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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

ces éloges qui ne sont que la bordure du tableau . Ce sont les grandes actions qui louent les grands hommes

... https://www.youtube.com/watch?v=94JNDKjPl-I : André Bourvil, pour rire, rêver, chantonner, sourire encore .

Ce qui nous éloigne fort heureusement du bord du tableau .

Faute de grands hommes, il semblerait bien heureusement que nous ayons de grandes femmes, dont Angela Merkel qui est d'une trempe bien supérieure à nos politiques français qui eux n'ont su que couiner aux quatre vents face à la poussée d'extrême droite . Je prendrais volontiers le pari qu'elle restera fidèle à sa parole concernant les réfugiés .

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D'Excel à l'excellence, un changement de couleur/président suffit-il ?

 

 

« A Ivan Ivanovitch Schouvalov

Aux Délices 30 mars 1761

Monsieur, je reçois dans ce moment par la voie de Vienne la lettre de 1 Votre Excellence en date du 26 janvier,2 la lettre pour M. de Soltikof, et le mémoire sur le Kamshatka dont vous voulez bien m'honorer . Vous daignez ajouter à vos bontés celle de me dire que vous travaillez à me fournir le canevas du second volume . Je suis tout prêt . Je m'arrange pour mettre en œuvre tous vos matériaux malgré celui que l'histoire d'un législateur, d'un grand homme 3, irrite si furieusement . Les expressions dont il se sert contre le père, et contre son auguste fille, sont si horribles qu'on n'ose les répéter . J'oublie pour jamais et ces injures, et celui qui en est coupable . Elles n'ont servi qu'à redoubler mon zèle pour la gloire de Pierre le Grand et pour celle de votre valeureuse nation que Sa Majesté l'Impératrice rend heureuse, et que Votre Excellence éclaire et encourage par les bienfaits qu'Elle répand et par la protection qu’elle donne aux arts . Toutes les fois que le jeune M. de Soltikof me fait l'honneur de venir chez moi je vois en lui de nouveau progrès et surtout les sentiments de la plus tendre reconnaissance envers vous Monsieur qu'il révère et qu'il aime comme son protecteur et comme son père 4.

Votre Excellence doit avoir reçu la petite inscription qu'Elle m'avait fait la grâce de me demander 5. Je la fis sur-le-champ . Vos ordres m’inspirèrent . Les voici à peu près les vers,6 tels qu'il m'en souvient .

Ses lois et ses travaux ont instruit les mortels ;

Il les rendait heureux ; et sa fille l'imite,

Jupiter, Osiris, vous eûtes des autels

Et c'est lui seul 7 qui les mérite .

Je me flatte monsieur qu'une histoire vraie et authentique fera plus d'effet que tous ces éloges qui ne sont que la bordure du tableau . Ce sont les grandes actions qui louent les grands hommes .

Peut-être le paquet dans lequel j'avais inséré cette inscription a-t-il été perdu . La plupart de nos envois réciproques n'ont pas été si heureux que vos armes . Je vois que Votre Excellence n'a reçu encore ni l'eau des Barbades 8, ni les ballots de livres envoyés à feu M. de Golofskin, ni ceux de M. le duc de Choiseul, ni ceux de notre 9 ambassadeur à Vienne . J'en ressens une véritable peine . Je regrette surtout les papiers dont vous aviez chargé M. Puskin .

Je vois par votre lettre monsieur que vous lui avez confié un présent dont je sens tout le prix, et dont je fais les plus tendres remerciements à Votre Excellence . Elle est trop bonne, mes frais sont trop peu de chose, mes peines sont trop bien employées . Un simple portrait de votre auguste impératrice, un de vous monsieur aurait fait ma récompense la plus chère . Il n'est pas juste qu'il vous en coûte, et que vous payiez les accidents qui peuvent être arrivés à M. Puskin et à mes ballots

. Vous ne savez donc pas que je regarde comme un des plus grands bienfaits le soin dont vous avez daigné me charger . Il fait le charme et l'honneur de ma vieillesse ; recevez avec votre bonté ordinaire le tendre et inviolable respects de Voltaire pour Votre Excellence . »

1 V* a d'abord écrit dont .

2 Elle est toujours conservée (Bestermann).

3 Frédéric II .

4 Depuis Toutes les fois […] ce passage manque dans les éditions .

6 V*, en ajoutant les vers au dessus de la ligne a oublié de supprimer l'article en début de phrase .

7 seul ajouté au-dessus de la ligne .

8 Cette liqueur, fabriquée à Genève, est annoncée par V* dès le 14 novembre 1757 : lettre à Schuvalov : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/30/v... ; une nouvelle expédition eut lieu l'année suivante : lettre du 16 décembre 1758 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-...

( il y manque le post scriptum : « J'ai fait partir quelques bouteilles de la liqueur que vous avez daigné trouver bonne, mais elles arriveront bien tard . » ; une troisième expédition en 1759 : lettre du 22 novembre 1759 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-...

Il s'agit sans doute ici d'un quatrième envoi .

9 V* a d'abord écrit votre .

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19/03/2016 | Lien permanent

Ce qu'il y a de pis c'est que Sophia C*** ne semble point sentir la malhonnêteté et la turpitude de son procédé

... Mme Sophia Chikirou, flirter avec Jean-Luc Mélenchon , soit , ça peut servir pour assoir une carrière, mais flirter avec l'illégalité, niet ! Il est temps de rendre des comptes : https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/03/pourquo...

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« A Etienne-Noël Damilaville

19 février 1768

Voici, mon cher ami, une nouvelle tracasserie bien désagréable que je vous confie . Vous savez que je m'étais un peu égayé sur la guerre ridicule de Genève . Je me moquais beaucoup de Jean-Jacques qui le méritait bien, et ce n’était qu'un rendu . J'ai laissé courir volontiers deux chants de ce petit poème dans lesquels je donne à mon plaisir sur les doigts aux prêtres de Genève et à cet écervelé de Jean-Jacques, mais comme il est question de Tronchin dans le second chant , je n'ai jamais donné ce second chant à personne . Je l'ai refusé à des princes, il a toujours été enfermé dans mon cabinet . La Harpe entrait dans ce cabinet tous les jours, et furetait tous mes papiers . Je le laissai faire ; je comptais sur sa discrétion, et sur ce qu'il doit aux services que je lui ai rendus.

Dès qu'il fut à Paris, il fit contre Dorat une épigramme qu'il mir sur mon compte et ce second chant fut rendu public . S'il n'en avait donné d’exemplaires qu'à M. d’Alembert et à ma famille et qu'il eut demandé le secret son infidélité aurait été moins dangereuse ; mais cent personnes en ont des copies et il y en a même une entre les mains de Tronchin .

Une preuve que c'est La Harpe qui m'a joué ce tour cruel c'est que le manuscrit qu'il prit chez moi était tout raturé et que celui que Dupuits a vu dans ses mains était tout raturé aussi . Or certainement si La Harpe avait tenu ce manuscrit d'un copiste, il ne l'aurait pas eu avec ces ratures .

Une seconde preuve non moins forte c'est que La Harpe en m'écrivant de Paris et ne me mandant toutes les nouvelles littéraires, ne m'a jamais mandé que le second chant parut dans le monde, et il me l’aurait assurément écrit, s'il avait tenu la copie d'un autre et si lui-même n'avait pas répandu l'ouvrage .

Une troisième preuve c'est qu'à son retour chez moi, lorsque je me plaignais en général (pour ne pas le mortifier ) de la publicité de ce second chant, il ne répondit rien et rougit .

Une nouvelle preuve, c'est que sachant qu'il était accusé par toute la maison, il passa quatre jours entiers sans oser m’en parler . Sa femme enfin l'a déterminé à s'excuser envers moi et pour toute justification il m'a dit qu'il tenait le manuscrit d'un nommé Antoine .

Vous remarquerez que cet Antoine est un sculpteur qui demeure dans la rue Hautefeuille 1 . Il est bien certain que je n'ai pas envoyé le manuscrit au sculpteur Antoine que je ne connais point .

Je suis très embarrassé . Je ne veux pas faire un éclat qui ne servirait qu'à faire rire la canaille de la littérature, mais il m'est très important de faire parler à cet Antoine et de savoir de lui s'il avoue qu'il ait donné ce manuscrit à La Harpe . Je ne me confie qu'à vous . Comment faire pour savoir la vérité de la bouche de cet Antoine ? Comment parvenir à employer quelqu’un auprès de lui ?

Auriez-vous dans vos bureaux quelque jeune homme qui pût lui demander s'il a donné cette plaisanterie à La Harpe, ou si La Harpe la lui a donnée ? Pourriez-vous en conférer sous le secret avec M. d'Alembert ?

J'ai étouffé mon juste ressentiment, je n'ai fait à La Harpe aucun reproche ; mais cette contrainte est bien pesante et il est triste d 'avoir dans ma maison un homme qui m'a manqué si essentiellement .

Ce qu'il y a de pis c'est que La Harpe ne semble point sentir la malhonnêteté et la turpitude de son procédé 2 .

Je dépose mon chagrin dans le sein de l'amitié, c'est tout ce que je puis faire . Cette aventure est bien désagréable , mais je suis accoutumé depuis cinquante ans à de pareils procédés . Celui-ci est d'autant plus cruel qu'il vient d'un homme que j'aimais .

J'embrasse bien tendrement celui dont l’amitié et la probité me consolent de tout . »

1 Ce sculpteur est Etienne Antoine ( 1737-1809 ) ; mais il est à Rome à l'époque ; La Harpe aurait-il eu en vue Jacques-Denis Antoine ( 1733-1801 ) , un architecte ? Voir pourtant la lettre du 22 février 1768 à d'Alembert où V* est formel .

2 La Correspondance littéraire, VIII, 50, du 15 avril 1768, affirme positivement la culpabilité de La Harpe : https://fr.wikisource.org/w/index.php?title=Page:Correspondance_litt%C3%A9raire,_philosophique_et_critique,_%C3%A9d._Garnier,_tome_8.djvu/60&action=edit&redlink=1

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03/10/2023 | Lien permanent

quand on veut corriger un vers vous savez que souvent il en faut réformer une douzaine

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental
Et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

21 mai 1764 aux Délices

Que le nom d’anges vous convient bien ! Et que vous êtes un couple adorable ! Que les libraires sont Welches et qu’il y a encore de Welches dans le monde ! Tout ira bien, mes divins anges grâce à vos bontés. Vous avez raison dans votre lettre du 14 mai d’un bout à l’autre. Je conçois bien qu’il y a quelques Welches affligés, mais il faut aussi vous dire qu’il y avait une page qui raccommodait tout, que cette page ayant été envoyée à l’imprimerie un jour trop tard n’a point été imprimée [à Damilaville, le 7 mai , il disait  avoir fait un carton pour le Discours aux Welches et qu’on (= Cramer) « n’a pas daigné l’imprimer » ; à Cramer, le 18 avril, il fait le reproche que « ses ouvriers » n’ont jamais corrigé une page (page 108)] ; que cet inconvénient m’est arrivé très souvent, et que c’est ce qui redoublait ma colère de Ragotin [personnage du Roman comique de Scarron ] contre les libraires [« tracasserie«  avec Cramer ; cf . lettre du 5 mai].

J’ai eu une longue conversation avec Mlle Catherine Vadé,[suite de la fiction familiale des Vadé, prétendus auteurs des Contes] qui s’est avisée de faire imprimer les fadaises de sa famille. Elle a trouvé dans ses papiers ce petit chiffon [le Supplément du Discours aux Welches ] que je vous présente pour consoler les Welches.

J’ai eu l’honneur aussi de parler aux roués.[corrections au Triumvirat] Il est très vrai qu’il ne faut pas dire si souvent à Auguste qu’il est un poltron, mais quand on veut corriger un vers vous savez que souvent il en faut réformer une douzaine. Voyez si vous êtes content de ce petit changement. En voilà quelques uns depuis la dernière édition ; vous pourriez pour vous épargner la peine de coudre tous ces lambeaux me renvoyer la pièce et je mettrais tout en ordre.

Je corrige tant que je peux avant la représentation afin de n’avoir plus rien à corriger après.


A l’égard des coupures et de ces extraits de tragédie, et de ces sentiments étranglés, tronqués, mutilés que le public, lassé de tout, semble exiger aujourd’hui, ce goût me parait welche. C’est ainsi que dans Mérope on a mutilé au 5ème acte la scène du récit en le faisant faire par un homme ce qui est doublement welche. Il fallait laisser la chose comme elle était il fallait que Mlle Dubois fît le récit qui ne convient qu’à une femme, et qui est ridicule dans la bouche d’un homme. Ces irrégularités serraient le cœur du pauvre Antoine Vadé [le prétendu auteur du Discours et Supplément du Discours aux Welches].

Serez-vous assez adorables pour dire à M. le premier président de Dijon combien nous lui sommes redevables, maman [=Mme Denis] et moi, combien nous lui sommes attachés ? Le ciel se déclare en notre faveur, car M. le Bault qui préside actuellement le parlement de Bourgogne est celui qui nous fournit de bon vin et il n’en fournit point aux curés.[allusion à l’affaire des dîmes que le curé de Ferney veut faire juger par le parlement de Dijon]

Nota. - Ce n’est point un ex-jésuite qui a fait les Roués, [ce que V* avait prévu de dire ; cf. lettre du 1er août 1763] c’est un jeune novice qui demanda son congé dès qu’il sût la banqueroute du père Lavalette et qu’il apprit que nosseigneurs du parlement avaient un malin vouloir contre saint Ignace de Loyola [cf. lettres des 31 mai, 2 novembre 1761, 19 mai, 28 novembre 1762 et 12 février, 23 mars 1763. Banqueroute du père Lavalette à la Martinique en 1760, procès perdu par les Jésuites ; arrêt du 6 août 1761 interdisant aux jésuites d‘enseigner, dissolution de la Compagnie prononcée par certains parlements de province, puis par celui de Paris en août 1762 ; la Compagnie est nationalement dissoute en novembre 1764]. Le public sans doute  protègera ce pauvre diable, mais le bon de l’affaire, c’est qu’elle amusera mes anges ; je crois déjà les voir rire sous cape à la première représentation.

Je ne pourrai me dispenser de mettre incessamment M. de Chauvelin de la confidence. Comme c’est une affaire d’Etat, il sera fidèle. S’il était à Paris il serait un de vos meilleurs conjurés, mais vous n’avez besoin de personne. Je viens de relire la pièce, elle n’est pas fort     attendrissante. Les Welches ne sont pas romains ; cependant il y a je ne sais quel intérêt d’horreur et de tragique qui peut occuper pendant cinq actes.

Je mets le tout sous votre protection. Respect et tendresse.
V.»




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21/05/2010 | Lien permanent

ces sentiments étranglés, tronqués, mutilés, que le public, lassé de tout, semble exiger aujourd’hui, ce goût me paraît

... Que dirais-tu mon ami Voltaire si tu voyais ce qu'on passe à la télé ?

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« A Charles Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

21 Mai 1764 aux Délices

Que le nom d’anges vous convient bien, et que vous êtes un couple adorable ! Que les libraires sont Welches, et qu’il y a encore de Welches dans le monde ! Tout ira bien, mes divins anges, grâce à vos bontés. Vous avez raison, dans votre lettre du 14 de mai, d’un bout à l’autre. Je conçois bien qu’il y a quelques Welches affligés, mais il faut aussi vous dire qu’il y avait une page qui raccommodait tout, que cette page ayant été envoyée à l’imprimerie un jour trop tard n’a point été imprimée ; que cet inconvénient m’est arrivé très souvent, et que c’est ce qui redoublait ma colère de Ragotin 1 contre les libraires.

J’ai eu une longue conversation avec mademoiselle Catherine Vadé, qui s’est avisée de faire imprimer les fadaises de sa famille. Elle a retrouvé dans ses papiers ce petit chiffon que je vous présente pour consoler les Welches 2.

J’ai eu l’honneur aussi de parler aux roués. Il est très vrai qu’il ne faut pas dire si souvent à Auguste qu’il est un poltron ; mais quand on veut corriger un vers, vous savez que souvent il en faut réformer une douzaine. Voyez si vous êtes contents du petit changement. En voilà quelques-uns depuis la dernière édition ; vous pourriez, pour vous épargner la peine de coudre tous ces lambeaux, me renvoyer la pièce, et je mettrais tout en ordre.

Je corrige tant que je peux avant la représentation, afin de n’avoir plus rien à corriger après.

A l’égard des coupures, et de ces extraits de tragédie, et de ces sentiments étranglés, tronqués, mutilés, que le public, lassé de tout, semble exiger aujourd’hui, ce goût me paraît welche. C’est ainsi que dans Mérope on a mutilé, au 5ème acte, la scène du récit, en le faisant faire par un homme, ce qui est doublement welche. Il fallait laisser la chose comme elle était ; il fallait que Mlle Dubois fît le récit, qui ne convient qu’à une femme, et qui est ridicule dans la bouche d’un homme. Ces irrégularités serraient le cœur du pauvre Antoine Vadé.

Serez-vous assez adorables pour dire à M. le premier président de Dijon combien nous lui sommes redevables, maman et moi, combien nous lui sommes attachés ? Le ciel se déclare en notre faveur ; car ce M. Le Bault , qui préside actuellement le parlement de Bourgogne, est celui qui nous fournit de bon vin 3, et il n’en fournit point aux curés.

No[ta] – Ce n’est point un ex-jésuite qui a fait les Roués, c’est un jeune novice qui demanda son congé dès qu’il sut la banqueroute du Père Lavalette 4, et qu’il apprit que nos seigneurs du parlement avaient un malin vouloir 5 contre saint Ignace de Loyola. Le public, sans doute, protégera ce pauvre diable ; mais le bon de l’affaire, c’est qu’elle amusera mes anges ; je crois déjà les voir rire sous cape à la première représentation.

Je ne pourrai me dispenser de mettre incessamment M. de Chauvelin de la confidence. Comme c’est une affaire d’État ; il sera fidèle. S’il était à Paris, il serait un de vos meilleurs conjurés ; mais vous n’avez besoin de personne. Je viens de relire la pièce ; elle n’est pas fort attendrissante. Les Welches ne sont pas romains ; cependant il y a je ne sais quel intérêt d’horreur et de tragique qui peut occuper pendant cinq actes.

Je mets le tout sous votre protection. Respect et tendresse.

V. »

1C'est-à-dire une colère vaine , par allusion au personnage de Scarron dans le Roman comique ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Roman_comique

2 Le Supplément du discours aux Welches, en manuscrit ; toutes les allusions aux Vadé n'ont aucune réalité ; elles ne s'expliquent que par l'artifice de présentation des Contes de Guillaume Vadé .

3 Il est propriétaire du climat de Corton .

4 Sur la banqueroute du jésuite La Valette, dans laquelle est aussi impliqué le frère Sacy, voir lettre du 25 novembre 1759 à Chennevières : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/03/j-ai-ete-effraye-de-la-liste-des-impots-apparemment-qu-on-de-5502991.html

5 Intention maligne, intention d enuire .

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20/06/2019 | Lien permanent

Vous ne refuserez pas sans doute de rendre gloire à la vérité

... C'est certain, ce refus serait indigne . Il est malheureux cependant que nous soyons inondés d'affaires où les mensonges, que beaucoup se plaisent à nommer contre-vérités (comme : aveugle = non voyant, sourd = malentendant,etc. ) fleurissent comme la vérole sur le bas clergé breton . Une chatte n'y retrouverait pas ses petits . Ô vérité, sous combien de voiles es-tu désormais cachée ? De quel puits sans fond doit-on te sortir ?

Merci quand même à Trierweiler et Zemmour pour ces moments de vérité sur le  suicide assisté des Français(es) | Renaud Favier : Café du matin à Paris

 

 

 

« A G. L. Déodati de Tovazzi

À Ferney, 9è septembre 1766

Vous souviendrez-vous, monsieur, qu’à l’occasion de votre dissertation sur la langue italienne, j’eus l’honneur de recevoir quelques lettres de vous, et de vous répondre 1? On vient d’imprimer une de mes lettres à Amsterdam, sous le nom de Genève, dans un recueil de deux cents pages.

Ce recueil contient plusieurs de mes lettres, presque toutes entièrement falsifiées. Celle que je vous adressai de Ferney, le 24 de janvier 1761 , est défigurée d’une manière plus maligne et plus scandaleuse que les autres. On y outrage indignement un général d’armée 2, ministre d’État, dont le mérite est égal à la naissance. Il est, ce me semble, de votre intérêt, monsieur, du mien, et de celui de la vérité, de confondre une si horrible calomnie. Voici comme je m’explique sur la valeur de ce général :

« Nous exprimerions 3 encore différemment l’intrépidité tranquille que les connaisseurs admirèrent dans le petit-neveu du héros de la Valteline, etc. »

Voici comme l’éditeur a falsifié ce passage 4:

« Nous exprimerions encore différemment l’intrépidité tranquille que quelques prétendus connaisseurs admirèrent dans le plus petit-neveu du héros de la Valteline, lorsque ayant vu son armée en déroute par la terreur panique de nos alliés à Rosbach qui causa pourtant la nôtre ; ce petit-neveu ayant aperçu, etc. »

Cet article, aussi insolent que calomnieux, finit par cette phrase non moins falsifiée : « Il eut encore le courage de soutenir tout seul les reproches amers et intarissables d’une multitude toujours trop tôt et trop bien instruite du mal et du bien.5 »

Une telle falsification n’est pas la négligence d’un éditeur qui se trompe, mais le crime d’un faussaire qui veut à la fois décrier un homme respectable et me nuire. Il vous nuit à vous-même, en supposant que vous êtes le confident de ces infamies. Vous ne refuserez pas sans doute de rendre gloire à la vérité. Je crois nécessaire que vous preniez la peine de me certifier que ce morceau de ma lettre, depuis ces mots, nous exprimerions, jusqu’à ceux-ci, du mal et du bien, n’est point dans la lettre que je vous écrivis ; qu’il y est absolument contraire, et falsifié de la manière la plus lâche et la plus odieuse. Je recevrai avec une extrême reconnaissance cette justice que vous me devez ; et le prince qui est intéressé à cette calomnie sera instruit de l’honnêteté et de la sagesse de votre conduite, dont vous avez déjà donné des preuves 6.

Recevez celle de mon estime, et de tous les sentiments avec lesquels j’ai l’honneur d’être, monsieur .»

3 La lettre porte en réalité, exprimerons .

4 Voir Lettres à ses amis du Parnasse page 98.

5 Ibid. page 99 .

6 En réponse à V*, Déodati lui renvoya la lettre qu’il avait fait imprimer « à la suite de [sa] dissertation sur la langue italienne, avec [sa] réponse », en la certifiant « en tout conforme à l'original » qu'il avait reçu, voir le certificat de M. de Tovazzi imprimé dans les journaux. (Kehl) , page 581 : https://fr.wikisource.org/wiki/Appel_au_public/%C3%89dition_Garnier#581

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11/12/2021 | Lien permanent

quand on a affaire à des esprits effarouchés et inquiets, on s’expose à voir les démarches les plus simples et les plus

... Tu vois juste mon cher Voltaire, et ce n'est pas une consolation de voir que ce n'est pas une exclusivité française , la mauvaise volonté se fait volontiers universelle . Que la fièvre quarte emporte les influenceurs ahuris et leurs followers décérébrés !

Vaccin connecté

https://zaitchick.blogspot.com/2021/01/vaccin-connecte.html

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

23è mai 1766 1

J’aime beaucoup mieux, mes divins anges, vous parler des proscriptions de Rome que des tracasseries de Genève, qui probablement vous ennuient beaucoup. Mon petit ex-jésuite craint qu’il n’en arrive autant aux tracasseries de Fulvie. Il y avait longtemps qu’il était embarrassé de cette Fulvie et de ce petit Pompée, qui manquaient tous deux leur coup au même moment. Nous avions sur cela, l’un et l’autre, beaucoup de scrupule. Enfin nous avons changé cet endroit, et je crois que nous nous sommes tirés d’affaire assez passablement. Nous avons soigné le style autant que nous l’avons pu. Nous sommes assez contents des notes, qui nous paraissent instructives et intéressantes pour ceux qui aiment l’histoire romaine. Nous retouchons la préface, ou plutôt nous laccourcissons beaucoup. Nous comptons, dans quinze jours, soumettre le tout à votre tribunal ; mais nous sommes persuadés que ce ne sera qu’à la longue que l’ouvrage pourra parvenir, je ne dis pas à être goûté, mais un peu connu, du public.

Nous avons en vue un petit libraire 2 qui pourra donner cent écus à Lekain et si nous les obtenons, nous croirons en avoir tiré un bon parti ; mais nous ne voulons rien faire sans votre approbation .

Les affaires de Genève ne fourniront jamais un sujet de tragédie, pas même celui d’une farce. Vous savez que j’ai toujours été extrêmement éloigné de jouer ma partie dans ce tripot ; vous savez que, dès que vous eûtes la bonté de m’envoyer la consultation de votre avocat, je la remis à M. Hennin dès le moment de son arrivée ; je ne voulais que la paix, sans prétendre à l’honneur de la faire. Il est bien ridicule que j’aie eu depuis des tracasseries pour un compliment 3 ; mais quand on a affaire à des esprits effarouchés et inquiets, on s’expose à voir les démarches les plus simples et les plus honnêtes produire les soupçons les plus injustes. Je vous prédis encore que jamais on ne parviendra à la plus légère conciliation entre les esprits genevois. On pourra leur donner des lois, mais on ne leur inspirera jamais la concorde. Je ne change point d’opinion sur la manière dont toute cette affaire doit finir : mais je me garde bien de vous presser d’être de mon avis.

Je compte toujours sur la protection de MM. de Praslin et de Choiseul, dont je vous ai l’obligation, et c’est une obligation assez grande. J’attendrai tranquillement la décision des plénipotentiaires ; et, quelque intéressé que je sois, par bien des raisons, à l’arrêt qu’ils doivent rendre, je ne chercherai pas même à pressentir leur manière de penser. Je voudrais trouver un moyen de vous envoyer la petite collection qu’on a faite des lettres de Baudinet et de M. Covelle 4.  Cela me paraît plus amusant que les querelles sur le droit négatif. Je vous jure, avec un ton très-affirmatif, mes chers anges, que vos bontés font la consolation et le charme de ma vie. 

V.»

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais est amputée du deuxième paragraphe biffé sur la copie .

2 Lacombe ; voir lettre du 5 mai 1766 à Lacombe : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/27/o...

3 Voir lettre du 30 avril 1766 à Taulès: http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/22/j...

4 Collection des Lettres sur les miracles : https://fr.wikisource.org/wiki/Questions_sur_les_miracles...

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14/08/2021 | Lien permanent

Le seul secret pour faire contribuer sans murmure est de montrer le bon usage qu'on a fait des contributions ...quand on

... Mais il me semble bien que nos gouvernants aient pris une option sensiblement différente, et ce rôle de maquereau se fait en toute légalité :" quand on avait le malheur de ne pouvoir plus être catin, il fallait être maquerelle " disent-ils pour toute défense . Où est le plaisir ?

 

 

« A Philippe-Antoine de Claris, marquis de Florian

9 juin 1767 1

Seigneurs châtelains, nous vous rendons grâces du pied des Alpes, d'avoir pensé à nous dans les plaines de Picardie. Il n'y a que trois jours que nous avons du beau temps. J'ai été bien près d'aller m'établir auprès de Lyon, tant j'étais las des tracasseries genevoises, qui ne finiront pas de sitôt. Le diable est à Neuchâtel, comme il est à Genève; mais il est principalement dans le corps de Jean.-Jacques , qui s'est brouillé en Angleterre avec tout le canton où il demeurait. Il s'est enfui au plus vite, après avoir laissé sur sa table une lettre 2 dans laquelle il chantait pouille à ses hôtes et à ses voisins. Ensuite il écrivit une lettre au grand chancelier 3 pour le prier de lui donner un messager d'État qui le conduisît au premier port en sûreté. Le chancelier lui fit dire que tout le monde en Angleterre était sous la protection des lois. Enfin Rousseau est parti avec sa Vachine4 4, et il est allé maudire le genre humain ailleurs.

Lasciamolo andare che fara buon viaggio 5 . Pour moi je ne ferai d'autre voyage que celui de Montbéliard si j'en ai la force . Les gens de M. le duc de Virtemberg se moquent de moi ; il faut absolument que je les mette à la raison .

J'ai reçu une lettre pleine d'esprit et de bon sens du jeune Morival, compagnon de l'infortuné chevalier de La Barre 6, enseigne de la colonelle de son régiment. S'il vient jamais assiéger Abbeville, soyez sûrs qu'il vous donnera des sauvegardes mais il n'en donnera pas à tout le monde.

J'attends avec impatience l'état des finances, que l'on dit imprimé au Louvre. Je trouve cette confiance et cette franchise très nobles. C'est ainsi qu'en usa M. Desmarets 7, et cette méthode fut très applaudie. Le seul secret pour faire contribuer sans murmure est de montrer le bon usage qu'on a fait des contributions. Personne n'en fera moins mauvaise chère pour payer les deux vingtièmes. Cet impôt d'ailleurs n'étant point arbitraire n'est sujet à aucune malversation, et cela console le peuple, c'est à l'État que l'on paye, et non pas aux fermiers généraux.

J'ai oublié l’adresse que vous m'avez donnée pour vous faire passer des paquets un peu gros ; vous me donnerez cette adresse quand j'aurai le bonheur de recevoir de vos nouvelles . Il y a longtemps que je n'en ai eu des deux conseillers . La Harpe est toujours chez nous; mais point de tragédies. M. de Chabanon en fait une, encore y a-t-il bien de la peine. Pour moi, je suis hors de combat. Je me console en formant des jeunes gens. Mme de Fontaine-Martel disait que quand on avait le malheur de ne pouvoir plus être catin, il fallait être maquerelle.

Sur ce, je vous embrasse le plus cordialement et le plus sensiblement du monde.

9è juin 1767. »

1 L'édition de Kehl omet le second paragraphe, ainsi que le début de l'avant-dernier (jusqu'à … La Harpe est toujours chez nous , compris) ce dernier étant remplacé par des extraits de la lettre du 24 juillet : 6951 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut

2 Ce doit être la lettre de J.-J. Rousseau à Davenport, du 30 avril 1767

3 Cette lettre n'est pas dans les œuvres de Rousseau.

4 C'est du nom de Vachine que Voltaire appelle Thérèse Levasseur dans le chant III de sa Guerre civile de Genève; voir tome IX. : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411325t/texteBrut

5 Laissons-le aller, et bon voyage.

6 Cette apposition au nom de Morival est ajouté de la main de V* en marge .

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30/12/2022 | Lien permanent

Au reste nous espérons que nos affaires finiront bientôt

... Premier voeu pour 2023, tant le passif 2022 est lourd en tous domaines .

Numérique – Page 2 – binaire

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

12 juin 1767 , à Genève 1

J'ai vu M. de Voltaire, monsieur, comme vous me l'avez ordonné par votre lettre du 2è juin. Sa santé décline toujours, et ses sentiments pour vous ne s'affaiblissent pas.

Sirven, que vous protégez, est parti avec une lettre pour vous 2. Nous nous flattons que vous le présenterez à M. Cassen, avocat au Conseil, et qu'il obtiendra le rapport de son affaire, Je n'ai encore aucune nouvelle sur celle de M. et de Mme de Beaumont. Il serait fort triste que notre ami succombât. Pourriez-vous m'envoyer le dernier factum de sa partie adverse ? Voulez-vous bien avoir la bonté de faire donner cinquante-trois livres au sieur Briasson 3?

La Seconde Lettre de M. de Lemberta 4 se débite à Genève, mais elle n'est point encore à Lyon. Je ne sais comment je pourrai faire pour la lui envoyer, car il est très sévèrement défendu de faire passer des imprimés du pays étranger à Paris, quoiqu'il soit permis d'en envoyer de Paris chez l'étranger. La raison m'en paraît plausible . Les livres imprimés hors de France n'ont ni approbation ni privilège, et peuvent être suspects; mais les moindres brochures imprimées en France étant imprimées avec permission, et munies de l'approbation des hommes les plus sages, elles portent leur passeport avec elles. Ainsi j'ai reçu sans difficulté l'excellent Supplément à la Philosophie de l'Histoire 5, et l'Examen de Bélisaire 6, composés au collège Mazarin mais je ne crois pas qu'on puisse avoir les réponses à Paris. Il est d'ailleurs très difficile de répondre à ces ouvrages supérieurs, qui confondent la raison humaine.

On a fait en Hollande une sixième édition du Dictionnaire philosophique 7. Apparemment que ce livre n'est pas aussi dangereux qu'on l'avait présumé d'abord. On y a ajouté plusieurs articles de divers auteurs. J'en ai acheté un exemplaire. Je vous avoue que j'ai été très content d'y voir partout l'immortalité de l'âme et l'adoration d'un Dieu. Au reste, il est ridicule d'avoir attribué ce livre à M. de Voltaire, votre ami . C'est évidemment un choix fait avec assez d'art de plus de vingt auteurs différents.

On me mande aussi qu'on imprime à Amsterdam un ouvrage curieux de feu milord Bolingbroke. Mais il faut plus de trois mois pour que les livres de Hollande parviennent ici par l'Allemagne. Je crois que toutes ces nouveautés vous intéressent moins que les deux vingtièmes. Nous sommes gens de calcul à Genève 8, et nous jugeons que la continuation de cet impôt est indispensable, parce que l'État doit payer les dettes de l'État.

Au reste nous espérons que nos affaires finiront bientôt, grâce aux bontés de Sa Majesté, qui est aussi aimée et aussi révérée à Genève qu'en France.

J'ai l'honneur d'être, monsieur, etc.

Boursier. ».

1 Copie par Wagnière . L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais est incomplète et peu soignée . Ici, édition Beuchot .

3 Phrase restituée par Beuchot .

5 Sur ce Supplément à la philosophie de l'Histoire, voir lettre du 7 juin 1767 à Damilaville .

6 F.-M. Coger, Examen du Bélisaire de M. Marmontel, 1767 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9796v.image

7 Sur cette « sixième édition » du Dictionnaire philosophique, voir lettre du 5 avril 1766 à Lacombe : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/09/je-voudrais-vous-donner-bien-des-causes-a-soutenir-6326213.html

8 Vers de La Guerre civile de Genève I, 21: «  Noble cité, riche-, fière et sournoise; On y calcule, et jamais on n'y rit. »  https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome9.djvu/526

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02/01/2023 | Lien permanent

si le grand homme dont vous me parlez a des lubies, je donne le siècle à tous les diables sans exception

... Michel Barnier, premier ministre, aura-t-il des lubies et saura-t-il combattre celles de ses opposants malveillants et irréalistes ?

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Barnier

 

 

« A Anne-Madeleine-Louise-Charlotte-Auguste de La Tour du Pin de Saint Julien

A Ferney ce 3 mars 1769

Minerve-papillon, le hibou à qui vous avez fait l’honneur d’écrire a été enchanté de votre souvenir ; il en a secoué ses vieilles ailes de joie ; il est tout fier de vous avoir si bien devinée, car, dès le premier jour qu’il vous vit, il vous jugea solide plus que légère, et aussi bonne que vous êtes aimable.

Soyez bien sûre, madame, que mon cœur est pénétré de tout ce que vous me dites ; mais il faut laisser les aigles, les rossignols et les fauvettes dans Paris, et que les hiboux restent dans leurs masures. J’ai soixante-quinze ans ; ma faible machine s’en va en détail ; le peu de jours que j’ai à respirer sur ce tas de boue doit être consacré à la plus profonde retraite. Les enfants 1 qui sont revenus sont chez eux, et je reste chez moi ; ma maison n’est plus faite pour les amuser. Je l’ai fermée à tout le monde ; bien heureux encore de pouvoir vivre avec moi-même dans le triste état où je suis. Regardez-moi, madame, comme un homme enterré, et ma lettre comme un De profundis.

Il est vrai que mes De profundis sont quelquefois fort gais, et que je les change souvent en Alléluia. J’aime à danser autour de mon tombeau, mais je danse seul comme l’amant de ma mie Babichon 2, qui dansait tout seul dans sa grange.

J’estime trop l’homme principal 3 dont vous me faites l’honneur de me parler pour penser qu’il ait pris sérieusement l’ordre que m’a donné l’abbé de La Bletterie de me faire enterrer au plus vite 4, et les petites gaietés avec lesquelles je lui ai répondu. Il faudrait que la tête lui eût tourné pour voir gravement des bagatelles. S’il veut faire quelque attention sérieuse à moi, il ne doit considérer que ma passion pour son bonheur et pour sa gloire. Il serait très ingrat s’il faisait la moindre fêlure à la trompette qui est embouchée pour lui.

Si quelque autre personne, fort au-dessous en tout sens du caractère de grandeur et du génie de votre ami, veut déplumer le hibou, il ira tout doucement mourir ailleurs 5. Je suis un être assez singulier, madame : né presque sans bien, j’ai trouvé le moyen d’être utile à ma famille, et de mettre cinq cent mille francs à peupler un désert. Si la moindre persécution y venait effrayer mon indépendance, il y a partout des sépulcres ; rien ne se trouve plus aisément.

J’ai lu la petite esquisse 6 que vous avez eu la bonté de m’envoyer. Je pense qu’on en pourrait faire quelque chose de fort noble et de fort gai pour les noces de monseigneur le dauphin. Ce serait même une très bonne leçon pour un jeune prince, et les personnes de votre espèce pourraient voir avec plaisir qu’elles sont faites pour rendre quelquefois de plus grands services que des hommes d’État. Ce ne serait point aux bateleurs de l’Opéra-Comique qu’il faudrait abandonner cet ouvrage. Il faudrait faire exécuter une musique tantôt sublime, tantôt légère, par les meilleurs acteurs du véritable opéra. L’Opéra-Comique n’est autre chose que la Foire renforcée. Je sais que ce spectacle est aujourd’hui le favori de la nation ; mais je sais aussi à quel point la nation s’est dégradée. Le siècle présent n’est presque composé que des excréments du grand siècle de Louis XIV. Cette turpitude est notre lot presque dans tous les genres, et si le grand homme dont vous me parlez a des lubies, je donne le siècle à tous les diables sans exception, en vous exceptant pourtant vous, madame Minerve-papillon, pour qui j’ai un vrai respect, et que je prends même la liberté d’aimer.

V. »

1 M. et Mme Dupuits.

3  Le duc  de Choiseul.

5 L'allusion n'est pas claire mais il apparaît que, vers cette époque, V* croit à certaines machinations contre lui et songe aux moyens d'y répondre ; voir par exemple les lettres à Hennin du 11 janvier 1769 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/07/21/ses-ennemis-se-demenent-beaucoup-tant-pis-s-ils-reussissent-6507820.html

et à Mme Denis du 27 février 1769 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/08/30/les-gens-qui-sont-dans-la-boue-a-ce-que-vous-dit-d-alembert-6512555.html

6 Le Baron d'Otrante ; Grétry a apparemment soumis son spécimen de la musique qu'il méditait pour cette pièce.

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06/09/2024 | Lien permanent

J'ai toujours regardé l'athéisme comme le plus grand égarement de la raison

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 J'ai choisi celui-ci car j'en ai un dans ma voiture depuis cet automne, c'est une "petite tortue" ! (je vous jure que je ne vois pas d'éléphant rose posé sur mon rétroviseur ! ).

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« A Anne-Madeleine-Louise-Charlotte-Auguste de La Tour du Pin de Saint Julien

15è décembre 1766 à Ferney

Charmant papillon de la philosophie, de la société et de l'amour, j'aurais été enchanté de vous voir honorer encore ma retraite d'une de vos apparitions, vous auriez même été mon premier médecin, car il y a environ deux mois que je ne sors guère de mon lit.

Savez-vous bien, madame, que j'ai des choses très sérieuses à répondre à la lettre très morale que vous n'avez point datée. Vous m'apprenez que dans votre société on m'attribue Le Christianisme dévoilé, par feu M. Boulanger i; mais je vous assure que les gens au fait ne m'attribuent point du tout cet ouvrage . J'avoue avec vous qu'il y a de la clarté, de la chaleur, et quelquefois de l'éloquence, mais il est plein de répétitions, de négligences, de fautes contre la langue, et je serais très fâché de l'avoir fait, non seulement comme académicien, mais comme philosophe, et encore plus comme citoyen.

Il est entièrement opposé à mes principes . Ce livre conduit à l'athéisme que je déteste. J'ai toujours regardé l'athéisme comme le plus grand égarement de la raison, parce qu'il est aussi ridicule de dire que l'arrangement du monde ne prouve pas un artisan suprême, qu'il serait impertinent de dire qu'un horloge ii ne prouve pas un horloger.

Je ne réprouve pas moins ce livre comme citoyen. L'auteur parait trop ennemi des puissances . Des hommes qui penseraient comme lui ne formeraient qu'une anarchie, et je vois trop par l'exemple de Genève, combien l'anarchie est à craindre.

Ma coutume est d'écrire sur la marge de mes livres ce que je pense d'eux. Vous verrez, quand vous daignerez venir à Ferney les marges du Christianisme dévoilé chargées de remarques qui démontrent que l'auteur s'est trompé sur les faits les plus essentiels iii.

Il est assez douloureux pour moi, Madame, que la malignité, et la légèreté des papillons de votre pays, qui n'ont ni votre esprit, ni vos grâces, m'imputent continuellement des ouvrages capables de perdre ceux qu'on en soupçonne.

Quant à M. le maréchal de Richelieu, je me doutais bien qu'il n'aurait pas le temps de parler à M. le comte de Saint-Florentin de la famille infortunée qui a excité votre compassion iv. Il allait partir pour Bordeaux. Votre jolie âme en a fait assez ; cette famille obtient par vos bontés une pension sur son propre bien dont on lui arrache le fonds pour avoir donné il y a vingt-six ans à souper à un sot prêtre hérétique v.

Quand j'aurai quelque grâce à implorer pour des malheureux, je demanderai votre protection, Madame, auprès de M. le duc de Choiseul. Je l'ai importuné quelquefois de mes indiscrètes requêtes, et il a toujours daigné m'accorder ce que j'ai pris la liberté de lui demander. Je craindrais bien de fatiguer ses bontés si je ne savais par vous-même quel est l'excès de sa générosité.

Venez à Ferney, Madame, nous chanterons ses louanges et les vôtres pour le prologue de l'opéra de Pandore vi, et vous serez ma Pandore, mais vous n'ouvrirez point la boîte.

Agréez, Madame, le respect et l'attachement du vieux solitaire.

V. »

 

i C'est le baron d'Holbach qui a écrit sous le nom de Boulanger .http://books.google.fr/books?id=wRQ-AAAAcAAJ&printsec...

ii Horloge est originellement du genre masculin.

iii V* a écrit sur la page de titre « livre dangereux ».

iv La famille d'Espinas, pour qui V*, le 28 octobre a demandé à Richelieu de « dire un mot » en sa faveur à Saint Florentin.

v Le père avait été condamné aux galères en 1740 et y était resté jusqu'en 1756, son bien avait été confisqué, sauf un tiers pour l'entretien de ses trois enfants, mais en fait ces derniers n'auraient jamais « joui de cette grâce ».

vi La Borde l'avait mis en musique à Ferney ; cf. lettre à Mme du Deffand du 24 septembre 1766.

 

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18/12/2010 | Lien permanent

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