10/07/2021
Ah ! Ne persécutons point .
... Pas mieux !
« A Gabriel Cramer
[vers le 5 avril 1766]
Voici D , qui voudra connaître Spinoza lise D1 . J'attends E.
J'ai lu le panégyrique delp[h]inois 2 , ce qui m'a fait le plus de plaisir, c'est que le dauphin disait : « Ne persécutons personne 3. » Au reste il savait par cœur la moitié de La Henriade .
J'ai remercié M. de Taulès . Il est l'ami de l'auteur , et moi aussi .
Il y a certainement à la bibliothèque un Éginhard 4 que je n'ai point , et que j'ai besoin de consulter . Je ne sais si ce livre est isolé ou s'il se trouve dans les capitulaires de Charlemagne . Je demande en grâce à M. Caro de vouloir bien me faire avoir Éginhard et de me l'envoyer le plus vite qu'il pourra .
M. de Capperonnier se plaint de ce que la bibliothèque du roi n'a pas les deux derniers volumes des œuvres complètes de V. »
1 On n'a pu retrouver dans quel ouvrage la signature D correspond à une référence à Spinoza ; voir aussi la lettre du même jour à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/08/je-parle-des-honnetes-gens-qui-n-ont-point-de-principes-fixe-6325909.html
2 Il faut lire delphinois, du dauphin, nouveau néologisme ; voir lettre du 1er avril 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/06/m-6325583.html
3 Les termes exacts, rapportés par Thomas sont « Ah ! Ne persécutons point . »
4 La bibliothèque publique et universitaire de Genève possède l'ouvrage d'Eginhard intitulé De vita Carolimagni commentarius, 1755 . Voir : https://data.cerl.org/thesaurus/cnp01318762
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La première chose qu’il faut faire quand on veut écrire, c’est de penser
... J'essaie ! Pour quelques essais transformés, combien de coups de botte en touche ? Ce n'est pas à moi d'arbitrer .
1° - Y penser 2° - Passer outre 3°- Ecrire 4° Y repenser ....
« Au chevalier Pierre de Taulès
À Ferney, 5è avril 1766
Je n’oublierai jamais, monsieur, le discours de M. Thomas , mais j’ai oublié sa demeure, et d’ailleurs je ne peux m’adresser qu’à vous pour le remercier ; de tous ceux qui ont fait l’éloge du dauphin, il est le seul qui m’ait fait connaître ce prince. Je n’ai vu que des mots dans tout ce que j’ai reçu de Paris, en prose et en vers, sur ce triste événement. La première chose qu’il faut faire quand on veut écrire, c’est de penser ; M. Thomas ne s’exprime éloquemment que parce qu’il pense profondément.
À propos de penseur, puis-je vous supplier, monsieur, de présenter mes respects à Son Excellence ? Elle donne des indigestions à tout Genève avant de lui donner une paix inaltérable . J’ose me flatter que quand nous aurons des feuilles, et que vous aurez le temps de prendre l’air, vous voudrez bien donner la préférence à l’air de Ferney . Ce n’est pas assez de faire du bien à des hérétiques, il faut encore consoler les vieux catholiques malades. Je compte hardiment sur vos bontés et sur celles de M. Hennin.
Daignez, monsieur, être sans cérémonie avec votre très humble et très obéissant serviteur.
V. »
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09/07/2021
Je voudrais vous donner bien des causes à soutenir
... Comme les 30km/h à Paris qui est un modèle de fausse bonne idée, les chauffeurs , les yeux rivés sur leurs compteurs, vont devenir des escargots la tête dans la coquille . Mme Hidalgo , écologiste inconséquente, vous vous tirez une balle dans le pied, adieu la présidence , heureusement .
Au fait, en êtes vous, vous et le président en exercice, pour la cause des sans-logis ? L'hiver n'a jamais été si près, savez-vous ? "La misère est moins pénible au soleil" comme chantait le défunt exilé fiscal ; "moins", sans doute , mais "pénible" quand même . Bougez vous les fesses et sortez de vos bureaux climatisés, ça urge !
La construction de stades est-elle plus prioritaire que celle de logements ?
Et le feu d'artifices du 14 juillet ?
« A Jacques Lacombe
Pour vous dédommager, monsieur, du recueil que vous avez bien voulu faire de tout ce qu’une certaine personne a écrit sur la poésie, on vous propose de faire un recueil plus piquant de tous les chapitres un peu philosophiques répandus dans les ouvrages du même auteur 1, en mettant le tout par ordre alphabétique, et en puisant même dans un certain dictionnaire où l’on pourrait trouver, avec discrétion, quelques morceaux curieux.
Vous n’avez point changé de profession : vous serez l’avocat de la philosophie. Je voudrais vous donner bien des causes à soutenir ; mais je suis si vieux qu’il ne m’appartient plus d’avoir de procès.
Comptez, je vous en supplie, sur l’estime et l’amitié de votre très humble et très obéissant serviteur.
V.
5è avril 1766. »
1 Il ne s'agit pas ici des Pensées philosophiques qui sont déjà sous presse ainsi qu'en témoigne la lettre du 11 février 1766 à Contant d'Orville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/29/chaque-siecle-a-ses-vices-dominants-je-crois-que-la-calomnie-6318794.html
Mais la suggestion de V*, quoique apparemment négligée par Lacombe, peut avoir conduit à la sixième édition, corrigée et augmentée de 34 articles par l'auteur du Dictionnaire philosophique, 1767 , laquelle effectivement reprend à peu près la moitié de ces « trente-quatre articles » dans les éditions de 1765 .
18:52 | Lien permanent | Commentaires (0)
Il est bien difficile, de quelque manière qu’on s’y prenne, qu’il ne reste quelque aigreur dans les esprits
... J'élimine à ce sujet les discutailleries politiciennes pour en revenir aux choses vraiment importantes : les Jeux Olympiques . Aigreur chez les sportifs privés de public, et plus encore aigreur, déjà nettement présente, chez nos hôtes nippons qui se retrouvent avec un déficit kolossal ! Où en sera le virus pour les Jeux d'hiver l'an prochain en Chine ( je n'ose pas mettre à Pékin, qui comme chacun sait, est une station de sports d'hiver de réputation mondiale ) ?
Tous mes voeux aux sportifs qui vont défendre leurs couleurs dans une ambiance de catacombes, ou mieux ( ? = pire ) de flicage permanent . Les Grecs n'en reviendraient pas !
https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/07/08/covid-1...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
5è avril 1766
Jusques à quand abuserai-je des bontés de mes anges ? Voilà l’historien 1 de François Ier qui de secrétaire d’un grand monarque veut se faire secrétaire des pairs, et je ne sais où il demeure, et je crains de faire encore une méprise. Je prends donc la liberté de leur adresser ma lettre , et de les supplier de vouloir bien faire mettre l’adresse.
Mes anges connaissent plus de pairs que moi ; je puis à peine le servir ; ils pourront le protéger fortement, en cas qu’ils n’aient pas une autre personne à favoriser.
Je ne sais si je me trompe, mais je prévois que les citoyens de Genève pourront perdre leur cause au tribunal de la médiation. Il est bien difficile, de quelque manière qu’on s’y prenne, qu’il ne reste quelque aigreur dans les esprits. Je suis donc toujours pour ce que j’en ai dit. Je voudrais que la médiation se réservât le droit de juger les différends qui pourront survenir entre les corps de la République. J’ai peur que les médiateurs ne veuillent pas se charger de ce fardeau, fardeau pourtant bien léger et bien honorable. Ce serait, ce me semble, une manière assez sûre d’attacher les Genevois à la France, sans leur ôter leur liberté et leur indépendance. Je sais bien qu’on n’a pas à faire des Genevois ; mais les temps peuvent changer, on peut avoir des guerres vers l’Italie. Je serais fâché de penser autrement que monsieur l’ambassadeur, et je croirais avoir tort ; mais j’aime ma chimère, et je voudrais que M. le duc de Praslin l’aimât un peu aussi.
Dites-moi, je vous prie, mes divins anges, comment réussit l’Éloge de M. le dauphin, par M. Thomas. Il me paraît que [de] tous les ouvrages qu’on a faits sur ce triste sujet, le sien est celui qui inspire le plus de regrets sur la perte de ce prince.
Me sera-t-il encore permis de recourir à vos bontés, non-seulement pour une lettre de remerciements que je dois à M. Thomas , mais pour un petit paquet que M. d’Alembert attend ? Figurez-vous mon embarras : je ne sais l’adresse d’aucun de ces messieurs ; il faut pourtant leur écrire, pardonnez donc mon importunité . Je prendrai dorénavant si bien mes mesures que je ne tomberai plus dans le même inconvénient.
Le petit ex-jésuite attend sa toile de Pénélope, qu’il défait et qu’il refait toujours ; mais songez que c’est pour vous plaire qu’il se plaît si peu à lui-même.
N. B. -- M. d’Alembert ne demeure plus rue Michel-le-Comte, comme on l’avait mis sur la lettre ; c’est, je crois, près de Bellechasse. Encore une fois, pardon. »
1 Gabriel-Henri Gaillard, auteur d'une Histoire de François Ier, roi de France, 1766-1769, dont les quatre volumes viennent de paraître . Il a écrit à V* le 11 février 1766 pour lui annoncer l’envoi de ceux-ci et lui demander ce qu'il pense de son œuvre . Mais il n'est pas question dans cette lettre de la requête dont parle ici V* .
Voir note 6 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome7.djvu/254
et : https://data.bnf.fr/fr/13010406/gabriel-henri_gaillard/
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08/07/2021
je parle des honnêtes gens, qui n’ont point de principes fixes sur la nature des choses, qui ne savent point ce qui est, mais qui savent très-bien ce qui n’est pas : voilà mes vrais philosophes
... "Dans le doute , abstiens-toi" disent certains, et d'autres "commence par agir" . Et moi, je dis "fais-toi vacciner, toi , tes enfants et tes proches !" : voilà mes vrais concitoyens .
Facile à faire .
« A Jean Le Rond d'Alembert
5 avril [1766]1
Mon cher et grand philosophe, dans un fatras de lettres que je recevais par la voie de Genève, mon étourderie a ouvert celle que je vous envoie. Je ne me suis aperçu qu’elle vous était adressée qu’après avoir fait la sottise de la décacheter ; je vous en demande très humblement pardon, en vous protestant, foi de philosophe, que je n’en ai rien lu. J’avais ordonné en général qu’on retirât toutes celles qui vous seraient adressées d’Italie. Je n’ai trouvé que celle-là dans mon paquet ; je me flatte qu’elle n’est pas du pape régnant ; je présume qu’elle est d’un être pensant, puisqu’elle est pour vous.
Il y a peu de ces êtres pensants. Mon ancien disciple couronné me mande 2 qu’il n’y en a guère qu’un sur mille ; c’est à peu près le nombre de la bonne compagnie , et, s’il y a actuellement un millième d’hommes de raisonnables, cela décuplera dans dix ans. Le monde se déniaise furieusement. Une grande révolution dans les esprits s’annonce de tous côtés. Vous ne sauriez croire quels progrès la raison a faits dans une partie de l’Allemagne. Je ne parle pas des impies, qui embrassent ouvertement le système de Spinosa 3, je parle des honnêtes gens, qui n’ont point de principes fixes sur la nature des choses, qui ne savent point ce qui est, mais qui savent très-bien ce qui n’est pas : voilà mes vrais philosophes. Je peux vous assurer que, de tous ceux qui sont venus me voir, je n’en ai trouvé que deux qui fussent des sots. Il me paraît qu’on n’a jamais tant craint les gens d’esprit à Paris qu’aujourd’hui. L’inquisition sur les livres est sévère : on me mande que les souscripteurs n’ont point encore le Dictionnaire encyclopédique. Ce n’est pas seulement être sévère, c’est être très-injuste. Si on arrête le débit de ce livre, on vole les souscripteurs, et on ruine les libraires. Je voudrais bien savoir quel mal peut faire un livre qui coûte cent écus. Jamais vingt volumes in-folio ne feront de révolution ; ce sont les petits livres portatifs à trente sous qui sont à craindre. Si l’Évangile avait coûté douze cents sesterces, jamais la religion chrétienne ne se serait établie.
Pour moi, j’ai mon exemplaire de l’Encyclopédie, en qualité d’étranger et de Suisse. On veut bien que les Suisses se damnent, mais on veille de près, à ce que je vois, sur le salut des Parisiens. Si vous pouviez m’envoyer quelque chose pour achever ma damnation, vous me feriez un plaisir diabolique, dont je vous serais très-obligé. Je ne peux plus travailler, mais j’aime à me donner du bon temps, et je veux quelque chose qui pique.
Il faut que je vous dise que je viens de lire Grotius, de Veritate, etc. 4 Je suis bien étonné de la réputation de cet homme ; je ne connais guère de plus sot livre que le sien, excepté l’ampoulé Houtteville 5. On avait, de son temps, de la réputation à bon marché. Il y a un bon article de Hobbes dans l’Encyclopédie 6. Plût à Dieu que tout cet ouvrage fût fait comme votre Discours préliminaire !
Adieu, mon très-cher philosophe : sera-t-il dit que je mourrai sans vous revoir ? »
1 L'édition de Kehl, suivies par les autres, place cette lettre en 1765 ; or elle appartient incontestablement à 1766 comme le montre entre autres l’allusion à la lettre italienne pour d'Alembert ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/07/qui-sont-les-examinateurs-quelles-mesures-prend-on.html
2 La lettre de Frédéric est perdue, voir lettre du 19 mars 1766 Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/06/26/il-n-y-aurait-guere-que-deux-mille-sages-en-france-mais-ces-6323830.html
3 V* rejette ici l'athéisme ouvert, il reviendra fortement sur cette idée dans l'Histoire de Jenni ou le Sage et l'Athée : https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Histoire_de_Jenni_ou_le_Sage_et_l%E2%80%99Ath%C3%A9e
4 De veritate religionis chritianae, 1627, ouvrage de Grotius qui a eu une vogue égale à celle de son De jure belli ac pacis . Voir : https://data.bnf.fr/fr/11985485/hugo_grotius/
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Hugo_Grotius
et : https://data.bnf.fr/fr/14566191/hugo_grotius_de_veritate_religionis_christianae/
et : https://data.bnf.fr/fr/12360080/hugo_grotius_de_jure_belli_ac_pacis/
et : https://fr.wikisource.org/wiki/La_D%C3%A9fense_de_mon_oncle/%C3%89dition_Garnier/Chapitre_6#P380
5 Allusion à La Religion chrétienne prouvée par les faits, 1722, de l'abbé d'Houtteville ; voir lettre du 10 décembre 1731 à Formont : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/12/11/mais-que-dites-vous-de-l-injustice-des-mechants-qui-pretende.html
6 C'est l'article sur Hobbes, « Hobbisme » qui est de Diderot ; rédigé avec un fort enthousiasme . Voir : http://classiques.uqac.ca/classiques/Diderot_denis/encyclopedie/hobbisme/hobbisme.html
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07/07/2021
qui sont les examinateurs ? quelles mesures prend-on ?
... Ô Bac sacré, combien d'heureux fais-tu cette année ? à combien de buggs as-tu donné naissance ?
https://www.bfmtv.com/societe/education/en-direct-bac-202...
« A Etienne-Noël Damilaville
4 avril 1766 1
Mon cher ami, il n’y a qu’une pauvre petite lettre à la poste d’Italie pour M. d’Alembert. Je la lui ai envoyée dans un paquet adressé à M. d’Argental, qui demeure dans son quartier.
Je saurai demain si vous avez reçu une lettre adressée à Monsieur d’Auch 2, ou plutôt à frère Patouillet, auquel il n’a fait que prêter son nom.
M. Thomas m’a envoyé l’Éloge de Mgr le dauphin 3. Il y a de l’éloquence et de la philosophie. Il n’est pas vraisemblable qu’il ait attribué à ce prince des qualités et des connaissances qu’il n’aurait pas eues ; il se serait décrédité auprès des honnêtes gens. Enfin, de tout ce que j’ai lu sur ce triste événement, il est le seul qui m’ait instruit et qui m’ait fait plaisir. Il y a quelques défauts dans son ouvrage ; mais, en général, c’est un homme qui pense beaucoup, et qui peint avec la parole.
En lisant le Dictionnaire, je m’aperçois que le chevalier de Jaucourt en a fait les trois quarts 4. Votre ami 5 était donc occupé ailleurs ? Mais, par charité, dites-moi pourquoi ce livre, qui, à mon gré, est nécessaire au monde, n’est pas encore entre les mains des souscripteurs ? Au nom de qui l’examine-t-on ? qui sont les examinateurs ? quelles mesures prend-on ?
Vous m’aviez bien dit que la comédie 6 que vous m’aviez envoyée était meilleure à voir qu’à lire. Bonsoir, mon très-cher philosophe. »
1 L'édition Correspondance littéraire, philosophique et critique, de Grimm, n'identifie pas le destinataire .
2 De la Lettre pastorale à M. l’archevêque d’Auch, J. -F. Montillet ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome25.djvu/479
Voir lettre du 24 mars 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/06/29/persequitur-pede-poena-claudo-le-chatiment-poursuit-le-crime-6324372.html
Il faut manifestement lire ensuite n'a fait et non n'avait comme le portent les copies et l'édition Besterman.
3 Voltaire publia peu après un Petit Commentaire sur cet ouvrage de Thomas ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome25.djvu/481
4 Sur la participation de Jaucourt à l'Encyclopédie que Richard N. Schwab estime à 15 000 articles dans son Inventory of Diderot's Encyclopédie, 1972, voir aussi J. Lough, « Louis, chevalier de Jaucourt » dans les Essays Presented to C. M. Girdlestone, 1960 .
5 Diderot .
6 Le Philosophe sans le savoir, de Sedaine.
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Cette santé est un bien dont je n’ai jamais joui, et c’est ce qui me rend la retraite à la campagne absolument nécessaire. La réputation est une chimère, et le bien-être est quelque chose de solide.
...
« A Pierre-Joseph Thoulier d'Olivet
de l'Académie française, etc.
quartier du Louvre
à Paris
1er avril 1766 à Ferney
Mon cher maître, je ne vous donne point un poisson d’avril quand je vous dis que je vous aimerai tendrement toute ma vie, et que je vous souhaite les années de Nestor, et surtout cette santé inaltérable sans laquelle la vieillesse n’est qu’une longue mort. Cette santé est un bien dont je n’ai jamais joui, et c’est ce qui me rend la retraite à la campagne absolument nécessaire. La réputation est une chimère, et le bien-être est quelque chose de solide.
En vous remerciant de l’Alexandre. Il n’y a personne qui ne voulût pencher le cou avec un si beau surnom. Je vous trouve quelquefois bien sévère avec Racine 1. Ne lui reprochez-vous pas quelquefois d’heureuses licences qui ne sont pas des fautes en poésie ? Il y a dans ce grand homme plus de vers faibles qu’il n’y en a d’incorrects ; mais, malgré tout cela, nous savons, vous et moi, que personne n’a jamais porté l’art de la parole à un plus haut point ni donné plus de charme à la langue française. J’ai souscrit, il y a deux ans, pour une édition qu’on doit faire de ses pièces de théâtre, avec des commentaires 2. J’ignore qui sera assez hardi pour le juger, et assez heureux pour le bien juger. Il n’en est pas de ce grand homme, qui allait toujours en s’élevant, comme de Corneille, qui allait toujours en baissant, ou plutôt en tombant de la chute la plus lourde. Racine a fini par être le premier des poètes dans Athalie, et Corneille a été le dernier dans plus de dix pièces de théâtre, sans qu’il y ait dans ces enfants infortunés ni la plus légère étincelle de génie, ni le moindre vers à retenir ; cela est presque incompréhensible dans l’auteur des beaux morceaux de Cinna, du Cid, de Pompée, de Polyeucte, etc.
Vous avez bien raison de dire qu’il y a moins de fautes dans Racine que dans nos meilleurs écrivains en prose . Les belles oraisons funèbres de Bossuet en sont pleines ; mais, en vérité, ces fautes sont des beautés, quand on les compare à la plupart des pièces d’éloquence d’aujourd’hui. Vous savez bien que Louis Racine, cité par vous quelquefois, a frappé souvent des vers sur l’enclume de Jean, son père . Pourquoi donc a-t-il si peu de réputation ? C’est qu’il manque d’imagination et de variété ; il n’y a rien chez lui de piquant : il n’a pas sacrifié aux Grâces ; il n’a sacrifié qu’à saint Prosper 3, et, quoiqu’il tourne bien ses vers,
On lit peu ces auteurs nés pour nous ennuyer,
Qui toujours sur un ton semblent psalmodier.4
Vous voyez que j’ai avec vous le cœur sur les lèvres ; voilà cette franchise parisienne que vous avez louée, ce me semble, et qui doit plaire à la franchise franc-comtoise. C’est une consolation pour moi de m’entretenir aussi librement avec vous. J’ai eu besoin depuis quelque temps de me remettre à relire vos Tusculanes 5 et le De Natura deorum, pour me confirmer dans l’opinion où je suis que jamais philosophe, ancien et moderne, n’a mieux parlé que Cicéron. J’aime bien mieux ces ouvrages-là que ses Philippiques, qui l’ont fait tuer à l’âge de soixante-trois ans.
Adieu ; vivez heureux et longtemps, mon cher maître, et souvenez-vous du mot de votre ami Marcus Tullius : Non est vetula quæ credat.6, etc. »
1Voir lettre du même jour à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/05/beaucoup-d-artistes-et-d-ouvriers-des-fils-de-marchands-d-av-6325470.html
. L'Alexandre est-il celui de la pièce de Racine ? Sans la lettre de l'abbé d'Olivet, cette allusion n'a pu être éclaircie .
2 Les commentaires que Blin de Sainmore vendit à Luneau de Boisjermain. (Georges Avenel.) . Voir lettre du 8 février 1765 à Blin de Sainmore : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/04/29/etant-juge-sans-interet-vous-serez-plus-eclaire-et-moins-suspect-de-partial.html
Voir : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/533-pierre-luneau-de-boisjermain
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Joseph_Luneau_de_Boisjermain
3 Dans la mesure où Louis Racine fait, dans son poème de La Grâce, une place aux controverses théologiques de Saint Augustin, saint Prosper et autres docteurs de l’Église . « De l'illustre Prosper j'ose suivre les pas …. » : https://fr.wikisource.org/wiki/La_Gr%C3%A2ce/Chant_I
4 Art poétique, I, 73-74, de Boileau : http://wattandedison.com/Nicolas_Boileau1.pdf
5 Voir lettre du 12 février 1736 à d'Olivet : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1736/Lettre_560
6 Il n'y a pas toujours une vielle pour croire [...] . Ce membre de phrase n'est pas retrouvé chez Cicéron, mais on ne dispose pas d'une concordance complète des œuvres de cet auteur .
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