06/06/2023
je veux absolument que les choses soient en règle
...
« A Sébastien Dupont, Avocat
au Conseil souverain d'Alsace
à Colmar
Je reçois à la fois, mon cher ami, vos deux lettres du 29 octobre et du 1er novembre. Je ne demande autre chose, sinon que mon procureur s'oppose ( en vertu de mon hypothèque antérieure ) à toutes délivrances d'argent ou fruits aux créanciers de Lyon . L'arrêt viendra ensuite quand il pourra . Peut-être qu'avant l'arrêt le sieur Jeanmaire aura pris un parti raisonnable . Mais il faut l'y forcer. Il m'a donné cent paroles qu'il ne m'a point tenues . Il me devra soixante et dix-sept mille livres au 1er janvier et ayant reçu ordre, il y a au moins six semaines, de m'envoyer trois cents louis d'or, il ne m'a donné que des lettres de change pour quatre mille cinq cents livres. Il ne sait pas la triste situation où il me réduit. Il vient de m'écrire une lettre très ridicule ; je lui ai fait une réponse catégorique, dont j'enverrai copie, s'il le faut, à M. le duc de Virtemberg lui-même : je veux absolument que les choses soient en règle . C'est une justice que je dois à ma famille; mais je ne manquerai jamais de respect ni d'attention pour ce prince.
Soyez bien sûr aussi, mon cher ami, que je ne manquerai jamais de reconnaissance envers vous.
Je vous supplie de vouloir bien m'envoyer les noms des marchands de Lyon, et de me faire savoir la somme de la créance du baron banquier Dietrich.
V.
7è novembre 1767 à Ferney.1 »
1 Original mention « franco Bâle », cachet « Bâle » ; édition Lettres inédites, 1821 .
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05/06/2023
Tout ce que je puis faire, c'est de lever les mains au ciel, et de le prier de vous accorder une vie très longue, très saine, avec très peu de médecins
... En constatant la raréfaction des médecins en France, j'en viens à croire que le souhait de Voltaire est allé au delà du raisonnable . Le recours à ces hommes de l'art peut être encore soumis aux précautions voltairiennes, et ce ne sont pas les pratiques du Dr Raoult qui inciteront à la confiance aveugle . Méfia't !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
6è novembre 1767
Vraiment, mon divin ange, je ne savais pas que vous eussiez enterré votre médecin 1. Je ne sais rien de si ridicule qu'un médecin qui ne meurt pas de vieillesse; et je ne conçois guère comment on attend sa santé de gens qui ne savent pas se guérir ; cependant il est bon de leur demander quelquefois conseil, pourvu qu'on ne les croie pas aveuglément. Mais comment pouvez-vous prendre les mêmes remèdes, Mme d'Argental et vous, puisque vous n'avez pas la même maladie ? C'est une énigme pour moi. Tout ce que je puis faire, c'est de lever les mains au ciel, et de le prier de vous accorder une vie très longue, très saine, avec très peu de médecins.
J'avais déjà écrit un petit mot M. de Thibouville 2 pour vous être montré. Votre lettre du 28 d'octobre ne m'a été rendue qu'après. Vous ne doutez pas que je ne sois bien curieux de voir ma lettre à la belle Mlle Dubois. Vous avez vu les raisons que j'ai de me tenir un peu clos et couvert jusqu'à ce que j'aie reçu des nouvelles de M. le maréchal de Richelieu. Il me semble qu'il y a dans cette affaire je ne sais quelle conspiration pour m'embarrasser et se moquer de moi. Mais comment M. le duc de Duras n'a-t-il pas eu la curiosité de voir cette lettre, qui est devenue la pomme de discorde chez les déesses du tripot ? Rien n'est, ce me semble, si facile; tout serait alors tiré au clair, sans que des personnes qui peuvent beaucoup me nuire eussent le moindre prétexte contre moi.
Je vous avouerai grossièrement, mon cher ange, que je me trouve dans une situation bien gênante, et que je crains l'éclat d'une brouillerie qui me mettrait dans l'alternative de perdre une partie de mon bien, ou de le redemander par les voies du monde les plus tristes, et peut-être les plus inutiles. On me mande des choses si extraordinaires que je ne sais plus où j'en suis; ma santé d'ailleurs est absolument ruinée. Je dois plutôt songer à vivre que songer à la singulière tracasserie qu'on m'a faite. Je n'ose même écrire à Lekain, de peur de l'exposer.
Vous verrez incessamment M. de Chabanon et M. de La Harpe. J'ai donné une lettre à M. de La Harpe pour vous.
Adieu, mon divin ange, maman et moi nous nous mettons au bout de vos ailes plus que jamais.
Vous savez quel est pour vous mon culte d'hyperdulie. »
1 Il s'appelait Fournier.
2 Cette lettre manque .
17:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
J'arrange mes petites affaires
... Voir ce redorage de blason au Mont Saint-Michel !
https://www.laprovence.com/article/france-monde/299273052...
Macron terrassant l'opposition !
« A Etienne-Noël Damilaville
4 novembre 1767 1
Mon corps, qui n'en peut plus, fait ses compliments au vôtre qui n'est pas en trop bon ordre, mon cher ami. J'arrange mes petites affaires, et voici un papier que je vous prie de faire parvenir à M. de Laleu.
Au reste, plus la raison est persécutée, plus elle fait de progrès. Puissent les braves combattre toujours, et les tièdes se réchauffer ! Vous ne m'avez point parlé de l'opéra 2 de M. Thomas et de M. de La Borde ; je crois que vous vous souciez plus d'un bon raisonnement que d'une double croche. On dit que le théâtre de la comédie est anéanti . Je recommande à vos bontés le petit livre de la population .
Portez-vous bien, mon cher ami, et aimez un homme qui vous chérira jusqu'au dernier moment de sa vie. »
1 L'édition de Khel amalgame quelques mots de la présente lettre à la lettre du 2 novembre et d'autres au début de la lettre du 18 janvier 1767 . Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/10/ces-deux-rogatons-il-en-fera-sa-cour-a-son-correspondant-d-a-6381307.html
2 Amphion : (livret de Thomas : https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_L%C3%A9onard_Thomas
), ballet-pastorale-héroïque en 1 acte donné le 13 octobre 1767 à l'Académie royale de musique .
16:48 | Lien permanent | Commentaires (0)
quand il faudra faire de nouvelle dépenses, vous n'avez qu'à parler
... et la réponse sera : NON ! " dit Bruno Le Maire ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique au président Macron qui est diablement tenté de faire encore des offres de Gascon .
« A Charles-Frédéric-Gabriel Christin
Mercredi au soir 4è novembre 1767 à Ferney
Je vous envoie , mon cher ami, le contrat des deux cent mille livres insinué . J'y joins dix louis d'or, et quand il faudra faire de nouvelle dépenses, vous n'avez qu'à parler . Vous avez dû recevoir ma lettre que j'avais adressée à M. Leriche . Elle devient actuellement inutile, mais je vous prie de me mander si elle vous est parvenue . Je l'avais adressée à Besançon par Pontarlier .
Dieu ait en sa sainte garde M. Benoise 1 et ceux qui pensent comme lui . Apparemment que le premier président du parlement de Douai s'était déclaré contre Fantet puisque Dieu l'a puni d'une bonne apoplexie, et qu'il est allé juger des libraires dans l'autre monde .
Bonsoir mon cher philosophe ; je vous embrasse et je vous regrette .
V.
Je vous prie d'envelopper toujours le contrat . Il est sur du papier de Hollande qui se déchire aisément . Il est déjà sali . »
1 Ce mot a d'abord été écrit De Noise, puis corrigé .
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04/06/2023
sans argent, sans commerce et sans crédit, si elle ne se met pas à penser que deviendra-t-elle ?
... Rien !
La France !
AA- !
« A Jean Le Rond d'Alembert
4è novembre 1767 1
Mon cher philosophe, car il faut toujours vous appeler de ce nom respectable que la cour ne respecte guère, le philosophe M. de Chabanon aura donc le bonheur de vous embrasser . Vous lèverez donc les épaules ensemble sur l’avilissement où l'on veut jeter les lettres, sur la conspiration contre la raison et contre la liberté, sur les sottises dont vous êtes environné, sur la barbarie où l'on va nous replonger si vous n'y mettez ordre .
Monsieur de Chabanon a un beau plan de tragédie 2et a fait un premier acte qui annonce le succès des quatre autres . Mais pour qui travaille-t-il ? quels comédiens ? et quels spectateurs ? Le temps des beaux-arts est passé, et la philosophie qui faisait l'honneur de ce siècle est persécutée . La Sorbonne est dans la boue, mais les gens de lettres sont sub gladio 3. L'approbateur de Bélisaire 4 est toujours destitué . Rien ne marque plus le dessein formé d'empêcher la nation de penser . C'était tout ce qui lui restait . Battue par le prince de Brunsvick et par le markgrave de Brandenbourg, par les Anglais et par le roi de Maroc, sans argent, sans commerce et sans crédit, si elle ne se met pas à penser que deviendra-t-elle ? Votre cour de parlement fait conduire en place de Grève un lieutenant général 5 avec bâillon en bouche, sans daigner alléguer le moindre délit . On coupe la main, la langue et la tête à un jeune gentilhomme 6 et on jette tout cela dans un grand feu, pour n’avoir pas salué des capucins et pour avoir chanté deux vielles chansons, et les gens coupables de ces assassinats judiciaires sont honorés ! Vraiment , après cela, il faut boucher les yeux, les oreilles et l'entendement d'une nation . Mais on n'y parviendra pas . Les hommes s'éclaireront malgré les tigres et les singes . Vous ne voulez pas être martyr mais soyez confesseur . Vos paroles feront plus d'effet qu'un bûcher . Mon cher philosophe, criez toujours comme un diable .
Je vous aime autant que je hais ces monstres . »
1 Cette lettre fut apportée à Paris par Chabanon, ce qui fixe la date de départ de celui-ci de Ferney .
2 Eudoxie : https://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/CHABANON_EUDOXIE.xml
3 Sous le glaive .
4 Bret .
5 Lally-Tollendal .
6 La Barre .
08:39 | Lien permanent | Commentaires (0)
03/06/2023
Je vois que l'industrie se perfectionne tous les jours, et qu'au fond la France est un corps robuste qui se rétablit aisément en peu d'années par du régime, après ses maladies et ses saignées
... AA ou AA-, peut importe la note donnée par des bureaucrates , suivons l'exemple voltairien : travaillons pour nous et nos contemporains et nos descendants , ayons "le ridicule de planter à mon âge" ; et tout ira mieux .
Stop !
« A François-Thomas Moreau , seigneur de La Rochette
3 novembre 1767 à Ferney 1
Les arbres dont vous me gratifiez, monsieur, sont heureusement arrivés à Lyon. Je vais les envoyer chercher. La saison est encore favorable. Je sens également l'excès de vos bontés, et le ridicule de planter à mon âge mais ce ridicule est bien compensé compensé par l'utilité dont il sera à mes successeurs, et au petit pays inconnu que j'ai tâché de tirer de la barbarie et de la misère.
J'ai eu dans mes terres, en dernier lieu, moitié du régiment de Conti et de la légion de Flandre; ils auraient été obligés de coucher à la belle étoile il y a dix ans. Les officiers et les soldats ont été fort à leur aise. Je suis toujours très convaincu que la France en vaudrait mieux d'un tiers si les possesseurs des terres voulaient bien en prendre soin eux-mêmes ; mais je gémis toujours sur les déprédations des forêts.
Je ne pense pas du tout que la France soit aussi dépeuplée qu'on le dit. Je vois, par le dénombrement exact des feux, fait en 1753, qu'il y a environ vingt millions de personnes dans le royaume, en comptant les soldats, les moines et les vagabonds. Je vois que l'industrie se perfectionne tous les jours, et qu'au fond la France est un corps robuste qui se rétablit aisément en peu d'années par du régime, après ses maladies et ses saignées. Je ne suis point du nombre des gens de lettres qui gouvernent l'État du fond de leurs greniers, et qui prouvent que la France n'a jamais été si malheureuse mais je suis du petit nombre de ceux qui défrichent en silence des terres abandonnées, et qui améliorent leur terrain et celui de leurs vassaux.
Je vous dois bien des remerciements, monsieur, de m'avoir aidé dans mon petit travail. Je dois payer au moins la peine de vos enfants trouvés qui ont arraché les arbres, et qui les ont fait voiturer à Chailly. Je vous supplie de vouloir bien me dire à qui et comment je puis faire tenir une petite lettre de change.
Continuez, monsieur, à être utile à l'État, par le bel établissement à la tête duquel vous êtes ; jouissez de vos heureux succès ; comptez-moi parmi ceux qui en sentent tout le prix, et qui sont véritablement sensibles au bien public.
J'ai l'honneur d'être avec autant de respect que d'estime, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Copie du XIXè siècle faite d'après l'édition « Correspondance de Voltaire avec feu M. Moreau de La Rochette, inspecteur général des pépinières de France », Mémoires d'agriculture […] publiés par la Société d’agriculture du département de la Seine (Paris , An X [1801-1802] par François de Neufchâteau . C'est le texte qui a été suivi .
Voir impérativement à l'heure où l'on met enfin l'écologie en avant : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5533755b/texteBrut
et pages 264 et suiv. : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5848750t/f269.image.r=voltaire
08:32 | Lien permanent | Commentaires (0)
je me flatte que vous aurez la bonté de m'envoyer un petit mémoire des frais que toute la procédure aura coûté, ils seront payés exactement
... C'est avec politesse que le président Macron rassure la présidente de Moldavie Maia Sandu qui aurait pu se faire du souci en suivant la dégradation de la note financière de la France de AA à AA- par Fitch et peut-être aussi Standard and Poor's . La France a encore de quoi payer les voyages de son principal représentant de commerce .
https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/communaute-polit...
« a Sébastien Dupont, Avocat
au Conseil souverain d'Alsace etc.
à Colmar
A Ferney 3è novembre 1767
Mon cher ami, j'ai reçu les contrats ; je me flatte que vous aurez la bonté de m'envoyer un petit mémoire des frais que toute la procédure aura coûté, ils seront payés exactement .
Il me paraît toujours d'une nécessité absolue que M. Simon forme sans aucun délai une opposition à la saisie des marchands de Lyon . Il est très essentiel pour moi que M. le duc de Virtemberg voie que mes démarches sont contre ses créanciers plutôt que contre lui-même ; il faut que je joigne les procédés aux procédures , et que je me fasse payer avec toute la bienséance et toute la sûreté possibles .
Adieu , mon cher ami , je vous embrasse de tout mon cœur .
V. »
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