22/04/2025
je commence à croire que nous devenons trop Anglais, et qu’il nous siérait mieux d’être Français
... Vu ce qu'en dit le Chat j'ai pété : blablabla lénifiant, mou du genou .
Par ailleurs, quelques uns de nos dirigeants ne semblent pas trop atteints d'anglophilie démesurée, notre président et surtout notre premier ministre ne sont pas encore des anglophones de haut niveau : merci à nos méthodes d'enseignement ?
« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
À Ferney, 10 octobre 1769 1
Mon héros, dans sa dernière lettre, a daigné me glisser un petit mot de son jardin. Je suis, comme Adam, exclu du paradis terrestre, et je suis devenu laboureur comme lui. Je vous assure, monseigneur, que jamais mon cœur n’a été pénétré d’une plus tendre reconnaissance. Oserais-je vous supplier de vouloir bien faire valoir auprès de votre amie 2 les sentiments dont la démarche qu’elle a bien voulu faire m’a pénétré ? J’ai été tenté de l’en remercier ; mais je n’ose, et je vous demande sur cela vos ordres.
Au reste, il n’y a pas d’apparence que j’aie l’impudence de me présenter devant vous dans le bel état où je suis. Il n’est bruit dans le monde que de votre perruque en bourse, et je ne puis être coiffé que d’un bonnet de nuit. Toutes les personnes qui vous approchent jurent que vous avez trente-trois à trente-quatre ans tout au plus. Vous ne marchez pas, vous courez ; vous êtes debout toute la journée. On assure que vous avez beaucoup plus de santé que vous n’en aviez à Closter-Severn 3, et que vous commanderiez une armée plus lestement que jamais. Pour moi, je ne pourrais pas vous servir de secrétaire, encore moins de coureur : la raison en est que mes fuseaux, que j’appelais jambes, ne peuvent plus porter votre serviteur, et que mes yeux sont actuellement à la Chaulieu, bordés de grosses cordes rouges et blanches, depuis qu’il a neigé sur nos montagnes. Vous, qui êtes un grand chimiste, vous me direz pourquoi la neige, que je ne vois point, me rend aveugle, et pourquoi j’ai les yeux très bons dès que le printemps est revenu. Comme vous êtes parfaitement en cour, je vous demanderai une place aux Quinze-Vingts pour l’hiver. Je défie toute votre Académie des sciences de me donner la raison de ce phénomène ; il est particulier au pays que j’habite. J’ai un ex-jésuite auprès de moi qui est précisément dans le même cas, et plusieurs autres personnes éprouvent cette même faveur de la nature. Plus j’examine les choses, et plus je vois qu’on ne peut rendre raison de rien.
J’ai à vous dire qu’on imprime actuellement dans le pays étranger les Souvenirs de Mme de Caylus 4. Elle fait un portrait fort plaisant de M. le duc de Richelieu votre père, et votre père véritable, quoi que vous en disiez 5 ; je vois que c’était un bel esprit, et que l’hôtel de Richelieu l’emportait sur l’hôtel de Rambouillet.
Permettez-moi, monseigneur, de vous remercier encore, au nom des Scythes, de la vieille Mérope et de Tancrède.
On vient donc de jouer une tragédie anglaise 6 à Paris ; je commence à croire que nous devenons trop Anglais, et qu’il nous siérait mieux d’être Français. C’est votre affaire, car c’est à vous à soutenir l’honneur du pays.
Agréez toujours mon tendre respect et mon inviolable attachement. »
1 Voir aussi : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/10/je-commence-a-croire-que-nous-devenons-trop-anglais-et-qu-il.html
2 Mme Du Barry.
3 8 septembre 1757 ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome15.djvu/357
4 Voir les préface et notes de Voltaire sur ces Souvenirs, dont il donna la première édition : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome28.djvu/295
5 Voltaire, écrivant à Richelieu, n’avait pas les mêmes idées que quand il parlait à Mme de Fontaine du père putatif du maréchal (voir lettre à Mme de Fontaine du 8 janvier 1756 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvre... )
6 Hamlet, tragédie de Ducis, jouée le 30 septembre 1769 : https://wdc.contentdm.oclc.org/digital/collection/empire/id/4187/
08:50 | Lien permanent | Commentaires (0)
21/04/2025
Il y a des hommes qui veulent tout envahir et qui ne crient contre le despotisme que pour être despotiques eux-mêmes
... Poutine, Netanyahou and Co, c'est tout à fait ça !
« A [Destinataire inconnu]
Ferney 12 octobre 1769 1
[Il pense que c'est de son correspondant qu'il a reçu des preuves de son amabilité et des témoignages en faveur de la cause qu'il défend avec tant de noblesse et de raison .] Il y a des hommes qui veulent tout envahir et qui ne crient contre le despotisme que pour être despotiques eux-mêmes 2[...]. »
1 L'original signé est passé en vente chez Laverdet le 20 avril 1856 .
2 Allusion probable aux parlementaires .
18:22 | Lien permanent | Commentaires (0)
je crois que vous regardez Dieu comme le père de tous les garçons et de toutes les filles
... Cher François vous allez ( peut-être *) voir enfin le Père de près : https://www.lepoint.fr/monde/le-pape-francois-est-mort-21...
Paix sur la terre aux Humains de bonne volonté .
Amen .
* Paroles de l'incroyant que je suis .

Avanti
« A monsieur le ministre Jacob Vernes
à Genève
Le 9 octobre 1769
Mon cher philosophe, si Dieu a dit : « Croissez et multipliez 1, » voici deux personnes qui veulent obéir à Dieu. L’une est catholique romain, l’autre est de votre religion et née à Berne. Nos belles lois de 1685 2 ne permettent pas à un serviteur du pape d’épouser une servante de Zwingle 3; mais je crois que vous regardez Dieu comme le père de tous les garçons et de toutes les filles. Vous savez que la femme fidèle peut convertir le mari infidèle 4.
Tachez, mon cher philosophe, de faire en sorte que ces deux personnes puissent se marier à Genève. Je vous demande votre protection pour elles ; mais ne me nommez pas, car le mariage est un sacrement dans notre Église, et l’on m’accuse, quoique assez mal à propos, de ne pas croire aux sept sacrements.
Permettez-moi de vous embrasser de tout mon cœur, sans cérémonie. »
1 Genèse, I, 28 : https://www.aelf.org/bible/Gn/1
3 Ulrich Zwingli : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ulrich_Zwingli
4 I, Corinthe. VII, 14 : https://www.biblegateway.com/passage/?search=1%20Corinthiens%207%3A14&version=LSG
09:43 | Lien permanent | Commentaires (0)
20/04/2025
On lui réservera tout le terrain qu'il voudra . Beaucoup d’étrangers en demandent ... et tout coûte le double de ce qu'il coûtait il y a trois ou quatre ans
... Tout le terrai, tout le terrain, c'est vite dit !
Mon cher Voltaire, l'immobilier hors de prix est encore parfaitement d'actualité dans ce pauvre riche pays de Gex , terre d'élection des Suisses qui ne peuvent plus acheter le moindre mètre carré en pays helvète, plus que trop cher . Face à cette bétonisation dévorante, comme disait une de mes braves tantes :"Il n'y aura bientôt plus la place de planter un poireau !"
« A Marie-Louise Denis
rue Bergère vis-à-vis l'hôtel des Menus
à Paris
6è octobre 1769 1
Ma chère amie, j'ai parlé du dessein de Faÿ à M. de Caire qui est venu chez moi . On lui réservera tout le terrain qu'il voudra . Beaucoup d’étrangers en demandent, et on n'attend que l'arrêt du Conseil qui déclarera Versoix une ville franche et libre . Cet établissement a déjà renchéri la main-d’œuvre à Ferney et tout coûte le double de ce qu'il coûtait il y a trois ou quatre ans .
Je suis en train de vous parler d'affaires ; j'ai appris qu'il ne fallait pas envoyer le contrat à Rechicourt, mais qu'il est de la plus grande importance de le signifier aux héritiers mêmes . Il n'y a qu'à prier le petit procureur Pinon Du Coudray de passer chez vous . J’écrirai sur cela un mot de politesse aux intendants des intéressés . Il est nécessaire que vous ayez sur tout cela une conversation avec l'abbé Blet, et que vous lui fassiez sentir que c'est votre bien que vous redemandez depuis douze ans .
L'hiver a déjà commencé dans le pays de Gex,nous avons de la neige . Je crois que ni la saison, ni ma santé, ni mon goût ne me permettront de faire le voyage . J'ai reçu des propositions de Panckoucke ; j'ai refusé ses offres avec colère 2, mais j'ai accepté le travail avec plaisir . Ce sera pour moi un grand amusement pour l'hiver , il ne m'en coûtera que la peine de dicter . Ce serait pour moi un fardeau insupportable de feuilleter et d’écrire . Cette petite occupation me consolera .
Je pense qu'il faut laisser Mme Le Long 3 consommer ou manquer la petite affaire qu'elle avait entamée avec M. de La Sourdière 4 . Pourvu qu'il ne croie pas que cette négociation vaut de l'argent comptant .
On dit que Les Scythes, Mérope et Tancrède seront joué à Fontainebleau . Cela me fait un peu de plaisir, parce que après tout il est doux de réussir dans un art qu'on a cultivé, et c'est la seule récompense que j'en espère .
Bonsoir ma très chère amie ; je n'ai pas un moment à moi . Je suis accablé de lettres et lutiné des détails du Châtelard, qui sera la plus agréable des métairies . Je vous embrasse tendrement .
V. »
1 Original, cachet « de Lyon ». Noter qu'on trouvera aux Additions à la même date du 6 octobre 1769 une lettre de V* à Le Bault dont Bernard Pivot veut bien nous communiquer, au cours de la composition de ce volume (correspondance de Voltaire ) le texte et les coordonnées .
2 Dans le second paragraphe de la lettre du 29 septembre 1769 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2025/04/16/j-ose-meme-esperer-qu-a-la-fin-on-donnera-en-france-quelques-6543931.html
3 Note de Mme Denis sur le manuscrit : « Dubarry ».
4 Note de Mme Denis : « Richelieu » ; ces indications sont certainement exactes .
18:16 | Lien permanent | Commentaires (0)
Vos vers charmants font tout mon embarras
... Vous ne pouvez imaginer comme ils peuvent être insinuants et voraces, aussi la prochaine fois que je meurs, incinérez-moi !
« A Charles-Michel-Toussaint d'Aigrefeuille
fils
à Montpellier
Vos vers charmants font tout mon embarras,
Des grâces et des ris vous avez pris l'attache,
Mais le fin de votre art sous mille fleurs s'y cache,
Je les admire et je n'y souscris pas.
Pour m'en tirer, voici tout le mystère ;
Je vais couper l'épître par moitié ;
Les vers flatteurs iront droit à Cythère,
Et je retiendrai ceux qu'a dictés l’amitié .
Voltaire.
Au château de Ferney le 4è octobre 1769.1 »
1 Le manuscrit appartient au baron R. de Saizieu, château de Flaugergues, par Montpellier . Il est d'une main qui n'est ni celle de V* ni celle de Wagnière, qui de toute façon n'aurait pas signé du nom de V* . Ce même manuscrit porte un sceau et une mention « pays de Gex » . Il semble être passé par la poste . Son statut est donc pour le moins douteux . Peut-être ne représente-t-il qu'une plaisanterie ancienne .
17:49 | Lien permanent | Commentaires (0)
c'est être dans un cachot que de passer son temps à souffrir
... Est-ce pour cela que le pape fait un tour d'honneur pour échapper aux douleurs qui le minent ? https://www.20minutes.fr/monde/4149511-20250420-paques-pa...
« A Cosimo Alessandro Collini, Secrétaire
intime de S. A. E. Historiographe
etc.
à Manheim
4è octobre 1769 à Ferney
Je suppose, mon cher ami, que votre graveur de Manheim 1 a suivi enfin votre conseil, et refait la matrice de sa médaille . Si vous êtes content de son ouvrage, je vous prie de lui dire de m’en envoyer par le carrosse trente-six médailles en cuivre, et, s'il ne peut m'envoyer que des anciennes, je le prie de m'en faire tenir dix-huit . Je voudrais bien que l'original pût vous embrasser et se mettre aux pieds de Leurs Altesses Électorales, mais vous devinez quel doit être l'état d'un homme de soixante et seize ans aussi faible que je le suis . J’habite un beau château ; j'ai de beaux jardins, une vue admirable, mais c'est être dans un cachot que de passer son temps à souffrir .
Je vous prie de vouloir bien présenter à Mgr l’Électeur mes profonds respects, et mes regrets de mourir sans lui avoir fait ma cour .
Je vous embrasse bien tendrement, mon cher ami .
V. »
1 Wächter , et non pas Linck comme le prétendait le premier éditeur qui avait mélangé les dates ; voir lettre du 29 mars 1769 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/09/27/je-n-ai-jamais-vecu-que-dans-des-climats-qui-n-etaient-pas-f-6516380.html
17:25 | Lien permanent | Commentaires (0)
si mon pouls était comme celui d’un autre homme
... je me ferais une joie de vous bénir urbi et orbi depuis mon balcon ( ma e pericoloso sporgersi comme disaient les évêques à propos de l'abbé Pierre )." dixit Franciscus the First .
« A Pierre-Michel Hennin
4 octobre au soir.
Je suis à vos ordres, monsieur, et je vous remercie de la préférence. Vous n’avez qu’à envoyer chercher les rogatons dont vous avez besoin. Je viendrais vous les porter moi-même, si mon pouls était comme celui d’un autre homme.
J’ai l’honneur d’être, avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Le vieux malade de Ferney. »
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)

