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27/06/2012

Je fais bien plus de cas d'un être pensant que de Saint-Pierre de Rome; et ce n'est pas trop la peine, à mon âge, d'aller dans un pays où il faut demander la permission de penser à un dominicain.

 ... Ou à un ayatollah ! Dieu (nous mêmes) nous garde de ces maîtres à penser, ou plutôt ces castrateurs terrorisés terrorisants !

 

liberté de pensée.JPG


Voir ce site:

http://kassataya.com/libre-expression/la-folle-panique-de-lambassade-de-mauritanie-a-dakar

 

 

 

« A M. Charles BORDES 1

Aux Délices, avril [1756]

Soyez bien sûr, monsieur, que votre lettre me fait plus de plaisir que tout ce que vous auriez pu m'envoyer d'Italie, soit opéra, soit agnus Dei. Nous sommes très-fâchés, Mme Denis et moi, que vous n'ayez pas pu prendre votre route par Genève. Après avoir vu des palais et des cascades, et après avoir entendu des Miserere à quatre chœurs, vous auriez vu, dans une retraite paisible, deux espèces de philosophes pénétrés de votre mérite. J'ai eu longtemps un extrême désir de faire le voyage dont vous revenez mais à présent je n'ai plus d'autre passion que celle de rester tranquille chez moi, et d'y pouvoir recevoir des hommes comme vous. Je fais bien plus de cas d'un être pensant que de Saint-Pierre de Rome; et ce n'est pas trop la peine, à mon âge, d'aller dans un pays où il faut demander la permission de penser à un dominicain.
M. l'abbé Pernetti 2 m'a mandé qu'il fallait deux vers pour l'inscription de votre salle de spectacle 3, et qu'il ne fallait que deux vers. La langue française, qui, par malheur, est très-ingrate pour le style lapidaire, rend cette besogne assez malaisée. Quatre vers en ce genre sont plus aisés à faire que deux. Cependant je vous prie de dire à M. l'abbé Pernetti que j'essayerai de lui obéir et de lui plaire. J'ai encore heureusement du temps devant moi on dit que votre salle ne sera prête que pour l'automne. Je me flatte qu'avant ce temps-là il faudra faire des inscriptions pour la statue de M. le maréchal de Richelieu, à Minorque 4.
Adieu, monsieur; conservez-moi une amitié dont je sens vivement tout le prix. »

2 Nous ne connaissons jusqu'à présent aucune lettre de Voltaire à Jacques Pernetti, antérieure à celle du 22 auguste 1760. (CL.) Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Pernetti

3 L’Opéra de Lyon qui va être prochainement inauguré .

4 Allusion au fait qu'on a déjà fait statufier le duc de Richelieu à Gênes suite à ses actions défensives et victorieuses , et V* est intimement persuadé que son « héros » va être vainqueur contre les Anglais en Méditerranée .

 

Les Français sont accoutumés à sacrifier de tout leur cœur quelque chose de plus à leurs princes

... Sauf une -trop- modeste augmentation salariale !

Quant à sacrifier son superflu, encore faut-il en avoir ! Pour nos "princes" dirigeants ou patrons, encore faut-il qu'ils le méritent !

Mais on peut essayer ceci :  "Matignon gèle 1 milliard d'euros de crédits dès juillet. La taxe sur les transactions financières est doublée, à 0,2 %." : http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/020...

Il est courant, aux échecs, de pratiquer des sacrifices pour sauvegarder les princes que sont la Reine et le Roi, le gain de la partie étant la récompense. Lorsqu'il s'agit d'humains, le rôle de pion sacrifié perd beaucoup de son attrait, l'instinct de survie étant fort et les princes étant de surcroit les seuls bénéficiaires .

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« A M. Théodore TRONCHIN

médecin. 1

Aux Délices, 18 avril [1756]

Depuis que vous m'avez quitté,
Je retombe dans ma souffrance
Mais je m'immole avec gaité,
Quand vous assurez la santé
Aux petits-fils des rois de France.


Votre absence, mon cher Esculape, ne me coûte que la perte d'une santé faible et inutile au monde. Les Français sont accoutumés à sacrifier de tout leur cœur quelque chose de plus à leurs princes. Monseigneur le duc d'Orléans et vous, vous serez tous deux bénis dans la postérité.

Il est des préjugés utiles,
11 en est de bien dangereux
Il fallait, pour triompher d'eux,
Un père, un héros courageux,
Secondé de vos mains habiles.
Autrefois à ma nation
J'osai parler dans mon jeune âge
De cette inoculation 2

Dont, grâce à vous, on fait usage.
On la traita de vision;
On la reçut avec outrage,
Tout ainsi que l'attraction 3.
J'étais un trop faible interprète
De ce vrai qu'on prit pour erreur,
Et je n'ai jamais eu l'honneur
De passer chez moi pour prophète.
Comment recevoir, disait-on,
Des vérités de l'Angleterre
Peut-il se trouver rien de bon
Chez des gens qui nous font la guerre ?
Français, il fallait consulter
Ces Anglais qu'il vous faut combattre
Rougit-on de les imiter,
Quand on a si bien su les battre?
Egalement à tous les yeux
Le dieu du jour doit sa carrière;
La vérité doit sa lumière
A tous les temps, à tous les lieux.
Recevons sa clarté chérie,
Et, sans songer quelle est la main
Qui la présente au genre humain,
Que l'univers soit sa patrie.


Une vieille duchesse anglaise aima mieux autrefois mourir de la fièvre que de guérir avec le quinquina, parce qu'on appelait alors ce remède la poudre des jésuites. Beaucoup de dames jansénistes seraient très-fâchées d'avoir un médecin moliniste. Mais, Dieu merci, messieurs vos confrères n'entrent guère dans ces querelles. Ils guérissent et tuent indifféremment les gens de toute secte.
On dit que vous prendrez votre chemin par Lunéville. Faites vivre cent ans le bienfaiteur 4 de ce pays-là, et revenez ensuite dans le vôtre. Imitez Hippocrate, qui préféra sa patrie à la cour des rois.
Vos deux enfants me sont venus voir aujourd'hui; je les ai reçus comme les fils d'un grand homme. Mille compliments à M. de Labat, si vous avez le temps de lui parler.
Je vous embrasse tendrement. »

1 Théodore Tronchin, fils d'un riche banquier de Genève, y naquit en 1709, fut élève de Boerhaave, et devint lui-même un célèbre médecin. Il est mort à Paris le 30 novembre 1781.

2 Lettre XI sur l'insertion de la petite vérole , 1727, page 111 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113389/f121.image.r=.langFR

3 Lettre XV, histoire de l'attraction , page 132 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113389/f142.image.r=.langFR

4 Stanislas, surnommé le Bienfaisant.

 

26/06/2012

Vous voyez que je suis bon Français; je combats les Anglais à ma façon

... Avec un certain esprit de contradiction, et une incompréhension certaine des chanteurs/braillards anglophones, j'ai une affection particulière pour Radio Bleu et Radio Nostalgie !

Et pour confirmer, -avec une logique qui défriserait une blonde,- j'écoute très peu les susdites radios .

Va comprendre, Charles (aux grandes esgourdes, amoureux d'un cheval nommé Camilla ) !!

 http://www.lesgrosjean.com/?tag=anglais

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« A madame de FONTAINE,

à PARIS.

Aux Délices, 16 avril [1756]

Les Délices sont un hôpital, ma chère nièce; nous sommes sur le côté, votre sœur et moi ; notre Esculape-Tronchin ne peut pas être partout. Songez à conserver la santé qu'il vous a rendue. Il arrive bien souvent, dans les maladies chroniques comme les nôtres, qu'un remède agit heureusement les quinze premiers jours, et cesse ensuite de faire son effet. C'est ce que j'ai éprouvé toute ma vie, et que je souhaite que vous n'éprouviez pas. Dès que votre sœur et moi nous aurons repris un peu de force, nous ferons un petit voyage 1 indispensable. Ne manquez pas de nous écrire toujours aux Délices, et de nous informer de votre marche, afin que nous puissions aller au-devant de vous, et que nous ne soyons pas d'un côté tandis que vous arriverez de l'autre.
Je crois qu'on ne s'embarrasse pas plus à Paris de nos flottes et de la vengeance qu'il faut prendre des Anglais 2 que du système de Pope et de la Loi naturelle. Cependant je suis fâché qu'on ait imprimé mes petits sermons; je les ai rendus beaucoup plus corrects et plus édifiants, avec de belles notes fort instructives pour les curieux. Je vous enverrai tout cela comme je pourrai. Vous voyez que je suis bon Français; je combats les Anglais à ma façon. Je suis comme Diogène, qui remuait son tonneau pendant que tout le monde se préparait à la guerre dans Athènes.
Je pourrai bien écrire quelque petite flagornerie à notre docteur, si j'ai quelques moments heureux; mais à présent à peine puis-je dicter une mauvaise lettre en prose, et vous dire combien je vous aime. Bonsoir, ma chère nièce; j'embrasse votre frère, et fils, et mari, et tout ce que vous aimez. »

 

1 A Berne et à Soleure.

2 Qui ont déclenché les hostilités sur mer et arraisonné et pillé des navires français, il y a déjà plusieurs mois, sans aucune délaration de guerre ; ceci va évoluer rapidement et devenir le Guerre de Sept ans .

 

25/06/2012

S'ils vous ennuient, vous n'avez qu'à les jeter dans la mer

... Solution tout à fait envisageable, et même recommandable pour cette sotte/ridicule équipe de foot française * battue sans gloire par l'Espagne . Outre l'inculture crasse de ses membres, un égo surdimensionné, -plus que les mollets qui leurs tiennent lieu de cerveau,- est le point commun de ces petits joueurs .

J'ai ma propre explication à cette récente défaite : traditionnellement, le Français ne va en territoire espagnol que pour prendre des vacances, alors que l'Espagnol vient en territoire français pour travailler, ce qui fut mis en évidence sur ce modèle réduit engazonné de nos territoires respectifs .

NDLR : * Veuillez pardonner ce pléonasme qui associe ces redondances de "ridicule" et "équipe de foot française"

.

 

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« A M. le maréchal duc de RICHELIEU.

Aux Délices, 16 avril [1756]

C'est un trait digne de mon héros de daigner songer à son vieux petit Suisse, quand il s'en va prendre ce Port-Mahon. Savez-vous bien, monseigneur, que l'île de Minorque s'appelait autrefois 1'île d'Aphrodite, et qu'Aphrodite, en grec, c'est Vénus? Je me flatte que vous donnerez pour le mot Venus victrix; cela vous siéra à merveille. Ce mot-là ne réussit pas mal à un de vos devanciers, qui eut aussi affaire en son temps aux Anglais et aux dames 1.
Je ne conçois pas comment les Anglais pourraient s'opposer à votre expédition. Ils ont quatre cent cinquante lieues à traverser avant d'être dans la mer de vos îles Baléares et quand même ils arriveraient à temps, auront-ils assez de troupes? Vous n'avez pas cent lieues de traversée. Si le sud-ouest vous est contraire, ne l'est-il pas aussi aux Anglais? Enfin j'ai la meilleure opinion du monde de votre entreprise. Il vient tous les jours des Anglais dans ma retraite. Ils me paraissent très-fâchés d'avoir chez eux des Hanovriens, et ils ne croient pas qu'on puisse vous empêcher de prendre Port-Mahon, fussiez-vous quinze jours aux îles d'Hyères. Comme on peut avoir quelques moments de loisir sur le Foudroyant, dans le chemin, je prends la liberté grande de vous envoyer mes Sermons, ils ne sont ni gais ni galants ils conviennent au saint temps de Pâques. Ils sont bien sérieux, mais votre sphère d'activité s'étend à tous les objets. S'ils vous ennuient, vous n'avez qu'à les jeter dans la mer. Je ne dirai Tout est bien que quand vous aurez pris la garnison de Port-Mahon prisonnière de guerre. En attendant, je songe assez tristement aux choses de ce monde. J'ai reçu de Buenos-Ayres le détail de la destruction de Quito, c'est pis que Lisbonne. Notre globe est une mine, et c'est sur cette mine que vous allez vous battre. Vous savez que les jésuites du Paraguai s'opposent très-saintement aux ordres du roi d'Espagne 2. Il envoie quatre vaisseaux chargés de troupes pour recevoir leur bénédiction. Le hasard a fait que je fournis, pour ma part, un de ces vaisseaux dont une petite partie m'appartenait. Ce vaisseau s'appelle le Pascal. Il est juste que Pascal combatte les jésuites; et cela est plaisant. Pardon de bavarder si longtemps avec mon héros. Mme Denis et moi, nous lui présentons nos tendres respects, nos vœux, nos espérances, notre impatience. »


 

 

 

1 Le cardinal de Richelieu, arrière-grand-oncle du maréchal.

 

2Voir la lettre du 8 janvier 1756 : . http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/05/04/l...

 

24/06/2012

il n'est pas rare à la nature humaine de voir le bien et de faire le mal

 ... L'éternel problème de la pensée et de l'action, de nos petits accomodements avec la vertu, la morale et la facilité .

Voir le bien et le bien voir, ne sont pas toujours les prémices du bien faire et du bien dire, tout juste, dans le meilleur des cas, un garde-fou temporaire contre la malfaisance . Le fameux dicton qui dit que la main droite doit ignorer ce que fait la main gauche mène tout droit à la schizophrénie dans la pire éventualité, à la sainteté dans la plus désirable .

Ni schizo, ni saint, je tâche de faire au mieux ( qui comme chacun le sait et le dit, est l'ennemi du bien ! ) : zut , le purgatoire , pour le moins sera mon lot ( le plus tard possible, SVP !!) .

 Petit exemple pour avoir "a happy job" dès lundi !

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« A M. le duc d' UZÈS

Aux Délices, près de Genève, 16 avril [1756]

Vous voyez, monsieur le duc, l'excuse de mon long silence 1 dans la liberté que je prends de ne pas écrire de ma main. Mes yeux ne valent pas mieux que le reste de mon corps. Il faut que vous ayez plus de courage que moi, puisque vous écrivez de si jolies lettres avec un rhumatisme; mais c'est que vous avez autant d'esprit que de courage.

Il est vrai, monsieur le duc, que je me suis avisé, il y a quelques années, d'argumenter en vers sur la Religion naturelle avec le roi de Prusse. C'était tout juste immédiatement avant que lui et moi chétif nous fissions l'un et l'autre une petite brèche à cette religion naturelle, en nous fâchant très mal à propos. Mais il n'est pas rare à la nature humaine de voir le bien et de faire le mal 2. On a imprimé à Paris ce petit ouvrage depuis quelque temps, mais entièrement défiguré, et on y a joint des fragments d'une jérémiade sur le Désastre de Lisbonne et d'un examen de cet axiome Tout est bien. Toutes ces rêveries viennent d'être recueillies à Genève; on les a imprimées correctement avec des notes assez curieuses. Si cela peut amuser votre loisir, je donnerai le paquet à M. de Rhodon 3, qui sans doute trouvera des occasions de vous le faire tenir.
Puisque vous me parlez des péchés de ma jeunesse, je vous assure que vous n'avez point la véritable Jeanne. Celle qu'on a imprimée et celles qui courent en manuscrit ressemblent à toutes les filles qui prennent le beau nom de pucelles sans avoir l'honneur de l'être. Bien des gens à qui le sujet plaisait se sont avisés de remplir les lacunes. Je peux vous assurer que ce mot de Bien- Aimé 4 n'est pas dans mon original; il n'est fait que pour le Cantiques des cantiques. Si mon âge, mes maladies, et mes occupations, me permettaient de revoir ces anciennes plaisanteries, qui ne sont plus pour moi de saison, et si le goût vous en demeurait, je me ferais un plaisir de mettre entre vos mains l'ouvrage tel que je l'ai fait; mais ce n'est pas là une besogne de malade. Quant à la foule de mes autres sottises, les frères Cramer en achèvent l'impression à Genève. Je n'en fais point les honneurs. Ils ont entrepris cette édition 5 à leurs risques et périls, et j'ai eu des raisons pour ne pas vouloir en garder plusieurs exemplaires en ma possession. Ma santé, d'ailleurs, est dans un état si déplorable, que j'évite avec soin tout ce qui pourrait entraîner quelque discussion.
Je fais des vœux, en qualité de bon Français et de serviteur de M. le maréchal de Richelieu, pour qu'il arrive dans l'île de Minorque avant les Anglais et je crois qu'on a beau jeu quand on part de Toulon, et qu'on joue contre des gens qui ne sont pas encore partis de Portsmouth. J'oserais bien penser comme vous, monseigneur, sur Calais mais vous avez probablement à la cour quelque Annibal qui croit qu'on ne peut vaincre les Romains que dans Rome 6.
Pardonnez, monseigneur, à un pauvre malade qui peut à peine écrire, et qui vous assure de son tendre respect et de son entier dévouement. »

1  Voir lettre du 14 septembre 1750 page 175 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113533/f178.image.r=roch.langFR

2  Médée, dans le septième livre des Métamorphoses d'Ovide, dit :

Video meliora, proboque;

Deteriora sequor.

3  Ce M. de Rhodon était sans peut être un Genevois que Voltaire appellera le fier, le vaillant Rhoson, dans le chant II de la Guerre civile de Genève. Page 15 : http://archive.org/stream/laguerreciviled00voltgoog#page/n36/mode/1up

Voltaire fait allusion à ces vers sur Louis XV, qui se lisaient dans quelques manuscrits de la Pucelle (chant XV) :

Louis le quatorzième,
Aïeul d'un roi qu'on méprise et qu'on aime.

5  Voir lettre de mars 1756 aux frères Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/06/18/a...

Annibal l'a prédit, croyons-en ce grand homme
On ne vaincra jamais les Romains que dans Rome.

(Mithridate, acte III, sc. 1.)

 

23/06/2012

Quoique vous n'ayez jamais tort avec moi, j'oserai cependant vous dire que le Tout est bien n'est pas mal

 ... Mais cependant exagérément optimiste , n'est-il pas ? 

 

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« A M. DUPONT

Avocat.

Aux Délices, 16 avril [1756]

Le Suisse Voltaire envoie au philosophe de Colmar, pour ses œufs de Pâques, ces deux petits sermons 1 de carême. Mme Denis et lui l'aimeront toujours. »

 

« DE M. DUPONT 2

J'ai reçu vos deux sermons, qu'ils sont beaux, mon révérend père . Ah ! que j'aurais de goût pour le pain de la parole, si ceux qui le distribuent savaient le pétrir comme vous . Vous faites ressusciter en moi des germes de sentiments qui languissaient. Vous remontez les ressorts de mon âme, et je m'aperçois que si vous vouliez, vous pourriez bien faire mon esprit, comme il me souvient que vous faisiez votre corps. Quoique vous n'ayez jamais tort avec moi, j'oserai cependant vous dire que le Tout est bien n'est pas mal. Il serait assez gentil que cette leçon fit des progrès. Les conséquences en sont admirables; mais vous voulez faire votre paix, et vous sacrifiez une assez bonne citadelle dont le parti peut se passer. Votre Loi naturelle est divine. Si les législateurs hébreux et autres parlaient ainsi, quel charme de les écouter . Je ne vous en dirai pas davantage, mon révérend père, crainte de vous mal louer. Il faudrait savoir parler comme vous pour s'en acquitter dignement. Adieu.
Prêchez de temps en temps, et n'attendez pas la fin du carême pour m'envoyer vos sermons, sans quoi je pourrai bien aller en Suisse pour les entendre.
Je ne sais rien dire autre chose à Mme Denis, sinon que je l'admire, et que j'ose l'aimer. »

1 M. de Voltaire m'a écrit ce billet en m'envoyant ses deux poêmes sur le Désastre de Lisbonne et la Loi naturelle. ( Note de Dupont.)

2 Lettres inédites de Voltaire, etc., 1871.

 

vous réparez le tort que me fait son absence en daignant m'envoyer du vin de Bourgogne, qui vaudra mieux pour moi que tous ses remèdes.

 ... Et ce remède bourguignon, je m'en vais le prendre , avec ou sans modération, dès l'heure de l'apéritif de ce jour ensoleillé, avec mes fidèles complices de l'amicale des donneurs de sang, avant d'accueillir lundi ceux qui feront acte de générosité pour donner un peu d'eux-mêmes et sauver des vies .

 Mam'zelle Wagnière , je lève mon verre à votre santé !

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« A M. le président de RUFFEY

Aux Délices, près de Genève, 12 avril 1756.

En revenant, monsieur, à mon petit ermitage qu'on nomme les Délices, je reçois presque à la fois votre lettre et votre présent. M. Tronchin, qui me faisait vivre, m'a abandonné pour aller inoculer des princes; vous réparez le tort que me fait son absence en daignant m'envoyer du vin de Bourgogne, qui vaudra mieux pour moi que tous ses remèdes.
Il ne me manque, monsieur, que d'avoir l'honneur de boire ce vin avec vous. J'ai aussi des vignes, mais ce sont des vignes plus hérétiques qu'à Genève, elles sont maudites de Dieu et de l'Église. Ma retraite est d'ailleurs aussi agréable qu'elle puisse l'être; je m'y attache tous les jours, et je sens que je ne pourrai la quitter que pour venir vous remercier de vos bontés. Ce que vous me mandez de la santé de M. de La Marche 1 me pénètre de douleur, c'est le plus ancien ami qui me reste; la mort m'a enlevé presque tous les autres. Je me flatte encore de le retrouver à Dijon avec vous, si ma santé me permet de faire ce voyage. Adieu, monsieur, recevez les tendres remerciements de votre très- humble et très-obéissant serviteur.

V.

2 Je suis fort en peine de M. le maréchal de Richelieu, j'ai bien peur qu'il ne trouve des vaisseaux anglais dans son chemin avant d'arriver à Minorque mais s'il peut ou les devancer ou les battre, il prendra Port-Mahon, il vengera la France, et reviendra comblé de gloire. Adieu, monsieur, je vous réitère mes remerciements et les tendres sentiments avec lesquels je serai toute ma vie votre très-humble et très-obéissant serviteur.

V. »

1 Claude-Philippe Fyot de La Marche, ami de V* depuis le collège Louis Le Grand .

2 Ce post-scriptum seulement a été publié par Beuchot.