12/08/2021
Des animosités, des aigreurs réciproques, de l’orgueil, de la vanité, de petits droits contestés, ont brouillé tous les corps de l’État pour jamais
... Constat voltairien, constat constant de nos jours . Egalité et fraternité, où êtes-vous ?
Serein, bande de serins !
« A Etienne-François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul
[vers le 18 mai 1766] 1
Mon colonel, mon protecteur Messala 2,
C’est pour le coup que je me jette très sérieusement à vos pieds ; ayez la bonté de lire jusqu’au bout.
Je vous dois tout, car c’est vous qui avez rendu ma petite terre libre ; c’est vous qui avez marié Mlle Corneille, et qui avez tiré son père de la misère par les générosités du roi et les vôtres, et celles de Mme la duchesse de Gramont.
C’est par vous que mon désert horrible a été changé en un séjour riant ; que le nombre des habitants est triplé, ainsi que celui des charrues, et que la nature est changée dans ce coin, qui était le rebut de la terre. Après ces bienfaits répandus sur moi, vous savez que je ne vous ai rien demandé que pour des Genevois ; car que puis-je demander pour moi-même ? je n’ai que des grâces à vous rendre.
Jean-Jacques Rousseau seul a troublé la paix de Genève et la mienne ; Jean-Jacques, le précepteur des rois et des ministres, qui a imprimé, dans son Contrat insocial, qu’il n’y a, à la cour de France, que de petits fripons qui obtiennent de petites places par de petites intrigues 3 , Jean-Jacques, qui veut que l’héritier du royaume épouse la fille du bourreau 4, si elle est jolie ; Jean-Jacques, qui s’imagine follement que j’avais engagé le conseil de Genève à le proscrire ; Jean-Jacques, qui s’appuya d’un colonel réformé au service de Savoie, et pensionnaire d’Angleterre, nommé M. Pictet, pour commencer, sur cet unique fondement, la guerre ridicule que Genève fait à coups de plume depuis deux années.
Peut-être les Genevois, honteux d’un si impertinent sujet de discorde, n’ont osé avouer cette turpitude à M. le chevalier de Beauteville ; et moi, qui ne peux sortir et qui passe la moitié de ma vie dans mon lit et l’autre en robe de chambre, je n’ai pu instruire monsieur l’ambassadeur de ces fadaises dans le peu de temps qu’il a bien voulu me donner quand il a daigné venir voir ma retraite.
À la mort de M. de Montpéroux, toutes les têtes de Genève étaient dans une fermentation d’autant plus grande qu’il n’y avait en vérité aucun sujet de querelle. Des animosités, des aigreurs réciproques, de l’orgueil, de la vanité, de petits droits contestés, ont brouillé tous les corps de l’État pour jamais. Quelques personnes du conseil, plusieurs principaux citoyens, vinrent me trouver . Je leur proposai de venir tous dîner chez moi souvent, et de vider leurs querelles gaiement, le verre à la main. Comme ils disputaient alors sur des questions de loi qui sont survenues, ou plutôt qu’on a fait survenir, j’envoyai un mémoire 5 à des avocats de Paris, et je reçus une consultation fort sage.
M. Hennin arriva ; je lui remis la consultation, et je ne me mêlai plus de rien.
Les natifs de Genève vinrent me trouver, il y a quelques jours, et me prièrent de leur faire un compliment qu’ils devaient présenter à messieurs les médiateurs . Je ne pus ni ne dus refuser cette légère complaisance à trente personnes qui me la demandaient en corps . Un compliment n’est pas une affaire d’État. Ils revinrent après me communiquer une requête qu’ils voulaient donner à messieurs les plénipotentiaires ; je leur recommandai de ne choquer ni leurs supérieurs ni leurs égaux. Je n’ai eu aucune autre part aux divisions qui agitent la petite fourmilière. Je demeure à deux lieues de Genève ; j’achève mes jours dans la plus profonde retraite. Il ne m’appartient pas de dire mon avis, quand des plénipotentiaires doivent décider.
Soyez donc très persuadé, mon protecteur, qu’à mon âge je ne cherche à entrer dans aucune affaire, et surtout dans les tracasseries genevoises.
Mais je dois vous dire que, mes petites terres étant enclavées en partie dans leur petit territoire, ayant continuellement des droits de censive, et de chasse, et de dîme à discuter avec eux, ayant enfin du bien dans la ville, et même un bien inaliénable, j’ai plus d’intérêt que personne à voir la fourmilière tranquille et heureuse ; je suis sûr qu’elle ne le sera jamais que quand vous daignerez être son protecteur principal, et qu’elle recevra des lois de votre médiation permanente. Je vous conjure seulement de vouloir bien avoir la bonté de recommander à M. de Beauteville votre décrépite marmotte, qui vous adorera du culte d’hyperdulie 6 tant que le peu qu’il a de corps sera conduit par le peu qu’il a d’âme.
Monseigneur sait-il ce que c’est que le culte d’hyperdulie ? Pour moi, il y a soixante ans que je cherche ce que c’est qu’une âme, et je n’en sais encore rien.
V.
Ah ! si j’osais, je vous supplierais d’engager M. de Beauteville à demeurer, en vertu de la garantie, le maître de juger toutes les contestations qui s’élèveront toujours à Genève. Vous seriez en droit d’envoyer un jour, à l’amiable, une bonne garnison pour maintenir la paix, et de faire de Genève, à l’amiable, une bonne place d’armes quand vous aurez la guerre en Italie. Genève dépendrait de vous à l’amiable ; mais 7»
1 Minute autographe datée « février 1766 » par une autre main, suivie par les éditions ; l'édition de Kehl procède de la minute . V* répond à une lettre du 12 mai 1766 de Choiseul, d'où la date proposée . Choiseul précise : « Ne vous mêlez point de toute cette querelle […] Ne parlez point de ma lettre […] . Je m'étais imposé de ne pas vous écrire tant que cette affaire durerait, mais au fond, parce que Genève se perd, est-il juste que j'aie l'air d'oublier mon ami qui me promet d'être discrète ? »
Beuchot , lui, note : « Dans une récente édition des Œuvres de Voltaire, on a placé cette lettre au mois de novembre. Les éditeurs de Kehl l’avaient mise en février, et je m’en tiens à leurs dispositions. » et Garnier note dans son édition : « — Cette lettre à Choiseul doit avoir été écrite vers le même temps que le n° 6269 [12 février 1766 à d'Argental], plutôt que huit mois après. »
2 Marcus Valerius Messala Corvinus, homme de guerre et protecteur des arts : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marcus_Valerius_Messalla_Corvinus
3 Le Contrat social , III, 6 ; voici ce que Rousseau y écrit : « […] ceux qui parviennent dans les monarchies ne sont le plus souvent que de petits brouillons, de petits fripons, de petits intrigants, à qui les petits talents, qui font dans les cours parvenir aux grandes places, ne servent qu'à montrer au public leur ineptie aussitôt qu'ils y sont parvenus. »
4 Émile, livre V. et voir lettre du 1er mai 1766 à Taulès : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/24/malade-ne-pouvant-sortir-et-m-amusant-a-me-faire-batir-un-petit-tombeau-for.html
5 Voir les lettres du 27 novembre 1765 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/03/20/quand-je-leur-ai-envoye-un-plan-qui-n-est-pas-un-plan-de-tra-6304668.html
du 14 décembre 1765 à d'Argental: http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/04/08/je-souhaite-passionnement-que-les-parlements-puissent-avoir-6308367.html
du 17 décembre 1765 à Hennin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/04/11/j-ai-bu-aujourd-hui-a-votre-sante-dans-ma-masure-de-ferney.html
6 Nouvel emploi de ce mot rencontré à plusieurs reprises notamment dans les lettres aux d'Argental .
7 Le manuscrit finit ainsi, comme toutes les éditions qui en dérivent .
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Venez, monsieur, reconnaître au plus tôt les lieux que vous voulez embellir
...Ainsi le propriétaire du PSG, Nasser Al-Khelaifi aurait-il pu accueillir Lionel dit Leo Messi sur la pelouse du Parc des Princes . Les larmes de crocodile du footballeur et l'enthousiasme délirant des supporters ne m'ont pas fait oublier qu'on a mis sous nos yeux une vulgaire opération commerciale, infiniment moins intéressante que la découverte et l'achat des vaccins pour échapper à la mort par Covid . Mais, bon , les footeux ne brillent pas par l'altruisme, les récentes violences dans les stades dès que ce public y est admis prouverait leur mauvais fond .
" Mektoub ! Pourvu que le prix du pétrole ne baisse pas ! Inch Allah !"
« A Pierre-Michel Hennin
18è mai 1766 à Ferney
Venez, monsieur, reconnaître au plus tôt les lieux que vous voulez embellir. Voilà le premier moment où le pays de Gex a des feuilles et des fleurs. L’air qu’on y respire est plus doux que celui de Genève.
Mettez-moi, je vous en supplie, aux pieds de monsieur l’a[m]bassadeur ; je m’informe tous les jours de sa santé ; et puisque la nature, qui me persécute, ne veut pas que je lui fasse ma cour à Genève, j’espère qu’il ne partira pas sans daigner venir encore prendre l’air dans nos hameaux, et les honorer de sa présence.
Gardez-vous bien (si vous m’aimez) de m’oublier auprès de M. le chevalier de Taulès.
J’ai déjà fait usage de la singulière anecdote que je lui dois touchant l’étonnant traité de Léopold avec Louis XIV, que j’aurais toujours ignoré sans lui 1. Si sa belle mémoire veut encore m’aider, le Siècle de Louis XIV ne s’en trouvera pas plus mal. Je ne me mêle, Dieu merci, que des affaires du temps passé, et je laisse là le siècle présent pour ce qu’il vaut. Je ne prends point la liberté d’écrire à monsieur l’ambassadeur sur sa santé , je m’adresse à vous pour en savoir des nouvelles. Ma nièce, qui alla ces jours passés lui présenter ses hommages et les miens, m’assure qu’il sera bientôt en état de sortir.
Adieu, monsieur : toute ma petite famille vous embrasse bien tendrement, et soupire comme moi après le bonheur de vous voir.
V. »
1 Il s’agit, ici d’un traité de partage de la monarchie espagnole, fait en très grand secret par Louis XIV et l’empereur Léopold, dès les premières années du règne de Charles II. Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Si%C3%A8cle_de_Louis_XIV/%C3%89dition_Garnier/Chapitre_08 (Note de Hennin fils.)
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11/08/2021
disposant souverainement des œuvres de Satan. Il est clair que celui qui les ordonne est bien plus maudit que les pauvres diables qui les exécutent
... Moins, certes, mais pas innocentés, n'exagérons pas ; un bras armé n'a pas d'excuses, y compris si son arme n'est qu'une pancarte raciste . Anti Pass et antivax égoïstes, vous voyez ce qui se passe aux Antilles, vous êtes finalement des lâches partisans de la peine de mort ( le virus n'est plus le seul coupable ), moutons qui confondez politique et santé publique, braillez tant que vous voulez le Covid 19 n'a pas d'oreilles et se réjouit de vous voir en troupeaux .
Je ne sais pas si le vaccin anti Covid serait suffisant pour lui rendre figure humaine, la connerie rend réfractaire .
« A Louis-François-Armand du Plessis , duc de Richelieu
17è mai à Ferney
Je reçois la lettre du 1er de mai, dont mon héros m’honore. M. le chevalier de Beauteville m’a dit qu’avant de partir pour votre royaume de Bordeaux vous lui aviez dit que vous le chargeriez de vos ordres pour moi ; mais la lettre dont vous me parlez ne m’est jamais parvenue, et il faut qu’on l’ait oubliée dans votre déménagement.
Que vous êtes heureux, monseigneur, de pouvoir toujours courir , et que je suis à plaindre de ne pouvoir au moins me trouver sur votre route !
Je suis bien fâché pour le public, et pour les beaux-arts que vous protégez, de voir le théâtre privé de Mlle Clairon, lorsqu’elle est dans la force de son talent. J’y perds plus qu’un autre, puisqu’elle faisait valoir mes sottises ; mais elle ma mandé que, puisqu’on ne voulait pas confirmer la déclaration de Louis XIII en faveur de vos spectacles, et encore moins la fortifier par quelques nouvelles grâces, elle ne pouvait plus cultiver un art trop avili ; elle a renoncé à l’excommunication, et moi aussi, car j’ai pris mon congé. Il n’y a que vous qui restez excommunié, puisque vous restez toujours premier gentilhomme de la Chambre, disposant souverainement des œuvres de Satan. Il est clair que celui qui les ordonne est bien plus maudit que les pauvres diables qui les exécutent. Il est plaisant qu’un comédien soit mis en prison s’il refuse de jouer, et soit damné s’il joue . Mais vous devez être accoutumé aux contradictions de ce monde.
Je n’ai encore vu aucun mémoire pour et contre ce pauvre Lally. Je le connaissais pour un Irlandais un peu absurde, très-violent, et assez intéressé ; mais je serais extrêmement étonné s’il avait été un traître, comme on le lui reproche. Je suis persuadé qu’il ne s’est jamais cru coupable ; s’il l’avait été, serait-il revenu en France ? Il y a des destinées bien singulières. Ce globe est couvert de folies et de malheurs de toute espèce. De toutes les folies, la plus ennuyeuse est celle des Genevois ; cette folie n’était certainement pas dangereuse : ce n’est qu’une dispute de gens qui argumentent les uns contre les autres, et il faut que trois puissances envoient des ambassadeurs pour interpréter trois ou quatre passages de leurs lois. On leur a fait bien de l’honneur. Ils ressemblent à cet homme des fables d’Ésope qui priait Hercule de lui prêter sa massue pour écraser ses puces 1.
Continuez, mon héros, à vous moquer du genre humain ; il le mérite bien. Moquez-vous aussi de moi quelquefois ; mais conservez-moi des bontés qui adoucissent la fin de ma carrière, et qui me rendent heureux dans ma retraite. Je finirai mes jours comme il y a plus de quarante ans que je les passe, pénétré pour vous de respect et du plus tendre attachement.
V. »
1 Fable La Puce et l'Athlète : https://fr.wikisource.org/wiki/Fables_d%E2%80%99%C3%89sope_(trad._Chambry,_1927)/La_Puce_et_l%E2%80%99Athl%C3%A8te
et version de La Fontaine : http://www.lesfables.fr/livre-8/l-homme-et-la-puce
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10/08/2021
il y a quelquefois plus de générosité chez les Français que chez les Anglais
... No comment . Voltaire dit vrai , je crois .
Honni soit qui mal y pense !
« A Etienne-Noël Damilaville
17 mai 1766 1
Vous verrez, mon cher frère, par la lettre ci-jointe, que tous les souscripteurs ne pensent pas aussi noblement que vous, et qu’il y a quelquefois plus de générosité chez les Français que chez les Anglais.
Je soupire depuis longtemps après les mémoires de ce pauvre Lally, et de MM. d'Arché 2 et de Bussy . Je connaissais Lally pour un homme absurde, violent, intéressé, capable de piller et d'abuser du commandement, mais je serai bien étonné s'il avait été un traître .
Je n’entends plus parler de Fréret 3, qu’on disait imprimé en Hollande : vous me l’aviez promis, vous me l’aviez annoncé ; je suis abandonné de tous les côtés. La maladie de M. de Beaumont et ses affaires retardent le mémoire de Sirven, et j’ai bien peur que tant de délais ne soient funestes à cette famille infortunée. Cette affaire ranimait ma langueur dans les maladies qui accablent ma vieillesse. Je trouve que le plaisir de secourir les hommes est la seule ressource d’un vieillard.
Je viens de lire une Histoire de Henri IV 4 qui m’ennuie et qui m’indigne. Qui est donc ce M. de Bury qui compare Henri IV à ce fripon de Philippe de Macédoine, et qui ose dire que notre illustre de Thou n’est qu’un pédant satirique ? Est-ce qu’on ne fera point justice 5 de cet impertinent ? Mais il y a tant d’autres mauvais livres dont il faudrait faire justice !
Portez-vous mieux que moi, mon cher ami. Écr l’inf. »
1 Sur la copie contemporaine Darmstadt manquent les trois derniers mots .Tout le deuxième paragraphe est barré sur la copie Darmstadt et manque dans les éditions .
2 La copie Darmstadt écrit ce mot Daché .
3 Voir lettre du 1er avril 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/06/m-6325583.html
4 Histoire de la vie de Henri IV, roi de France et de Navarre, 1765, de Richard de Bury . Bury a publié une Lettre […] à M. de Voltaire au sujet de son Abrégé de l'histoire universelle, 1755, et écrira plus tard une Lettre sur quelques ouvrages de M. de Voltaire, 1769 .
et : https://play.google.com/store/books/details?id=28EGAAAAcAAJ&rdid=book-28EGAAAAcAAJ&rdot=1
et : https://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_1993_num_25_1_1950_t1_0533_0000_3
et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6451940g/texteBrut
5 C'est ce que fit V* (et ce qu'il faisait déjà) en écrivant le libelle (très rare) Le Président de Thou justifié contre les accusations de M. de Bury ( [s.]), 1766 : voir https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Pr%C3%A9sident_de_Thou_justifi%C3%A9/%C3%89dition_Garnier
Le début de la lettre du 23 mai 1766 à Damilaville semble indiquer qu'il fut imprimé par Merlin ; on ne le trouve pas dans le Journal encyclopédique ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/01/correspondance-annee-1766-partie-18.html
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09/08/2021
Comment peut-on avoir le temps d'avoir de l'esprit et de badiner quand on a de si lourds fardeaux à porter ?
... Tout simplement en étant ministres en vacances !
« A Pierre-Michel Hennin
[16 ou 17 mai 1766]
Vous m'avez envoyé, monsieur, une drôle de lettre de M. le duc de Choiseul . Il me mande qu'il est comme le cocher de L'Avare qui met tantôt sa souguenillle 1 et tantôt son tablier . Comment peut-on avoir le temps d'avoir de l'esprit et de badiner quand on a de si lourds fardeaux à porter ? Mais vous autres ministres vous êtes supérieurs aux affaires . C'est ce qui fait que je me mets plus que jamais aux pieds de Son Excellence, que je supplie M. de Taulès de ne me pas oublier, et que je compte que vous n'abandonnerez pas Ferney .
V.»
1 Voir la lettre du 12 mai 1766, transmise par Hennin en même temps que sa lettre du 16 mai et dont voici le passage en question : « […] je suis ici comme le cocher de L'Avare, tantôt en souquenille, tantôt en tablier ; je fais ce que l'on veut, je sacrifie ma maîtresse à mon cousin ; j'ai le cœur le plus facile, je voudrais bien, pour moi et pour les affaires, avoir l'esprit de même . »
La forme souguenille qui n'est pas étymologique (le mot vient du slave allemand), correspond à la prononciation habituelle de ce mot .
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08/08/2021
M. Caro aura la bonté de réparer cette négligence dont je ne suis pas coupable
... M. Caro sera en l'occurence Facebook qui, une fois de plus est coupable, complice comme d'habitude de diffusion de fausses nouvelles : https://www.20minutes.fr/high-tech/facebook/3098547-20210...
« A Gabriel Cramer
à Genève
[vers le 15 mai 1766]
M. Ribote de Montauban qui était je pense amoureux de Mme Lavaysse 1 sera très fâché que je lui aie manqué de parole et que je ne lui aie pas envoyé sa petite oraison funèbre comme je lui avais promis . Je me flatte que M. Caro aura la bonté de réparer cette négligence dont je ne suis pas coupable , et qu'il m'enverra aujourd’hui lundi le paquet chez M. Souchay . Il me fera grand plaisir de me faire avoir le tome de d'Aubigné 2 où il est parlé de la mort de Henri IV. »
1 Morte en mars 1766, âgée de 27 ans ; voir lettre du 10 mai 1766 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/29/je-renvoie-les-capitulaires-6329696.html
2 Voir lettre du 10 mai 1766 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/29/je-renvoie-les-capitulaires-6329696.html
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07/08/2021
Je suis, monsieur, comme les vieux philosophes grecs, qui se consolaient dans leur vieillesse par l’idée d’être remplacés, et qui voyaient avec plaisir s’élever des jeunes gens qui devaient aller plus loin qu’eux
... Comprenez-vous, vieux croutons qui restez accrochés à vos fauteuils de sénateurs ou PDG ?*
* Avec mention spéciale aujourd'hui à Gérard Larcher, qui ne risque pas de finir guillotiné comme son lointain cousin, mais plus vraisemblablement goutteux, cacochyme .
Gonflé !
« A Jean-Chrysostome Larcher, comte de La Touraille, etc.1
à l'hôtel de Condé
à Paris
12è mai 1766 à Ferney
Je suis, monsieur, comme les vieux philosophes grecs, qui se consolaient dans leur vieillesse par l’idée d’être remplacés, et qui voyaient avec plaisir s’élever des jeunes gens qui devaient aller plus loin qu’eux. C’est une satisfaction que vous me faites goûter. Vous rendrez plus de service que personne à cette pauvre raison humaine, qui commence à faire des progrès. Elle a été obscurcie en France pendant des siècles. Elle fut agréable et frivole dans le beau siècle de Louis XIV, elle commence à être solide dans le nôtre ; c’est peut-être aux dépens des talents ; mais, à tout prendre, je crois que nous avons gagné beaucoup. Nous n’avons aujourd’hui ni des Racine, ni des Molière, ni des La Fontaine, ni des Boileau, et je crois même que nous n’en aurons jamais ; mais j’aime mieux un siècle éclairé qu’un siècle ignorant qui a produit sept ou huit hommes de génie. Et remarquez que ces écrivains, qui étaient si grands dans leur genre, étaient des hommes très petits en fait de philosophie. Racine et Boileau étaient des jansénistes ridicules, Pascal est mort fou, et La Fontaine est mort comme un sot 2. Il y a bien loin du grand talent au bon esprit.
Je vous suis très-obligé de votre souvenir, et je me souviens toujours avec douleur que vous avez été à Dijon, qui est ma province, et que je n’ai pu avoir l’honneur de m’entretenir avec vous . Mais vos lettres m’attachent à vous, monsieur, autant que si j’avais eu le bonheur de vous voir. Continuez vos bontés à votre très humble et très obéissant serviteur
V.»
1 Voir : https://data.bnf.fr/fr/12063355/jean-chrysostome_larcher_la_touraille/
2 V* exagère, Pascal n'est pas mort fou, et La Fontaine s'était converti assez longtemps avant sa mort . Voir page 331 de Lettre d’un bénédictin de Franche-Comté à M. l’avocat général Séguier (1776) : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome30.djvu/341
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