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02/07/2018

Je ne suis content ni du tripot de la comédie, ni de celui du parlement

... mais je suis particulièrement heureux d'avoir regardé Les Héritiers : https://www.programme-tv.net/news/cinema/210014-les-herit...

Remarquable film , remarquablement programmé le jour de l'hommage à Simone Veil et son époux entrant au Panthéon ( infiniment plus passionnant que le mondial de foot ) , émouvant et encourageant . A ne pas manquer lors de sa rediffusion que j'estime indispensable .

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

A Ferney 15è juillet 1763

Il n'y a point de cas pareil monseigneur ni de billet pareil . Je crois qu'il y a un an ou deux ou trois, on me demanda un rôle pour Mlle Hus . Je donnai mon consentement . Je crus quand vous me donnâtes vos ordres qu'il en était comme des testaments dont le dernier annule tous les autres , et l’envie de vous obéir est toujours ma dernière volonté . Je ne me souviens point du tout d'avoir donné aucun rôle cette année . Je n'ai aucun ambassadeur au tripot et vous êtes maître absolu . Il est vrai qu'on dit que votre protégée 1 n'est que jolie . Tant mieux, vous la formerez, cela vous amusera . Quel reproche avez-vous à me faire s'il vous plait monsieur Grichard ?2 pourquoi grondez-vous ? à qui en avez-vous ? serait-il que vous dussiez amener ici madame votre fille ? Venez, logez aux Délices, vous y serez très commodément, si mieux n'aimez Ferney .

Je ne suis content ni du tripot de la comédie, ni de celui du parlement . Mais je suis si heureux à Ferney que rien ne peut me chagriner, pas même ma santé, et la mort qui approche .

Je vous souhaite vie longue et gaie .

Respect et tendresse .

V. »

2 M. Grichard est un personnage du Grondeur, de Brueys , mais les paroles en italique ne sont pas dans la pièce . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/David_Augustin_de_Brueys

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k574719/f6.image

01/07/2018

si j'avais de la santé et de la jeunesse, vous n'en seriez pas quitte pour une simple lettre

... Je vous laisse deviner ce qui pourrait arriver alors ...

 

 

« A Ponce Dehaye-Polet, 1 Minime

à Doubrane

près de Cirey, par Vassy

en Champagne

Au château de Ferney

par Genève 15 juillet 1763

Pardonnez, monsieur, à un vieillard malade et presque aveugle, si je ne vous ai pas remercié plus tôt de votre prose flatteuse et de vos jolis vers 2; si j'avais de la santé et de la jeunesse, vous n'en seriez pas quitte pour une simple lettre . Vous avez tant d'esprit que je vous plains d'être minime ; vous me paraissez plus fait pour l'eau d'Eripocrine 3 que pour l'huile du bonhomme napolitain qui ne guérit pas Louis XI .

J'ai l'honneur d'être bien véritablement, monsieur,votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

2 Vers non identifiés ; le premier ouvrage publié de Dehaye, Marcellus, 1765, est un plaidoyer en faveur de la tolérance : https://books.google.fr/books?id=0hMzAQAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

3  Ou plutôt Hippocrène .

30/06/2018

J’aime mieux mourir libre que d’avoir une terre de mon nom.

... et cette terre, je ne veux ni l'occuper d'une tonne de marbre gravé, ni la polluer de mes ossements inutiles ( tout feu tout flamme, vive la crémation ).

 Image associée

You too ! birdy .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

13 juillet [1763] 1

Eh ! qui vous a dit, mes divins anges, que je brochais un drame ? Je vous ai dit que le sang me bouillait : mais que de raisons de le faire bouillir quand je considère tout ce qui se passe dans ce monde ? Si mon pot bout, cela ne dit pas qu’il y ait une tragédie dedans ; mais s’il y en avait une, vous seriez ardemment conjurés de ne la donner jamais sous mon nom. Soyez pleinement convaincus que le public ne se tournera jamais de mon côté quand il verra que je veux paraître toujours sur la scène . On se lasse de voir toujours le même homme. On siffla douze fois Pierre Corneille après sa Rodogune, dont  on avait passé bénignement les quatre premiers actes. Voilà comme sont faits les hommes, et surtout les gens de mon pays. Si on eut un enthousiasme extravagant pour l’extravagante et barbare pièce de ce vieux fou de Crébillon, ce fut parce qu’il était misérable, parce qu’il avait été vingt ans sans rien donner 2, et surtout parce qu’on voulait m’humilier. Je n’ai donné Olympie qu’à cause des remarques qui peuvent être utiles aux gens de bien ; c’est pour avoir le plaisir de parler du beau livre des rois, et pour mettre dans tout son jour l’abomination du peuple de Dieu, que j’ai permis que Colini imprimât la pièce. Je ne perds pas une occasion de rendre de petits services à la sacro-sainte 3. Mon zèle est actif. A l’égard de la pièce, je parierai contre qui voudra qu’elle fera un très grand effet sur le théâtre, et j’en ai la preuve . Mais il faut attendre, et j’attends très volontiers.

J’ai toujours trouvé très bon que M. Lekain et Mademoiselle Clairon imprimassent Zulime . Mais ce n’est pas ma faute si un nommé Duchesne ou Grangé 4 en donna une édition clandestine détestable, et si les libraires ne donneraient pas cent écus pour une édition nouvelle . Ce n’est pas ma faute si ce monde est un brigandage. Je donne tout, et on ne me sait gré de rien : c’est un ancien usage.

Mais encore, si je faisais un drame, je ne le ferais pas en six jours . Il m’en coûterait quinze ou seize, car je m’affaiblis de moitié ; et puis, pour les coups de ciseau, il faudrait trois ou quatre mois. Mais mieux vaudrait tout abandonner que d’être connu, et ce ne serait que l’incognito le plus incognito qui pourrait me déterminer. Je vous y mettrais un style dur qui dérouterait le monde . La pièce serait un peu barbare, un peu à l’anglaise . Il y aurait de l’assassinat . Elle serait bien loin de nos mœurs douces . Le spectacle serait assez beau, quelquefois très pittoresque 5. Enfin, si les anges me juraient par leurs ailes qu’ils cacheraient ce secret dans leur tabernacle, je leur jurerais, de mon côté, que les Thieriot et autres n’en croqueraient que d’une dent. Ce drame serait d’un jeune homme qui promettrait quelque chose de bien sinistre, et qu’il faudrait encourager. Ne serait-ce pas un grand plaisir pour vous de vous moquer de ce public si frivole, si changeant, si incertain dans ses goûts, si volage, si français ? Enfin, mes anges, vous avez ranimé ma fureur pour le tripot . En voilà les effets. Mango-Capac est-il imprimé ? Il faut tâcher que le drame inconnu soit un petit Mango, qu’il y ait du fort, du nerveux, du terrible. On ne pleurera pas cette fois ; mais faut-il pleurer toujours ?

Mes anges pardon si je vous importune encore d'un paquet pour frère Damilaville . Permettez-moi cette liberté . 

J’ai lu les remontrances. Vraiment le parlement d’Angleterre ne parlait pas autrement à Charles Ier . Cela est mirifique.

Mes anges, je n’ai pas un moment à moi depuis dix ans. Je vous conjure de dire à M. le p[rési]d[ent] de La Marche combien je lui suis obligé. Le contrat de l’acquisition de Ferney est au nom de madame Denis ; je lui ai donné la terre. Comment l’appeler de mon nom ? Je n’ai point d’enfants ; et si Messieurs m’échauffent les oreilles, je quitterai tout plutôt que de ne leur pas répondre ; car, après tout, la vérité est plus forte qu’eux, et je connais gens qui prendront mon parti. J’aime mieux mourir libre que d’avoir une terre de mon nom.

Je n’ai point écrit à M. Chauvelin l’ambassadeur. Que lui dirai-je ? que je suis très mécontent de son frère 6 ?

Mes divins anges, pardonnez mon petit enthousiasme.

Respect et tendresse.

V.»

1 Dans l’édition de Kehl , et suivantes, manque le 4è paragraphe biffé sur la copie Beaumarchais .

2 Les sept premières tragédies de Crébillon furent représentées entre 1705 et 1726 ; les deux suivantes, et dernières, le furent ne 1748 et 1754 ; Le Triumvirat eut une gestation particulièrement laborieuse, Cromwell ne fut jamais représenté .

3 Par ironie, la religion chrétienne .

4 ou Grangé est ajouté au dessus de la ligne sur le manuscrit .

6L'abbé Henri-Philippe de Chauvelin : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Philippe_de_Chauvelin

29/06/2018

Je vous jure que ma vivacité pour cette affaire ne se ralentira jamais

... Voltaire l'a dit et l'a fait, non pas seulement pour l'affaire Calas mais aussi pour une dizaine d'autres, et de nos jours Simone Veil , femme admirable qui va le rejoindre au Panthéon, nous fait voir ce que c'est qu'être vraiment engagé . Puissent-ils être nombreux ceux qui s'engagent pour le bien avec tant de coeur .

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Lumineuse .

 

 

« A Philippe Debrus

à Genève

12 juillet [1763]

On me mande, monsieur, que les pièces du procès sont arrivées, et que ce Pilate de procureur général n'a jamais voulu qu'on produisit les requêtes que l'innocent Calas avait présentées pour faire entendre des témoins en sa faveur . Je vous jure que ma vivacité pour cette affaire ne se ralentira jamais . Faites-moi l’amitié de me communiquer toutes les nouvelles que vous aurez ; il n'y a qu'à les envoyer chez MM. Souchay, je vous les rendrai toujours le jour suivant .

Mille compliments à vous et à vos amis . »

28/06/2018

On trouve les remontrances du parlement un libelle séditieux, mais je ne me mêle pas de ces affaires-là

... qu'on trouve dans la réforme constitutionnelle, qui avec son flot d'amendements au gré de députés dont l'intelligence laisse parfois à désirer , nous vaut, par exemple, un «principe de la tradition chrétienne de la France» d'Eric Ciotti qui se fait heureusement renvoyer au vestiaire , et ce n'est malheureusement pas la seule ânerie qui va être défendue bec et ongles par nos beaux parleurs avides de reconnaissance .

Voir : http://www.lefigaro.fr/politique/2018/06/27/01002-2018062...

 Image associée

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

12 juillet [1763] 1

Orate fratres .2

Dieu bénit nos travaux . Jean-Jacques l'apostat n'a pas laissé de rendre de grands services par son vicaire savoyard .

Presque tout le peuple de Genève est devenu philosophe . On a trouvé très mauvais que le conseil de Genève ait fait bruler le livre de Jean-Jacques . Ce n'est pas ainsi disent-ils qu'on doit traiter un citoyen . Deux cents personnes parmi lesquelles il y avait trois prêtres sont venues faire de très fortes remontrances, mais il faut que vous sachiez que Jean-Jacques n'a été condamné que parce qu'on m'aime pas sa personne .

Admirez la Providence . L'auteur de L’Oracle des fidèles 3, livre excellent trop peu connu, était un valet de chambre d'un conseiller clerc de la seconde des enquêtes nommé Nigon de Bercy 4, cloître Notre-Dame . Il est venu chez moi, il y est, c'est une espèce de sauvage comme le curé Meslier .

Vous rendriez service aux frères, si vous faisiez informer chez le conseiller Nigon de Bercy ce que c'est qu'un Savoyard nommé Simon Bugex 5 qui a été chez lui en qualité de valet de chambre et de copiste . Apparemment ce Simon Bugex, auteur de L'Oracle des fidèles, était paroissien du vicaire savoyard de Jean-Jacques . C'est bien dommage de la tragédie de Socrate soit un ouvrage détestable, mais on ne peut le faire bon et jouable . On trouve les remontrances du p[ar]l[emen]t un libelle séditieux, mais je ne me mêle pas de ces affaires-là .

Orate fratres et vigilate 6.

Ecr l'inf. »

1 L'édition Correspondance littéraire donne le texte de cette lettre suivi d'une « Épître aux fidèles, par le grand apôtre des Délices » ; voir lettre du 15 mai 1763 à Helvétius : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/05/11/quelle-plus-belle-vengeance-a-prendre-de-la-sottise-et-de-la-6050586.html

2 Priez frères .

3 Sur cet ouvrage, voir lettre du 8 décembre 1760 à Thieriot : « L'Oracle des anciens fidèles, pour servir de suite et d'éclaircissement à la sainte Bible, Berne , 1760, de Simon Bigex . V* désigne le véritable auteur dans sa lettre à Damilaville du 12 juillet 1763 ; l'attribution qu'il fait ici de l’ouvrage est-elle une plaisanterie ? Sur Bigex, voir Louis Bouvier :  « Simon Bigex, secrétaire de Voltaire », Revue savoisienne, Annecy, 15 novembre 1863, IV, 85-87 . »

5 On verra bientôt que V* engagea à son service ce Bugex, dont le nom, quelque peu transformé en Bigex, lui servit parfois de pseudonyme .

6 Priez frères et soyez vigilants .

27/06/2018

Ma patrie a certainement plus besoin d'officiers comme vous, et en tout genre elle a besoin d'hommes

... Le Service National Universel y contribuera-t-il ?

https://www.sudouest.fr/2018/06/26/service-national-unive...

 

 

« Au colonel David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

etc.

à Lausanne 1

Ferney 12è juillet 1763

J'ai écrit, monsieur, je vous ai obéi avec un zèle auquel je crains que le succès ne réponde pas . Si on me fait réponse, j'aurai l'honneur de vous en instruire . Vous savez combien il me serait doux de vous servir , et combien je serais flatté de vous avoir pour compatriote . Ma patrie a certainement plus besoin d'officiers comme vous, et en tout genre elle a besoin d'hommes . Je suis étonné que vous ayez lu le petit traité sur la tolérance 2, et je suis honteux que vous ne l'ayez pas eu de ma main . Je crois qu'il faut encore attendre quelque temps . Les pièces du procès des Calas ne sont arrivées à Paris que la semaine passée ; le procureur général de Toulouse a eu l’infamie de supprimer les requêtes que le malheureux Calas avait présentées pour faire entendre les témoins qui devaient déposer en sa faveur . Ce Pilate en sera pour son infamie . Nous allons pousser l'affaire avec la plus grande chaleur . J'en ai de mon côté qui me prennent une partie de mon temps ; il est précieux à mon âge et je voudrais le passer avec vous . Conservez-moi des bontés qui font le charme de ma vie . »

1 Ces deux mots sont, sur le manuscrit, rayés et remplacés par « à Hermenches » et, d'une autre main encore, « pour Moudon ».

2 On voit ici que la publication du Traité sur la tolérance fut suspendue quelque temps alors que l'ouvrage était déjà imprimé .

26/06/2018

mon cher ami ; il faut que vous réchauffiez l'Académie

... Mais qui est le "chauffeur" aujourd'hui ?

http://www.academie-francaise.fr/actualites

 Je ne connais que Frédéric Mitterrand, les trois autres sont, à mes yeux d'ignare, de parfaits inconnus . La verve mitterrandienne pourrait effectivement mettre un peu plus de couleur sous la coupole . A suivre ...

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 Et s'il est élu, il sera -à ma connaissance- le seul académicien à brûler les planches ("Bonsoir", à l'automnne 2018 )

 

 

« A Jean-François Marmontel

7è juillet 1763, à Ferney par Genève

Voilà le froid Bougainville mort 1, mon cher ami ; il faut que vous réchauffiez l'Académie . Je vais écrire à tous mes amis, ce n'est pas que vous en ayez besoin, c'est uniquement pour me faire honneur . J'ose croire même que vous n'aurez point de concurrent 2; votre excellent ouvrage vous ouvre toutes les portes . Il n'y a pas longtemps qu’étant las de faire des commentaires sur Corneille, j'ai renvoyé le lecteur à votre Poétique , en lui disant qu'il n'y en a point de meilleure .

Figurez-vous que je vous avais envoyé par M. Bouret une jolie édition de La Pucelle, avec quelques remarques sur la poésie hébraïque 3 que j'ai trouvée toujours d'une extravagance très insipide .

Adieu mon cher confrère, je vous embrasse avec la plus tendre amitié . »

2 Vers la fin du livre VII de ses Mémoires, Marmontel raconte comment il amena son rival Antoine-Léonard Thomas à retirer sa candidature : voir : page 278 : https://books.google.fr/books?id=92MuAAAAYAAJ&pg=PA289&lpg=PA289&dq=livre+VII+M%C3%A9moires+Marmontel&source=bl&ots=I7963NYOhL&sig=XO7rM_rqWLUXv0lp4brdFi0c7l0&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi18-qU5PDbAhWEPhQKHexnC_QQ6AEIUDAH#v=onepage&q=thomas&f=false

3 C'est donc à cette époque que V* fit le compte rendu de l’ouvrage de Robert Lowth, De sacre poesi Hebraeorum praeectiones acdemiae Osconi, 1763, qui ne parut dans la Gazette littéraire de l'Europe que le 30 septembre 1764 . le jugement qu'il porte dans la phrase suivante, sur la poésie hébraïque, inspirera plusieurs de ses ouvrages dans la années suivantes notamment Le Taureau blanc . Mais il ne rend pas compte des sentiments de V* à l'égard de la poésie de la Bible qui le fascine autant qu'elle l'irrite .