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22/08/2022

J'espère que mon boiteux de procureur, grâce à vos soins, me fera rendre justice .

...  Souhait de Dupond Moretti face aux membres du gouvernement , plus ministre qu'homme de bien, d'un seul coup plus procureur qu'avocat : https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/karting-a...

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« A Alexandre-Marie-François de Paule de Dompierre d'Hornoy, Conseiller au Parlement

rue d'Anjou au Marais

à Paris

12è mars [1767] à Ferney 1

Si vous n’êtes pas turc, mon cher magistrat, je vous ai autant d'obligation qu'au bon Turc, votre oncle . Il me paraît que vous entendez tous deux fort bien les affaires, surtout quand il s'agit de tirer les gens d'embarras . J'espère que mon boiteux de procureur, grâce à vos soins, me fera rendre justice .

Criez bien tous en faveur des Sirven, mes chers parents et amis . Le rapporteur est aussi bien disposé que vous-même. Les Calas et les Sirven seront deux bonnes époques .

Criez aussi en faveur de Bélisaire, c'est un bon homme, un brave soldat, l'aveugle le plus clairvoyant qu'il y ait au monde .

M. d'Hermenches, très bien connu de M. et Mme de Florian, dit qu'il vient de jouer Les Scythes à Lausanne avec un très grand succès . Nous les jouerons dans quatre jours sur notre petit théâtre . On va les donner à Genève et à Lyon . A l'égard de Paris, je ne m'en mêle point.

Pardon de ma courte lettre, mais je vais à la répétition, et ce n'est pas sans vous embrasser tous avec la plus grande tendresse .

V. »

1 On peut juger du ton des échanges entre Paris et Genève à cette époque par une copie de la main de Wagnière intitulée : « Extrait de la lettre de M. le duc de Choiseul à M. Hennin du 12è février 1767 » :

« Vous pouvez, monsieur, faire savoir aux représentants que la cour a trouvé très mauvais que vous vous soyez chargé de recevoir par la main des commissaires une pièce dont le défaut essentiel est de n'exprimer rien, et d’oser se prévaloir d'un témoignage aussi faux que celui de leur conscience pour attester leur innocence, ce qui équivaut à nous taxer d'injustice ; qu'elle vous a défendu absolument de rien recevoir dorénavant de la part des représentants, qu'au surplus, ce n'est point par les mots ni par des démarches vaines et sans effets qu'ils peuvent espérer de fléchir Sa Majesté, justement indignée de toutes les manœuvres de quelques uns d'entre eux dont ils ont eu la faiblesse de suivre les pernicieux conseils . Que tant que leur aveuglement subsistera et qu'ils continueront de donner leur confiance à des gens pleins de passions et de vues particulières, qui dans plusieurs écrits séditieux ont eu la témérité de calomnier devant eux les intentions généreuses et bienfaisantes des médiateurs, Sa Majesté les regardera tous comme coupables des mêmes complots, qu'ils doivent savoir ce qu'ils ont à faire pour mériter qu'elle leur rende ses bonnes grâces, et que ce n'est pas à vous à leur donner des conseils là-dessus . »

Voir : https://archives.bge-geneve.ch/ark:/17786/vta5bab611e4646...

et : https://data.bnf.fr/fr/see_all_activities/10126091/page1

21/08/2022

il y a près de vingt ans que les indignes persécutions que j’ai essuyées pour tout fruit de mes travaux m’ont fait renoncer à ma patrie

... Il serait bon que cela ne se produise plus de nos jours, qu'on endigue la redoutable fuite des cerveaux français , nous n'en aurons jamais trop .

 

 

« A Henri-Louis Lekain

11 mars 1767 à Ferney 1

Mon cher ami, je sors d’une grande répétition des Scythes. Le cinquième acte est sans contredit celui de tous qui a fait le plus d’effet théâtral ; mais il demande de terribles nuances. Le couplet d’Athamare quand il encourage Obéide à le frapper, prononcé de la manière dont vous le direz, avec courage, avec noblesse, avec un air de maître, contribue beaucoup au succès. La scène du père et de la fille, l’air morne, recueilli, douloureux et terrible, qu’Obéide y conserve toujours avec son père, fait de cette scène même une des plus attachantes . La curiosité et l’effroi saisissent toute l’assemblée. Ce cinquième acte vient de faire le même effet à Lausanne . C’est celui de tous qui a le plus réussi. On répète la pièce à Genève, on la répète à Lyon dans quatre jours. Vous voyez qu’il est de toute impossibilité d’attendre après Pâques . Le libraire de Paris serait prévenu par les libraires de province et par ceux de Suisse. Si j’étais à Paris, vous ne seriez pas exposé à ces inconvénients ; mais il y a près de vingt ans que les indignes persécutions que j’ai essuyées pour tout fruit de mes travaux m’ont fait renoncer à ma patrie. C’est à Fréron et Coqueley, son approbateur, à triompher dans Paris.

Voici un petit résumé de tous les changements faits à la pièce, afin que, s’il en est échappé quelqu’un dans votre copie, vous puissiez aisément le remplacer. Au reste, vous sentez bien que tout dépend de votre santé : il ne faut pas vous tuer pour des Scythes. Tout dépend surtout de la santé de madame la dauphine, et on n’a pas besoin d’un tel motif pour souhaiter son rétablissement. Je vous embrasse bien tendrement.

N. B. -- Mlle Dubois s’est plainte à moi ; elle a cru que vous m’aviez engagé à la priver du rôle d’Obéide ; je l’ai détrompée comme je le devais. 



Acte premier

des Scythes

Sozame ne dit point :

Mais je crains que ma fille au désert, etc.

Il dit :

Mais je sens que ma fille, au désert enterrée,

Du faste des grandeurs autrefois entourée,

Dans le secret du cœur pourrait entretenir

De ses honneurs passés l'importun souvenir 2.



Acte second

Obéide ne dit point dans sa première scène avec Sulma :

…............................... Mon père veut un gendre,

C'est dans ses derniers ans un parti qu'il faut prendre.

Elle dit

…........... Mon père veut un gendre,

Il ne commande point ; mais je sais trop l'entendre :

Le fils de son ami doit être préféré,3 etc.

N. B. – Elle ne doit pas en dire davantage .



Acte troisième

Athamare ne finira point la scène avec Obéide par ce vers :

J'obéis : allons voir quel sang je dois répandre .

Il dira :

J'obéis : malheureux, quel sang vas-tu répandre  4?

N. B. – Il faut absolument qu'Athamare sorte avec fureur, sans quoi il n'y aurait plus ni chaleur, ni variété, et il démentirait son caractère violent et emporté .



Acte quatrième

Si on ne veut pas de ce vers :

Il m'entend, il me voit, il revient, il soupire .

qui fait un très grand effet sur tous les théâtres où il a été récité, il n'y a qu'à mettre :

Mon malheur te poursuit ; il revient, il soupire 5.

mais cela est infiniment moins pathétique .



Acte cinquième

La pièce ne finit point par ces deux vers :

Scythes, contentez-vous de ce grand sacrifice,

Et sans être inhumains, cultivons la justice .

Il y a :

Nous sommes trop vengés par un tel sacrifice ;

Scythes, que la pitié succède à la justice ;

(ou bien : )

Scythes, que la pitié remplace la justice 6.

La première scène fait un si grand effet sur tous les théâtres, qu'on ne fera pas l'outrage à celui de Paris de changer un seul mot dans cette scène .

Voilà ce que l'on répond à M. de Thibouville, et ce qu'on prie très instamment monsieur Lekain de vouloir bien faire exécuter ; il serait absurde de retrancher les derniers vers du quatrième acte : Ah ! Laissez-moi mourir, seigneur, sans vous entendre . C'est la seule chose qui puisse faire comprendre aux spectateurs que le père n'a rien expliqué à sa fille entre le quatrième et le cinquième acte .

N. B. – La pièce fait partout un très grand effet, et il est à croire qu'entre les mains de monsieur Lekain , elle en fera un beaucoup plus sensible . Je l'accepte, après un morne silence et trois pas en avant, a été reçu avec frémissement, et des battements de mains qui ne finissaient pas . »

1 L'édition de Kehl s'arrête à la fin du premier Nota bene ; on a ici la version de l’édition Lekain .

2 Les Scythes, acte I, scène 3.

3Les Scythes, acte II, scène 1 .

4Ibid. acte III, sc. 2 , avec de nombreuses modifications .

5Ibid., acte IV, sc. 6.

6 Les Scythes, acte V, scène 5 .

On voit le doigt de Dieu partout

... Ouaff ! ouaff !!

et Dieu créa le chien - Bretzel liquide, humour noir et photos étranges

 

 

« A Antoine-Henri de Bérault-Bercastel 1

11è mars 1767

Non-seulement, monsieur, celui que vous aviez chargé de me faire parvenir votre poème de La Conquête de la terre promise 2 ne m'a point envoyé votre bel ouvrage, mais il ne m'en a point parlé. Une longue maladie à laquelle j'ai été sur le point de succomber a été sans doute la cause de sa négligence .Mon ami ne m'a pas cru capable de juger des vers dans le triste état où j'étais .Je sens tout le prix de ce que j'ai perdu. Rien n'est plus poétique sans doute que les conquêtes de Josué, tout y est prodige, et les miracles font un effet d'autant plus admirable qu'on ne peut pas dire que l'auteur y amène la divinité, comme les poètes grecs qui faisaient descendre un dieu sur la scène, quand ils ne savaient comment dénouer leur intrigue. On voit le doigt de Dieu partout dans le sujet de votre ouvrage, sans que l'intervention divine soit une ressource nécessaire.

Josué pouvait aisément passera à gué le Jourdain, qui n'a pas quarante-cinq pieds de large, et qui est guéable en cent endroits; mais Dieu fait remonter le fleuve vers sa source, pour manifester sa puissance.

Il n'était pas nécessaire que Jéricho tombât au son des cornemuses, puisque Josué avait des intelligences dans la ville par le moyen de Raab la prostituée. Dieu fait tomber les murs, pour faire voir qu'il est le maître de tous les événements. Les Amorrhéens étaient déjà écrasés par une pluie de pierres tombées du ciel ; il n'était pas nécessaire que Dieu arrêtât le soleil et la lune à midi, pour que Josué triomphât de ce peu de gens qui venaient d'être lapidés d'en haut. Si Dieu arrête le soleil et la lune, c'est pour faire voir aux Juifs que le soleil et la lune dépendent de lui.

Ce qui me paraît encore de plus favorable à la poésie, c'est que le sujet est petit, et les moyens grands. Josué ne conquit, à la vérité, que dix-huit lieues de pays mais la nature entière est en convulsion pour le pays d'Éphraïm. C'est ainsi qu'Énée, dans Virgile, s'établit dans un village d'Italie avec le secours des dieux. Le grand avantage que vous avez sur Virgile, c'est que vous chantez la vérité, et qu'il n'a chanté que le mensonge. Vous avez l'un et l'autre des héros pieux, ce qui est encore un avantage. Il est vrai qu'on pourrait reprocher quelques cruautés à Josué, mais elles sont sacrées, ce qui est un grand avantage encore. Jugez, monsieur, quel est mon regret de n'avoir pu lire, dans ma terre non promise, votre poème sur la terre promise, qui me fait concevoir de si grandes espérances.

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. »

 

1 Antoine-Henri Bérault de Bercastel, né près de Metz vers 1720, mort vers 1800, est auteur de la Conquête de la Terre promise, poème, 1766, deux volumes in-8°, et d'autres ouvrages.

Voir : https://data.bnf.fr/fr/see_all_activities/13011353/page1

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine-Henri_de_B%C3%A9rault-Bercastel

L'édition Commentaire historique, très inexacte intitule la lettre :  « Lettre à un ecclésiastique, auteur d'un poème épique sur la conquête de la terre promise, en douze chants, imprimés à Paris, chez Delain libraire rue Saint-Jacques en 1766, avec un privilège du roi ». L'édition de Kehl ajoute le nom de Béraud et la date , mais n'améliore pas le texte

Voir : lettre 6788 à l'abbé Bérault : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut

2 A. -H. de Bérault-Bercastel : La Conquête de la terre promise, 1766 : https://books.google.fr/books?id=VktaAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

Quoi qu'en dise V* cet ouvrage a dû lui être remis car il figure dans sa bibliothèque : https://c18.net/vll/vll_fiche.php?id_vo_vll=351

20/08/2022

Et tu veux me forcer, dans la même journée

... à me pinter sans mesure ? Avec modération ? ou pas ? Vive le fisc ! Banzaï !! : https://www.bfmtv.com/international/le-japon-lance-une-ca...

Tenez bon, amis Nippons, nous avons de quoi vous alimenter !

Ou "Comment lutter contre la surpopulation en une leçon pour les Nuls" : https://fr.news.yahoo.com/tabac-l-alcool-causent-moiti%C3%A9-084749091.html

 

 

« A Henri Rieu

Mardi au matin [10 mars 1767]1

Mon très cher corsaire saura que Mme Denis a été saignée, qu'elle a un violent mal de gorge, et moi aussi . Il est impossible que nous répétions aujourd'hui et que nous puissions envoyer des carrosses à d'autres qu'à des médecins et à des chirurgiens . Tout autre jour sera bon et nous attendrons les dispositions de notre cher corsaire . Il est d'ailleurs d'une nécessité absolue qu'on fasse des répétitions devant moi et je n'ai donné la pièce qu'à cette condition .

Voici encore une petite correction pour le rôle d'Indatire au quatrième acte :

Quoi ! Nous t'avons en paix reçu dans ma patrie,

On t'a donné le droit de l'hospitalité,

Nous te traitons en frère, et ta férocité

Oserait me forcer, dans la même journée,

 

Mettez ainsi ;

Quoi ! Nous t'avons en paix reçu dans ma patrie,

Ton accueil nous flattait : notre simplicité

N'écoutait que les droits de l'hospitalité

Et tu veux me forcer, dans la même journée,2 etc. »

1 La date exacte est fixée par la mention de la saignée de Mme Denis, le 10 mars est bien un mardi ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/08/20/puisse-je-vous-revoir-encore-une-fois-6397043.html

2 Les Scythes, Ac. IV, sc. 2 .

puissé-je vous revoir encore une fois

... chère Mam'zelle Wagnière ! Comment allez-vous ? que faites vous ? où êtes-vous ?

Urgent : Je renouvelle mon appel à tous ceux qui ont des nouvelles de LoveVoltaire, absente depuis plus de deux mois sur MonsieurdeVoltaire . D'avance merci .

 

 

« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

à Lausanne

10è mars 1767

Je suis privé d'un plaisir que je ne retrouverai probablement plus . Je ne puis , mon cher colonel, me joindre à l’assemblée que vous enchantez ; et qui applaudit à Mme d'Hermenches et à vous avec tant de justice . Nous sommes tous malades à Ferney . On vient de saigner Mme Denis . Je suis dans mon lit avec des cataplasmes . Je ne puis donc vous offrir que de loin mes tendres remerciements d'avoir embelli mon radotage .

Mon autre malheur est que vous partiez sans pouvoir passer par Ferney . Je vous souhaite un heureux voyage, puissé-je vous revoir encore une fois avant de quitter ce monde . »

Vous pouvez en croire un homme qui n’a pas la réputation de déguiser ce qu’il pense, qui n’a nulle raison de le déguiser, et qui d’ailleurs est dans un âge où l’on voit de sang-froid tous ces petits orages de la société

... Ami Voltaire, tu es un/mon modèle .

 

 

« A Alexandre-Frédéric-Jacques Masson, marquis de Pezay

9è mars 1767, à Ferney 1.

Je vous répondrai, monsieur, ce que j’ai répondu à M. Dorat, que je ne connais en aucune manière les vers dans lesquels il est maltraité, que personne au monde ne m’a rien écrit sur ce sujet ; et j’ajoute que je consens que vous me regardiez comme un malhonnête homme si je vous trompe. Je vous dirai plus : je n’ai jamais montré à Ferney ni les vers que M. Dorat avait faits contre moi, ni aucune des lettres qu’il m’écrivit depuis, et dans lesquelles la bonté de son cœur réparait, par son repentir, le tort que son imagination m’avait pu faire. Je n’ai pas seulement laissé voir la jolie épître qu’il vient d’adresser à sa muse ; je me suis contenté de goûter la satisfaction de voir avec combien de grâces il guérissait les blessures qu’il avait faites.

Ni Mme Denis, ni M. et Mme Dupuits, ni M. et Mme de La Harpe, qui sont chez moi depuis quatre mois, ni mes deux neveux, conseillers au parlement et au grand conseil, n’ont vu aucune de ces pièces. Les affaires qui regardent Rousseau sont ici trop sérieuses pour qu’elles puissent être des sujets de pure plaisanterie ; et de plus, monsieur, ces plaisanteries étaient trop cruelles pour qu’elles servissent de matière à nos conversations. M. Dorat, sans me connaître, m’avait traité de bouffon dans son Avis aux sages ; il m’avait exposé aux rigueurs du gouvernement en disant qu’on a brûlé des ouvrages qu’on m’attribue ; il finissait enfin par dire qu’il fallait avoir des mœurs.

Des outrages si odieux ne devaient pas être manifestés par moi-même ; j’aurais trop rougi devant la petite-fille du grand Corneille, devant mes amis, et devant ma famille. J’ai dévoré toujours cette injure, et j’ai caché aussi la rétractation.

J’aurais souhaité, sans doute, que M. Dorât rendît cette rétractation publique, comme l’outrage l’avait été. Cette réparation publique était digne d’un homme qui a le cœur bon et sensible, et qui voit qu’il a été trompé, qui revient de son illusion, et qui corrige, avec une noblesse courageuse, l’erreur où il est tombé.

Si quelque homme de lettres de Paris, indigné du tort que l’Avis aux sages pouvait me faire dans la situation critique où se trouvent aujourd’hui les gens de lettres, a repoussé les injures par des injures : si, ne sachant pas que M. Dorat avait réparé entièrement son tort avec moi, il s’est laissé emporter à un zèle indiscret, je désavoue ce zèle, et je vous jure sur mon honneur que je n’en ai rien appris que par M. Dorat lui-même.

Vous sentez bien que, si j’avais écouté les premiers mouvements de mon cœur ulcéré, rien ne m’aurait empêché de faire le public juge de ce différend, et que je pouvais me servir des mêmes armes qu’on avait employées contre moi ; mais je n’en ai pas même eu la pensée ; et il est impossible que cette idée me soit venue après les lettres de M. Dorat, qui m’ont touché sensiblement, qui m’ont fait tout oublier, et qui m’ont inspiré le désir d’avoir son amitié.

Voilà, monsieur, la vérité la plus entière et la plus exacte. M. Dorat doit voir quels fruits amers produisent de pareils écarts. Toute satire en attire une autre, et fait naître souvent des inimitiés éternelles. M. de Pompignan attaqua tous les gens de lettres dans son discours à l’Académie 2; il en a été payé. Je ne connais aucune satire qui soit demeurée sans réponse. Les familles, les amis, entrent dans ces querelles ; c’est le poison de la littérature. J’ai combattu hardiment dans cette arène, et je n’ai jamais été l’agresseur. Mais je vous jure encore une fois que, dans cette affaire-ci, je ne me suis pas seulement défendu ; je vous répète que j’ai été trop content du repentir de M. Dorat, pour avoir sur le cœur le moindre ressentiment. Vous pouvez en croire un homme qui n’a pas la réputation de déguiser ce qu’il pense, qui n’a nulle raison de le déguiser, et qui d’ailleurs est dans un âge où l’on voit de sang-froid tous ces petits orages de la société, qui tourmentent vivement la jeunesse.

Je vous parle avec la plus grande franchise. Soyez très sûr, encore une fois, que je n’ai entendu parler des vers contre M. Dorat que par vous et par lui. Cette affaire est très désagréable, et je ne m’en suis consolé que par les assurances que vous me donnez de votre amitié et de la sienne.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, avec les sentiments les plus vrais et les plus tendres, votre très humble et très obéissant serviteur,

V. »

1 Nous croyons que cette lettre est bien de 1767, et non, comme le dit Beuchot, de 1768. (Georges Avenel.)

19/08/2022

je crois que vous pouvez vous épargner à vous et à vos amis la peine d'apprendre tous ces changements

... No comment : https://www.linternaute.com/actualite/politique/1415513-r...

 

 

« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

7è mars 1767 à Ferney 1

Puisque vous voulez, mon cher colonel, avoir la dernière leçon suivant laquelle on va jouer la pièce à Paris, la voici . Mais je crois que vous pouvez vous épargner à vous et à vos amis la peine d'apprendre tous ces changements . Cette peine ne servirait qu'à troubler et à égarer la mémoire à la veille d'une répétition . C'est une pièce très difficile à jouer. Le rôle d'Obéide surtout, qui déguise ses sentiments jusqu'au milieu du dernier acte, demande beaucoup de travail . Il faut que les acteurs soient bien affermis dans leur rôle pour être à leur aise sur le théâtre .

Vous avez demandé comment on pourrait ajuster la banquette sur laquelle les deux vieillards s’asseyent au premier acte, elle peut aisément occuper le quart de votre théâtre qui est petit comme le nôtre ; et on peut dans l'entracte la glisser dans les coulisses . Le mieux aurait peut-être été de pratiquer deux berceaux à jour sur des montants fort minces, et on aurait mis la banquette sous l'un de ces berceaux.

Vous demandez aussi s'il faut un poignard à ressort pour mettre sur l'autel . Je crois que vous en avez un .

N. B. – Le moment où Athamare entre, au quatrième acte, après avoir tué Indatire, est trop violent pour qu'il parle longtemps . Il n'a pas un moment à perdre .

Si Athamare parlait au moment du sacrifice, il devrait dire à Obéide : Tu te moques de moi, tu dis que tu m'aimes comme une folle, et tu vas me tuer ! il ne doit certainement pas lui dire : J'ai tué ton époux, j'ai fait couler tes pleurs puisqu’elle vient de déclarer qu'elle n’aimait que lui et que, par conséquent, il ne doit pas croire qu'elle ait pleuré un époux qu'elle n'aimait pas .

C'est Cramer qui a lu la pièce à Vincy 2, c'est lui qui l'a imprimée et qui n'en a donné d’exemplaire à personne qu'à moi . Voulez-vous bien avoir la bonté de me dire précisément quel jour vous donnerez ce petit spectacle à vos amis sur le théâtre de Monrepos .

Je vous dirai encore que j'aurais bien voulu faire périr Athamare ; il le mérite bien, mais il n'y a pas moyen de mettre deux coups de poignard sur le théâtre immédiatement l'un après l'autre . Cela est sévèrement défendu par nos lois .

Je me flatte que vous passerez à Ferney en retournant à Paris .

Mille tendres respects .

 

Acte Iièr, scène IIde

Ôtez le premier couplet de cette scène, et mettez celui-ci à la place :

 

Indatire

Cet autel me rappelle en ces forêts si chères 3,

Tu conduis tous mes pas, je devance nos pères .

Je peux lire en tes yeux, entendre de ta voix

Que ton heureux époux est nommé par ton choix .

L’hymen est parmi nous le nœud que la nature

Forme entre deux amants de sa main libre et pure .

Chez les Persans, dit-on, l'intérêt odieux,

Les folles vanités , l'orgueil ambitieux,

De cent bizarres lois la contrainte importune

Soumettent tristement l'amour à la fortune .

Ici le cœur fait tout, ici l'on vit pour soi,

D'un mercenaire hymen on ignore la loi,

On fait sa destinée . Une fille guerrière

De son guerrier chéri court la noble carrière,

Elle aime à partager ses travaux et son sort,

L'accompagne aux combats et sait venger sa mort .

Préfères-tu nos mœurs aux mœurs de ton empire ?

La sincère Obéide aime-t-elle Indatire ?

 

Obéide

Je connais tes vertus, j'estime ta valeur

etc.

 

Acte Vè, scène Ière

….............................................................................

Le cœur du criminel qui ravit son bonheur .

Sozame a-t-il appris à sa chère Obéide

Tout ce que l'on attend de son cœur intrépide ?

 

Obéide

Je n'en apprends que trop .

 

Sozame

Je vous l'ai déclaré

Je respecte un usage en ces lieux consacré.

Mais des sévères lois par vos aïeux dictées

Les têtes de nos rois pourraient être exceptées .

 

Le Scythe

Plus les princes sont grands, et plus sur nos autels

etc.

 

Acte Vè , scène Iide

Qu'il me garde la sienne, il sera trop content .

 

Sozame

Tu me glaces d'horreur.

 

Obéide

Allez, je la partage.

Seigneur, le temps est cher, achevez votre ouvrage.

Laissez-moi m'affermir . Mais surtout obtenez

Un traité nécessaire à ces infortunés.

etc. »

1 L'édition Roulin omet les textes révisés .

2 Le château de Vincy, près de Rolle, est occupé à l'époque par Horace Vasserot : http://www.swisscastles.ch/Vaud/chateau/vincy.html

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Vincy

3 Et non pas en ces forêts-cy chères comme le prote l'édition Besterman.