12/07/2012
Il a trouvé le vrai secret d'être lu et d'être méprisé.
... Ou plutôt "vu" et méprisé quand il s'agit du peuple taliban d'Afghanistan . Sans commentaire, l'exposé de leur barbarie au quotidien suffit . Soutenons les femmes qui se révoltent .
http://madame.lefigaro.fr/societe/pour-najiba-22-ans-victime-talibans-110712-269352
« A M. le comte d'ARGENTAL.
Aux Délices, 15 juin [1756]
Mon cher ange, nos amours sont furieusement traversées. Je ne pourrai, de plus de trois mois, travailler à cette tragédie 1 que vous voulez avec tant d'obstination, et que j'ai déjà esquissée pour vous plaire. Vous savez que Villars ne peut être partout. On va imprimer une nouvelle édition du Siècle de Louis XIV, à la suite d'une espèce d'Histoire universelle. Je crois vous l'avoir déjà mandé. Je lis cette compilation des Mémoires de Mme de Maintenon, et j'admire comment un homme 2 a l'audace de publier tant de sottises, tant de mensonges et de contradictions, d'insulter tant de familles, de parler si insolemment de tout ce qu'il ignore, et comment on a la bonté de le souffrir. Il est assez singulier que cet homme soit à Paris, et que je n'y sois pas. Il a eu quelques bons mémoires, il a noyé le peu de vérités inutiles que contiennent les Mémoires de Dangeau, de Nébert, de Mlle d'Aumale, dans un fatras d'impostures de sa façon. Il a trouvé le vrai secret d'être lu et d'être méprisé.
Il avance hardiment que le premier dauphin épousa Mlle Choin. J'ai toujours entendu dire à ceux qui ont vécu avec elle, et surtout à Mme de Villefranche et à Mme de Bolingbroke 3, que c'était un conte ridicule 4. Si vous avez pu, mon cher et respectable ami, déterrer un peu de vérité parmi les anecdotes d'erreur dont le monde est plein, daignez, à vos heures perdues, vous amuser à m'instruire, afin que je sorte au plus tôt du bourbier désagréable de l'histoire, pour me donner tout entier aux choses que vous aimez.
Vous n'aurez de moi que ce feuillet, une bouteille d'encre est tombée sur l'autre. Mme Denis et Mme de Fontaine vous embrassent. Cette Fontaine, la ressuscitée 5, est tout étonnée de ma maison et de mes jardins. Elle dit que cela serait bien beau auprès de Paris; mais je ne le crois pas. »
1 Zulime, que l'auteur s'occupait à corriger, et dont il reparle dans sa lettre à d'Argental, du 20 décembre 1756.
3 Née Deschamps de Marsilly; mariée d'abord au marquis de Villette-Murçai, père de Mme de Caylus; et ensuite à Bolingbroke.
4 Ce fut toujours l'opinion de Voltaire. Mais M. Monmerqué, éditeur des Souvenirs de Mme de Caylus (en 1828), n'est pas de cette opinion; il s'appuie sur les Mémoires complets et authentiques de Saint-Simon, tels qu'ils ont été publiés depuis (1829-30, en vingt-un volumes in-8°), et sur les Mémoires de Mlle d'Aumale.
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... ce fantôme de la vie. On s'en plaint, on la maudit, on la prodigue, on l'aime, et elle s'évanouit comme une ombre.
... Eh ! Dieu merci, nous ne sommes pas immortels .
« A M. de BRENLES.
Aux Délices, 15 juin [1756]
On dit le colonel Constant mort 1. Si cela est, j'en suis très- affligé, et je suis étonné de vivre. Voilà donc, mon cher ami, ce que c'est que ce fantôme de la vie. On s'en plaint, on la maudit, on la prodigue, on l'aime, et elle s'évanouit comme une ombre.
Puisse madame votre femme avoir fait un heureux! Je suis bien sûr au moins qu'elle aura fait un honnête homme et un homme d'esprit.
Toutes vos nouvelles sont aussi fausses que le beau conte qu'on faisait des catholiques qui ne voulaient point d'un catholique à Échallens 2. Je voudrais bien que la nouvelle touchant le colonel Constant fût aussi fausse. Mille tendres respects à l'accouchée et à tous nos amis. »
1 Il est probablement question ici de Philippe-Germain Constant, colonel dans le régiment de Chambrier, au service de Hollande, et second des quatre flls du lieutenant général Constant de Rebecque. Le colonel Constant n'était âgé que de vingt-huit ans quand il mourut, c'était un jeune homme de beaucoup d'esprit. Le lieutenant général Constant, que Voltaire, dans sa lettre du 27 janvier 1765, à Richelieu, appelle gros diable de général au service de Hollande, avait cinq enfants, savoir
1° Constant d'Hermenches, appelé bel Orosmane, dans la lettre du 6 février 1757, à d'Argental;
2° Philippe-Germain Constant, dont il s'agit dans la lettre ci-dessus;
3° Juste-Louis Constant de Rebecque, mort le 3 février 1812 à Brevans près de Dôle; père de Henri-Benjamin Constant, né à Lausanne le 25 octobre 1767;
4° Samuel Constant de Rebecque, né en 1729, mort en octobre 180U; il était major, au service de Hollande, dans le régiment Cornabé, qu'il quitta un an après son mariage avec Charlotte Pictet, fille du professeur en droit avec lequel Voltaire fut en correspondance; il était homme de lettres, et Benjamin Constant lui a consacré un article dans la Biographie universelle; après son mariage on l'appela Constant-Pictet, pour le distinguer de ses autres frères;
5° La marquise de Gentil, qui demeurait à Mon-Repos, dans un faubourg de Lausanne, et chez laquelle Voltaire eut une salle de théâtre où il jouait avec ses acteurs de société.
La famille Constant de Rebecque est originaire d'Aire en Artois, ou Aire-sur-la-Lys, petite ville du département du Pas-de-Calais. (CL.)
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11/07/2012
on ne peut pas toujours exposer sa vie, quelque agréable que cela soit
... Aussi n'exposerai-je pas la mienne sur ce qu'il est convenu de nommer les réseaux sociaux .
Fesses de bouc et autres sont une immense ménagerie où l'on expose et parle de son cul faute de QI dépassant ce niveau .
Bien évidemment Volti parle de ceux qui risquent leur vie et non pas de tous ces aigre-pisseux qui pètent d'orgueil en affichant la cohorte de leurs prétendus amis .
J'attend avec impatience le bug planétaire qui mettra le soukh dans ces réseaux , ou : comment perdre de vue en une seconde 215 789 amis , et n'avoir plus comme relations que son poisson rouge et son voisin de palier : bonjour l'angoisse ! Il va falloir parler en direct à l'un des deux au moins . Choix cornélien !

« A LOUIS-EUGÈNE,
prince de Wurtemberg.
Aux Délices, 14 juin [1756]
Un Suisse, un solitaire, un de vos serviteurs les plus tendrement attachés, qui ne lit point les gazettes, qui ne sait rien de ce qui se passe dans ce monde, sait pourtant que Votre Altesse sérénissime est au milieu des coups de canon, dans une île de la Méditerranée 1, qui appartenait autrefois à Vénus, ensuite aux Carthaginois; qui n'est pas faite pour des Anglais, et qui sera bientôt tout entière à M. le maréchal de Richelieu. Si vous êtes là, monseigneur, comme je n'en doute pas, vous avez très-bien fait d'y venir en si bonne compagnie. On ne peut pas toujours être à l'affût d'un canon ou au bivouac, on ne peut pas toujours exposer sa vie, quelque agréable que cela soit. Il y a toujours du temps de reste avec la gloire, et c'est ce qui m'encourage à écrire à Votre Altesse sérénissime. Je me donne rarement cet honneur, parce que les plaisirs ne sont pas faits pour moi. Un vieux malade retiré sur les bords d'un lac n'est plus fait pour entretenir un jeune prince guerrier, quelque philosophe que soit ce prince.
Si, dans les moments de relâche que vous donne le siège, vous vous occupez à lire, il parait depuis peu des Mémoires du feu marquis de Torcy 2, dignes d'être lus de Votre Altesse. Elle y verra un détail vrai et instructif des humiliations que Louis XIV eut à essuyer pendant qu'il demandait grâce aux Hollandais. Vous contribuez actuellement, monseigneur, à une gloire aussi grande que ces abaissements furent tristes.
La Beaumelle, après avoir déterré, je ne sais comment, les Lettres de Mme de Maintenon, en a inondé le public. Vous verrez dans ces lettres peu de faits, et encore moins de philosophie 3. Le même La Beaumelle a compilé sur des manuscrits six volumes de Mémoires pour servir à l'histoire de Louis XIV et de sa cour; mais il a mêlé au peu de vérités que ces mémoires contenaient toutes les faussetés que l'envie de vendre son livre lui a suggérées, et toutes les indécences de son caractère. Peu d'écrivains ont menti plus impudemment.
Je vous dirai la vérité, monseigneur, quand je vous dirai qu'il ne tient qu'à moi d'aller dans un pays4 où j'ai fait autrefois ma cour à Votre Altesse, et que ce n'est pas dans ce pays-là que je voudrais lui renouveler mes hommages.
Je crois que M. le prince de Beauvau a souvent le bonheur de vous voir. C'est après vous, monseigneur, celui dont je suis le plus fâché d'être éloigné. Votre Altesse sérénissime sait à quel point et avec quel tendre respect je lui serai toujours dévoué. »
2 Jean-Baptiste Colbert , marquis de Torcy : voir tome XIV, page 55. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113308/f72.image.r=.langFR
3 Voir tome XXVIII, page 287 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113444/f290.image.r=.langFR
et XXVI, 161 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411342c/f164.image.r=.langFR
où, par erreur, Voltaire ne donne que cinq volumes à ces Mémoires.
4 La Prusse, V* y fait allusion dans sa lettre à Collini du 23 mai : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/05/23/d-avoir-soin-de-fermer-la-grille-d-entree-de-ma-maison-les-d.html
et du 4 juin à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/07/09/c-est-un-ane-qui-affiche-sa-patrie.html
On envoya le duc de Nivernais en ambassade à Potsdam, et Frédéric se moqua du poète diplomate.
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10/07/2012
Les grands ... sont entre la flatterie et la calomnie mais la puissance les console.
... Magnifique constat . Voltaire voit juste et connait le fond de l'âme des "grands" dont il n'est pas dupe , enfin , pas trop longtemps, heureusement.
Enfumons-les, à coups d'encensoir ou de flatteries dont ils sont friands, quoiqu'ils disent ! Leur pouvoir passera comme cette fumée .

Les calomnier n'est pas de mon ressort . S'en moquer fut un travail de maître que Volti accomplit en virtuose . Et je m'en régale .
« A madame la duchesse de SAXE-GOTHA1.
Aux Délices, près de Genève, 10 juin [1786]
Madame, que ma personne n'est-elle à vos pieds comme mon cœur y est! Faudra-t-il que je meure sans cette consolation? Le roi de Prusse veut bien me rappeler auprès de lui; mais Votre Altesse sérénissime sait que c'est Gotha seul que je regrette. Les rois font semblant de s'aimer, ils se le disent dans leurs traités; mais il n'y a qu'une souveraine de ma connaissance qui sache se faire aimer véritablement. Les cœurs sont à elle les rois n'ont que de l'encens.
Il est vrai, madame, que dans ces Mémoires de Mme de Maintenon, dont Votre Altesse sérénissime daigne me parler, l'encens ne brûle guère pour les souverains. La Beaumelle déchire un peu les vivants et les morts. Ce qui n'est pas de lui, ce qui est d'un certain évêque d'Agen, dont il a pillé les mémoires manuscrits, est légèrement écrit. Ce qui est de La Beaumelle est d'un étourdi sans bienséance et sans conséquence, qui veut avoir de l'esprit à tort et à travers. On ne peut concevoir comment un homme qui a eu le bonheur d'être en état de dire des vérités, ayant d'excellents mémoires entre les mains, a pu vomir tant d'impudents mensonges. Il n'y a point de vérité qu'il n'ait défigurée par des calomnies, et point de calomnie qu'il ne débite avec une insolence brutale. Les grands seraient bien à plaindre si la postérité les jugeait sur de tels écrits, ils sont entre la flatterie et la calomnie mais la puissance les console.
Je ne sais si je me trompe, madame, mais il me semble qu'il y a plus de vrai bonheur dans une cour comme la vôtre que dans celles qui mettent deux cent mille hommes sous les armes, et qui quelquefois font naître des millions de murmures justes ou injustes. Y a-t-il donc quelque chose de préférable à la douceur de gouverner en repos un peuple heureux? Il paraît que, dans les circonstances présentes, le peuple anglais ne prétend guère à ce titre d'heureux; les esprits y paraissent bien divisés. Tous sont réunis sous votre domination, madame; tout y est tranquille. Si je pouvais me traîner, je me traînerais à Gotha. Mon sort est de faire des vœux inutiles.
Que Votre Altesse sérénissime et toute son auguste famille daignent recevoir mon profond respect. »
20:46 | Lien permanent | Commentaires (0)
un domestique intelligent, et qui même sût un peu écrire
... Ce qui est plutôt rare dans notre France contemporaine .
Non pas le domestique intelligent, ça se trouve tout autant que le patron intelligent, j'ose le croire, mais qui sachent tous deux écrire, voilà qui est plus ardu à dénicher . Il n'est pas rare, et je dirais même il est courant, que ce soit la/le secrétaire qui corrige les âneries orthographiques et grammaticales du supérieur hiérarchique . Me trompè-je , Mam'zelle Wagnière ? Non !
Pas plus tard que ce matin, j'ai encore lu un courriel avec deux fautes d'orthographe en une ligne ; l'auteur(e) : une enseignante ! Horreur et désolation, à qui peut-on se fier pour apprendre le français à nos chéres têtes blondes, rousses ou brunes ?
Changement des horaires de classe ou pas, les profs d'aujourd'hui sont les élèves d'hier, plus doués pour les activités extra-scolaires que pour la transmission du savoir de base qu'ils ne maitrisent pas .
S'ils ignorent les heures de travail à accomplir, ils sont incollables sur les dates de vacances ! A chacun ses centres d'intérêts !
A voir : http://suite101.fr/article/rentree-scolaire-un-nouveau-calendrier-des-vacances-en-2013-a30583
Ceci peux vous intéressé, à vous de voir .
« A M. DE BRENLES.
Aux Délices, 9 juin [1756]
Je m'intéresse plus à vous, mon cher ami, et à l'augmentation de votre famille, qu'à toutes les nouvelles des Iroquois et de Port-Mahon. Je vous prie de me mander où vous en êtes; avez-vous une fille ou un garçon? Comment se porte Mme de Brenles? Instruisez un peu vos amis de tout ce qui vous regarde. Quand vous verrez M. le bailli de Lausanne, je vous prie de lui présenter mes obéissances et celles de Mme Denis. Nous avons été bien fâchés de partir sans avoir l'honneur de le voir. Avez- vous reçu un petit paquet que le courrier se chargea, il y a quelques jours, de vous remettre?
Si, par vos bontés ou par celles de M. Polier de Bottens, je pouvais avoir un domestique intelligent, et qui même sût un peu écrire 1, je vous serais infiniment obligé. Mme Denis et moi, nous vous sommes attachés pour jamais.
V. »
1 Colini va quitter Voltaire en juin 1756. Voir : http://de.wikipedia.org/wiki/Cosimo_Alessandro_Collini
et : http://books.google.tt/books?id=-EE6AAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
Jean-Louis Wagnière, qui était entré chez Voltaire en 1754 à Prangins, lui servit de copiste dès 1755, pendant l'absence de Colini, à qui il succéda tout à fait en 1757, jusqu'au décès de V* en 1778. (Beuchot.) Voir : http://c18.net/vo/vo_pages.php?nom=vo_sc_wagniere
14:53 | Lien permanent | Commentaires (0)
09/07/2012
c'est un âne qui affiche sa patrie
... Ou inversement, une patrie qui affiche l'âne qui va la guider .
Je parle ici de la Libye qui va devoir, après ses élections du 7 juillet , à coup sûr introduire peu ou prou, -et je tiens le pari pour prou,- la charia comme base essentielle législative . "Constitution de la Lybie démocratique", c'est beau, ça sonne bien, ça en met plein la vue si on oublie que "démocratique" et "charia" semblent terriblement incompatibles . Jusqu'à quand une religion d'Etat servira-t-elle à faire courber l'échine (et dans le cas de l'islam, on peut en parler au sens propre ) du peuple assez pleutre pour obéir à des hommes qui se font passer pour messagers de Dieu ?
Ci-dessous la carte des pays de moutons, gouvernés par des ânes enragés :

Comme un bonheur/malheur ne vient jamais seul, l'actualité, sur Slate.fr, me gâte en m'offrant , cette fois-ci du coté de l'Orient, "un âne qui affiche sa patrie " : le seul, l'inimitable , le bien nommé Kim Jong-un ! "Un" , selon moi c'est déjà trop . A ceux qui voient en Mickey un modèle d'ouverture vers la démocratie et à l'autorisation du hamburger-frites un grand pas vers la liberté de pensée , je rappelle cependant que les seuls qui mangent à leur faim sont les militaires et dignitaires familiaux, que les seuls qui peuvent s'exprimer sont ceux-là même . J'ai la nette impression que l'auteur de l'article suivant aurait voté pour Mickael Jackson président des USA !
Une superbe tête à claques

http://www.slate.fr/lien/59061/disney-mickey-winnie-coree-du-nord-kim-jong-un
« A M. THIERIOT.
Aux Délices, 4 juin [1756]
Je reviens dans mon ermitage vers Genève, mon ancien ami, sans savoir si mes petits sermons ont été imprimés à Paris comme je les ai faits et comme je vous les ai envoyés; mais je reçois une lettre de M. d'Argental, qui met presque en colère ma dévotion. Il me fait part d'un scrupule que vous avez eu, quand je vous ai mandé que la condamnation un peu dure des ennemis de Bayle ferait tort à l'édition et à l'éditeur 1. Vous avez fait comme tous les commentateurs, vous n'avez pas pris le sens de l'auteur. Quel galimatias, ne vous en déplaise, de regarder ce danger de l'éditeur autrement que comme le danger d'imprimer un reproche fait à un corps respectable! Comment avez-vous pu imaginer que je pusse avoir un autre sentiment? Vous avez la bonté de faire imprimer un ouvrage qui vous plaît, et je ne veux point qu'il y ait dans cet ouvrage la moindre chose qui puisse vous compromettre. Il faut que vous ayez le diable au corps, le diable des Bentley 2, des Burmann, des variorum, pour expliquer ce passage comme vous avez fait. J'attends des exemplaires reliés de mon recueil de rêveries pour vous en envoyer. Je ne sais pas quel parti prend Lambert; je voudrais bien ne pas désobliger Lambert. Je voudrais aussi que les Cramer pussent profiter de mes dons. Il est difficile de contenter tout le monde. Je viens de parcourir une partie du Citoyen de Montmartre; c'est un âne qui affiche sa patrie. J'apprends, par une voie très-sûre, que Fréron et La Beaumelle ont composé cet infâme et ridicule libelle 3. On me mande qu'il n'a excité que l'horreur et le mépris.
Cela n'empêche pas que La Beaumelle ne puisse avoir imprimé des Lettres originales de Louis XIV et de Mme de Maintenon, dont on pourra faire quelque usage dans la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV. Un scélérat et un sot peut avoir eu par hasard de bons manuscrits. Je vous prie de me mander s'il y a quelque chose d'utile dans ce recueil. Êtes-vous à présent moine de Saint-Victor? Que n'êtes-vous venu faire vos vœux dans l'abbaye des Délices avec Mme de Fontaine 1 Croyez que mon abbaye en vaut bien une autre c'est celle de Thélème 4. On m'en a voulu tirer en dernier lieu pour aller dans des palais 5, mais je n'ai garde. Je vous embrasse tendrement.
P. S. Je vous envoie une nouvelle édition de mes sermons, et vous prie de vouloir bien en distribuer à MM. d'Alembert, Diderot et Rousseau 6. Ils m'entendront assez, ils verront que je n'ai pu m'exprimer autrement, et ils seront édifiés de quelques notes; ils ne dénonceront point ces sermons. »
1Voir lettre du 30 avril 1756 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/07/03/les-hommes-sont-inconsequents-c-est-qu-ils-sont-injustes-ce.html
et du 8 mai : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/07/05/chers-electeurs-est-le-mot-propre-et-on-est-trop-heureux-qua.html
2 Critique de langue anglaise .Voir :http://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Bentley
3 Ce pamphlet n'est d'aucun des deux . Les Pensées philosophiques d'un citoyen de Montmartre (1756, in-12) sont du jésuite Sennemaud publiées contre les philosophes. Voir lettre du 8 mai à Thieriot .
4 Gargantua livre I, chapitre LIII : http://fr.wikisource.org/wiki/%C5%92uvres_de_Rabelais/%C3%89dition_1868/Gargantua#CHAPITRE_LIII
5 Voir lettre du 18 mai à Colini ; http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/07/07/je-compte-retrouver-tout-tres-propre.html
6 Pierre Rousseau créateur du Journal encyclopédique : http://fr.wikipedia.org/wiki/Journal_encyclop%C3%A9dique
22:35 | Lien permanent | Commentaires (0)
Alceste est très-bien entre les mains de Mme Denis, puisque cela l'amuse, et que de plus c'est le triomphe des femmes.
... Ce qui ne m'étonne pas du tout ["le triomphe"] . N'est-ce pas Mam'zelle Wagnière ?
De plus Alceste , comme vous le voyez, a tout pour plaire à Mme Denis qui avait un bon coup de fourchette et des rondeurs remarquables .

« A M. le comte d'ARGENTAL.
Aux Délices, 4 juin. [1756]
Je vous ai envoyé, mon cher ange, mes sermons sous l'enveloppe de M. Bouret ·mais, comme je me suis avisé de voyager un mois dans la Suisse, il se peut faire qu'il y ait eu quelque retardement dans l'envoi.
Vous voyez que la famille des Tronchin est dévouée aux arts mais l'auteur 1 aura des succès moins brillants que l'inoculateur 2. Il vaut mieux suivre Esculape qu'Apollon. On a corrigé le Nicéphore et l'Alexis selon vos vues, mais non selon vos désirs. L'Alceste est très-bien entre les mains de Mme Denis, puisque cela l'amuse, et que de plus c'est le triomphe des femmes. Pour moi, je vous avoue que je n'aurais jamais osé traiter un pareil sujet. Je doute fort que Racine en ait eu l'idée. Alceste peut faire à l'Opéra le plus grand effet. Il eût été à souhaiter que Quinault eût fait Alceste après Armide, dans le temps de la force de son génie, et qu'il eût eu Rameau pour musicien.
Je ne protesterai point votre lettre de change pour une tragédie, mais je demanderai du temps pour vous payer. Les éditions de mes anciennes rêveries prennent le peu de temps que ma misérable santé me laisse. Il faut joindre le Siècle de Louis XIV à un tableau du monde entier depuis Charlemagne. Vous m'avouerez qu'il est difficile qu'un malade puisse d'une main arranger le monde et de l'autre faire une tragédie. Au reste, quand j'en ferai une, je sens bien que je travaillerai pour des ingrats; mais je travaillerai pour vous, mon cher ange, et vous me tiendrez lieu du public. Je suis assez animé quand c'est à vous que je veux plaire; mais, quand vous aurez une pièce du pays des Allobroges, songez que l'on fait souvent des pièces allobroges à Paris; alors vous me jugerez avec indulgence.
Auriez-vous lu ce recueil de Lettres 3 de Mme de Maintenon, de Louis XIV, etc.? Y a-t-il quelque chose dont un historien puisse faire usage? Je ne vous parle que d'histoire; je vous en demandé pardon. Mme Denis vous dit les choses les plus tendres. Elles seront bien reçues, puisqu'elle fait une tragédie. Mme de Fontaine, qui n'en fait point, arrivera dans quelques jours dans mon ermitage, il est bien joli. J'en suis fâché, car je m'y attache, et il est trop loin de vous, mon cher ange. Mille tendres respects à Mme d'Argental et à tous vos amis. »
3 Recueillies et retouchées par La Beaumelle; Amsterdam, 1756, 9 vol. in-12. Voir page 447 : http://books.google.fr/books?id=qYWJ_6a4a0kC&pg=PA447&lpg=PA447&dq=lettres+de+mme+de+maintenon++retouch%C3%A9es+par+La+Beaumelle&source=bl&ots=H5Grrsh6mh&sig=XyaRz09deuf01hKiGYnP1FtiIBE&hl=fr&sa=X&ei=H-H6T8nlCYqy8QPQgM2ZBw&sqi=2&ved=0CC4Q6AEwAA#v=onepage&q=lettres%20de%20mme%20de%20maintenon%20%20retouch%C3%A9es%20par%20La%20Beaumelle&f=false
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