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23/12/2008

Tabachnik !! à vos souhaits !!

On a longuement parlé de Michel Tabachnik, chef d'orchestre et ex-membre du triste Ordre du Temple Solaire, il y a quelques années, suite au "suicide" et incinération de quelques illuminés (c'est le cas de le dire!) du dit Temple. Ce matin, sur la radio suisse romande, une interview que j'ai trouvée assez "passage de brosse à reluire" (les cuivres d'orchestre bien sûr ! ) a donné la parole à l'ex-templier .

Oh ! joie quand j'ai entendu cet hurluberlu dire : "jephenix.jpg suis revenu à la vie comme le phénix". L'inconscient s'est exprimé . La réalité dépasse la fiction . Les carbonisés du la région grenobloise n'ont pas eu la chance, après un bref passage sous forme d'oeuf, de revenir auprès des leurs. Il est vrai qu'on n'a pas vu de phénix depuis longtemps .

18/12/2008

Milliard, j’ai dit milliard ? Comme c’est le bazar !

 

Citation toute chaude, sortie du four à fadaises, dans le domaine " je parle et je me comprends, tant pis si vous n’arrivez pas à suivre mes pensées élevées, bandes de nazes !" - : « On ne peut pas continuer à sortir des milliards qui finiront par nous coûter cher » dixit M. de Villepin ce matin sur France Inter .

Plus tristounet pour ceux qui crèvent de faim ou de maladie,  «  les USA ont dépensé plus de cent milliards de dollars pour la guerre d’Irak en pure perte » dixit un journaliste de RSR ce même matin.

Commencer la journée en entendant parler de milliards d’euros ou de dollars voués à l’inutile ou au désastre et la destruction m’incite à sonder le fond de mon porte-monnaie pour voir si quelques miettes de ces pactoles ne s’y trouveraient pas . Et devinez quoi ? Rien, nada, nichts, que pouic, que dalle ! J’ai du louper le jour de distribution, trop occupé à travailler pour pouvoir me trouver sous la bonne goulotte .

Riez, dansez banquiers ! Comme toujours on ne prête qu’aux riches, aux pauvres malheureux qui risquaient sans cela de gagner un peu moins qu’espéré .

Plaignons aussi les firmes automobiles qui voient leurs ventes en chute libre : depuis quand la voiture, d’un prix déraisonnable, fait elle partie des objets à renouveler sans cesse ? Quoi d’étonnant ? Quoique détonant !

Je me consolerai ce soir en partageant un repas dit de Noël (et oui, camarades syndiqués, surfeurs du Net et bloggers impénitents) avec l’équipe du château de Voltaire.

 

Deux lettres non datées de notre SDF adressées à une femme qui défraya un peu la chronique au XVIIIème  siècle .

 

 « A Charlotte –Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

comtesse bentinck.jpg

 

 

 

 On fait courir ici la lettre de Koenig ; elle fait autant de bruit qu’Akakia et peut avoir des suites aussi affreuses. La personne à qui vous l’avez confiée a montré la pièce à Maupertuis. Il n’y a pas un moment à perdre. Il faut en retirer tous les exemplaires ou je suis perdu.

V.

Potsdam , Décembre 1752 »

 

 

On sent le pain grillé mon cher touche à tout !

 

« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

 

Il n’est pas question de retirer l’exemplaire des mains du prince Henri [frère de Frédéric II]. Cela n’est pas possible, mais le prince Eugène de Virtemberg peut au nom de son frère [Louis-Eugène prince de Wurtemberg] le conjurer de ne le montrer à personne, et de n’en donner aucune copie. Vous pouvez retirer les copies que vous avez données. Je vous le demande à genoux. Le roi ne veut qu’un prétexte. Il a pris celui-là. Vous sentez bien que Maupertuis n’est pas dans son cœur la raison de cette persécution horrible. J’ai vu hier M. le chevalier de La Touche. Tachez de le voir et lui bien mettre dans la tête l’opprobre de tout ce procédé. Si vous croyez que Mme Marschall [fille de Podewils, amie de la comtesse] puisse engager son père à adoucir le roi en général, ce sera beaucoup.

V.

Potsdam, fin décembre 1752 »

 

« Calimero » (pourquoi tout le monde me persécute ?) fait appel aux femmes pour sa défense . Il sait bien leur pouvoir, il connait aussi son succès auprès d’elles. Heureux persécuté !!

 

Si vous voulez en savoir plus sur la comtesse salvatrice, et croyez -moi elle vaut le détour voir :

 

http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://image.evene.fr/img/livres/g/2020662108.jpg&imgrefurl=http://www.evene.fr/livres/livre/hella-s-haasse-madame-bentinck-l-indiscrete-21588.php&usg=__cGB25dRwx3w010hTW_rlhm8ri50=&h=180&w=115&sz=12&hl=fr&start=5&tbnid=_XPCXo9blEwlOM:&tbnh=101&tbnw=65&prev=/images%3Fq%3Dcomtesse%2Bbentinck%26gbv%3D2%26hl%3Dfr

 http://www.amazon.fr/Voltaire-grande-amie-Correspondance-...

17/12/2008

grosse tête, petites pensées

« J’ai changé l’Europe, mais je n’ai pas changé Cohn Bendit » dixit Nicolas imperator (un ami dit : nabot-léon). C’est vrai l’Europe est devenue « E.U. hope » et peut-être « E.U. rope » (pour nous pendre ?). Il a l’impression d’avoir changé, - en mieux bien sûr!. Je trouve personnellement qu’il a toujours la grosse tête. A-t-il changé de chapeau pour une pointure supérieure ? Ce grand « sentimental » m’agace toujours autant, il me laisserait indifférent s’il n’avait pas une telle place. Baste ! je laisse là ce roi de cour de récré !

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

Il faut que vous me pardonniez, mon cher ange. Je suis un bon Suisse qui avait trop pris les choses à la lettre. Vous me mandiez qu’on [le gouvernement français] a plus de ménagements et plus de jalousie qu’un amant et une maîtresse, et que mes correspondances mettaient obstacle à un retour qu’on pourrait attribuer à ces correspondances mêmes. Daignez considérer que le temps où vous me parliez ainsi, était précisément celui où le bon Suisse n’avait fait aucune difficulté d’avouer à Mme de P.[ompadour] ses liaisons que je crus un peu dangereuses sur votre lettre. Rien n’est assurément plus innocent que ces liaisons ; elles se sont bornées comme je vous l’ai dit, à consoler un roi qui m’avait fait beaucoup de mal, et à recevoir les confidences du désespoir dans lequel il était plongé alors. Je vous avertis que le roi de Prusse et l’impératrice pourraient voir des lettres que j’ai écrites à Versailles, sans que ni l’un ni l’autre  pût m’en savoir le moindre mauvais gré. J’avais cru seulement que le désespoir où je voyais le roi de Prusse pouvait être un acheminement à une paix générale si nécessaire à tout le monde et qu’il faudra faire à la fin. Je ne m’attendais pas alors que nos chers compatriotes se couvriraient d’opprobre, et qu’une armée de cinquante mille hommes fuiraient comme des lièvres devant six bataillons dont les justaucorps viennent à la moitié des fesses ; je ne prévoyais pas que les Hanovriens assiégeraient Harbourg, et qu’ils seraient plus forts que M. de Richelieu. Nous avons grand besoin d’être heureux dans ce pays là, car nous y sommes en horreur pour nos brigandages, et méprisés pour notre lâcheté du 5 novembre. Les Autrichiens disent qu’ils n’ont pris Breslau que parce qu’ils n’avaient pas de Français avec eux. Enfin nous n’avons d’appui en Allemagne que ces mêmes Autrichiens qui se moquent de nous. Il faut espérer que M. de Richelieu rétablira notre crédit et notre gloire, et que les succès de Marie-Thérèse nous piqueront d’honneur…..Vous voyez que je suis aussi bon Français que bon Suisse.

         Tout bon que je suis j’ai toujours sur le cœur les quatre baïonnettes que ma nièce eut dans le ventre. J’aurais voulu que le roi de Prusse eût réparé cette infamie, mais je vois qu’il est difficile de venir à bout de lui, même en lui prenant Breslau.

         Au moment que je griffonne, la nouvelle vient de Francfort que nous avons été malmenés devant Harbourg. Je n’en veux rien croire. Ce sont des hérétiques qui le mandent. Passons vite.

On a joué à Vienne L’Orphelin de la Chine, l’impératrice l’a redemandé pour le lendemain. Voilà des nouvelles de tripot assez agréables. Le tripot de la guerre n’est pas si plaisant. Venons à l’article du portrait. Donnez-moi des dents et des joues et je me fais peindre par Van Loo. En attendant, mon cher ange, envoyez au charnier St Innocent. Mon effigie est là trait pour trait.

 

 

         J’ai actuellement chez moi Mme d’Epinay qui vient demander des nerfs à Tronchin. Il n’y a point là de salmigondis [allusion à Mme de Montferrat = « joli salmigondis de dévotion et de coquetterie »]. Cela est philosophe, bien net, bien décidé, bien ferme. Je la quitte pourtant et je vais au palais Lausanne. Vous verrez, mon cher ange, des Ecossais francisés, des Douglas qui ont des terres dans mon voisinage, qui ont un procès au Conseil, au rapport de M. de Courteille.

         Je baise pour eux le bout de vos ailes. Je demande votre protection. Mais vous ! vous ! vous avez une affaire et point d’audience. Cela est drôle. Pour Dieu expliquez-moi cela. Et vale et ama nos.

 

         Voltaire

         Aux Délices le 17 décembre 1757 »

 

         « au charnier St Innocent. Mon effigie est là trait pour trait. » : terriblement réaliste et humoriste ce sacré gaillard ; il ne sait pas que plus de vingt ans l’attendent encore.

 

d epinay.jpg

         Mme d’Epinay, « Cela est philosophe, bien net, bien décidé, bien ferme. Je la quitte pourtant » : le manque de nerfs de cette dame a dû être cette fois un vice rédhibitoire et l’attrait de la chaleur de sa résidence lausannoise supérieur aux qualités de « cela ». La description tient en quatre épithètes, et si Mme d’Epinay en avait eu connaissance aurait-elle apprécié ? Ou alors aurait-elle été outrée d’être « cela » ? Féministes de tous pays qu’en dîtes-vous ?

 

16/12/2008

tir au 44 : deux coups ! zut, loupé!

« A François-Louis Allamand

Pasteur de l’église à Bex [1709-1784 pasteur à Ormont, professeur de grec]

 

         Je suis venu , Monsieur, me faire marmotte à Montriond pour l’hiver, après avoir essuyé mon petit tremblement de terre tout comme un autre [le 9 décembre]. Le meilleur des mondes possibles me parait une mine. Je plains comme vous, les Portugais ; mais les hommes se font encore plus de mal sur leur petite taupinière que ne leur en fait la nature. Nos guerres égorgent plus d’hommes que les tremblements de terre n’en engloutissent. Si on n’avait à craindre dans ce monde que l’aventure de Lisbonne[tremblement de terre du 1er novembre 1755], on se trouverait encore passablement bien. Au reste on dit que la moitié de cette ville est encore sur pied. On commence toujours par faire le mal ou le bien plus grand qu’il n’est. Je crois que Lisbonne a encore moins l’apparence du bouleversement que les abîmes et les rochers où vous êtes. Si vous pouviez quitter votre antre pour venir dans mon trou de marmotte, nous raisonnerions ensemble du mal physique et du mal moral dans le temps de relâche que mes maux physiques peuvent me donner. Je serais charmé de voir comment une imagination aussi brillante que la vôtre a pu conserver son feu dans le pays des frimas. Vous me paraissez ressembler au vin de Champagne qui n’en est que mieux quand il est à la glace.

Je vous embrasse en philosophe sans cérémonie à mon ordinaire.

        

         Voltaire à Montriond près de Lausanne

         16 décembre 1755 »

 

« les hommes se font encore plus de mal sur leur petite taupinière que ne leur en fait la nature. Nos guerres égorgent plus d’hommes que les tremblements de terre n’en engloutissent » c’est ce qui a sans doute passé dans la tête du journaliste lanceur de chaussures qui a mon grand regret a manqué sa cible (manque d’entrainement sans doute !). Il y a quelques décennies le rondelet Nikita Kroutchev s’était contenté de frapper son bureau à l’ONU avec son 42 fillette , « gross skandal » (mais pas petite sandale), grosse trouille pour certains, petits résultats en définitive ; Nikita, c’est vrai, il n’y a pas de mal à s’offrir ce plaisir quand on a suffisamment de bombes nucléaires pour rayer l’adversaire de la carte et à tout prendre les dégâts sont pour le moral U.S.. GWB , malgré sa coquetterie dans le regard , a esquivé. Double vue !? Aurait-il été alerté par une senteur suspecte ? Une prescience de l’attentat ? Je n’aimerais pas en ce moment faire partie de ses gardes du corps, les coups de pied au c..  doivent pleuvoir, et le chômage en étrennes programmées.

Qu’on fiche la paix à l’homme aux pieds nus, sa colère est légitime ;  le poids des mots ne suffit pas toujours, le choc des godasses est souvent nécessaire pour des têtes à claques dirigeant des pays soit disant développés et modèles.

         Je peux vous confirmer que depuis 1755 le  « pays des frimas » est toujours fidèle à sa réputation, mais que certains de ses habitants –comme Babeth, pour ne pas la nommer - ont le cœur généreux et offrent un agréable moment à un collègue (im)méritant. La lutte contre le froid chez moi prend une tournure spéciale : laissons pousser la barbe ! Je ne suis pas encore plausible en père Noël, ni en Robert Hue, mais plutôt nain de jardin ascendant Simplet !

15/12/2008

plaisir des dieux, plaisir adieu !?

« A Charles –Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

Mon aimable ange gardien, si j’avais eu quelque chose de bon à dire j’aurais écrit à MM. d’Ussé, mais écrire pour dire : j’ai reçu votre lettre, et j’ai l’honneur d’être, et des compliments et du verbiage, ce n’est pas la peine.

Je ne saurais écrire en prose quand je ne suis pas animé par quelque dispute, quelque fait à éclaircir, quelque critique etc. J’aime mieux cent fois écrire en vers, cela est beaucoup plus aisé, comme vous le sentez bien.

Voici donc des vers que je leur griffonne. Qu’ils les lisent, mais qu’ils les brûlent.

Venons à l’épître sur la preuve de l’existence de Dieu par le plaisir .[5ème Discours sur l’homme]. Ne pourrait-on pas y faire une sauce pour faire avaler le tout aux dévots ?

Il est très vrai que le plaisir a quelque chose de divin philosophiquement parlant, mais théologiquement parlant il sera divin d’y renoncer. Avec ce correctif on pourrait faire passer l’épître ; car tout passe. J’ai corrigé encore beaucoup les autres. Un petit mot, s’il vous plait, sur la dernière, sur l’aventure de la Chine [« …je lus hier dans un livre chinois… » : 6ème Discours sur l’homme]. J’aime vos critiques, elles sont fines, elles sont justes, elles m’encouragent. Pousuivez .

Je ne crois avoir fait qu’une action de bon chrétien et non un bon ouvrage dans ce que vous savez [ la pièce L’Envieux donnée à La Marre], et comme il faut que les bonnes œuvres soient secrètes je vous prie de recommander à La Marre le plus profond secret. D’ailleurs qu’il fasse tout ce que vous lui prescrirez. C’est ainsi que j’en userais si j’étais à Paris.

Mme du Chatelet fait mille compliments à l’ange gardien et à cet autre ange Mme d’Argental.

Ce Blaise, c’est ne vous en déplaise, Blaise Pascal mais il faudrait un autre nom. Je vous prie d’engager M. d’Argenson à donner des ordres positifs pour que mes ouvrages n’entrent point en France. Je crains toujours qu’on y ait glissé quelque chose qui troublerait, je ne dis pas mon repos, mais celui d’une personne que je préfère à moi comme de raison.

 

Voltaire

Cirey, le 15 décembre 1738 »

 

« la preuve de l’existence de Dieu par le plaisir », à 44 ans Voltaire a déjà bien travaillé pour accumuler les preuves sur le sujet ; il n’a pas été en retard pour trouver cette réponse par menus et grands plaisirs recherchés dès son adolescence, il faut avouer qu’il est naturellement doué et l’abbé de Chateauneuf, son parrain, n’a pas eu à rougir de son filleul.

« théologiquement parlant il sera divin d’y renoncer » : renonce qui veut, en tout cas , moi je ne veux pas rivaliser avec Dieu ni ses saints ;  que les dévots, grenouilles de bénitiers et punaises de sacristies avalent cette sauce , je reste un homme , pas un ange ( ou alors sérieusement déplumé, à poil(s) en quelque sorte !).

J’envie ce sacré bonhomme philosophe qui fait jouer ses relations de collège, je dirais même qui joue avec ses relations – quelle vérité, quelle  sincérité quand il demande « que mes ouvrages n’entrent point en France . Je crains toujours qu’on y ait glissé quelque chose qui troublerait… » ? Troublant  trublion que ce turbulent’auteur !

 

 

 

happy Xmas ? hey , y're crazy man !!

Just for the fun, a little scribouillage to Gulliver’s father.

 

“A Jonathan Swift

in London, Maiden Lane, at the White perruke, Covent garden

swift jonathan.jpg

 

Sir,

You will be surprised in receiving an English essay from a French traveller. Pray, forgive an admirer of you who ows to yr writings the love he bears to yr  language which as betray’d him into the rash attempt of writing in English.[ V. a écrit un “Essay upon the civil wars of France…the epick poetry of the European’s nations from Homer to Milton”, paru le 6 decembre]

You will see by the Advertisement that I have some designs upon you, and that I must mention you fort the honour of yr country and for the improvement of mine. Do not forbid ma to grace my relation with yr name. Let me indulge the satisfaction of talking of you as posterity will do.

In the mean time, can I make bold to intreat you to make some use of yr interest in Ireland abaout some subscriptions for the Henriade, which is almost ready and does not come out yet for want a little help. The subscriptions will be but one guinea in hand.

I am with the hightest esteem and the utmost gratitude, Sir,

Yr most humble and most obedient servant.

 

Voltaire

14 december 1727 [25n.s.]” les Anglais avaient gardé l’ancien calendrier, d’où deux dates : o. s. = old style et n.s. = new style = calendrier grégorien.

13/12/2008

rich man, very poor men

jean robert tronchin.jpg

« A Jean-Robert Tronchin

 

         Je suis bien plus coupable encore que vous ne dites, mon cher correspondant, et je crois vous avoir fait ma confession par ma dernière lettre, car outre la terre de Ferney que j’ai achetée pour les miens, et où je bâtis, j’ai encore acheté à vie la comté de Tournay du président De Brosses et lui ai donné une lettre de change sur vous payable aux Saints, de 16 mille livres, et une pour les Rois, de 19 000 livres, qui seront payées à moins qu’il ne survienne quelque accident qui rompe cette affaire et en ce cas je vous donnerais avis.

         Après vous avoir fait ma confession, voici comme je prétends à l’absolution. 1° les 130 000 livres données à l’Electeur palatin assurent une rente considérable à Mme Denis, et je regardais comme un devoir de prendre soin de sa fortune. 2° les 90 000 livres entre les mains de notre ami Labat [qui les prête à la duchesse de Saxe Gotha] sont une très bonne affaire, et le capital rentre dans les 3 ans ½.

Je vais actuellement vous ouvrir mon cœur sur le reste. Ce cœur est trop à vous pour vous être caché. Après avoir pris le  parti de rester auprès de votre lac, il fallait soutenir ce parti. Mais vous savez qu’à Genève il y a des prêtres comme ailleurs. Vous n’ignorez pas qu’ils ont voulu me jouer quelques tours de leur métier. Ils ont continuellement répandu dans le peuple que j’étais venu chercher un asile dans le territoire de Genève et ils ont feint d’ignorer que j’avais fait à Genève l’honneur de la croire libre et digne d’être habitée par des philosophes. J’ai opposé la patience et le silence à toutes leurs manœuvres. J’ai pris une belle maison à Lausanne pour y passer les hivers. Et enfin je me vois forcé d’être le seigneur de deux ou trois prédicants, et d’avoir pour mes vassaux ceux qui osaient essayer de m’inquiéter. J’ai tellement arrangé l’achat de Tournay que je jouis pleinement et sans partage de tous les droits seigneuriaux, et de tous les privilèges de l’ancien dénombrement.

         La terre de Ferney est moins titrée, mais non moins seigneuriale. Je n’y jouis des droits de l’ancien dénombrement que par grâce du ministère, mais cette grâce m’est assurée. J’aime à planter, j’aime à bâtir et je satisfais les seuls goûts qui consolent la vieillesse. J’étais las d’acheter pour 3000 livres de bois de chauffage par an, et de n’avoir pas chez moi assez de fourrage pour mes chevaux. J’avais parmi mes domestiques un vigneron en titre d’office, pour cultiver deux arpents de vigne [environ 1 ha]. J’avais deux jardiniers pour un petit potager, et un équipage de charrue au semoir pour semer deux coupes de blé. Ces domestiques seront mieux employés dans de plus grands domaines, et ne me coûteront pas davantage. Les deux terres l’une compensant l’autre me produisent le denier vingt, et le plaisir qu’elles me donnent est le plus beau de tous les deniers.

Je réduirai à la modestie le château que je bâtis à Ferney. J’ai d’ailleurs d’entrée de jeu les pierres, la chaux et presque tous les bois. Vous voyez dans quels détails j’entre avec vous. J’y suis autorisé par votre amitié. Enfin je me suis rendu plus libre en achetant des terres en France que je ne l’étais n‘ayant que ma guinguette de Genève et ma maison de Lausanne. Vos magistrats sont respectables, ils sont sages, la bonne compagnie de Genève vaut celle de Paris, mais votre peuple est un peu arrogant, et vos prêtres un peu dangereux. Vos parents et vos amis me dirent il y a plusieurs mois, qu’ils croyaient nécessaire de me faire recommander à Genève par le ministère de  France. J’ai pris le parti de me recommander moi-même, et d'être chez moi maître absolu. J’en serai beaucoup plus maître dans l’ermitage des Délices.

Somme totale j’ai ajouté deux grands degrés à ma félicité et je l’ai affermie, et somme totale par rapport aux finances, soyez sûr que si je vis encore quatre ans vous m’enverrez un compte pareil à celui de 1757. Pardonnez- moi donc, mon cher confesseur. J’ai reçu le groupe jaune et blanc [250 louis d’or et 50 d’argent]. Je vous remercie tendrement de tous vos  soins et je suis encore plus sensible à l’amitié avec laquelle vous me parlez de mes intérêts.

 

V.

13 décembre 1758. »

 

 

Yes, il l’a fait ! Les revenus sont conséquents, offrons nous un territoire pour être (chez moi) maître absolu et éviter de se frotter davantage à ce peuple un peu arrogant . Il est titré, il va bâtir, il va faire cultiver, il va recevoir, il va briller, non pas quatre ans, mais vingt ans. Inespéré ! Fernex devient Ferney et enfin ça bouge dans ce coin insalubre du Pays de Gex.

Hier soir, j’ai vu le reportage Thalassa sur Haïti : j’ai du mal à concevoir que des humains en soient réduits à être des bousiers, oui des bousiers !! Comment nommer des êtres qui mangent de la terre, en galettes salées certes, mais de la boue quand même. Comment prendre au sérieux des présidents et des gouvernements qui lâchent des millions pour la recherche spatiale, pour des guerres, … J’en viens à me demander ce que je fiche ici, je devrais être à l’Assemblée nationale pour engueuler les députés qui se votent des augmentations , qui rajoutent des lois aux lois, qui ne comprennent même plus ces misérables textes qui oppriment plus souvent qu’ils ne libèrent ; ils grimpent sur leurs gradins et sur leurs petits ergots et ne voient pas plus loin que le fond de leurs maroquins. Quant à la valse des bagues aux doigts des ministres et aux voyages non-stop présidentiels, passons, d’autres pendant ce temps trépassent …

Haïti , haï T, ha E.T. : ça y est, je débloque moi aussi ; je suis, comme disait de lui-même un copain de régiment polytechnicien et parachutiste, « fondamentalement lâche » et accessoirement courageux. Quand pourrons nous dire comme Voltaire « j’ai fait un peu de bien, c’est mon meilleur ouvrage ». Hâtons nous …Engueulez moi , moi aussi...