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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Je vous jure que si je le pouvais, si j’étais libre et garçon, je ferais un voyage exprès pour vous voir

... Also sprach Mme Denis au XVIIIè siècle !

Situation  qui semble invraisemblable de nos jours , et pourtant ! Au XXIè siècle, être fille/femme dans une grand part du monde est encore servage assuré, infantilisation inepte, dépendance injustifiable à l'homme, au nom de la tradition née de la religion née de la trouille d'un au-delà hypothétique né de l'ignorance crasse de bipèdes mâles insensés . Jusqu'à quand va-t-on voir cela ? ça n'a que trop duré !

Résultat de recherche d'images pour "servage féminin"

Religion, que d'horreurs tu permets !

 

 

« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville, Ancien conseiller

du Parlement de Rouen

rue Saint-Pierre

à Paris

Et s'il n'y est pas

renvoyez à sa terre de

Launay par Rouen

10è mai 1764 aux Délices 1

Que vous êtes heureux, mon ancien ami, d’avoir conservé vos yeux, et d’écrire toujours de cette jolie écriture que vous aviez il y a plus de cinquante ans ! Votre plume est comme votre style, et pour moi je n’ai plus ni style, ni plume.

Madame Denis vous écrit de sa main , je ne puis en faire autant. Il est vrai que l’hiver passé je faisais des contes, mais je les dictais, et actuellement je peux à peine écrire une lettre. Je suis d’une faiblesse extrême, quoi qu’en dise M. Tronchin ; et mon âme, que j’appelle Lisette, est très mal à son aise dans mon corps cacochyme. Je dis quelquefois à Lisette , allons donc, soyez donc gaie comme la Lisette de mon ami ; elle répond qu’elle n’en peut rien faire, et qu’il faut que le corps soit à son aise pour qu’elle y soit aussi. Fi donc ! Lisette , lui dis-je ; si vous me tenez de ces discours-là, on vous croira matérielle. Ce n’est pas ma faute, a répondu Lisette ; j’avoue ma misère, et je ne me vante point d’être ce que je ne suis pas.

J’ai souvent de ces conversations-là avec Lisette, et je voudrais bien que mon ancien ami fût en tiers ; mais il est à cent lieues de moi, ou à Paris, ou à Launay, avec sa sage Lisette . Il partage son temps entre les plaisirs de la ville et ceux de la campagne. Je ne peux en faire autant . Il faut que j’achève mes jours auprès de mon lac, dans la famille que je me suis faite. Madame Denis, maîtresse de la maison, me tient lieu de femme ; Mlle Corneille, devenue madame Dupuits, est ma fille ; ce Dupuits a une sœur que j’ai mariée aussi, et quoique je sois à la tête d’une grosse maison, je n’ai point du tout l’air respectable.

J’ai été fort affligé de la mort de Mme de Pompadour ; je lui avais obligation ; je la pleure par reconnaissance. Il est bien ridicule qu’un vieux barbouilleur de papier, qui peut à peine marcher, vive encore, et qu’une belle femme meure à quarante ans, au milieu de la plus belle carrière du monde. Peut-être, si elle avait goûté le repos dont je jouis, elle vivrait encore.

Vous vivrez cent ans, mon ami, parce que vous allez de Paris à Launay et de Launay à Paris, sans soins et sans inquiétudes. Ce qui pourra me conserver, c’est le petit plaisir que j’ai de désespérer le marquis de Lézeau. Il est tout étonné de ne m’avoir pas enterré au bout de dix mois. Je lui joue, depuis plus de trente ans, un tour abominable 2. On dit que nous avons un contrôleur-général qui ne pense pas comme lui, et qui veut que tout le monde soit payé.

Bonsoir, mon ancien ami ; soyez heureux aux champs et à la ville, et aimez-moi. »



1Cideville a écrit à V* le 17 avril 1764, commentant longuement Olympie qu’il avait vue « six ou sept fois » ; voir aussi une lettre de Mme Denis à Cideville du 29 mars 1764 : « […] Le mariage de notre petite Corneille réussit à merveille . Son mari l'aime à la folie, ils sont tous deux d'un caractère charmant . J'avais pris aussi une jeune personne sœur de M. Dupuits, qui va avoir dix-sept ans, très jolie et très bon enfant . Je viens de la marier à un maître des comptes de Dole en Franche-Comté ; c'est un homme aimable d'une très jolie figure et qui a du bien . La demoiselle a pour toute fortune dix mille écus, n'ayant plus ni père ni mère . Notre marié se nomme M. de Vaux . Il est arrivé ici il y a quinze jours . Toutes les informations de part et d'autres étaient faites ; un ami commun que j'avais chargé de faire ce mariage l'accompagnait . Bref ils arrivèrent le mercredi, nous avons fait le mariage le mercredi suivant , et nous sommes toujours en noces, tout le pays venant nous faire des compliments . Les nouveaux mariés restent avec nous jusqu'au mois de mai, et puis je leur donnerai ma bénédiction et je crois qu'ils seront très heureux . Voilà mon cher ce qui fait que je n'ai pu vous répondre sur-le-champ . J'ai eu depuis quinze jours un embarras inexprimable, n'ayant pas le temps de respirer . Mon oncle prétend que tous ces mariages le rajeunissent . C'est un grand plaisir que de faire des heureux . Il se porte assez bien , et attend le beau temps avec une impatience extrême . La promenade lui est absolument nécessaire . Êtes-vous content d'Olympie ? Les acteurs jouent-ils bien ? Le spectacle doit en être beau, nous l'avons essayé l'année passée sur notre petit théâtre, elle fit un grand effet . Êtes-vous contente [sic] de Mlle Clairon ? Mlle Dumesnil rend-elle bien Statira ? C’est un beau rôle et celui que j'avais choisi, ne me trouvant pas assez jeune pour rendre celui d’Olympie . Ne serez-vous jamais tenté de voir notre petit théâtre ? Soyez sûr qu'un voyage vous ferait du bien . Thieriot m'avait promis qu'il vous déterminerait . Venez passer un été avec nous . Par Lyon, le chemin est superbe actuellement . Le changement d'air, l'exercice, le plaisir que vous feriez à votre bonne amie, tout concourrait à vous donner de la santé . Croyez qu'on ne cause point à son aise par écrit . Je vous jure que si je le pouvais, si j’étais libre et garçon, je ferais un voyage exprès pour vous voir . Mais je ne peux quitter mon oncle, qui, quoique d'une santé encore assez passable, devient très délicat . Je suis sûre qu'il serait enchanté de vous voir, et si je n'en avais pas les preuves l[es] plus convaincues, je ne vous presserais pas . Vous serez content de ma petite Corneille et de son mari . Ce sont les meilleures petites bonnes gens du monde .[…] Mon oncle qui a toujours répandu des grâces dans la société est plus aimable que jamais, l'âge […] le rendant bien plus doux qu'il n'était autrefois . Savez-vous que nous avons aussi un ex-jésuite, car il n'en est plus d'autre . Nous en avons fait nôtre aumônier . C'est une espèce d'imbécile qui n'y a jamais entendu finesse, et qui a cependant quelque connaissance . Il a régenté vingt ans à Dijon, mais ce que j'en aime le mieux c'est qu'il est grand joueur d'échecs et amuse beaucoup mon oncle . Adieu mon cher ami […] . »

2 Depuis 1733 Lezeau lui verse une rente viagère .

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12/06/2019 | Lien permanent

Il ne faut pas se fâcher contre ceux qui ne peuvent pas nuire

Il ne faut pas non plus parler quand on est heureux.

Il n'y a pas que les grandes douleurs qui sont muettes (quoiqu'il y aurait beaucoup à dire et redire  à ce sujet ! )

Volti est encore en lune de miel prussienne et ne réalise pas encore dans quel guépier il s'est fourré, même s'il subit quelques escarmouches .

-« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

 

A Potsdam le 28 novembre 1750

 

                            Mon cher ange, vous me rendez bien la justice de croire que j’attends avec quelque impatience le moment de vous revoir, mais ni les chemins d’Allemagne, ni les bontés de Frédéric le Grand, ni le palais enchanté où ma chevalerie errante est retenue, ni mes ouvrages que je corrige tous les jours, ni l’aventure de d’Arnaud ne me permettent de partir avant le 15 ou le 20 de décembre . Mme Denis vous aura dit sans doute que pour prix de sa vanité et de sa lâche ingratitude d’Arnaud avait ordre de partir des Etats du roi dans vingt-quatre heures [Il a été renvoyé le 24 novembre. V* , le 14 novembre écrit à d’Argental qu’il a  « servi longtemps de père » à son élève qui jaloux de ses appointements, de ses soupers avec le roi, du succès de Rome sauvée, de l’attribution qui a été faite à V* de ses vers galants (Chanson de l’illustre Voltaire pour l’auguste princesse Amélie, attribuée à V* le 15 septembre) , V* a voulu alors « désavouer une mauvaise préface qu’il avait voulu mettre au devant d’une mauvaise édition qu’on a faite à Rouen des ouvrages »  de V*. D’Arnaud s’est alors adressé à Fréron, lui a dit que V* « l’avait perdu dans l’esprit du roi » et qu’il avait « ajouté à sa préface des choses horribles contre la France » . V* dit qu’il ne peut quitter la Prusse avant éclaircissement de cette affaire . A Thiriot V* donne des précisions sur les vantardises de d’Arnaud et ajoute qu’il « escroqua de l’argent à M. Darget et à bien d’autres ] . Voilà un bel exemple, il a perdu une grande fortune pour avoir été fou et méchant. Il faut que l’envie soit bien le partage des gens de lettres puisque d’Arnaud a osé être jaloux. Quelle race que celle des barbouilleurs de papier !

 

                            Croiriez-vous bien que votre chevalier de Mouhy s’est amusé à écrire quelquefois des sottises contre moi dans un petit écrit intitulé La Bigarrure ? [La Bigarrure ou mélange curieux, instructif et amusant de nouvelles, de critiques, de morale, de poésie (La Haye 1749)] . Je vous l’avais dit et vous n’aviez pas voulu le croire. Rien n’est plus vrai ni si public. Il n’y a aucun de ces animaux là qui n’écrivît quelque pauvreté contre son ami pour gagner un écu et point de libraire qui n’en imprimât autant contre son propre frère. On ne fait pas assurément d’attention  à La Bigarrure du chevalier de Mouhy, mais vous m’avouerez qu’il est fort plaisant que ce Mouhy me joue de ces tours là. Il vient de m’écrire une longue lettre, et il se flatte que je le placerai à la cour de Berlin. Je veux ignorer ses petites impertinences qu’on ne peut attribuer qu’à de la folie. Il ne faut pas se fâcher contre ceux qui ne peuvent pas nuire. J’ai mandé à ma nièce qu’elle fit réponse pour moi, et qu’elle l’assurât de tous mes sentiments pour lui et pour la chevalière.

 

                            Votre Aménophis est de Linant [joué le 12 novembre 1750, il est de Bernard-Joseph Saurin ; V* confond avec Ramsès/ Alzaïde de Linant, représentée en  1745], c’est l’Artaxerce de Metastasio . Ce pauvre diable a été sifflé de son vivant et après sa mort. Les sifflets et la faim l’avaient fait périr, digne sort d’un auteur. Cependant vos badauds ne cessent de battre des mains à des pièces qui ne valent guère mieux que les siennes. Ma foi, mon cher ange, j’ai fort bien fait de quitter ce beau pays là, et de jouir du repos auprès d’un héros à l’abri de la canaille qui me persécutait, de graves pédants qui ne me défendaient pas , des dévots qui tôt ou tard m’auraient joué un mauvais tour, et de l’envie qui ne cesse de sucer le sang que quand on n’en a plus .La nature a fait Frédéric le Grand pour moi . Il faudra que le diable s’en mêle si les dernières années de ma vie ne sont pas heureuses auprès d’un prince qui pense en tout comme moi, et qui daigne m’aimer autant qu’un roi en est capable. On croit que je suis dans une cour, et je suis dans une retraite philosophique. Mais vous me manquez, mes chers anges. Je me suis arraché la moitié du cœur pour mettre l’autre en sureté ; et j’ai toujours mon grand chagrin dont nous parlerons à mon retour. En  attendant je joins ici pour vous amuser une page d’une épître que j’ai corrigée. Il me semble que vous y êtes pour quelque chose. Il s’agit de la vertu et de l’amitié. Dites–moi si l’allemand a gâté mon français, et si je suis rouillé comme Rousseau [Jean-Baptiste, exilé]. N’allez pas croire que j’apprenne sérieusement la langue tudesque, je me borne prudemment à savoir ce qu’il en faut pour parler à mes gens et à mes chevaux .Je ne suis pas d’un âge à entrer dans toutes les délicatesses de cette langue  si douce et si harmonieuse, mais il faut savoir se faire entendre d’un postillon. Je vous promets de dire des douceurs à ceux qui me mèneront vers mes deux anges. Je me flatte que Mme d’Argental, M. de Pont-de-Veyle, M. de Choiseul, M. l’abbé Chauvelin auront toujours pour moi les mêmes bontés, et qui sait si un jour … car … Adieu, je vous embrasse tendrement. Si vous m’écrivez envoyez votre lettre à ma nièce. Je baise vos ailes de bien loin.

 

                            Voltaire.

 

 

 

 

 

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 http://www.bibliothek.uni-augsburg.de/sondersammlungen/ga...

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Thomas-Marie_d...

 

 

 

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28/11/2009 | Lien permanent

Nous sommes nous autres assez malheureux pour avoir beaucoup de vin cette année. Il n'y a que les chèvres qui veulent da

... Et les cochons de payeurs-consommateurs n'en verront pas baisser le prix, ce serait trop triste pour les producteurs d'avoir à diminuer leurs coquets bénéfices . Le fisc ne s'en plaindra pas, et les rats de cave auront bien du travail (vignerons, bistroquets et douaniers me comprennent ! ).

 

chevres qui dansent.jpg

 http://www.ledauphine.com/environnement/2014/08/23/des-ve...

 

« A Germain-Gilles -Richard de RUFFEY

A Tournay, par Genève, 21 juillet 1759. 1

Je ne sais comment faire, monsieur, pour vous remercier de toutes vos bontés, et pour payer MM. de la chambre des comptes. Je suis prêt de donner une lettre de change de la somme que la chambre exige. M. Tronchin, de Lyon, mon banquier, fera toucher l'argent à Dijon, selon les ordres qu'on voudra bien me donner. A qui faut-il adresser l'argent ?
J'observerai seulement qu'on a fait un calcul un peu fort et qu'on n'a pas songé qu'une partie de cette terre relève de l'ancien chapitre de Saint-Victor, aux droits duquel les hérétiques de Genève se sont mis. De tout mon cœur j'y consens; et puisque je paye au roi sur le pied de 75,000 livres, restera peu pour les parpaillots 2. Je les renverrai à la chambre des comptes, ce sera un procès; il faudra bien qu'ils le perdent, puisque les épices en sont payées, et qu'on me fait reconnaître le roi au lieu d'eux.
Franchement j'aime mieux reconnaître le roi ou son engagiste, monseigneur le comte de La Marche, pour mon seigneur suzerain, que la république genevoise. Mais voici un autre embarras: si messieurs de la chambre des comptes me font payer sur le pied de 75,000 livres, monseigneur le comte de La Marche, de qui je ne relève que pour 49,000 livres aux termes du contrat, sera donc en droit de me demander le quint et requint 3 de 75,000 francs. Par là messieurs de la chambre des comptes me coupent la gorge. L'objet devient important, il faudrait peut-être que j'allasse à Dijon; mais je ne puis quitter le czar Pierre, auquel la cour de Pétersbourg me fait travailler jour et nuit. Pierre le Grand me tue. Pour Frédéric, il m'égaye ; il m'écrit des lettres à faire pouffer de rire ; il se moque des Russes, des Autrichiens et des Français 4.
Je vous suis très-obligé du bulletin, mon cher monsieur ; je le prendrai. On n'a qu'à l'envoyer par la poste aux Délices. L'auteur n'est pas le confident des ministres ; mais n'importe, c'est une gazette de plus.
On dira de moi, à ma mort, comme de votre Dijonnais 5 : Que nul n'y perd tant que la poste 6.
Je plains M. Le Bault. Nous sommes nous autres assez malheureux pour avoir beaucoup de vin cette année. Il n'y a que les chèvres qui veulent danser qui puissent s'en réjouir. Mille respects à Mme de Ruffey.
Vous savez que le roi m'a rendu ou donné tous les anciens privilèges de la terre de Ferney. Elle ne paye absolument rien.
Il aurait fallu obtenir ce brevet plus tôt. C'est une très-grande grâce. Je me trouve entièrement libre, mais un peu ruiné.
Libertas quæ sera tamen respexit inertem. 7

Je voudrais jouir avec vous de mon bonheur. Adieu, monsieur. Pourquoi m'écrivez-vous du très-humble? Fi! cela n'est pas philosophe.

V. »

1 La lettre de Ruffey à laquelle répond celle-ci n'est pas connue .

2 Ce mot qu'on rencontre surtout dans le sud-ouest est issu du languedocien signifiant papillon, par allusion à l'humeur changeante des protestants, passés d'une foi à l'autre . Il est attesté depuis 1622 .

3 Droits féodaux correspondants au cinquième et au cinquième du cinquième du prix payé pour l'achat d'un manoir situé dans la juridiction d'un seigneur .

4 Dans une lettre du 2 juillet 1759, Frédéric II nomme Mme de Pompadour le « d'Amboise en fontange » du roi ; les « habits écourtés » valent les « talons rouges , les pelisses hongroises et les justaucorps verts de Oursomanes » ; et grâce à une « pucelle plus brave que Jeanne d''Arc », « divine fille née en pleine Westphalie », il vaincra « les trois catins »... Voir page 135 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f147.image.r=16%20juillet

7 La liberté qui vient sur le tard, favoriser mon insouciance . Virgile, Bucoliques, I, 27 .

 

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24/08/2014 | Lien permanent

j’ai toujours dit ce que j’ai pensé, et je ne connais aucun cas dans lequel il faille dire ce qu’on ne pense point

... Ami Voltaire, nous sommes là bien loin de ce que pratiquent nos politiciens de tous bords . Leurs places d'élus sont bâties sur des mensonges grands ou petits et la crédulité et/ou la lassitude des électeurs . Ce ne sont pas les élections européennes à venir qui montreront le contraire .

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Paroles sincères d'ami, de Winnie à Porcinet

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

26è mars 1764 1

Vous voyez bien, mon cher frère, que vous aviez conçu trop d’alarmes au sujet de frère Platon, et qu’un aussi mauvais ouvrage que la Palissotise 2 ne pouvait nuire en aucune manière qu’à son auteur. Il est vrai qu’il est protégé par un ministre 3 ; mais ce ministre, plein d’esprit et de mérite, aime fort la philosophie et n’aime point du tout les mauvais vers. S’il fut un peu sévère, il y a quelques années, envers l’abbé Morellet 4, il faut lui pardonner. L’article indiscret, inséré dans une brochure, au sujet de madame la princesse de Robecq 5, indigna tous les amis de cette dame, qui, en effet, n’apprit que par cette brochure le danger de mort où elle était. Je suis persuadé que tous nos chers philosophes, en se conduisant bien, en n’affectant point de braver les puissances de ce monde, trouveront toujours beaucoup de protection . Ce serait assurément grand dommage que nous perdissions madame de Pompadour ; elle n’a jamais persécuté les gens de lettres, et elle a fait beaucoup de bien à plusieurs. Elle pense comme vous, et il serait difficile qu’elle fût bien remplacée . Je me console de n’avoir pu parvenir à voir les fatras de l’archevêque de Paris et de l’abbé de Caveyrac, et je suis honteux de m’être fait une bibliothèque de tout ce qui s’est écrit, depuis deux ans, pour et contre les jésuites. Il vaut bien mieux relire Cicéron, Horace et Virgile . Vous aurez incessamment le Corneille commenté ; j’ai pris la liberté de vous en adresser un ballot de vingt-quatre exemplaires, dont je vous supplie d’envoyer douze à M. de Laleu, vous ferez présent des autres à qui il vous plaira . C’est à vous à distribuer vos faveurs. Il y a des gens de lettres qui ne sont pas assez riches pour acheter cet ouvrage, et qui le recevront de vous bien volontiers gratis . Les fanatiques de Corneille n’y trouveront peut-être pas leur compte ; mais je fais plus de cas du bon goût que de leur suffrage . J’ai tout examiné sans passion et sans intérêt, j’ai toujours dit ce que j’ai pensé, et je ne connais aucun cas dans lequel il faille dire ce qu’on ne pense point. Comptez, mon cher frère, que je dise la chose du monde la plus vraie, quand je vous assure de mon très tendre attachement. »

1 L'édition de Kehl ,suite à la copie Beaumarchais, insère dans cette lettre un fragment de celle du 16 avril 1764 ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-11.html

3 Le duc de Choiseul .

4 Lorsque celui-ci a été embastillé quelque temps en 1760 ; voir lettre du 7 juillet 1760 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/07/06/ayant-sous-son-nez-80-mille-autrichiens-et-100-mille-russes-5732407.html

5 Sur l'affaire de Mme de Robecq, dans laquelle l'attitude de Morellet a été en effet inqualifiable , voir lettre du 10 juin 1760 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/06/10/quand-je-vous-ecrivis-en-beau-style-academique-je-m-en-fous.html

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02/05/2019 | Lien permanent

s’il me vient quelque bonne pensée, je la soumettrai à votre hiérarchie

... NB. -- Note remise en ligne le 25/12 pour le 15/12/2018 suite à suppression de la première édition par je ne sais qui .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

Jeudi au soir 15è décembre 1763

Je reçois une lettre céleste et bien consolante de mes anges, du 8 Décembre. Je ne me plains plus, je ne crains plus ; mais je n’ai plus de quakres. Il faudrait engager quelque honnête libraire à imprimer ce salutaire ouvrage à Paris.

Je rêverai à Olympie. Je demande quinze jours ou trois semaines ; car actuellement je suis surchargé, et les yeux me font beaucoup de mal.

J’avertis par avance que maman 1 n’est point de l’avis de M. de Thibouville ; mais je prierai Dieu qu’il m’inspire, et s’il me vient quelque bonne pensée, je la soumettrai à votre hiérarchie.

Songeons d’abord aux conjurés et aux roués. Je commence à n’être pas si mécontent de cette besogne, et je crois que si mademoiselle Dumesnil jouait bien Fulvie, et mademoiselle Clairon pathétiquement Julie, la pièce pourrait faire assez d’effet. Cependant j’ai toujours sur le cœur l’ordre qu’on donne à Julie, au 4è acte, d’aller prier Dieu dans sa chambre : c’est un défaut irrémédiable. Mais où n’y a-t-il pas des défauts ! Peut-être cet endroit défectueux rebutera Mlle Clairon ; elle aimera mieux le rôle de Fulvie ; en ce cas, Julie serait, je crois, à Mlle Dubois, et cet arrangement vaudrait peut-être bien l’autre.

Je suis enchanté que l’affaire de la Gazette littéraire soit terminée 2 ; mais je crains bien d’être inutile à cette entreprise . Il faut lire plusieurs livres, et je deviens aveugle . Heureusement un aveugle peut faire des tragédies ; et, si les Roués ne me découragent pas, vous entendrez parler de moi l’année prochaine.

Laissons là Icile, je vous en supplie ; c’est un point sur un i. Ne me parlez point d’une engelure, quand le renvoi de Julie dans sa chambre me donne la fièvre double tierce.

Le Corneille est entièrement fini depuis longtemps ; on l’aura probablement sur la fin de Janvier. La petite-nièce à Pierre avance dans sa grossesse, tantôt chantant, tantôt souffrant. Notre petite famille est composée d’elle, de son mari, d’une sœur, et d’un jésuite . Voilà un plaisant assemblage ; c’est une colonie à faire pouffer de rire. Je souhaite que celle de M. le duc de Choiseul, à la Guyane 3 (qui est, ne vous déplaise, le pays d’Eldorado), soit aussi unie et aussi gaie. La nôtre se met toujours à l’ombre de vos ailes, et je vous adore du culte d’hyperdulie ; et si les Roués réussissent, j’irai jusqu’à latrie 4. Mettez-moi, je vous en conjure, aux pieds de M. le duc de Praslin pour l’année prochaine, et pour toutes celles où je pourrai exister.

J'écrirai à M. de Thibouville incessamment. »

1 Mme Denis .

2 Les auteurs du Journal des Savants , protégés par le duc de Choiseul s'opposaient à la publication de la Gazette littéraire protégée par le duc de Praslin , opposition surmontée par celui-ci .

3 Sur ces projets de Choiseul concernant la Guyane, voir lettre du 6 décembre 1763 aux d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/11/29/ce-prince-reste-la-pendant-cinq-actes-comme-un-grand-nigaud-6109034.html

4 Sur le culte de latrie, « dulie = culte de respect et d'honneur, par opposition au culte de latrie, qu'on rend à Dieu seul. », dulie qui donne « aduler » et latrie qui donne « idolâtrie ». Voir lettre du 1er octobre 1760 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/10/01/n-b-il-n-y-a-que-moi-dans-le-monde-qui-joue-bien-les-peres-5969699.htm

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15/12/2018 | Lien permanent

il est très-convenable, dans le temps présent où l'argent est si rare, qu'un grand prince comme monseigneur le duc ... i

... On croit rêver !

Les boursiers doivent n'en pas croire leurs yeux, notre ministre du budget et des finances en rendrait son portefeuille si c' était encore vrai en ce XXIè siècle de misère organisée ! Perdre de l'argent en le retirant de France, voilà qui n'est pas actuel, n'est - ce pas ? Gérard 2par2 , Nanard et Coursensac , pour ne citer qu'eux, ne sont pas des gagne-petit et cherchent fortune loin ,- ou pas-, de leur mère patrie . Comme quoi, le changement (de régime) c'est bien maintenant !

"Froggy condamné au pain sec et à l'eau", ou "la monnaie flottante"

 DSCF4304 monnaie flottante.png

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA 1

Aux Délices, 24 juin [1758].

Madame, je viens enfin de trouver à Genève le seul homme qui puisse prêter de l'argent à Votre Altesse sérénissime. J'ai retardé, pour venir à bout de cette affaire, un voyage que je suis obligé de faire chez monseigneur l'électeur palatin. Je pars avec la satisfaction de donner à Votre Altesse sérénissime une preuve de ma respectueuse et tendre reconnaissance, et avec la douleur de ne pouvoir venir me mettre à vos pieds. Il ne s'agira, madame, que de faire écrire, ou par un de vos ministres, ou par votre banquier de Francfort, à M. de Labat, baron de Grandcour, à Genève. Que Votre Altesse sérénissime ne soit ni surprise ni fâchée contre moi de la liberté que je prends de servir de caution. C'est un usage de républicains, quand ils contractent avec des princes, et cet usage est même établi à Paris. Ce n'est qu'une formalité entre M. de Labat et moi, dans laquelle Vos Altesses sérénissimes n'entrent pour rien et je regarde comme le plus heureux jour de ma vie celui où je peux leur marquer avec quel tendre respect je leur suis attaché.

Je me flatte que Votre Altesse sérénissime touchera cinquante mille florins d'empire soit à Francfort, soit à Amsterdam, sur le premier ordre qu'elle donnera. Je prends la liberté d'assurer Votre Altesse sérénissime qu'il est très-convenable, dans le temps présent où l'argent est si rare, qu'un grand prince comme monseigneur le duc de Saxe-Gotha indemnise M. de Labat de la perte réelle qu'il fait en retirant son argent de France pour vous le remettre. Sa délicatesse ne lui permet pas de demander un autre intérêt que de cinq pour cent pendant les quatre années qu'il vous laisse son argent et votre générosité, madame, ne vous permettra pas de ne lui point 2 accorder de votre pure volonté un pour cent de plus c'est une bagatelle. Votre ministre peut lui écrire dans cette idée; un simple billet que votre banquier de Francfort ou d'Amsterdam lui enverra signé de monseigneur le duc et de Votre Altesse sérénissime terminera toute l'affaire. Les choses de ce monde ne méritent pas qu'on y consume plus de temps. Que ne puis-je, madame, employer tout le temps de ma vie à vous témoigner mon zèle inviolable , puisse bientôt la paix, nécessaire aux princes et aux peuples, rendre à votre auguste famille le repos, qui est la récompense de la vertu .

Conservez, madame, vos bontés à votre vieux Suisse, qui n'oublie pas la grande maîtresse des cœurs. »

2 Lui point a été ajouté au-dessus de la ligne sur le manuscrit .

 

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02/09/2013 | Lien permanent

Je ne puis ni dire un mot , ni faire un pas qui ne soit public, et par conséquent empoisonné . Encore si on se contentai

... "Ti bouffe, ti bouffe pas, ti crève quand même" , comme on dit dans la Céggal é la Foormi, et président "tu fais ou tu ne fais rien" tu as toujours tort , c'est la France !

Rions un peu avec le regretté Pierre Pechin : https://www.dailymotion.com/video/x2sofu

J'en profite pour dire M... à ceux qui y verront un sketch raciste , je ne rirai encore pas avec vous , circulez , vous êtes trop bornés !

 

 

« A Marie-Louise Denis

31 mai [1768] au soir 1

J'ai reçu , ma chère nièce, votre lettre du 26 mai et je suis toujours stupéfait et affligé que mon paquet adressé pour vous à M. de Chennevières ne vous soit pas parvenu . Son peu de crédit à la poste me fait de la peine .

Je suis très fâché que vous soyez allée à Versailles chercher une audience ; mais fort aise que vous couriez dans Paris dans un carrosse de remise . Cela fait du bien au corps et tire l'âme de l'ennui d'être tête à tête avec elle-même . Puisque vous voyez Mme Du Deffand, ne pourriez-vous pas lui représenter avec amitié le tort qu'elle m'a fait en montrant ma lettre 2 . Elle m'avait promis plus de discrétion : et je ne lui avait écrit que sur ses serments d'être fidèle . Je crains fort que cette lettre n'ait donné à M. le maréchal de Richelieu un prétexte d'être en froid avec moi . Je disais que vous alliez solliciter à Paris les paiements des généreux seigneurs français, et moi ceux des généreux seigneurs allemands .

Pourquoi M. de Richelieu s’appliquerait-il ce mot, et pourquoi se fâcherait-il ? Le duc d'Orléans, le prince de Beauvau, le duc de Bouillon ne sont-ils pas mes débiteurs ?

Le rôle que je joue dans ce coin du monde est triste . Je ne puis ni dire un mot , ni faire un pas qui ne soit public, et par conséquent empoisonné . Encore si on se contentait de noircir ce que j'ai fait ! Mais on m’impute ce que je n'ai pu faire : Le Compère Matthieu, Le Catéchumène, La Théologie portative, La Religion des Français 3, L’Évangile de la raison 4, Le Militaire philosophe et une foule de pareils ouvrages .

Il faudrait que j'eusse trois âmes comme Géryon 5, et cent mains comme Briarée pour suffire à tant de sottises tandis que je suis occupé jour et nuit du Siècle de Louis XIV et de Louis XV et que je n’épargne ni soins ni argent pour assembler des matériaux dont je construit cet édifice dont peut-être les Français et la cour même devraient me savoir quelque gré .

Toutes les fadaises qu'on débite sous mon nom pour les mieux vendre font un effet cruel . Les évêques de Saint-Claude et d'Annecy ont crié et il fallait leur fermer la bouche . Le cardinal de Choiseul, archevêque de Besançon, s'est plaint malgré son nom qui doit le porter à l’indulgence, que des officiers, et surtout des ingénieurs parlaient hautement contre notre religion catholique, et prêchaient le déisme . Le duc de Choiseul en a écrit aux directeurs du Génie très sérieusement . Le roi sur cet article ne fait grâce à personne . Le sang du chevalier de La Barre est encore tout frais, et quoique l'Europe ait été indignée de ce sacrifice, on en ferait volontiers un second . Il y a des furieux à la cour, à la ville et surtout dans le Parlement . Ce qu'on appelle la bonne compagnie de Paris ne sait rien de tout cela ; et quand elle en apprend par hasard quelque chose, elle en rit . En un mot je dois redouter la calomnie, et non des railleries sur un devoir que j'avais rempli avec vous, et que j'ai rempli quand je suis seul .

Nous sommes tous malades . Fanchon se meurt . Il n'y a que Dupuits qui se porte bien . Il a besoin de santé, car il va courir dans les montagnes . Bonsoir ma chère nièce . »

1 Date complétée par Mme Denis avec une étourderie coutumière : elle écrit « 1738 » au lieu de 1768 .

3 Certainement le Discours sur la nature et les dogmes de la religion gauloise, 1769, mais encore inédit à l’époque, par Pierre de Chiniac de La Bastide du Claux . V* le réimprime au volume VIII (1770) de l’Évangile du jour .

Voir : https://books.google.fr/books?id=EJkPAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

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21/01/2024 | Lien permanent

On dit : Il est mort, et puis, serre la file; et on est oublié pour jamais

 

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«  A M. BERTRAND. 1

24 octobre [1755].

La mort de M. de Giez me pénètre de douleur me voilà banni pour quelque temps de ma maison, où il est mort. Ah! mon cher monsieur, qui peut compter sur un moment de vie ! Je n'ai jamais vu une santé plus brillante que celle de ce pauvre Giez, il laisse une veuve désolée, un enfant de six ans, et peut-être une fortune délabrée, car il commençait. Il avait semé, et il meurt sans recueillir, nous sommes environnés tous les jours de ces exemples. On dit : Il est mort, et puis, serre la file; et on est oublié pour jamais. Je n'oublierai point mon pauvre Giez, ni sa famille. Il m'était attaché, il m'avait rendu mille petits services, je ne retrouverai, à Lausanne, personne qui le remplace. Je vois qu'il
faudra remettre au printemps mon voyage de Berne; c'est être bien hardi que de compter sur un printemps.

Ce capucin 2, digne ou indigne, a été proposer à Francfort son manuscrit de la Pucelle, à un libraire nommé Esslinger; mais il en a demandé un prix si exorbitant que le libraire n'a point accepté le marché; il est allé faire imprimer sa drogue ailleurs. Je crois qu'il la dédiera à saint François.

Une grande dame 3 d'Allemagne m'a mandé qu'elle avait un exemplaire imprimé de cette ancienne rapsodie. Il faut que ce ne soit pas celle de Maubert, car elle prétend que l'ouvrage n'est pas trop malhonnête, et qu'il n'y a que les âmes dévotes à saint Denis, à saint Georges, et à saint Dominique, qui en puissent être scandalisées. Dieu le veuille ! Cet ouvrage, quel qu'il soit, jure bien avec l'état présent de mon âme.
Singula de nobis anni praedantur euntes. (Hor., lib. II, vers 55.) 4

Je ne connais plus que la retraite et l'amitié. Que ne puis-je jouir avec vous de l'une et de l'autre ! Je vous embrasse bien tendrement. »

3 Probablement Mme de Buchwald, la « grande maîtresse des coeurs » : page 63 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f67.image.r=.langFR

4 Les années qui s’en vont nous dérobent tout, au fur et à mesure ; voir : http://www.anagnosis.org/phil/hor_ep_2_2

 

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09/04/2012 | Lien permanent

Si mon âge et ma façon de penser, devenue un peu sérieuse, me permettaient de continuer un tel ouvrage, j'oserais y trav

 

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« A MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA

Aux Délices, près de Genève, 11 novembre 1755.

Madame, l'Ode sur la Mort 1 me convient beaucoup plus quela Pucelle; je suis bien plus près de tomber dans les griffes de l'une que dans les bras de l'autre. Mais de qui est cette ode? C'est une énigme dont il ne m'appartient pas de deviner le mot. Je vois ces terribles mots De main de maître; je vois une couronne je crains tout cela autant que la mort même. Je fais la révérence, et je me tais. S'il m'était permis de parler, je dirais que j'ai trouvé dans cet ouvrage des images fortes et des idées vraies; mais je n'en dirai pas plus. C'est à Votre Altesse sérénissime à me faire la grâce tout entière et à daigner m'éclairer.
Quant à cette pauvre Jeanne, c'était bien pis, madame, que ce qui a paru devant vos yeux sages et indulgents. Cette Jeanne, à la vérité, s'est un peu corrigée de ses anciennes habitudes mais elle n'a pu s'habiller assez décemment pour paraître à votre vue. Le fait est qu'il en courait des copies aussi insolentes qu'infidèles, et qu'il a fallu rassembler à la hâte ce qu'on avait de cette ancienne plaisanterie, pour empêcher au moins les fausses Jeannes, qui se multipliaient tous les jours, de se donner hardiment pour la véritable. Je n'avais précisément, madame, que ce qui est actuellement entre les mains de Votre Altesse sérénissime. Si mon âge et ma façon de penser, devenue un peu sérieuse, me permettaient de continuer un tel ouvrage, j'oserais y travailler encore mais ce serait uniquement pour obéir à vos ordres. Ma sévérité ne m'empêcherait pas de faire ce que la sévérité d'une grande maîtresse ne l'empêche pas de lire. Mais l'Ode de la Mort m'arrête et me glace; comment plaisanter devant un tel objet? Il est vrai qu'un ancien, nommé Horace, parlait de la mort et du Tartare dans une ode, et de Philyre et de vin de Falerne dans une autre. Apelles 2 peignait Vénus après avoir peint les Furies. La mort a beau faire, elle ne chassera point les grâces d’au-près de votre personne. Elles y sont toujours. Il n'y a pas moyen de venir leur demander à présent comment il faut s'y prendre pour vous obéir, madame. Nos montagnes sont couvertes de neige, et il n'est pas possible de traverser le Rhin et le Weber. Il faut se contenter de saluer la forêt de Thuringe des bords de mon grand lac. Il faut se borner à présenter de loin, ce qui est bien triste, mes profonds respects, mon attachement éternel à Votre Altesse sérénissime et à votre auguste famille. »

 

1 Écrite par Frédéric II à l'adresse de V*, voir lettre du 8 novembre à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/04/16/plus-j-envisage-tout-ce-qui-s-est-passe-sur-la-terre-plus-je.html

 

 

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17/04/2012 | Lien permanent

je ne sais quand nous pourrons manger du jésuite

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Merci, Mme Boutin ! Vous êtes à l'origine d'une nouvelle qui me sied (c'est quand même beau la langue française !). On a ri de vos pleurs, on a jasé sur vos fleurs, aujourd'hui on doit se réjouir que la loi sur les expropriations laisse une issue moins désastreuse à "l'éjection" -parfois musclée- de locataires en difficulté. Si j'ai bien compris, seuls les relogeables pourront être délogés ; on ne viendra pas grossir les rangs des SDF qui sont déjà assez fournis. Ouf ! Encore merci Madame.

 

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

 

 

                            Mon cher correspondant est supplié de vouloir bien affranchir cette lettre pour mon avocat au Conseil, lequel plaide contre un curé [Philippe Ancian, curé de Moëns qui  fait mourir de faim les « pauvres »de Ferney], et lequel perdra probablement son procès ; je n’ai point de nouvelles de Lisbonne [attentat contre le roi du Portugal le 4 septembre 1758 où l’on avait soupçonné une responsabilité des jésuites ], et je ne sais quand nous pourrons manger du jésuite ; l’abbé Pernetti soutient toujours que j’ai fait voyager le philosophe Pangloss et Candide [ V* attribuera la paternité de Candide à son « frère M. Demad » dans une lettre au Journal Encyclopédique, après l’avoir attribué au chevalier de Mouhy, dans une lettre à S. Dupont], mais comme il trouve cet ouvrage très contraire aux décisions de la Sorbonne et aux décrétales je soutiens que je n’y ai aucune part ; et s’il le faut je l’écrirai au révérend père Malagrada [Gabriel Malagrida, jésuite impliqué dans l’attentat cité, il sera relaché puis brûlé en 1761] ; je fais toujours bâtir un château plus beau que celui de M. le baron de Thunder-ten-trunckh . Il me ruine, mais j’espère que les Bulgares n’y viendront point ; j’embrasse mon très cher correspondant de tout mon cœur.

 

                            V.

                            12 mars 1759, aux Délices. »

 

 

 

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Contrairement à Volti, autres temps, autres moeurs, nous espérons que les bulgares et bien d'autres viendront le visiter (le château, pas Volti, bandes de mal-embouchés! ) à partir du 8 mai. Petit appel à candidatures spontanées pour places de guides de visites commentées cette saison ; qu'on se le dise : ref : ferney-voltaire@monuments-nationaux.fr  La photo ci-jointe n'est pas contractuelle , isn'it !!

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12/03/2009 | Lien permanent

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