis-à-vis l'hôtel

des Menus

à Paris

7è juillet 1769 [de Ferney]1

J'ai envoyé, ma chère amie, à M. Lefèvre, une lettre assez instructive 2 qui montre l’impossibilité que l'homme en question soit l'auteur du livre qu'on lui attribue . Je crois qu'il vous montrera cette lettre, elle ne met pas à la chose plus d'importance qu'il en faut .

Auriez-vous le mémoire de la chambre des comptes ? Je m'y intéresse . On dit qu'il est très bien fait. J'ai prié M. de Nicolay 3 d'avoir la bonté de permettre qu'on m'en envoyât un exemplaire .

À l'égard de M. d'Argental, je puis tirer du peu d'argent que j'ai placé, dix mille livres que je lui prêterai . Cela me gênera, et j'y perdrai un intérêt que certainement je ne lui redemanderai pas ; mais je croirai gagner beaucoup en le prévenant par cette marque d'amitié . Je vais lui en écrire 4.

Ce serait bien dommage qu'on ne jouât pas Les Guèbres . Cramer a bien pleuré en lisant cette pièce . Du moins on l'imprimera, et cela fera une bonne diversion .

Lekain va, dit-on, aux eaux 5 ; on ne pourra pas jouer Les Scythes ; c'est un très petit malheur .

Je vous recommande toujours vos affaires, ma chère amie ; il ne faut point se lasser de faire des instances à M. de La Sourdière . Si on ne presse pas l'affaire de la succession cet argent ne sera touché que par vos arrières-neveux .

À l'égard de mes petites affaires j'espère qu'elles iront bien de toutes les façons . Mais la meilleure de toutes serait d’achever ma vie auprès de vous .

Je n'ai point entendu parler de ces lettres que la Duchesne voulait publier 6.

J'attends M. le marquis de Jaucourt dans quelques jours . Ce sera probablement la dernière fois que j'ouvrirai ma porte .

On a fait deux nouvelles éditions du Siècle de Louis XV. Peut-être serait-il à propos que j'en fisse présenter une au roi . Cela est dans le département de M. de Saint-Florentin . Cela est aussi dans celui du premier gentilhomme d'année . Il serait à désirer qu'une de ses amies 7 pût aimer un peu la lecture, et surtout celle d'un livre qui est plein de la gloire d'un homme à qui elle est attachée . Mais on craint toujours de faire de fausses démarches dans le pays qu'elle habite . Bonsoir ma chère amie, je vous aimerai jusqu'à ce que je ne sois plus .

V. »

1 Original, dernière phrase et initiale autographes ; cachet «  de Lyon ». Date complétée par Mme Denis .

5 Lekain devait effectivement passer le mois d'août et de septembre à Bagnères-de-Bigorre .

6 On trouvera d'autres détails sur cette publication projetée, mais qui n'eût pas lieu , dans les lettres du 7 juillet 1769 à Wargemont ( datée par erreur du 1er : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/09/correspondance-annee-1769-partie-20.html ) et 22 juillet à d'Argental ( http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/09/correspondance-annee-1769-partie-24.html ).

7  Mme Du Barry.

07/01/2025

La multitude des ouvrages inutiles est si immense que la vie d’un homme ne pourrait suffire à en faire le catalogue ... il en est ainsi de presque toutes les choses de ce monde

... Les biographies de Jean-Marie Le Pen feront-elles partie du lot alors que son encombrante carcasse va enfin cesser de polluer le pays ?

 

 

« A François-Louis-Claude Marin

5è juillet 1769 à Ferney 1

Vous savez, monsieur, que, vers la fin de l’année passée, il parut une brochure intitulée Examen de la nouvelle Histoire d’Henri IV, par M. le marquis de B*** 2.

On est inondé de brochures en tout genre ; mais celle-ci se distinguait par un style brillant, quoique un peu inégal. Le titre porte qu’elle avait été lue dans une séance d’académie, et cela était vrai. De plus, tout ce qui regarde l’histoire de France intéresse tous ceux qui veulent s’instruire, et ce qui concerne Henri IV est très précieux. On traitait, dans cet écrit, plusieurs points d’histoire qui avaient été jusqu’ici assez inconnus.

1° On y assurait que le pape Grégoire XIII n’avait pas reconnu la légitimité du mariage de Jeanne d’Albret et d’Antoine de Bourbon, père d’Henri IV ;

2° Que cette même Jeanne d’Albret avait pris la qualité de majesté fidélissime ;

3° On affirmait que Marguerite de Valois eut en dot les sénéchaussées de Quercy et de l’Agénois, avec le pouvoir de nommer aux évêchés et aux abbayes de ces provinces.

Il y avait beaucoup d’anecdotes curieuses, mais dont la plupart se sont trouvées fausses par l’examen que M. l’abbé Boudot 3 en a bien voulu faire 4.

Ce qui me choqua le plus dans cette critique fut l’extrême injustice avec laquelle on y censure l’ouvrage très utile et très estimable de M. le président Hénault.

Ce fut pour moi, vous le savez, monsieur, une affliction bien sensible quand vous m’apprîtes que plusieurs personnes me faisaient une injustice encore plus absurde, en m’attribuant cette même critique, dans laquelle il y a des traits contre moi-même. Je demandai la permission à M. le président Hénault de réfuter cet ouvrage, et je priai M. l’abbé Boudot, par votre entremise, de consulter les manuscrits de la Bibliothèque du roi sur plusieurs articles. Il eut la complaisance de me faire parvenir quelques instructions ; mais le nombre des choses qu’il fallait éclaircir était si considérable, et cette critique fut bientôt tellement confondue dans la foule des ouvrages de peu d’étendue, qui n’ont qu’un temps, enfin je tombai si malade, que cette affaire s’évanouit dans les délais.

Elle semble aujourd’hui se renouveler par une nouvelle Histoire du Parlement, qu’on m’attribue. Je n’en connais d’autre que celle de M. Le Paige 5, avocat à Paris, divisée en plusieurs lettres, et imprimée sous le nom d’Amsterdam en 1754.

Pour composer un livre utile sur cet objet, il faut avoir fouillé, pendant une année entière au moins, dans les registres ; et quand on aura percé dans cet abîme, il sera bien difficile de se faire lire. Un tel ouvrage est plutôt un long procès-verbal qu’une histoire.

Si quelque libraire veut faire passer cet ouvrage sous mon nom, je lui déclare qu’il n’y gagnera rien, et que, loin que mon nom lui fasse vendre un exemplaire de plus, il ne servirait qu’à décréditer son livre . Il y aurait de la folie à prétendre que j’ai pu m’instruire des formes judiciaires de France, et rassembler un fatras énorme de dates, moi qui suis absent de France depuis plus de vingt années, et qui ai presque toujours vécu, avant ce temps, loin de Paris, à la campagne, uniquement occupé d’autres objets.

Au reste, monsieur, si on voulait recueillir tous les ouvrages qu’on m’impute, et les mettre avec ceux que l’on a écrits contre moi, cela formerait cinq à six cents volumes, 6 dont aucun ne pourrait être lu, Dieu merci.

Il est très inutile encore de se plaindre de cet abus, car les plaintes tombent dans le gouffre éternel de l’oubli avec les livres dont on se plaint. La multitude des ouvrages inutiles est si immense que la vie d’un homme ne pourrait suffire à en faire le catalogue.

Je vous prie, monsieur, de vouloir bien permettre que ma lettre soit publique pour le moment présent, car le moment d’après on ne s’en souviendra plus ; et il en est ainsi de presque toutes les choses de ce monde.

J'ai l'honneur d'être,etc.

V. »

1 Copie par Wagnière ; éd. « Lettre de M. de V. à M. Marin, secrétaire général de la librairie », Mercure de France, juillet 1769, II, 220-224, d'après laquelle est faite une copie qui invente formule et signature .

2 Sur cet ouvrage de Bélestat, signalé à V* par d'Alembert vers la mi-juin 1768, voir lettre du 13 septembre 1768 à Hénault : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/03/26/m-6491423.html

4 En réponse à la lettre du 2 novembre 1769 . La liste des questions posées par Voltaire est conservée dans les papiers des éditeurs de Kehl ; voir lettre du 31 octobre 1768 à Hénault : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/05/10/en-fait-d-ouvrages-de-gout-il-ne-faut-jamais-repondre-en-fai-6497711.html

6 Le nombre des ouvrages de ce genre n'est pas petit, en effet ; on en aura une idée par J. Vercruysse, « Bibliographie des écrits français relatifs à Voltaire, 1719-1830 », Studies on Voltaire, 1968.

Il nous fallait un fou, et j’ai peur qu’on ne nous ait donné un homme sage

... Un fou d'audace ? Bayrou ? Je n'ose le confirmer .

https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-edito-politique/edito-rentree-politique-2025-francois-bayrou-les-ingenieurs-du-chaos-et-les-idiots-utiles_6980915.html

 

 

 

« A Charles Bordes

5è juillet 1769

Mon cher ami, mon cher philosophe, vos lettres valent beaucoup mieux que tous les rogatons que je vous ai envoyés. J’aurais dû être un peu moins votre bibliothécaire, et un peu plus votre correspondant. Je serais bien curieux de savoir la vérité de l’histoire de votre médecin italien . J’ai peur qu’il ne soit doublement charlatan. S’il lui prenait fantaisie de voir Genève, je vous avoue que je serais curieux de m’entretenir avec lui.

Je ne sais pas trop ce que sera le cordelier Ganganelli ; tout ce que je sais, c’est que le cardinal de Bernis l’a nommé pape, et que par conséquent ce ne sera pas un Sixte-Quint. C’est bien dommage, comme vous le dites, qu’on ne nous ait pas donné un brouillon. Il nous fallait un fou, et j’ai peur qu’on ne nous ait donné un homme sage. Plût à Dieu qu’il ressemblât au pontife de la tragédie que je vous envoie ! Les abus ne se corrigent que quand ils sont outrés. Je vous demande en grâce de ne montrer cette tragédie à personne avant de m’en avoir dit votre avis. Elle ne sera pas jouée sans doute, car les magistrats ne sont pas encore assez raisonnables, et il n’y a point d’acteurs. Tout tombe en décadence, excepté l’opéra-comique, qui soutient la gloire de la patrie.

Adieu, mon cher ami . Dites-moi votre avis, gardez-moi le secret et aimez-moi. »

06/01/2025

il y a des expressions très peu mesurées

... dans les propos de Marine Le Pen à Mayotte , l'éternelle donneuse de leçons et mouche du coche plus souvent qu'à son  tour : https://www.francetvinfo.fr/meteo/cyclone-ouragan/cyclone...

 

 

« Au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally

Ferney 3 juillet 1769 1

J’ai reçu, monsieur, l’honneur de la vôtre du 25 juin. Je suis bien persuadé que le médecin Bigot 2 vous guérira un jour de cette maladie que vous appelez la peste 3. Votre tempérament est excellent, et je souhaite passionnément que le médecin s’affectionne à son malade. J’ai reçu quelquefois des lettres de madame Bigot 4, qui ne me paraissait point du tout embarrassée.

À propos de médecin, j’avais écrit il y a deux ans à M. de Sénac 5, sur les bontés de qui j’ai toujours compté. Il s’agissait d’un jeune homme de mes parents 6, mousquetaire du roi, à qui on avait fait une opération bien douloureuse. M. de Sénac me manda qu’il ne croyait pas qu’il y eût de remède ; il ne s’est pas trompé : le jeune homme est mort dans de cruelles douleurs.

Vous voyez donc quelquefois M. le duc de La Vallière ? c’est un des plus aimables hommes du monde, et qui ne laisse pas d’être philosophe. Je ne lui écris point du fond de ma solitude, mais je lui suis toujours très tendrement attaché.

Je voudrais bien, monsieur, que vous fussiez chef de brigade dans la compagnie Écossaise 7 ; celui qui la commande 8 n’est pas fier comme un Écossais ; mais heureux les Français qui lui ressemblent un peu ! on n’a point plus d’esprit et de raison. Je ne connais point les Lettres Hébraïques  9; mais, selon ce que vous me mandez, il n’y a qu’à faire lire la Bible à l’auteur pour y répondre. L’impotent convulsionnaire a mal pris son temps pour faire opérer sur lui un miracle ; la mode en est passée, le pauvre est venu trop tard.

Je suis bien fâché que la famille de ce pauvre Morsan soit si impitoyable. Il faut espérer que sa bonne conduite et le temps adouciront ses malheurs et le cœur de ses parents. Je lui ai dit, monsieur, de quelles bontés vous l’avez honoré ; il y est sensible comme il le doit : je vous présente ses très humbles remerciements et les miens.

Je viens de lire l’histoire 10 dont vous me faites l’honneur de me parler. Elle est sûrement d’un jeune homme qui quelquefois a été assez modeste pour imiter mon style ; on m’a dit que c’est un jeune maître des requêtes ; mais je n’en crois rien. Quoi qu’il en soit, ceux qui m’imputent cet ouvrage sont bien injustes. Il est évident que l’auteur a fouillé dans de vieilles archives dont je ne puis avoir la moindre connaissance, étant hors de Paris depuis plus de vingt ans. Ainsi, loin de prétendre que l’auteur a dit ce que d’autres avaient rapporté avant lui, il faut avouer au contraire qu’il a avancé des choses que personne n’avait jamais dites ; comme, par exemple, les emprunts de Louis XII et de François Ier. Cela ne se peut trouver que dans des registres que je n’ai jamais vus. D’ailleurs je trouve que sur la fin il y a des expressions très peu mesurées. M. de Bruguières 11 est fort méchant et fort dangereux. Je compte bien que vous aurez la bonté, ainsi que M. d’Alembert, de confondre la calomnie qui a la cruauté de m’imputer un tel ouvrage.

Vous connaissez mon très tendre attachement, qui ne finira qu’avec ma vie.

V. »

1 La lettre du chevalier n'est pas connue .

3 Le duc de Villeroi, capitaine des gardes du corps.

4 La duchesse de Choiseul.

5 Cette lettre manque, mais voir lettre du 18 juillet 1768 à Chennevières : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/08/22/la-poste-manque-tres-souvent-6457716.html

6 Daumart .

7 Le plus ancien régiment des garde-du-corps, la compagnie Écossaise était la première des quatre compagnies des gardes du corps. Son capitaine était le duc de Noailles ; le duc d’Ayen, son fils, avait la survivance. (Beuchot.)

8 Le duc de Noailles .

9 Antoine Guénée, Lettres de quelques juifs portugais et allemands à M. de Voltaire : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61352438/

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Gu%C3%A9n%C3%A9e

et : http://www.corpusetampois.com/cle-18-gueneedewingler.html

11 Si on rapproche cette désignation de « M. de Bruguières » de celle qu'on trouve de « MM. De Bruguières » dans la lettre du 28 juillet 1769 adressée au même destinataire, on est amené à penser qu'il s'agit du Parlement . http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/09/correspondance-annee-1769-partie-25.html

 

 

05/01/2025

Personne ne sait ce qui lui arrivera demain . On ne vit que de probabilités, d’espérances et de craintes

... Redoutablement vrai !

 

« A Marie-Louise Denis

3 juillet [1769] 1

Ma chère nièce, si ma triste lettre du 19 juin ne vous a pas déplu, la vôtre du 25 2 m'a bien consolé . Je ne puis vous rien dire à présent de ma destinée, sinon qu’elle est de vous aimer . Personne ne sait ce qui lui arrivera demain . On ne vit que de probabilités, d’espérances et de craintes .

Si Mme la duchesse d'Aiguillon me fait une injustice si dangereuse 3, il est clair que d'autres me la feront .

Il n'est pas moins clair qu'étant absent de Paris depuis vingt ans il est impossible que 4 j'aie fouillé dans les registres du Parlement et il est certain qu'il faut les avoir consultés pour avoir déterré des anecdotes dont aucun historien, aucun recueil des ordonnances, ne font mention, en un mot quiconque sera juste ne pourra m'attribuer cet ouvrage . Mais le nombre des justes est petit : c'est celui des élus .

Les belles-lettres ont été ma seule consolation . Ce livre est tout le contraire des belles-lettres . Je devine qui en est l'auteur, mais je ne veux pas imiter 5 Mme d’Aiguillon qui accuse les gens sur des conjectures .

Je suis bien sûr que votre neveu, à qui vous aurez fait connaître la force de mes raisons, les fera sentir à ses confrères dans l'occasion .

Messieurs auraient tort de vexer le seul qui a dit d'eux :

Il est dans ce saint temple un sénat vénérable

Qui des lois de son prince est l'organe et l’appui,

Marche d'un pas égal entre son peuple et lui ,6

etc.

Henriade, ch. IV.

S’il dirige sa marche contre moi, il aura tort .

Je sais à n’en pouvoir douter que ce live a été imprimé à Amsterdam chez Marc-Michel Rey . Il a demandé la permission de le faire entrer en France . C'est un fait dont M. Marin m'a instruit . Je sais encore qu'il en fait une autre édition dans laquelle on dit qu'il y a beaucoup de corrections et d’additions . Il y a, dans celle que j'ai vu depuis cinq ou six jours, quelques expressions peu mesurées que j'aurais conseillé à l'auteur de réformer .

Voilà tout ce que je sais de cette histoire .

Je suis à peu près comme M. de Pourceaugnac à qui on veut faire accroire qu'il a épousé trois ou quatre femmes 7  . On met plus d'ouvrages sur mon compte qu'on ne mit de femmes sur le compte de Pourceaugnac .

Je sais fort bien que les calomnies les moins fondées peuvent avoir des effets très désagréables . Ainsi je ne puis guère assurer en quel coin de ce globe j'achèverai ma vie . Ma santé s'affaiblit tous les jours et l'âge avance .

Les Guèbres sont un petit amusement . Cela est du moins préférable à la malheureuse insipidité dans laquelle la plupart de mes confrères les humains achèvent leur carrière .

Je crois vous avoir déjà mandé que le trésorier de M. le duc de Virtemberg n'en usait pas avec moi d'une manière insipide . Il m'a joué d'un tour de maître Gonin qui m’embarrasse beaucoup, et qui me met hors d'état de prendre aucun parti jusqu'au mois d'octobre . Ainsi, vous voyez, ma chère nièce, que j'ai plus d'une affaire . Il me semble qu'avec la santé rien n'embarrasse . Mais quand on est malade, le moindre fardeau est bien lourd . Ils me seront tous fort légers si vous m'aimez autant que je vous aime. Adieu, je vous embrasse bien tendrement .

V. »

1 Manuscrit olographe avec deux lapsus ; voir les notes 4 et 5 . La date est complétée par Mme Denis .

2 Cette lettre n'est pas connue .

3 Cette injustice consistait à dire que V* était l’auteur de l'Histoire du Parlement de Paris et l'avait écrit à l'instigation du ministère . Voir J.-H. Brumfitt, Voltaire Historian, 1958 . La source de cette dernière rumeur semble être dans les Mémoires secrets ( 17 juillet 1769).

4Ces quatre mots sont ajoutés au dessus de la ligne .

5 Mot suivi sur ms. de l'auteur biffé .

6 La Henriade, chant IV, v. 374, 376-377, inexactement cités : https://fr.wikisource.org/wiki/La_Henriade/Chant_4

7Molière, Monsieur de Pourceaugnac, II, sc. 8 : https://libretheatre.fr/monsieur-de-pourceaugnac-de-moliere/

04/01/2025

dire ce qu'il pense des ruines de Palmyre

... Posera-t-on la question à Ahmad al-Chareh ?

https://www.francetvinfo.fr/monde/syrie/chute-de-bachar-a...

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Plus jamais ça ? Pas d'E.I. renaissant ?

https://www.france24.com/fr/20150825-syrie-palmyre-ei-exh...

 

 

« A Pierre-Michel Hennin

A Ferney lundi 3 juillet 1769

L'ermite de Ferney se laisse aller demain mardi à une horrible débauche . Il a l'audace de donner un petit dîner à un jeune antiquaire 1 qui lui a paru très aimable . Monsieur Hennin veut-il en cette qualité nous honorer de sa présence, et dire ce qu'il pense des ruines de Palmyre ? Le solitaire lui montrera une belle médaille moderne 2 ; il jugera si elle est digne de l'Antiquité . Le dit solitaire lui présente son très tendre respect . »

1 Ce passionné d'Antiquité n'est pas connu .