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10/10/2011

Ah ! mesdames, mesdames, qu'est-ce que la vie ?

A finir d'annoter ...

 

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« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg

 

A Colmar , le 7 novembre [1754]

 

Qu'ai-je été chercher à Colmar ! Je suis malade, mourant, ne pouvant ni sortir de ma chambre, ni la souffrir, ni capable de société, accablé, et n'ayant pour toute ressource que la résignation à la Providence . Que ne suis-je près des deux saintes de l'île Jard ! Je remercie bien Mme de Brumath de l'honneur de son souvenir, et du châtelet , et de la comédie 1 de Marseille, et de la liberté grecque de cet échevin héroïque, qui a la tête assez forte pour se souvenir qu'on était libre il y a environ deux mille cinq cents ans . O le bon temps que c'était ! Pour moi, je ne connais de bon temps que celui où l'on se porte bien . Je n'en peux plus . O fond de la boite de Pandore ! ô espérance! où êtres-vous ?

 

M. et Mme de Klinglin me témoignent des bontés qui augmentent ma sensibilité pour l'état de monsieur leur fils . Il n’y a que la piscine de Siloë 2 qui puisse le guérir ; il sied bien après cela à d'autres de se plaindre ! C'est auprès de lui qu'il faut apprendre à souffrir sans murmurer . Ah ! mesdames, mesdames, qu'est -ce que la vie ? quel songe, et quel funeste songe ! Je vous présente les plus tristes et les plus tendres respects … Voilà une lettre bien gaie ! »


1 Belzunce, évêque de Marseille, montra un zèle excessif en faveur de la bulle Unigenitus, et ce , jusqu'à sa mort le 4 juin 1755.

Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Fran%C3%A7ois-Xavier_de_Belsunce_de_Castelmoron

et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bulle_Unigenitus

2 Evangile de Jean, IX, 7 : http://www.info-bible.org/lsg/43.Jean.html#9

 

l'hiver de ma vie, et celui de l'année, m'avertissent de ne pas perdre un moment

A finir d'annoter ...

 Hiver, oui, mais allegro :   http://www.deezer.com/listen-1449444

 Ou furioso...

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« A M. de Brenles

 

Colmar, le 5 novembre [1754]

 

Me voilà , monsieur, lié à vous par la plus tendre reconnaissance . Je vous dois faire d'abord l'aveu sincère de ma situation . Je n'ai pas plus de 230 000 livres de France à mettre à une acquisition . Si, avec cette somme, il faut encore payer le sixième, et ensuite mettre un argent considérable en meubles, il me sera impossible d'acheter la terre d'Allaman . Vous savez, monsieur, que quand je vous confiai le dessein que j'ai depuis longtemps de m'approcher de vous, et de venir jouir de votre société, dans le sein de la liberté et du repos, je vous dis que je pouvais au plus mettre 200 000 livres de France à l'achat d'une terre . Tout mon bien en France est en rentes dont je ne peux disposer .

 

Louer une maison de campagne serait ma ressource ; mais je vous avoue que j'aimerais beaucoup mieux une terre . Il est très désagréable de ne pouvoir embellir sa demeure, et de n'être logé que par emprunt .

 

Nous voici au mois de novembre , l'hiver approche ; je prévois que je ne pourrai me transplanter qu'au printemps ; conservez-moi vos bontés . Peut-être pendant l'hiver Allaman ne sera pas vendu, et on se relâchera sur le prix ; peut-être se trouvera-t-il quelque terre à meilleur marché qui me conviendrait mieux ; il y en a , dit-on, à moitié chemin de Lausanne à Genève . Vous sentez à quel point je suis honteux de vous donner tant de peines, et d'abuser de votre bonne volonté . Tout mon regret, à présent, est de ne pouvoir venir vous remercier ; ma santé est si chancelante que je ne peux même faire le voyage nécessaire que je devais faire en Bourgogne . Je ne vis plus que de l'espérance de finir mes jours dans une retraite douce et libre . J'ai vu à Plombières l'avoyer de Berne 1, je ne sais pas son nom ; il est instruit du désir que j'ai toujours eu de me retirer sur les bords de votre beau lac, comme Amédée à Ripaille . Mais il me semble qu'il témoigna à un de mes amis qu'il craignait que ce pays-là ne me convint pas . J'ignore quelle était son idée quand il parlait ainsi ; je ne sais si c'était un compliment, ou une insinuation de ne point venir m’établir dans un pays dont il croyait apparemment que les mœurs étaient trop différentes des miennes .

 

Il vint deux ou trois fois chez moi, et me fit beaucoup de politesses . Vous pourriez aisément, monsieur, savoir sa manière de penser par le moyen de votre ami qui est dans le conseil . Vous pourriez m'instruire s'il sera à propos que je lui écrive, et de quelle formule 2 on doit se servir en lui écrivant .

 

Je voudrais m'arranger pour venir chez vous avec l’approbation de votre gouvernement, et sans déplaire à ma cour . J'aurai aisément des passe-ports de Versailles pour voyager . Je peux ensuite donner ma mauvaise santé pour raison de mon séjour ; je peux avoir du bien en Suisse comme j'en ai sur le duc de Wurtemberg ; en un mot, tout cela peut s'arranger .

 

Il est triste d'autant différer, quand le temps presse ; l'hiver de ma vie, et celui de l'année, m'avertissent de ne pas perdre un moment, et l'envie de vous voir me presse encore davantage .

 

Il n'y a guère d'apparence que je puisse louer, cet hiver, la maison de campagne dont vous me parlez . Ce sera ma ressource au printemps, si je ne trouve pas mieux ; en un mot, il n'y a rien que je ne fasse pour venir philosopher avec vous, et pour vivre et mourir dans la retraite et dans la liberté .

 

Adieu, monsieur ; je n'ai point de termes pour vous exprimer combien je suis sensible à vos bontés . »


1 Nicolas-Frédéric de Steiger, né à Berne en 1729, mourra en décembre 1799 à Augsbourg .

2 V* avait négligé cette précaution en écrivant le 25 décembre 1752 à messieurs les avoyers de Berne .

09/10/2011

Les filles qui aiment réussissent bien mieux au théâtre que les ivrognes

A fignoler ...

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

Colmar, le 29 octobre [1754]

 

Dieu est Dieu, et vous êtes son prophète, puisque vous avez fait réussir Mahomet 1; et vous serez plus que prophète 2 si vous venez à bout de faire jouer Sémiramis à Mlle Clairon . Les filles qui aiment réussissent bien mieux au théâtre que les ivrognes, et la Dumesnil n'est plus bonne que pour les Bacchantes . Mais , mon adorable ange, Allah, qui ne veut pas que les fidèles s'enorgueillissent, me prépare des sifflets à l'Opéra, pendant que vous me soutenez à la Comédie . C'est une cruauté bien absurde, c'est une impertinence bien inouïe que celle de ce polisson de Royer . Faites en sorte du moins, mon cher ange, qu'on crie à l'injustice, et que le public plaigne un homme dont on confisque ainsi le bien , et dont on vend les effets détériorés . Je suis destiné à toutes espèces de persécution . J'aurai fait une tragédie pour vous plaire, mais il a fallu me tuer à refaire entièrement cette Histoire générale. J'y ai travaillé avec une ardeur qui m'a mis à la mort . Il me faut un tombeau, et non une terre . M. de Richelieu me donne rendez-vous à Lyon ; mais depuis quatre jours je suis au lit, et c'est de mon lit que je vous écris . Je ne suis pas en état de faire deux cents lieues de bond et de volée . Mme la margrave de Baireuth voulait m'emmener en Languedoc . Savez-vous qu'elle y va, qu'elle a passé par Colmar, que j'y ai soupé avec elle le 23, qu'elle m'a fait un présent magnifique, qu'elle a voulu voir Mme Denis, qu'elle a excusé la conduite de son frère, en la condamnant ? Tout cela m'a paru un rêve ; cependant je reste à Colmar, et j'y travaille à cette maudite Histoire générale qui me tue . Je me sacrifie à ce que j'ai cru un devoir indispensable . Je vous remercie d'aimer Sémiramis . Mme de Baireuth en a fait un opéra italien, qu'on a joué à Baireuth et à Berlin . Tâchez qu'on vous donne la pièce française à Paris . Mme Denis se porte assez mal ; son enflure recommence . Nous voilà tous les deux gisants au bord du Rhin, et probablement nous y passerons l'hiver . Je devais aller à Manheim, et je reste dans une vilaine maison 3 d'une vilaine petite ville, où je souffre nuit et jour . Ce sont là des tours de la destinée ; mais je me moque de ses tours avec un ami comme vous et un peu de courage . A propos, que deviendra ce courage prétendu, quand on me jouera le nouveau tour d'imprimer la Pucelle ? Il est trop certain qu'il y en a des copies à Paris ; un Chevrier l'a lue . Un Chevrier 4, mon ange ! Il faut s'enfuir je ne sais où . Il est bien cruel de ne pas achever auprès de vous les restes de sa vie . Mille tendres respects à tous les anges . »


1 Remis au théâtre avec un grand succès, en 1754 avec Lekain dans le rôle de Mahomet .

2 Evangile de Luc et de Matthieu : plus quam prophetam .

3 Celle de Mme Goll , rue des Juifs, où elle portait le n° 10 en 1829.

Il faut qu'elle ait fait sur moi grande impression, car j'ai été à la mort le lendemain

A annoter ...

A la mort ! la mort !!

Volti a l'art de la repousser sine Die ; la fin de l'acte V n'est pas encore écrite .

 

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«  A M. le maréchal duc de Richelieu

 

A Colmar, le 27 octobre [1754]

 

C'est actuellement que je commence à me croire malheureux . Nous voilà malades en même temps, ma nièce et moi . Je me meurs, monseigneur ; je me meurs, mon héros , et j'en enrage . Pour ma nièce, elle n'est pas si mal ; mais sa maudite enflure de jambe et de cuisse lui a repris de plus belle . Il faut des béquilles à la nièce, et une bière à l'oncle . Comptez que je suspends l'agonie en vous écrivant ; et ce qui va vous étonner, c'est que, si je ne me meurs pas tout à fait, ma demi-mort ne m'empêchera point de venir vous voir sur votre passage . Je ne veux assurément pas m'en aller dans l'autre monde sans avoir encore fait ma cour à ce qu'il y a de plus aimable dans celui-ci . Savez-vous bien , monseigneur, que la sœur du roi de Prusse, Mme la margrave de Baireuth, m'a voulu mener en Languedoc et en terre papale ?1 Figurez-vous mon étonnement quand on est venu dans ma solitude de Colmar pour me prier à souper, de la part de Mme de Baireuth , dans un cabaret borgne . Vraiment l'entrevue a été très touchante . Il faut qu'elle ait fait sur moi grande impression, car j'ai été à la mort le lendemain . »


1   Le comtat d'Avignon , ainsi nommé par d'Assoucy dans le Voyage de Chapelle et Bacheaumont .

08/10/2011

On ne sait comment faire avec les précautions …

A annoter ...

 

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« A M. de Moncrif

 

A Colmar , 24 [octobre 1754]

 

Je vois , mon aimable confrère, par votre billet du 8, que vous avez été assez heureux pour ne pas recevoir un énorme fatras que je vous avais adressé, n'osant pas l'envoyer sous le couvert de M. le comte d'Argenson . J'ai mis ainsi le dessus : à Monsieur le premier secrétaire de M. le comte d'Argenson, présumant que ce secrétaire quelconque vous rendrait sur le champ le paquet . On ne sait comment faire avec les précautions … Depuis ce temps-là, vous avez dû être ennuyé de mes lettres . Je rends grâce à ce M. Sireuil et à ce M. Royer , qui me donnent au moins le plaisir de m'entretenir avec vous .

Je fus tout ébahi hier quand on vint me dire , dans ma solitude de Colmar, que la sœur du roi de Prusse, Mme la margrave de Baireuth, m'attendait à souper, et où ? A son auberge . J'y vais en me frottant les yeux . Elle veut m'emmener en Languedoc, où elle va passer l'hiver pour sa santé . Ce ne sera pourtant pas pour elle que j'irai ; ce sera pour M. le maréchal de Richelieu, à qui je l'ai promis . Je serai d'ailleurs encore plus loin des sifflets de Prométhée . Comme je ne partirai que dans un mois ou environ , j'aurai le temps de recevoir vos dernières résolutions sur la mascarade de Pandore .

 

Croiriez-vous que cette sœur du roi de Prusse a voulu absolument voir ma nièce ? Elle lui a fait toutes les excuses possibles d'une certaine aventure de Cimbres et de Sicambres , et elle a fini par me faire un présent magnifique . Tout cela, d'un bout à l'autre, a l'air d'un rêve . Adieu ; mon attachement pour vous et ma reconnaissance sont des vérités bien réelles . »

Il y a des dieux cruels ; les déesses sont plus indulgentes

Lettre mise en ligne à la va-vite, que j'annote dès que j'ai un moment ...

 

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« A madame la duchesse de Saxe-Gotha

 

A Colmar , 24 octobre [1754]

 

Madame, j'ai fait partir par les chariots de poste une tragédie . Ces voitures ne sont guère accoutumées à porter des vers français . Que j'ai-je pu venir moi-même mettre à vos pieds ces petits amusements ! Et pourquoi faut-il qu'il n'y ait que mes enfants qui fassent le voyage de Gotha !

 

Votre Altesse Sérénissime daigne faire des compliments à ma nièce ; elle ressent cette extrême bonté avec la plus respectueuse reconnaissance ; mais, malgré tout l’héroïsme de son amitié pour moi, je lui sais mauvais gré d'être venue me consoler à Colmar . Elle y fait le bonheur de ma vie ; mais elle m'empêche d'être à votre cour ; elle me fait à la fois beaucoup de bien et beaucoup de mal .

 

Qui fut bien surpris le 23 de ce mois ? Ce fut moi, madame, quand un gentilhomme de Mme la margrave de Baireuth me vint dire que son auguste maîtresse m'attendait à souper à la Montagne-Noire, cabaret borgne de la ville . Je me frottai les yeux ; je crus que c'était un rêve . Je vais à la Montagne-Noire ; j'y trouve monseigneur le margrave et Son Altesse royale . Il n'y a de sorte de bontés dont ils ne m'accablent ; ils veulent me mener sur les bords du Rhône , où ils vont passer l'hiver . Je crois qu'ils s'arrêteront quelques mois à Avignon , en terre papale : cela est beau , pour des calvinistes ; mais, pour moi, ce n'est pas chez le pape, c'est dans le palais d'Ernest le Pieux que je voudrais aller . Mme la margrave de Baireuth a voulu absolument voir ma nièce . « Oui, madame ; lui ai-je dit, elle aura hardiment l'honneur de se présenter devant vous, quoique vous soyez la sœur du roi de Prusse .» Tout s'est passé le mieux du monde ; la sœur a fait ce que le frère aurait dû faire : elle a excusé comme elle a pu, et avec une bonté infinie, l'aventure de Francfort . Enfin, madame, qui sait mieux que Votre Altesse sérénissime que votre sexe est fait pour réparer les torts du nôtre ? Il y a des dieux cruels ; les déesses sont plus indulgentes . C'est à vos autels, madame, que mon cœur sacrifie .

 

Je n’irai certainement point en terre papale, quoique j'aie été en terre monacale . Il est très vrai que j'ai passé un mois chez des moines bénédictins ; mais j'y ai cherché une belle bibliothèque dont j'avais besoin, et non pas vêpres et matines . Je voulais finir cette Histoire universelle dont Votre Altesse sérénissime a un manuscrit, et c'est une assez bonne ruse de guerre d'aller chez ses ennemis se pourvoir en artillerie contre eux . Le tour qu'on ma joué d'imprimer cette histoire toute défigurée m'a mis dans la nécessité de l'achever . Mais j'aurais fait encore plus de cas de la bibliothèque luthérienne de Gotha que des livres orthodoxes des bénédictins de Senones . Ma dévotion consiste à regarder madame la duchesse de Gotha , et, si elle le permet, la grande maîtresse des cœurs, comme mes saintes . S'il y a un paradis, il y en a pour de si belles âmes . En attendant très longtemps ce paradis, vivez pour les délices de ce monde, madame ; conservez-moi vos bontés . Souffrez que je mette aux pieds de toute votre auguste famille, et surtout aux vôtres, avec le plus profond respect et le plus tendre,

 

Voltaire . »

 

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05/10/2011

Concluons que les femmes valent mieux que les hommes

 

 Mme de Staël reprendra cette affirmation : "Les femmes valent généralement mieux que les hommes" , ce qui est déjà moins péremptoire , à moins que ce ne soit notre cher Volti qui se laisse encore aller à encenser ses correspondantes et amies . Et il a bien raison .

 

Sera-ce l'opinion de ceux qui vont élire le représentant du parti socialiste, au cours de primaires qui me laissent de glace ?

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Par contre, je suis d'accord avec le parti pris par Pierre Perret et tous les humains sensés : cessons d'outrager les femmes, quelque soit le prétexte, fût il religieux . Une religion qui avilit et garde l'humain sous tutelle, qui ment et vit de la peur des croyants, et prône un hypothétique dieu vengeur , quelque soit cette religion, elle n'a pas sa place sur terre .

http://www.dailymotion.com/video/xg7130_pierre-perret-quand-femme-est-grillagee_webcam

 

 

 

 

« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg

 

Colmar, le 23 octobre [1754]

 

Il faut, madame, que je vous dise, à propos de notre inscription, une chose que j'aurais déjà dû vous dire : c'est que toute inscription doit être courte et simple, et que les grands vers d'imagination et de sentiment conviennent peu à ces sortes d'ouvrages . La brièveté et la précision en font le principal mérite . Voilà pourquoi on se sert presque toujours de la langue latine, qui dit plus de choses, et en moins de mots, que la nôtre . Je ne vous faits pas , madame, ces petites observations pédantesques pour vous proposer une inscription en latin, mais seulement pour vous demander si vous serez contente d'une grande simplicité en français . Voici à peu près ce que j'oserais vous proposer, en attendant que je sois mieux inspiré :

 

Il 1 eut un cœur sensible, une âme non commune ;

Il fut par ses bienfaits digne de son bonheur ;

Ce bonheur disparut ; il brava l'infortune .

Pour l'homme de courage il n'est point de malheur .

 

Je ne vous donne, madame, ce faible essai que comme une esquisse . Voyez si c'est là ce que vous voulez qu'on dise, et je tâcherai de le dire mieux .

 

Je vous avoue que je ne m'attendais pas de passer huit heures de suite avec la sœur du roi de Prusse à Colmar . Elle m'a accablé de bontés, et m'a fait un très beau présent . Elle a voulu absolument voir ma nièce . Enfin elle n'a été très occupée qu'à réparer le mal qu'on a fait au nom de son frère . Concluons que les femmes valent mieux que les hommes .

 

M. de Richelieu fait ce qu'il peut pour que j'aille passer l'hiver en Languedoc, et Mme la margrave de Baireuth voulait m'emmener ; mais je doute fort que ma santé me permette le voyage . Si je pouvais quitter Colmar, ce serait pour l'île Jard ; ce serait pour vous , madame, et pour votre digne amie 2. Ma nièce se joint à moi pour vous souhaiter de la santé, et pour vous assurer du plus sincère attachement . »


1 Sans doute le frère ou un très proche parent de Mme de Lutzelbourg .

2 Mme Zuckmantel de Brumath, sœur de l’envoyé de Prusse à Mannheim, que V* appelle «  sœur Broumath ».