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24/04/2019

Quand on saura que les personnes les plus respectables de l’Europe s’intéressent à ces innocents persécutés, les juges en seront certainement plus attentifs

...

 

« A Caroline-Louise de Hesse-Darmstadt, margravine de Baden-Durlach

A Ferney 20 mars 1764

Madame, la bonté que Votre Altesse Sérénissime a bien voulu témoigner dans l’aventure affreuse des Calas est une grande consolation pour cette famille désolée, et le secours que vous daignez lui donner pour soutenir un procès qui est la cause du genre humain est l’augure d’un heureux succès. Quand on saura que les personnes les plus respectables de l’Europe s’intéressent à ces innocents persécutés, les juges en seront certainement plus attentifs. Il s’agit de réhabiliter la mémoire d’un homme vertueux, de dédommager sa veuve et ses enfants et de venger la religion et l’humanité en cassant un arrêt inique. Il est difficile d’y parvenir . Ceux qui, dans notre France, ont acheté à prix d’argent le droit de juger les hommes composent un corps si considérable  qu’à peine le Conseil du roi ose casser leurs arrêts injustes. Il a fallu peu de temps pour faire mourir Calas sur la roue, et il faut plusieurs années et des dépenses incroyables pour faire obtenir à la famille un faible dédommagement, que peut-être encore on ne lui donnera pas. Heureux, madame, ceux qui vivent sous votre domination ! Il est bien triste pour moi que mon âge et mes maux me privent de l’honneur de venir vous renouveler le profond respect avec lequel je serai toute ma vie,

madame,

de Votre Altesse Sérénissime,

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. ».



23/04/2019

je ne sais pas quelle place on peut lui accorder , ni ce qu’on peut faire pour lui dans un pays où probablement on ne se battra contre personne ; mais à tout hasard , je prends la liberté de demander votre protection

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« A Anne-Robert-Jacques Turgot 1

19è mars 1764 à Ferney

Monsieur,

Dieu a permis que je fusse chargé, je ne sais comment, de deux affaires qui regardent M. le chevalier Turgot 2, et qui sont de votre département comme du sien, puisqu’il s'agit de faire du bien aux hommes et de servir l’État .

Il y a vingt-quatre protestants aux galères à Marseille ; j'avais eu l'impudence , il y a quelques mois, de demander à M. le duc de Choiseul la grâce d'un imbécile qui était au nombre de ces martyrs, je l’obtins sur le champ . Cela me donna une grande réputation sur les bancs des galères . Les 24 martyrs s'imaginèrent que j'avais tout pouvoir sur la Méditerranée ; ils me firent écrire qu'ils pourraient donner quinze ou vingt mille francs pour obtenir leur délivrance . J'ai conclu de là qu'il pourraient très bien employer cet argent à s'établir à la Guyane , et qu'ils pourraient même engager plusieurs familles à cette émigration . J'ai conçu que les gens qui aimaient mieux rester aux galères que de changer de religion étaient la meilleure acquisition que M. le chevalier Turgot pourrait jamais faire . J'en ai écrit à M. le duc de Choiseul, qui daigne approuver mon idée, et je crois que M. le chevalier Turgot pourra faire un bon coup de filet ; il augmentera sa colonie de plusieurs personnes actives, industrieuses, et qui ne coûteront rien à l’État . Je compte envoyer incessamment les propositions des martyrs et confesseurs, et en cas que ces propositions soient raisonnables, je vous demanderai votre protection et celle de monsieur votre frère .

La seconde grâce dont j'ai à vous parler, monsieur, est encore au sujet de la colonie . Je quitterai volontiers mon pays de neiges, pour aller vivre sous un beau soleil, et sous un gouverneur philosophe , mais étant trop vieux et trop malade pour me transplanter, j'ai offert à ma place un jeune homme qui se porte bien , qui a servi dans l'Inde six ans sous l'Irlandais Lally, sans avoir été payé, qui a fait dix-huit mois les fonctions de major, il s'appelle de Sireday . Il est fils d'un avocat général de la chambre des comptes de Dijon, il a perdu son père , il n'est pas riche, mais sa mère pourra faire un effort pour lui. M. le duc de Choiseul me fait l'honneur de me mander qu'il a recommandé cet officier à M. le chevalier Turgot ; je ne sais pas quelle place on peut lui accorder , ni ce qu’on peut faire pour lui dans un pays où probablement on ne se battra contre personne ; mais à tout hasard , je prends la liberté de demander votre protection .

Je n'ai pas encore de nouvelles positives de l'affaire des protestants de France, mais il me paraît qu'ils seraient tout propres à peupler la Guyane ; ils sont accoutumés aux pays chauds, et détonneraient très bien les psaumes de Marot dans la pays d'Eldorado, c'est le pays dont Candide a été si content, et où il aurait dû rester .

Il se peut faire que de mes deux propositions aucune ne réussisse, c'est une chose à laquelle je suis très accoutumé, mais elles m'auront du moins procuré l'une et l'autre une nouvelle occasion de vous assurer du très tendre respect de l’habitant des neiges du mont Jura ; pardonnez-lui s'il n'a pas l'honneur de vous écrire de sa main, ses yeux ne valent pas mieux que le reste de sa machine . »

22/04/2019

je peux vous assurer qu'il n'y a point de ministre en France qui donnât sa faveur à prix d'argent

... Ou plus exactement j'aimerais vous l'assurer car je suis malheureusement parfaitement convaincu du contraire et ce n'est pas l'histoire politico-judiciaire de notre pays qui dira le contraire ; nous ne sommes à cet égard pas les premiers au monde, mais nous ne sommes pas totalement innocents . Pouvoir et argent, l'un tenant l'autre, l'un nourrissant l'autre , sont obtenus et dispensés par des humains faillibles , tout ministres qu'ils soient . En France on appelle ça gentiment "le piston", monnayé ou pas .

Image associée

Il n'y a pas que les cloches de Pâques qui distribuent des friandises

 

 

« A Louis Necker

19è mars 1764

Il faut d'abord vous dire, monsieur, que le ministre à qui je m’adressai pour obtenir la délivrance de ce pauvre galérien, a eu besoin de beaucoup d'adresse pour réussir aussi vite qu'il a fait, dans une chose qui n'est pas de son ministère . Il ne serait pas possible d'obtenir la même grâce pour vingt-quatre personnes , la plupart condamnées par les parlements . Vous savez dans quelles circonstances nous sommes ; mais voici les propositions que j'ai faites, et qui pourront réussir, en cas que vous soyez secondé par les parents et les amis de ceux qui sont condamnés pour cause de religion .

Le ministère a une grande prédilection pour la nouvelle colonie de la Guyane, on assure que le sol y est excellent, et que des personnes industrieuses et actives peuvent s'y enrichir en peu d'années . C'est, d'ailleurs le plus beau climat de la nature ; et les habitants des côtes méridionales de France ne trouveront pas l'air fort différent, attendu les vastes forêts qui dans ce pays tempèrent plus qu'ailleurs l'ardeur du soleil . Il me paraît qu'il vaut mieux s'enrichir à la Cayenne, que d'être enchaîné à Marseille .

Vous m'avez dit, monsieur, qu'ils pourraient fournir une somme de quinze à vingt mille livres pour obtenir leur liberté ; je peux vous assurer qu'il n'y a point de ministre en France qui donnât sa faveur à prix d'argent , mais si vous pouvez faire préparer cette somme pour leur faire une pacotille, pour leur acheter les choses nécessaires à leur établissement, et à l'espèce de culture qu'ils voudront entreprendre, s'ils se déterminent à partir avec leurs familles, s'ils peuvent même engager plusieurs de leurs amis à partir avec eux, il n'y aurait en ce cas qu'à m'envoyer un petit mémoire de leurs propositions . J'ai déjà parole qu'on fera pour eux humainement tout ce qu'on pourra pour favoriser leur établissement, leur liberté, et leur succès à la Guyane .

Il ne faudrait pas, à mon avis, qu'ils demandassent la permission de bâtir un temple, et d’amener avec eux des ministres, il faut qu'ils se présentent comme cultivateurs soit d'indigo, ou de cochenille, ou de coton, ou de soie, ou de tabac, ou de sucre, et non comme le peuple de Dieu passant les mers pour aller chanter les psaumes de Marot . Ils pourront secrètement embarquer un ministre, ou deux, si cela leur convient ; et quand ils seront une fois à la Guyane, ils auront affaire à un gouverneur, homme de mérite 1, qui connait mieux que personne au monde le prix de la tolérance, et qui ne part qu'avec la ferme résolution d'accorder à tout le monde la liberté de conscience .

Voyez, monsieur, si vous pouvez favoriser cette entreprise, et si on pourrait s'assurer de quelques familles qui voulussent se joindre à ceux qui sont détenus actuellement à Marseille . On peut faire toute cette affaire avec un carré de papier . J’ai déjà les noms des galériens que j'enverrai au ministre ; il ne s'agit que de trouver quelqu’un qui stipule pour eux, et pour les familles qui voudront s'embarquer . Il n'y a qu'à promettre qu'on se rendra dans trois mois au plus tard dans le port indiqué par le ministre, avec tous les ustensiles nécessaires à l'espèce de culture que chaque famille embrassera .

Il faudrait, je crois, qu'ils promissent aussi d'embarquer avec eux des provisions à leurs dépens, pour suppléer à ce qui pourrait manquer pendant la traversée ; que le ministère s'engageât à leur fournir une partie de ces provisions de bouche, et que les émigrants se chargeassent de l'autre partie .

Je ne propose cet arrangement que pour rendre tout plus facile ; car je crois que si une fois le ministère les avait fait embarquer il faudrait bien qu'il les nourrît, mais il en seront beaucoup mieux quand chacun arrivera avec sa petite provision ; et l'argent dont vous m'avez parlé peut aisément servir à cet usage . Faites donc au plus tôt votre proposition, monsieur, elle sera favorisée par un digne ministre d’État, et il la fera passer dans un Conseil à moins qu'il n'y trouve des obstacles imprévisibles . On ne doit jamais répondre de rien ; mais j'espère beaucoup . Il n’y a pas un moment à perdre, vous aurez la gloire de rendre un très grand service à l'humanité, et je serai votre premier commis dans le bureau de la bienfaisance . Je suis à vous sans cérémonie.

V. »

1 Etienne-François Turgot . Sur ce projet de colonisation de la Guyane, voir lettre du 24 janvier 1764 à Turgot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/01/30/il-voudrait-que-ses-creanciers-et-ses-debiteurs-produisissent-leurs-livres.html

 

21/04/2019

il n’est permis qu’aux gens riches d’aller chercher la santé loin de chez eux ; et à l’égard des pauvres, ils travaillent et ils guérissent

... Toujours vrai !?

https://www.youtube.com/watch?v=B5VyRmrN0-Q

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

[vers le 18] mars [1764] 1

Mon cher frère, je vous envoie l’avis d’Esculape-Tronchin. Tout Esculape qu’il est, il ne vous apprendra pas grand-chose . Vous savez assez que la vie sédentaire fait bien du mal aux tempéraments secs et délicats. Si j’étais assez insolent pour ajouter quelque chose aux oracles d’Esculape, je conseillerais les eaux de Plombières, ou quelques autres eaux chaudes et douces, en cas que la fortune de la malade lui permette de faire ce voyage sans s’incommoder, car il n’est permis qu’aux gens riches d’aller chercher la santé loin de chez eux ; et à l’égard des pauvres, ils travaillent et ils guérissent. Le voyage, l’exercice, des eaux qui lavent le sang et qui débouchent les canaux, rétablissent presque toujours la machine. Je voudrais aussi qu’on fît lit à part ; un mari malsain et une femme malade ne se feront pas grand bien l’un à l’autre, attendu que mal sur mal n’est pas santé. Voilà l’avis d’un vieux routier qui n’est pas médecin, mais qui depuis longtemps ne doit la vie qu’à une extrême attention sur lui-même.

J’ai oublié, dans ma dernière lettre, de vous prier de m’envoyer Macare imprimé, avec la lettre au grand-fauconnier 2. Il faut que ce grand-fauconnier ait le diable au corps de faire imprimer ces rogatons.

Ne pourrai-je jamais m’édifier avec l’instruction pastorale de Christophe ? Je suis fou des pastorales, depuis celle de Jean-George . Elles m’amusent infiniment.

Est-il vrai qu’il y a un jésuite, nommé Desnoyers, qui a bravement signé le formulaire imposé aux ci-devant soi-disant jésuites ?

Est-il vrai qu’on a mis au pilori la grosse face de l’abbé Caveyrac, apologiste de la Saint-Barthélemy et de l’institut de Loyola ? S’il est de la maison de Caveyrac, c’est un homme de grande qualité ; mais il se peut que ce soit un polisson qui ait pris le nom de son village . Il me paraît que nos seigneurs du parlement vont grand train. Quand serai-je assez heureux pour avoir le libelle de ce prêtre 3 ? C’est un coquin qui ne manque pas d’esprit ; il est même fort instruit des fadaises ecclésiastiques, et il a une sorte d’éloquence.

Frère Thieriot devrait bien s’amuser un quart d’heure à m’écrire tout ce qu’on dit et tout ce qu’on fait. Vous ne me parlez plus de ce paresseux, de ce négligent, de ce loir, de cet ingrat, de ce liron 4 qui passe sa vie à manger, à dormir, et à oublier ses amis. Il n’a rien à faire ; et vous, qui êtes accablé d’occupations désagréables, vous trouvez encore du temps pour écrire à votre frère.

Dieu vous le rende ! vous avez une âme charmante.

Ecr. l’inf. »

1 Copie par Wagnière qui en datant cette lettre a laissé le jour en blanc . L'édition de Kehl, ignorant le mois la date du 2 avril 1764, bien qu'elle précède évidemment la lettre du 26 mars 1764 si on en juge par le troisième paragraphe : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-11.html

2 Voir l'allusion aux « faucons » dans la lettre du 6 février 1764 au duc de La Vallière, grand fauconnier de France  : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/02/16/on-ne-lui-fera-pas-cette-injure-6129123.html

3 Il s'agit du Il est temps de parler .

20/04/2019

Ceux qu’il attaque, et ceux qu’il loue , doivent être également mécontents . Le public doit l’être bien davantage, car il veut être amusé, et il est ennuyé ; c’est ce qui ne se pardonne jamais

...

 

« A Etienne-Noël Damilaville

16è mars 1764 1

En réponse, mon cher frère, à votre lettre du 9è mars, je ne suis point surpris que la plate et ennuyeuse satire 2 pour laquelle on avait obtenu , à la honte du siècle, une permission tacite ait attiré à son auteur l’indignation et le mépris. Madame Denis, qui a voulu la lire, n’a jamais pu l’achever. Il n’y a certainement que les intéressés qui puissent avoir le courage de lire un tel ouvrage jusqu’au bout, et ceux-là n’en diront pas de bien. S’il y avait quelque chose de plaisant, ce serait qu'on met M. Diderot au nombre des sots. Il faut bien se donner de garde de répondre en forme à une telle impertinence ; mais je pense qu’on ne ferait pas mal de désigner cet infâme ouvrage dans l’Encyclopédie, à l’article satire, et d’inspirer au public et à la postérité l’horreur et le mépris qu’on doit à ces malheureux qui prétendent être en droit d’insulter les plus honnêtes gens, parce que Despréaux s’est moqué, en passant, de quelques poètes 3. Il faut avouer que le premier qui donna cet affreux exemple a été le poète Rousseau, homme, à mon sens, d’un très médiocre génie. Il mit ses chardons piquants dans des satires où Boileau jetait des fleurs. Les mots de bélître, de maroufle, de louve, etc., sont prodigués par Rousseau ; mais du moins il y a quelques bons vers au milieu de ces horreurs révoltantes et la prétendue Dunciade n’a pas ce mérite. Ceux qu’il attaque, et ceux qu’il loue 4, doivent être également mécontents . Le public doit l’être bien davantage, car il veut être amusé, et il est ennuyé ; c’est ce qui ne se pardonne jamais.

Je crois, mon cher frère, qu’il n’est pas encore temps de songer à la publication de la Tolérance ; mais il est toujours temps d’en demander une vingtaine d’exemplaires à M. de Sartines. Vous les donneriez à vos amis, qui les prêteraient à leurs amis ; cela composerait une centaine de suffrages qui feraient grand bien à la bonne cause ; car, entre nous, les notes qui sont au bas des pages sont aussi favorables à cette bonne cause que le texte l’est à la tolérance.

Je vous admire toujours de donner tant de soins aux belles-lettres, à la philosophie, au bien public, au milieu de vos occupations arithmétiques et des détails prodigieux dont vous devez être accablé.

Puisque votre belle âme prend un intérêt si sensible à tout ce qui concerne l’honneur des lettres et les devoirs de la société, il faut vous apprendre que Jean-Jacques, ayant voulu imiter Platon , après avoir imité Diogène, vient de donner incognito un détestable opuscule sur les dangers de la poésie et du théâtre 5. Il m’apostrophe dans cet ouvrage, moi et frère Thieriot, sous des noms grecs 6; il dit que je n’ai jamais pu attirer auprès de moi que Thieriot, et que je n’ai réussi qu’à en faire un ingrat. Si la chose était vraie, je serais très fâché : j’ai toujours voulu croire que Thieriot n’était que paresseux. Je vous embrasse bien tendrement, mon cher frère. Ecr. l’inf.

N.B. – Je vous [suis] très obligé de l'avis que vous me donnez sur Guy Duchesne . Voici ma réponse 7. »

1 Copie par Wagnière ; l'édition de Kehl incomplète du dernier paragraphe et des mots ,à la honte du siècle [à la 3è ligne].

2 La Dunciade .

3 C'est la thèse soutenue par Palissot dans la préface de La Dunciade . Mais il faut reconnaître que les écrivains qu'il attaque n'ont pas ménagé leurs adversaires .

4 Parmi lesquels V* lui-même, que Palissot ménage beaucoup .

5 Cet ouvrage décrit à propos de la lettre du 8 mars 1764 à Cramer n'est pas anonyme : le nom de l'auteur figure sur la page de titre ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/04/05/il-est-bien-juste-que-sa-vie-et-ses-ouvrages-soient-des-contradictions-perp.html

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10400824

6 Rousseau s'en prend à V*, longuement, sous le masque d'Homère . Mais ce qu'il dit d'Homère lui-même se mêle si étroitement à ce qu'il laisse entendre de V* que peu de lecteurs durent comprendre ses allusions , telle celle-ci : « Comment se peut-il que vous n’ayez attiré près de vous que le seul Cléophile ? encore n’en fîtes-vous qu’un ingrat. »

7 Cette réponse n'a pas à proprement parler survécu ; mais il est certain que l'affaire dont il s'agit est celle qui a donné lieu à la lettre ou déclaration du 15 mars 1764 à Pierre Guy : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/04/15/j...

A l'égard des ânes rouges qui écrivent

... l'éléphant blond pisseux  Donald Trump ne cesse de déblatérer . Au passage, que son génie soit glorifié ! on ne le remerciera jamais assez pour ses conseils avisés, fidèle à son image d'éléphant dans un magasin de porcelaine,  d'utiliser les Canadairs pour stopper l'incendie de Notre Dame .

 

 

Démocrate US vs Donald

 

« A Jacob Vernes

En sortant de table, 4 heures [mars 1764 ] 1

A l'égard des ânes rouges qui écrivent contre l'art des Sophocle, dans lequel ils se sont eux-mêmes exercés , je les plains et je vous aime . »

1 L'édition Perey-Maugras indique seulement que ce texte figurait, autographe , sur une carte à jouer, sans donner aucun autre renseignement . L'allusion est très probablement à J.J. Rousseau .

19/04/2019

Notre nation n'a de goût que par accident

... Et l'élan pour restaurer Notre Dame ne fait que confirmer ce constat voltairien .

Ici on peut dire "goût pour les vieilles pierres", ce qui ne m'étonne aucunement dans un pays où l'esprit de clocher est si vif et le sentiment de propriétaire si prédominant .

Je suis estomaqué par les sommes récoltées ou promises pour ce tas de cailloux [sic], écrin de reliques pour croyants béats qui ne supporteraient pas la moindre analyse scientifique .

[NDLR : James est particulièrement outré,  et ne supporte pas qu'on puisse en si peu de temps apporter autant d'argent qu'on refuse aux Restos du Coeur et au Droit au Logement, pour ne citer qu'eux ].

Au reste , je suis pour la reconstruction, nos ancêtres en ont assez bavé pour édifier ce monument qui ne doit pas disparaitre .

 

 

 

« A Nicolas-Sébastien Roch de Chamfort 1

[mars 1764] 2

Je saisis, monsieur, avec vous et avec M. de La Harpe 3, un moment où le triste état de mes yeux me laisse la liberté d'écrire . Vous parlez si bien de votre art, que si même je n'avais pas vu tant de vers charmants dans La Jeune Indienne 4, je serais en droit de dire, voilà un jeune homme qui écrira comme on faisait il y a cent ans 5. La nation n'est sortie de la barbarie que parce qu'ils s'est trouvé trois ou quatre personnes à qui la nature avait donné du génie et du goût qu'elle refusait à tout le reste . Corneille par deux cents vers admirables, répandus dans ses ouvrages, Racine par tous les siens, Boileau par l'art inconnu avant lui de mettre la raison en vers, un Pascal, un Bossuet, changèrent les Welches en Français ; mais vous paraissez convaincu que les Crébillon, et tous ceux qui ont fait des tragédies aussi mal conduites que les siennes, et des vers aussi durs et aussi chargés de solécismes, ont changé les Français en Welches . Notre nation n'a de goût que par accident, il faut s'attendre qu'un peuple qui ne connut pas d'abord le mérite du Misanthrope et d'Athalie, et qui applaudit à tant de monstrueuses farces, sera toujours un peuple ignorant et faible, qui a besoin d'être conduit par le petit nombre des hommes éclairés ; un polisson comme Fréron ne laisse pas de contribuer à ramener la barbarie . Il égare le goût des jeunes gens qui aiment mieux lire pour deux sous ses impertinences, que d'acheter chèrement de bons livres, et qui même ne sont pas souvent en état de se former une bibliothèque . Les feuilles volantes sont la peste de la littérature .

J'attends avec impatience votre Jeune Indienne . Le sujet est très attendrissant . Vous savez faire des vers touchants, le succès est sûr, personne ne s'y intéressera plus que votre très humble et très obéissant serviteur .

V. »

2 Copie Beaumarchais-Kehl datée de janvier 1764 par l'éditeur, suivi par les autres éditions ; mais il faut voir la lettre du 25 mai au même . Le manuscrit olographe est passé en vente à Paris le 20 mars 1903 chez Charavay .

3 S'il s'agit d'une lettre de La Harpe, elle n'est pas connue .

4 Comédie en un acte, en vers, représentée le 30 avril 1764 ; voir : http://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/CHAMFORT_LAJEUNEINDIENNE.pdf

5 Chamfort est né en 1741 .