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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Vous savez que je n’ai absolument rien à me reprocher ; mais vous savez aussi que cela ne suffit pas

... pour me présenter avec un programme électoral meilleur que celui de mes concurrents et adversaires", telle doit être la conviction de la douzaine d'apôtres qui s'offre en sacrifice pour une destinée présidentielle ; quant à Judas , on attend 20h 05 demain pour connaître les résultats du casting ; avec la réjouissante perspective de sa pendaison , les fournisseurs de corde se bousculent au portillon .

Judas Iscariote.

Pour trente deniers, aujourd'hui, pas même de quoi acheter la corde ...

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

Dimanche soir, 4 janvier 1767

En attendant que je reçoive demain une lettre de vous, mon divin ange, sur cette malheureuse affaire, je dois vous instruire de tout dans le plus grand détail.

Cette femme innocente et infortunée est en route, comme je vous l’avais marqué. Mais ce nom de Lejeune, sous lequel elle était venue, me fait toujours trembler. Son mari lui avait donné un billet pour les Cramer, dans lequel il spécifiait les marchandises qu’elle devait acheter. Les Cramer, qui sont mes libraires, n’ont point de ces effets dangereux ; ils n’impriment que mes ouvrages. Elle s’adressa à un autre, et lui laissa par malheur la note de son mari, signée Le Jeune, valet de chambre de M. D. C’était une note particulière de son mari à elle : il faut qu’elle soit tombée par mégarde quand on faisait ses petits ballots, car elle est très prudente et ne compromet personne. Je retirerai ce billet ; n’en soyez point en peine ; ne grondez point votre valet de chambre, et encore moins cette pauvre femme ; ce qui est fait est fait : il ne s’agit que de se tirer de ce bourbier.

Après nous être tournés de tous les sens, il nous a paru que le procès criminel contre la Doiret était trop dangereux, parce qu’elle est trop connue sous le nom de Lejeune, parce que tous nos domestiques seraient interrogés ; parce que cette femme ayant demeuré huit jours avec eux, ils ont su qui elle est et qui est son mari ; parce qu’enfin, ayant resté plusieurs jours chez nous et s’étant servie de notre équipage, nous sommes présumés être ses complices, quoique assurément nous en soyons bien éloignés. Le mieux est sans doute d’étouffer l’affaire ; mais comment s’y prendre ? Je n’en sais rien, au milieu de mes neiges, avec un quart d’apoplexie et la faiblesse où je suis.

Je pense même que monsieur le vice-chancelier y sera fort embarrassé . Il ne le serait pas si vous étiez son ami intime. Je crois pourtant que vous étiez assez lié avec lui quand il était premier président. Enfin vous êtes sur les lieux ; mais peut-être un vieux vice-chancelier n’a point d’amis, et moi j’ai beaucoup d’ennemis. Vous savez que je n’ai absolument rien à me reprocher ; mais vous savez aussi que cela ne suffit pas.

Je persiste entièrement dans mon premier avis, qui est que monsieur le vice-chancelier se fasse représenter les malles adressées à la dame Doiret, de Châlons, qu’il fasse brûler secrètement ce qu’elles contiennent, et qu’il laisse Mme Denis disputer son droit en matière civile contre la saisie illégale de ses équipages. Il est certain que cette saisie ne peut se soutenir en justice réglée ; les commis mêmes ne l’entreprendront pas. Cette tournure, que je proposai d’abord, me parait encore la meilleure de toutes, quoiqu’elle me soit venue dans l’esprit, et que je n’aie pas d’ordinaire grande foi à mes expédients. Mme Denis vous embrasse cent fois, elle est consternée et malade . Je serais au désespoir de la quitter dans cet état.

Voici cependant un exemplaire que vous pourrez faire lire à Lekain. Je vous adresserai bientôt l’ouvrage avec la musique en marge 1. Vous voyez que l’état horrible où je suis ne me fait pas négliger les belles-lettres, qui sont, après vous, la plus douce consolation de ma vie. Adieu, mon très cher et très adorable ange.

V. »

1 C’est-à-dire avec le jeu des acteurs en marge des Scythes.

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09/04/2022 | Lien permanent

Je resterai constamment dans ma solitude jusqu’à ce que je voie ces jours heureux où la pensée sera bannie du monde, et

... Voici ce qu'en pense l'Ia Aichatting , qui évidemment ne sait pas manier l'humour du second degré : "Il est tout à fait normal de ressentir par moments le besoin de solitude, mais il est également important de vous rappeler que vous n'êtes pas seul et que des jours heureux peuvent revenir. La pensée peut parfois être épuisante, mais elle peut également nous aider à grandir et à trouver des solutions aux défis qui se présentent à nous. Les interactions humaines peuvent aussi être enrichissantes et vous aider à vous sentir connecté(e) avec ceux qui vous entourent. Prenez soin de vous et n'hésitez pas à rechercher du soutien si nécessaire." On croirait entendre Mme Irma diseuse de bonne aventure , sans plus . Ô  vraiment quelle débauche d'intelligence !

Voltaire, lui, me semble visionnaire en décrivant l'avenir heureux de tous ceux qui ne jurent que par cet outil électronique, tas de 0 et de 1 qui gave des suiveurs d'influenceurs débiles . Voltaire protège-nous de ces abrutis !

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« Au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally

2 novembre [1768] 1

L’enterré ressuscite un moment, monsieur, pour vous dire que, s’il vivait une éternité, il vous aimerait pendant tout ce temps-là. Il est comblé de vos bontés : il lui est encore arrivé deux gros fromages par votre munificence. S’il avait de la santé, il trouverait son sort très préférable à celui du rat retiré du monde dans un fromage de Hollande 2 . Mais, quand on est vieux et malade, tout ce qu’on peut faire c’est de supporter la vie et de se cacher.

Je vous ai envoyé quatre volumes du Siècle de Louis XIV et de Louis XV ; mais, en France, les fromages arrivent beaucoup plus sûrement par le coche que les livres. Je crois qu’il faudra tout votre crédit pour que les commis à la douane des pensées vous délivrent le récit de la bataille de Fontenoy et la prise de Minorque. La société s’est si bien perfectionnée qu’on ne peut plus rien lire sans la permission de la chambre syndicale des libraires. On dit qu’un célèbre janséniste a proposé un édit par lequel il sera défendu à tous les philosophes de parler, à moins que ce ne soit en présence de deux députés de Sorbonne, qui rendront compte au prima mensis 3 de tout ce qui aura été dit dans Paris dans le cours du mois.

Pour moi, je pense qu’il serait beaucoup plus utile et plus convenable de leur couper la main droite, pour les empêcher d’écrire, et de leur arracher la langue, de peur qu’ils ne parlent. C’est une excellente précaution dont on s’est déjà servi, et qui a fait beaucoup d’honneur à notre nation. Ce petit préservatif a même été essayé avec succès dans Abbeville 4 sur le petit-fils d’un lieutenant général 5 ; mais ce ne sont là que des palliatifs. Mon avis serait qu’on fît une Saint-Barthélémy de tous les philosophes, et qu’on égorgeât dans leur lit tous ceux qui auraient Locke, Montaigne, Bayle, dans leur bibliothèque. Je voudrais même qu’on brûlât tous les livres, excepté la Gazette ecclésiastique et le Journal chrétien.

Je resterai constamment dans ma solitude jusqu’à ce que je voie ces jours heureux où la pensée sera bannie du monde, et où les hommes seront parvenus au noble état des brutes. Cependant, monsieur, tant que je penserai et que j’aurai du sentiment, soyez sûr que je vous serai tendrement attaché. Si on faisait une Saint-Barthélémy de ceux qui ont les idées justes et nobles, vous seriez sûrement massacré un des premiers. En attendant, conservez-moi vos bontés. Je me mets aux pieds de Madame de Rochefort. »

1 Édition Kehl .

2 La Fontaine, livre VII, fable iii. « Le Rat retiré du monde » : https://www.bacdefrancais.net/le-rat-qui-s-est-retire-du-monde.php

4 Les mots dans Abbeville ne figurent pas dans le manuscrit et sont peut être une interpolation .

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14/05/2024 | Lien permanent

Vous dites donc que Diderot est un bon homme . Je le crois car il est naïf

... D'où je conclus que je ne suis pas un "bon homme" car j'ai perdu ma naïveté . Et pas seulement ceci, d'ailleurs .

En temps qu'homme, -sans qualificatif mais non sans quelque(s) qualité(s),- réaliste, j'ose espérer que le documentaire que je viens de voir sur ARTE ce soir à propos de l'exploitation du gaz de schiste par méthode hydraulique a fait froid dans le dos à tout spectateur sensé ; que les autres aillent se faire voir sur une autre planète ! L'utilité des hydrocarbures est infiniment moindre que celle de l'eau potable, et je ne me vois pas donner de l'essence  à mon tas de feraille (ô merveille du monde moderne ! ) tout en m'empoisonnant d'eau polluée .

 http://www.tv-replay.fr/redirection/09-07-13/gasland-arte-10578535.html

Soyons reconaissants envers notre gouvernement qui, soit bien informé, soit ignare, met le hola sur la fracturation hydraulique des schistes , pourvu que ça dure .

 Plaignons (ou pas ) ceux qui ne voient pas plus loin que le fond de leur porte-monnaie et font payer les pots cassés au vulgum pecus des  USA .

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

A Lausanne 12 mars 1758

Mon cher ange , mais il me semble que le cardinal votre oncle vous faisait une pension . Perdriez-vous cette pension à sa mort ? Cette idée me tourmente . M. Tronchin de Lyon, Jean-Robert Tronchin, qui était son confident vous verra sans doute . Il est à Paris . Je suis sûr que le défunt a laissé horriblement d'argent comptant .

Mon cher ange, je viens de lire un volume de lettres 1 de Mlle Aïssé écrites par une Mme Calendrin de Genève . Cette Circassienne était plus naïve qu'une Champenoise . Ce qui me plait de ses lettres c’est qu'elle vous aimait comme vous méritez d'être aimé . Elle parle souvent de vous comme j'en parle, et comme j'en pense . Vous dites donc que Diderot est un bon homme . Je le crois car il est naïf . Plus il est bon homme plus je le plains d'être dépendant des libraires qui ne sont point du tout bonnes gens , et d'être en proie à la rage des ennemis de la philosophie . C'est une chose pitoyable que des associés de mérite ne soient ni maîtres de leur ouvrage ni maîtres de leurs pensées . Aussi l'édifice est-il bâti moitié de marbre, moitié de boue . J'ai prié d'Alembert de vous donner les articles que j'avais ébauché pour le 8è volume . Je vous supplie de vouloir me les renvoyer contresignées ou de les donner à Jean-Robert Tronchin qui me les apportera à son retour .

J'avais toujours cru que Diderot et d'Alembert me demandaient de concert les articles dont on m’envoyait la liste . Je suis très fâché que ces deux homme nécessaires l'un à l'autre soient désunis et qu'ils ne s'entendent pas pour mettre le public à leurs pieds .

Pour moi je me suis amusé à jouer Fanime et Alzire . Mlle Clairon, je vous demande pardon,mais vous n'avez jamais bien joué la tirade du troisième acte . De l'hymen, de l 'amour venge ici tous les droits ; punis une coupable et sois juste une fois 2. Pourquoi cela ? Mademoiselle, c'est que vous n'avez jamais lié les quatre vers de la fin et appuyé sur le dernier . C'est le secret . Vous n'avez jamais bien joué l'endroit où Alzire demande grâce à son mari pour son amant, et cela par la même raison . Vous êtes une actrice admirable , j'en conviens, mais Mme Denis a joué ces deux endroits mieux que vous . Et vous, vieux débagouleur 3 de Sarrazin, vous n'avez jamais joué Alvarès comme moi . Entendez-vous ?

Mon divin ange, depuis cette maudite affaire de Rosbac, tout a été en décadence dans nos armées, comme dans les beaux arts à Paris . Je ne vois de tous côtés que sujets d'affliction et de honte . On dit pourtant que M. Coquardau est remonté sur son Astarbé 4. Je ne sais pas sur quoi nos généraux remonteront . Dieu nous soit en aide ! Comment se porte Mme d'Argental ? quelles nouvelles sottises a-t-on faites ? quel nouveau mauvais livre avez-vous ? quelle nouvelle misère ? Si vous voyez ce bon Diderot, dites à ce pauvre esclave que je lui pardonne d'aussi bon cœur que je le plains .

V. »

1 V* n'a pu lire qu'une copie manuscrite de cet ouvrage , la première édition des Lettres de Mlle Aïssé à Mme C... est de Paris ,1787 ; la destinataire était Julie Calandrini, née Pélissard . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charlotte_A%C3%AFss%C3%A9

et : http://books.google.fr/books?id=fTg0AAAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

2 Distique d'Alzire Ac. III, sc. v.

3 Débagouler = vomir, utilisé souvent pour « dire avec précipitation, avec confusion » dans la langue littéraire du XVIè siècle et gardé dans la langue populaire ; trouvé chez Brantôme, Sorel, d'Ablancourt, Dancourt .

 

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09/07/2013 | Lien permanent

On s'allie plaisamment dans cette maison-là

 

… En effet, je vous laisse juges de la situation :

 

http://www.rtl.be/people/people/news/726886/robert-pattinson-veut-rencontrer-rupert-sanders-l-amant-de-kristen-stewart

 

Le suspense est insoutenable, la face du monde peut en être changée, je n'y tiens plus, aussi je vais vite retourner m'informer sur les JO qui , vous l'avouerez, doivent logiquement intéresser moins de monde . Non ?

Bon , j'ai fait un choix dicté par l'urgence et l'importance de l'évènement, vous ne pouvez en douter , ça me déchire le coeur d'en laisser tant d'autres, tout aussi méritants, dans l'ombre . Enfin, je vous fais confiance, amis du net, et de la saine littérature, pour débusquer d'aussi belles nouvelles . D'autant plus belles, semble-t-il, quand elles touchent de beaux/belles célèbres riches .

And now the winner is ?... The people newspapers/tabloïds ! ... Absolutely !!

S'il m'est permis de donner un conseil à Bob : "laisse tomber Kris, c'est un sac d'embrouilles "

 

sacdembrouilleskristen.jpg

 

 

 

 

 

 

« A M. le comte d'ARGENTAL.

7 août [1756]

Mon divin ange, voici le Botoniate 1 achevé et réparé à peu près comme vous l'avez voulu. L'auteur 2 est un homme très-aimable, et porte un nom qui doit réussir à Paris. Je ne doute pas que les
comédiens n'acceptent une pièce qui vaut beaucoup mieux que tant d'autres qu'ils ont jouées, et je doute encore moins du succès quand elle sera bien mise au théâtre. Je vous demande vos bontés, et nous sommes deux qui serons pénétrés de reconnaissance.
Mon cher ange, les bras ensanglantés sont bien anglais 3; mais, si on les souffre, je les souffre aussi.
Si cet honnête La Beaumelle est enfermé 4, je n'en suis pas surpris; il avait dit dans ses Mémoires, en parlant de la maison royale « On s'allie plaisamment dans cette maison-là. »
On dit qu'il avait fait imprimer une Pucelle en dix-huit chants, pleine d'horreurs.

 

Je ne savais pas que ce fût M. de Sainte-Palaye 5, qui m'eût honoré du Glossaire; voulez-vous bien lui donner le chiffon ci-joint?
La poste part; je n'ai que le temps de vous dire que vous êtes le plus aimable et le plus regretté des hommes. »




 

1 Nicéphore Botoniate, empereur d'Orient, personnage de la pièce Les Comnènes, de F. Tronchin : http://books.google.fr/books?id=csQ5AAAAcAAJ&pg=PA78&lpg=PA78&dq=botaniate+tronchin+comn%C3%A8ne&source=bl&ots=nLJBeD3xns&sig=5UTiiTUnqsdm8QwPRgoiI_seoao&hl=fr&sa=X&ei=t9wTUKiGH9Da0QWVwYCADQ&sqi=2&ved=0CCUQ6AEwAA#v=onepage&q=botaniate%20tronchin%20comn%C3%A8ne&f=false

 

2François Tronchin, conseiller d’État de Genève .http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Tronchin

 

3 Allusion à Lekain jouant le rôle de Ninias dans Sémiramis.

 

 

 

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28/07/2012 | Lien permanent

si je voulais transcrire les paroles favorables que vous m'avez écrites pour Bing,

 Note rédigée le 25 juillet 2011 pour parution le 20 décembre 2010.

 

 

« A Louis François Armand du Plessis, duc de Richelieu

 

Aux Délices près de Genève

20 décembre [1756]

 

Je suis honteux, Monseigneur, d'importuner mon héros 1, qui a bien autre chose à faire qu'à lire mes lettres . Mais je ne demande qu'un mot de réponse pour le fatras ci -dessous .

 

1° Un Anglais 2 vint chez moi ces jours passés se lamenter du sort de l'amiral Bing 3 dont il est ami . Je lui dis que vous m'aviez fait l'honneur de me mander que ce marin n'était point dans son tort et qu’il avait fait ce qu'il avait pu . Il répondit que ce seul mot de vous pourrait le justifier, que vous aviez fait la fortune de Blackney par l'estime dont vous l'avez publiquement honoré, et que si je voulais transcrire les paroles favorables que vous m'avez écrites pour Bing, il les enverrait en Angleterre . Je vous en demande la permission . Je ne veux et je ne dois rien faire sans votre aveu .

 

Voilà pour le vainqueur de Mahon .

 

Voici une autre requête pour le 1er gentilhomme de la chambre, c'est qu’il ait la bonté d'ordonner qu'on joue Rome sauvée à la cour cet hiver sous sa dictature . La Noue quitte à Pâques, et M. d'Argental prétend que cette faveur de votre part est de la dernière importance .

 

Ce tendre d'Argental me mande qu'il a poussé bien plus loin ses sollicitations . Mais ce serait étrangement abuser de vos bontés qu'il ne faut certainement pas hasarder en ce temps-ci 4. J'apprends que La Beaumelle avant de faire pénitence 5 avait apporté une édition de La Pucelle où il a fourré un millier de vers de sa façon, qu'on la vend publiquement 6, qu'elle est remplie d'atrocités contre les personnes les plus respectables, et que c'est l'ouvrage le plus criminel qu'on ait jamais fait en aucune langue . On donne cette horreur sous mon nom . Elle est si maladroite qu'il y a dans l'ouvrage deux endroits assez piquants contre moi-même . Il y a bien des choses dignes des halles . Mais il suffira d'un dévot pour m’attribuer cette infamie . Je crois que c’est un torrent qu'il faut laisser passer . La vérité perce à la longue . Mais il faut du temps et de la patience .

 

Vous en avez beaucoup de lire mes lettres au milieu de vos occupations . Votre nouvel hôtel, la Guyenne, l'année d'exercice !7 vous ne devez pas avoir du temps de reste . J'en abuse, je vous en demande pardon ; j'ose attendre deux petits mots . Je vous renouvelle mon tendre respect et Mme Denis se joint à moi .

 

V.

 

Il y a des choses affreuses contre le roi dans l'abominable ouvrage de La Beaumelle et de ses associés ; et on laisse vendre dans Paris de telles horreurs qui sont des crimes de lèse-majesté ! »

2 Thomas Pitt, frère de William Pitt le nouveau premier ministre anglais . V* avait mentionné sa présence le 8 : page 403 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f407.image.r=.langFR

3 Byng, qui commandait l'escadre anglaise envoyée au secours de la garnison de Minorque, fut considéré comme responsable de la défaite, relevé de son commandement dès la prise de Mahon par Richelieu, et incarcéré .

4Il s'agit toujours d'interventions en faveur du retour de V* ( voir lettre à Richelieu du 10 octobre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/10/09/69aa3a4200e7571393e5028d3b2d4248.html

et à d'Argental du 20 septembre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/17/le-reste-du-jour-est-necessairement-donne-aux-processions-de.html)

Le bruit en court et V* enverra un démenti à la duchesse de Lutzelbourg le 27 décembre : page 410 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f414.image.r=.langFR

5 A savoir , avant d'être enfermé à la Bastille .

6 Edition débitée à Paris en août, et V* l'apprend en octobre .

7 Richelieu est devenu gouverneur de Guyenne et c'est aussi son tour de diriger le Théâtre en 1757, comme premier gentilhomme de la chambre en service .

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20/12/2010 | Lien permanent

intéresser des gens qui ne s’intéressent qu’à eux-mêmes,

Cet après-midi, j'ai la surprise et le plaisir -je ne vous le cache pas- d'avoir mon fils ainé dans ma visite . Je ne lui ai pas demandé ce qu'il pense de celle-ci. Je laisse refroidir et je le questionnerai plus tard .

La dernière fois qu'il a visité ce château, c'était de nuit , sans les collections, à la lueur d'une lampe de poche , donc fort contraste. Les fantômes de la nuit se font très discrets au soleil, à peine un reflet sur un tableau ou derrière un buste, les visites nocturnes étant réservées aux amis et parents, qu'on se le tienne pour dit .

loveV, vous êtes une amie donc ....

Cette belle journée m'a fait repenser à des vacances lointaines où ce fils ainé et sa petite soeur étrennaient leurs premières vacances à la mer et où j'avais eu le plaisir de rencontrer un artiste peintre et chanteur de talent : Michel Murty : http://www.michel-murty.com/ .

Ah ! le VVF, on ne dira jamais assez le plaisir de ces villages de vacances et de leurs animations qui permettaient à certains de faire leurs premières armes.

 

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 Je sais que cette photo n'a rien à voir avec ce qui suit, ni ce qui précède , mais , bon ,c'est moi qui publie, des fois en vrac, je dois le reconnaitre, comme la vie pour ce qui nous arrive . Cette photo est une dédicace à kala69 ( http://www.flickr.com/photos/kala69 ) que je vous recommande, il a l'esprit et le coup d'oeil affutés .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Volti courtisan amuseur forcé "honteux à son[mon] age de quitter sa[ma] philosophie pour être baladin des rois". Il s'acquittera bien de ce pensum en ayant recours , sur le tard à J-J Rousseau, qui le croirait en pensant à leur avenir houleux .

 

 

 

 

« A Marie-Louise Denis

Chez Monsieur de Fontaine, maitre des comptes, rue Pavée derrière la place Royale, à l’hôtel d’Herbouville quartier Saint Antoine à Paris.

 

 

Ma chère nièce, j’aurai bientôt la consolation de vous embrasser ; je quitte la tranquillité de Cirey pour le chaos de Paris. Il faut absolument que je revienne préparer des fêtes [représentation de La princesse de Navarre composée pour le mariage du dauphin avec l’infante d’Espagne ], et peut-être de l’ennui à notre dauphine et une cour pour laquelle je ne me sens point fait. Je me sens un peu honteux à mon âge de quitter ma philosophie et ma solitude pour être baladin des rois ; mais on dit qu’il y avait presse à être revêtu de cette grande dignité, et on m’a fait l’honneur de me donner la préférence [Richelieu l’a chargé de ce divertissement]. Il faut donc la mériter, tacher de faire rire la cour, mêler le noble au comique, intéresser des gens qui ne s’intéressent qu’à eux-mêmes, donner un spectacle où il y ait de tout, et où la musique n’étouffe point les paroles, avoir affaire à vingt comédiens, à l’opéra, aux danseurs, décorateurs, et tout cela pourquoi ? pour que la dauphine me fasse en passant un signe de tête [il espérait plutôt « quelque marque de bonté qu’on me doit pour des bagatelles d’une autre espèce dans lesquelles je n’ai pas laissé de rendre service »]. Allons, il faut partir puisque je vous verrai, et que nous nous consolerons tous deux, vous de vos pertes [Mme Denis est veuve depuis le 12 avril et a des difficultés pour régler la succession], et moi de la ridicule vie que je mène, toute contraire à mon humeur et à ma façon de penser. J’embrasse tendrement votre aimable sœur et son cher mari. Je ne sais, mon enfant, aucune nouvelle d’aucun sous-fermier, et les Montigni [la famille Mignot de Montigny] ne m’ont point mandé l’établissement de Mlle Montigni. Tout ce que je sais, c’est que le plus riche fermier général ne serait pas trop bon pour elle. Encore faudrait-il qu’il fut fort aimable. Elle mérite bien d’être heureuse. Elle a de l’esprit et des talents, et pense tout à fait à ma fantaisie.

 

 

                            En vous remerciant, ma chère enfant, des Mahomet. Je vous prie de dire à votre ami La Porte qu’il me les garde jusqu’à ce que je lui donne une adresse. Présentez-lui bien mes remerciements. Je vous souhaite santé et tranquillité. Adieu ma chère nièce, je me flatte du plaisir de vous embrasser tous incessamment. Mme du Châtelet vous fait mille compliments.

 

 

                            V.

                            Ce 13 août 1744 à Cirey. »

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enfin je suis devenu un grand seigneur, c'est-à-dire que j'ai des dettes et point d'argent, avec un gros revenu

...

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL.
Aux Délices, 11 mai [1760].

Acte 5, scène seconde

MÉDIME , armée; soldats dans l'enfoncement.
(à son père.) (à sa suite.)
Non, n'allez pas plus loin. — Frappez; et vous, soldats,
Laissez périr Médime, et ne la vengez pas.
Vous n'avez que trop bien secondé mon audace;
J'ai mérité la mort, méritez votre grâce ;
Sortez, dis-je.


MOHADAR 1.

Ah, cruelle! est-ce toi que je vois ?

MÉDIME , en jetant ses armes.

Pour la dernière fois, seigneur, écoutez-moi.
….....................................................................

 

.....................................................................
Je baise cette main dont il faut que j'expire;
Mais, pour prix de mon sang, pardonnez à Ramire :
C'est assez vous venger, et ce sang à vos yeux,
Ce sang, qui fut le vôtre, est assez précieux.


Peut-être ces deux derniers vers, prononcés avec une grandeur mêlée de tendresse, pourront faire quelque effet.
N. B. que dans la dernière scène Prohador dit :

J'ai trop vu, je l'avoue, en ce combat funeste.

Il y avait :
J'ai trop vu, malgré moi, dans ce combat funeste 2,


et cela faisait deux malgré moi en deux vers.

Voilà, mon divin ange, de quelle manière j'ai obéi sur-le- champ à votre lettre ; et, si vous n'êtes pas content, je trouverai peut être quelque chose de mieux.
Je sacrifie mes craintes et mes remords aux espérances et à l'absolution que vous me donnez. Allons donc, puisque vous l'ordonnez. C'est déjà quelque chose que Mlle Gaussin ne joue pas Énide; mais gare que Mlle Clairon ne donne de ses tons à Mlle Hus, et qu'au lieu du contraste intéressant de deux caractères opposés on ne voie qu'une écolière répétant sa leçon devant sa maîtresse ! En ce cas, tout serait perdu. Mlle Clairon en sait-elle assez pour enseigner un jeu différent du sien ?
Je suis mortifié, en qualité de Français, d'homme, d'être pensant, de l'affront public qu'on vient de faire aux mœurs, en permettant qu'on dise sur le théâtre des injures atroces à des gens de bien persécutés 3. A-t-on lâché un plat Aristophane contre les Socrates, pour accoutumer le public à leur voir boire la ciguë sans les plaindre? Est-il possible que Mme de La Marck 4 ait protégé si vivement une si infâme entreprise ?
Vous me faites un plaisir sensible, mon cher ange, en donnant le produit de l'impression à Lekain. Il faudra qu'il veille à empêcher les éditions furtives. Vous pouvez promettre le profit de l'édition de Tancrède à Mlle Clairon ; ainsi il n'y aura point de jalousie, et Lekain pourra hautement jouir de ce petit bénéfice, supposé que la pièce réussisse. Vous saurez que Tancrède est corrigé, comme vous et Mme Scaliger l'avez ordonné.
Mais je vous demande une grâce à genoux. Il y a un M. Jacques à Paris. Vous ne connaissez point ce nom-là ; c'est un homme de lettres qui a du talent, et qui est sans pain. Il voulait venir chez moi ; j'ai pris malheureusement à sa place une espèce de géomètre 5 qui me fait des méridiennes, des cadrans, qui me lève des plans; et je n'ai rien pu faire pour M. Jacques. Je lui destinais cinq cents livres sur la part d'auteur que je donne aux comédiens, et deux cents sur l'édition que je donne à Lekain (supposé toujours le succès dont mes anges me flattent) ; au nom de Dieu, réservez 500 livres pour Jacques. Il serait même bon qu'il présidât à l'édition, et qu'il fît la préface.
Vous me direz : Que ne donnez-vous à Jacques 500 livres de votre bourse? Je vous répondrai que je suis ruiné ; que j'ai eu la sottise de bâtir et de planter en trois endroits différents ; que j'ai chez moi trois personnes à qui j'ai l'insolence de faire une pension ; que Mme Denis, après sa réception à Francfort, a droit de ne se rien refuser à la campagne; que la proximité d'une grande ville et le concours des étrangers exigent une grande dépense ; qu'enfin je suis devenu un grand seigneur, c'est-à-dire que j'ai des dettes et point d'argent, avec un gros revenu. Voilà mon cas; il ne faut rien cacher à son ange gardien.
Vous n'avez rien répondu sur la juste haine que je porte à la ville de Paris ; est-ce que je n'ai pas raison ? Mais j'ai bien plus raison de vous aimer jusqu'à mon dernier moment, avec la plus tendre reconnaissance. Madame Scaliger permet-elle qu'on lui en dise autant?
J'ai oublié l'adresse de Jacques. Il demeurait à Paris, rue Saint-Jacques, près la fontaine Saint-Séverin, chez... je ne m'en souviens plus. C'est un M. Audelet ou Audet, homme d'affaires...
On pourrait donner des billets à Jacques.

V. »

1 Le personnage appelé Mohadar dans la pièce, quand elle était intitulée Fanime ou Médime, est nommé Benassar dans Zulime. Les vers rapportés ici sont dans Zulime, acte V, scène II

2 Zulime, acte V, scène III,

3 D'Alembert, Diderot, Duclos, Helvétius, etc., nommés dans la lettre du 9 mai 1760 à Lacombe : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/05/06/j-ai-peine-a-croire-que-notre-nation-legere-soit-devenue-ass-5617399.html

4 Marie-Anne -Françoise de Noailles, comtesse de La Mark ; sur Les Philosophes, voir lettre du 25 avril 1760 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/04/23/est-il-vrai-que-de-cet-ouvrage-immense-et-de-douze-ans-de-travaux-il-revien.html

5 Sans doute Siméon Valette.

 

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09/05/2015 | Lien permanent

« C'est un roquet qu'il faut laisser aboyer », mais on ne songe pas que ces roquets ameutent les chiens ennemis de la Fr

...  Zemmour, Mélenchon, Marine Le Pen, etc., et autres gueulard.e.s élu.e.s , sans oublier les sublimes "influenceurs.euses" qui donnent à quelques millions de badauds crétinisés le plaisir ineffable de vivre tête baissée , et les malfaisants et lâches harceleurs que ne savent même plus renvoyer à leur néant leurs victimes , tant on confond maintenant vie réelle et virtuelle . Où est l'heureux temps du bien faire et laisser dire ?

 

 

« A François de Chennevières

7 septembre 1767

Je suppose, mon cher ami, que vous avez eu la bonté de déterrer M. Barrau 1, qui est à la vérité un homme enterré, mais qui mérite d'être connu. Il est certainement employé au dépôt des Affaires étrangères, et il m'a fourni de très bonnes observations pour le Siècle de Louis XIV, qu'on réimprime.

C'est au sujet de cette nouvelle édition que j'ai été forcé de recourir au ministère, pour réprimer l'insolence et les calomnies de La Beaumelle. Le commandant du pays de Foix, où il demeure, a eu ordre de le menacer du cachot s'il continuait, et le gouverneur de Guyenne lui a fait de plus fortes menaces. La profonde ignorance où l'on est communément à Versailles et à Paris de tout ce qui se passe dans le reste de l'Europe empêche quelquefois de faire attention à des choses qui en méritent beaucoup. On dit « C'est un roquet qu'il faut laisser aboyer », mais on ne songe pas que ces roquets ameutent les chiens ennemis de la France. Un Français qui accuse Louis XIV d'avoir empoisonné le marquis de Louvois, qui accuse le duc d'Orléans d'avoir empoisonné la famille royale, qui accuse Monsieur le Duc, père de M. le prince de Condé d'aujourd'hui, d'avoir assassiné Vergier 2, qui accuse le père du roi 3 de s'être entendu avec le prince Eugène pour trahir la France et pour faire prendre Lille, et qui ose apporter en preuve de tous ces crimes les manuscrits de Saint-Cyr, un tel coquin, dis-je, fait plus d'impression qu'on ne pense dans les pays étrangers. Il est cité par tous les compilateurs d'anecdotes, et la calomnie qui n'a pas été réfutée passe pour une vérité. Tous ceux qui ont été employés dans les Affaires étrangères, et particulièrement M. l'abbé de La Ville, sont bien convaincus de ce que je vous dis ; ils en ont vu des exemples frappants ; il ne s'agit point du tout de moi dans cette affaire, il s'agit de l'honneur de la maison royale. Le fou de Verberie 4, qu'on a fait pendre, était moins coupable que La Beaumelle.

Ne vous imaginez pas, dans votre chambre à Versailles, que les ouvrages de ce faquin soient inconnus, on en a fait plusieurs éditions, ils sont traduits en allemand. Je ne sais si les nouveaux Mémoires de Mme de Maintenon, qui viennent de paraître 5, sont de lui ; c'est le même style et la même insolence.

J'avoue que ces calomnies me révoltent plus que personne. Je ne dois pas souffrir qu'on couvre d'ordures le monument que j'ai élevé à la gloire de ma patrie. Il est bien étrange qu'un prédicant de la petite ville de Mazères, au 6 pays de Foix, insulte impunément, de son grenier, tous nos princes et les plus illustres maisons du royaume.

Je vous prie instamment de communiquer ma lettre à M. de La Touraille, et de l'engager à regarder les choses de l'œil dont tous ceux qui s'intéressent comme lui à la maison de Condé les regardent. »

2 Pour se venger, dit-on, d'une satire de ce poète. Mais le véritable auteur du crime est un nommé Le Craqueur, voleur de la bande de Cartouche. (A. F.)

Voir note 5 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Dominique_Cartouche

3 L'élève de Fénelon, le duc de Bourgogne. (A. F.)

Voir : http://chrisagde.free.fr/bourb/l14hommes.php3?page=28

5 En 1755, V* a souscrit pour deux exemplaires des Mémoires pour servir à l'histoire de Mme de Maintenon et du siècle passé de La Beaumelle, ainsi que l'apprend une lettre de la duchesse de Saxe-Gotha . Mais aucune nouvelle édition de cet ouvrage ne semble avoir paru à l'époque où nous sommes maintenant .

6 Édition Cayrol : du .

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22/04/2023 | Lien permanent

les inventeurs sont si au-dessus des autres hommes que la postérité pardonne leurs plus grandes fautes

... Beau sujet de philosophie pour le bac , aussi ne m'étendrai-je pas là-dessus !

Par exemple; si je reconnais avec joie la valeur d'un Pasteur et d'un Fleming et tous autres grands de la médecine, il m'est très difficile et même impossible d'admirer l'inventeur de Fesses de bouc  ou de Tweetter . A chacun sa vision du progrès, ou bénéfique pour tous les humains, ou qui ne sert qu'à quelques-uns . 

http://www.jesuismort.com/biographie_celebrite_chercher/celebre-inventeur-142.php

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« A Charles Pinot Duclos

A Ferney 1er mai 1761 1

Après le Dictionnaire de l'Académie, ouvrage d'autant plus utile que la langue commence à se corrompre, je ne connais point d'entreprise plus digne de l'Académie et plus honorable pour la littérature que celle de donner nos auteurs classiques avec des notes instructives .

Voici, monsieur, les propositions que j'ose faire à l'Académie avec autant de défiance de moi-même que de soumission à ses décisions . Je pense qu'on doit commencer par Pierre Corneille puisque c'est lui qui commença à rendre notre langue respectable chez les étrangers . Ce qu'il y a de beau chez lui est si sublime qu'il rend précieux tout ce qui est moins digne de son génie . Il me semble que nous devons le regarder du même œil que les Grecs voyaient Homère , le premier en son genre et l'unique même avec ses défauts C'est un si grand mérite d'avoir ouvert la carrière, les inventeurs sont si au-dessus des autres hommes que la postérité pardonne leurs plus grandes fautes . C'est donc en rendant justice à ce grand homme et en même temps en marquant les vices du langage où il peut être tombé et même les fautes contre son art que je me propose de faire une édition in-quarto de ses ouvrages .2

J'ose croire, monsieur, que l'Académie ne me désavouera pas, si je propose de faire cette édition pour l’avantage du seul homme qui porte aujourd'hui le nom de Corneille et pour celui de sa fille .

Je ne peux laisser à Mlle Corneille qu'un bien assez médiocre, ce que je dois à ma famille ne me permet pas d’autres arrangements . Nous tâchons Mme Denis et moi de lui donner une éducation digne de sa naissance ; il me paraît de mon devoir d'instruire l'Académie des calomnies que le nommé Fréron a répandues au sujet de cette éducation . Il dit, dans une des feuilles de cette année, que cette demoiselle aussi respectable par son infortune et par ses mœurs que par son nom est élevée chez moi par un bateleur de foire que je loge et que je traite comme mon frère .

Je peux assurer l'Académie, qui s’intéresse au nom de Corneille à qui je crois devoir compte de mes démarches, que cette calomnie absurde n'a aucun fondement ; que ce prétendu acteur de la foire est un chirurgien-dentiste du roi de Pologne qui n'a jamais habité au château de Ferney et qui n'y est venu exercer son art qu'une seule fois . Je ne conçois pas comment le censeur des feuilles du nommé Fréron a pu laisser passer un mensonge si personnel, si insolent, et si grossier contre la nièce du grand Corneille .

J'assure l'Académie que cette jeune personne qui remplit tous les devoirs de la religion et de la société mérite tout l'intérêt que j'espère qu'on voudra bien prendre à elle . Mon idée est que l'on ouvre une simple souscription sans rien payer d'avance .
Je ne doute pas que les plus grands seigneurs du royaume dont plusieurs sont nos confrères ne s'empressent à souscrire pour quelques exemplaires . Je suis persuadé même que toute la famille royale donnera l'exemple .

Pendant que quelques personnes zélées prendront sur elles le soin généreux de recueillir ces souscriptions, c'est-à-dire seulement le nom des souscripteurs, et devront les remettre à vous, monsieur, ou à celui qui s'en chargera, les meilleurs graveurs de Paris entreprendront les vignettes et estampes à un prix d'autant plus raisonnable, qu'il s'agit de l'honneur des arts et de la nation . Les planches seront remises ou à l'imprimeur de l'Académie ou à la personne que vous indiquerez . L'imprimeur m'enverra des caractères qu’il aura fait fondre par le meilleur fondeur de Paris, il me fera venir aussi le meilleur papier de France, il m'enverra un habile compositeur, et un habile ouvrier . Ainsi tout se fera par des Français . Ce libraire n'aura aucune avance à faire, les deniers de ceux qui acquerrons l'ouvrage imprimé seront remis à une personne nommée par l'Académie, et le profit sera partagé entre l'héritier du nom de Corneille et votre libraire sous le nom duquel les œuvres de Corneille seront imprimées ; la plus grosse part comme de raison pour M. Corneille .

Je supplie l'Académie de daigner accepter la dédicace . Chaque amateur souscrira pour tel nombre d'exemplaires qu'il voudra . Je souscris pour six . Je crois que chaque exemplaire pourra revenir à cinquante livres .3

Les sieurs Cramer se feront un plaisir et un honneur de présider sous mes yeux à cet ouvrage . On leur donnera pour leurs honoraires certain nombre d'exemplaires pour les pays étrangers .

Je prendra la liberté de consulter quelquefois l'Académie dans le cours de l'impression . Je la supplie d’observer que je ne peux me charger de ce travail à moins que tout ne se fasse sous mes yeux, ma méthode étant de travailler toujours sur les épreuves des feuilles, attendu que l'esprit semble plus éclairé quand les yeux sont satisfaits .D'ailleurs il m'est impossible de me transplanter et de quitter un moment le pays que je défriche .

Je peux répondre que l'édition une fois commencée, sera faite au bout de six mois . Telles sont, monsieur, mes propositions, sur lesquelles j'attends les ordres de mes respectables confrères .

Il me paraît que cette entreprise fera quelque honneur à notre siècle et à notre patrie . On verra que nos gens de lettres ne méritaient pas l'outrage qu'on leur a fait quand on a osé leur imputer des sentiments peu patriotiques, une philosophie dangereuse et même de l'indifférence pour l'honneur des arts qu'ils cultivent

J'espère que plusieurs académiciens voudront bien se charger des autres auteurs classiques . M. le cardinal de Bernis et M.  l'archevêque de Lyon 4 feraient une chose digne de leur esprit et de leurs places de présider à une édition des Oraisons funèbres et des Sermons des illustres Bossuet 5 et Massillon 6. Les Fables de La Fontaine ont besoin de notes, surtout pour l'instruction des étrangers . Plus d'un académicien s'offrira à remplir cette tâche qui paraîtra aussi agréable qu'utile .

Pour moi j'imagine qu'il me convient d'oser être le commentateur du grand Corneille, non seulement parce qu'il est mon maître, mais parce que l'héritier de son nom 7 est un nouveau motif qui m'attache à la gloire de ce grand homme .

Je vous supplie donc , monsieur, de vouloir bien faire convoquer une assemblée assez nombreuse pour que mes offres soient examinées et rectifiées et que je me conforme en tout aux ordres que l'Académie voudra bien me faire parvenir par vous, etc»

 

1 L'édition de Kehl donne par erreur «  plus honorable que la littérature » au lieu de « pour » .

2 V* changea plusieurs fois d'avis sur la forme qu'il convenait de donner à l'édition ; elle parut finalement en douze volumes in-8°, avec des figures d'après Gravelot (saut une ) .

3 Ces quatre mots manquent dans les éditions .

4 Montazet .

5 Le projet se réalisa d'autant moins qu'il existait une belle édition récente en quinze volumes in -4° des Œuvres de messire Jacques-Bénigne Bossuet, 1743-1747, suivie de trois volumes d'Oeuvres posthumes, 1753 . il était paru aussi plus récemment le recueil des oraisons funèbres, 1749 .

6 Il existait déjà de nombreuses éditions des Sermons de Massillon ; la première collection de ses Œuvres, parue en 1710 avait été rapidement suivie d'une douzaine d'autres, ce qui rendait également difficile le projet d'une édition académique . V* possédait l'édition de 1745 .

7 Le père de marie-Françoise Corneille .

 

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11/04/2016 | Lien permanent

Je sais pourtant qu’il y a encore des Hottentots, même à Paris ; mais, dans dix ans, il n’y en aura plus : croyez-moi su

... Résumé de programme et acte de foi et allégeance de Bardella, chouchou de Marine qui a trouvé plus néfaste qu'elle -- si c'est possible --  et tremplin pour 2027 .

Bien joué l'embobinage ! ou comment se faire avoir jusqu'au trognon ! les Français croient tous qu'ils ont gagné des tours gratuits en tirant la queue du Mickey . La boîte à milliards est , disent-ils, évidemment pleine et n'attend que d'être répartie . Tournez manèges et cramponnez-vous bien, de gauche ou de droite, quelque soit le sens vous allez souffrir, le vertige et la gueule de bois vous attendent, les poches sous les yeux seront les seules qui seront encore pleines .

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https://www.lopinion.fr/de-qui-se-moque-t-on/dessin-barde...

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

21è décembre 1768

Madame, les imaginations ne dorment point ; et quand même elles prendraient, en se couchant, une dose des oraisons funèbres de l'évêque du Puy 1 et de l’évêque de Troyes 2, le diable les bercerait toujours. Quand la marâtre nature nous prive de la vue, elle peint les objets avec plus de force dans le cerveau ; c’est ce que la coquine me fait éprouver. Je suis votre confrère des Quinze-Vingts dès que la neige est sur mon horizon de quatre-vingts lieues de tour . Le diable alors me berce beaucoup plus que dans les autres saisons. Je n’ai trouvé à cela d’autre exorcisme que celui de boire ; je bois beaucoup, c’est-à-dire demi-septier à chaque repas, et je vous conseille d’en faire autant ; mais il faut que ce soit d’excellent vin . Personne, de mon temps, n’en avait de bon à Paris.

L’aventure du président Hénault est assurément bien singulière. On s’est moqué de moi avec des Beloste et des Belestat. On m'assure aujourd'hui que c'est un homme d'un très grand nom, et que vous connaissez. Je ne veux ni rien croire, ni même chercher à croire. L’abbé Boudot a eu la bonté de fureter dans la bibliothèque du roi. Il en résulte qu’il est très vrai qu’aux premiers états de Blois, dont vous ne vous souciez guère, on donna trois fois aux parlements le titre d’états généraux au petit pied 3. Je ne pense point du tout que les parlements représentent les états généraux, sur quelque pied que ce puisse être ; et quand même j’aurais acheté une charge de conseiller au parlement pour quarante mille francs, je ne me croirais point du tout partie des états généraux de France. Mais je ne veux point entrer dans cette discussion, et m’aller brouiller avec tous les parlements du royaume, à moins que le roi ne me donne quatre ou cinq régiments à mes ordres. De toutes les facéties qui sont venues troubler mon repos dans ma retraite, celle-ci est la plus extraordinaire.

L’A, B, C est un ancien ouvrage traduit de l’anglais, imprimé en 1762 4. Cela est fier, profond, hardi . Cette lecture demande de l’attention. Il n’y a point de ministre, point d’évêque en deçà de la mer, à qui cet A, B, C puisse plaire ; cela est insolent, vous dis-je, pour des têtes françaises. Si vous voulez le lire, vous qui avez une tête de tout pays, j’en chercherai un exemplaire, et je vous l’enverrai ; mais l’ouvrage a un pouce d’épaisseur. Si votre mère a ses ports francs, comme votre beau-père 5, je le lui adresserai pour vous.

Il faut que je vous conte ce qu’on ne sait pas à Paris. Le singe de Nicolet 6, qui demeure à Rome, s’est avisé de canoniser, non-seulement madame de Chantal 7, à qui saint François de Sales avait fait deux enfants, mais il a encore canonisé un frère capucin nommé frère Cucufin d’Ascoli 8. J’ai vu le procès-verbal de sa canonisation . Il y est dit qu’il se plaisait fort à se faire donner des coups de pied dans le cul par humilité, et qu’il répandait exprès des œufs frais et de la bouillie sur sa barbe, afin que les profanes se moquassent de lui, et qu’il offrait à Dieu leurs railleries.

Raillerie à part, il faut que Rezzonico soit un grand imbécile . Il ne sait pas encore que l’Europe entière rit de Rome comme de saint Cucufin.

Je sais pourtant qu’il y a encore des Hottentots, même à Paris ; mais, dans dix ans, il n’y en aura plus : croyez-moi sur ma parole. Quoi qu’il en soit, madame, buvez et dormez ; amusez-vous le moins mal que vous le pourrez, supportez la vie, ne craignez point la mort, que Cicéron appelle la fin de toutes les douleurs 9. Cicéron était un homme de fort bon sens. Je déteste les poules mouillées et les âmes faibles. Il est trop honteux d’asservir son âme à la démence et à la bêtise de gens dont on n’aurait pas voulu pour ses palefreniers. Souvenons-nous des vers de l’abbé de Chaulieu :

Plus j’approche du terme, et moins je le redoute.
Sur des principes sûrs mon esprit affermi,
Content, persuadé, ne connaît plus le doute :
Des suites de ma fin je n’ai jamais frémi
10.

Adieu, madame ; je baise vos mains avec mes lèvres plates, et je vous serai attaché jusqu’au dernier moment. »

1 Jean-Georges Lefranc de Pompignan ; voir lettre du 7 décembre 1768 à Mme Du Deffand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/06/15/il-faut-chercher-la-paix-de-l-ame-dans-la-verite-et-fouler-a-6503124.html

 

5 Le duc et la duchesse de Choiseul .

6 Le singe de Nicolet historique ; voir lettre du 4 mars 1767 à Florian : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/08/12/en-verite-il-s-agit-dans-cette-affaire-de-l-honneur-de-la-fr-6396068.html

Mais bien entendu l'expression est ici plaisante et doit être prise au sens figuré : il s'agit du pape Clément XIII.

7 Sur la canonisation de Jeanne de Chantal, voir lettre du 4 septembre 1768 à Vernes : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/03/23/il-y-a-certainement-un-attentat-contre-les-droits-des-souver-6490924.html

La suite du texte est une impertinence voltairienne .

8 Voyez la Canonisation de saint Cucufin, quine semble pas avoir été publiée avant mars-avril 1769 , quoique imprimée sans doute plus tôt . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome27.djvu/427

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28/06/2024 | Lien permanent

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