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16/12/2024

On lui sera fort obligé

... Oui, on sera reconnaissant au pape s'il revoit ses prises de position sur la laïcité française et quelques idées rétrogrades touchant la vie des femmes, et ses considérations "de sous culture" concernant les idées du Siècle des Lumières : https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/12/16/la-discutable-lecon-de-laicite-du-pape_6451425_3232.html

 

 

 

« A monsieur [Paul-Claude] Moultou 1

à Genève

[vers juin 1769]

Monsieur de Moultou est supplié de se souvenir qu'il a promis à son ami d'envoyer chez M. Souchay le livre dont il lui a parlé . On lui sera fort obligé . On lui fait les plus tendres compliments .

Lundi au soir . »

1 Le manuscrit portait ici le mot fils, biffé . C'est donc que le père de Moultou était mort depuis peu, d'où la date proposée . Néanmoins celle-ci reste très hypothétique .

Il eût été honnête d’avouer au moins que vous vous étiez trompé ; vous pouviez vous faire un mérite de cet aveu

... Petit encouragement au président et à tous ses ministres passés, présents et à venir .

 

« A Jean-Pierre Biord 1

[vers le 15 juin 1769] 2

Monsieur,

En revenant d’un assez long voyage, j’ai revu le vieillard qui m’est très cher par mille raisons, à qui je dois la plus tendre reconnaissance, et dont je vous avais parlé dans ma lettre 3. J’avais quelques affaires à régler avec lui pour la succession d’un de nos parents nommé M. Daumart, mousquetaire du roi, qu’il a gardé neuf ans entiers chez lui, estropié, paralytique, livré continuellement à des douleurs affreuses. Vous savez qu’il en a eu soin comme de son fils ; et vous savez aussi que, quand vous passâtes à Ferney, vous ne daignâtes pas venir consoler cet infortuné, après le grand repas que le seigneur du lieu vous fit porter chez le curé.

Ce n’est pas votre méthode, monsieur, de consoler les mourants ; vous vous bornez à les persécuter, eux et les vivants, autant qu’il est en vous. J’ai trouvé le parent de feu M. Daumart et le mien très-malade, et ayant plus besoin de médecins que de vos lettres, qu’il m’a montrées, et qui n’ont paru que des libelles à tous ceux qui les ont vues.

Il se faisait lire à table (où il ne se met que pour recevoir ses hôtes) les sermons du P. Massillon 4selon sa coutume. Le sermon qu’on lisait roulait sur la calomnie. Faites-vous faire la même lecture : il est triste que vous en ayez besoin.

Mais relisez surtout le portrait que fait saint Paul de la charité 5; vous verrez s’il approuve les impostures, les délations malignes, les injures, et toutes les manœuvres de la méchanceté.

Vous n’avez pas oublié que mon parent, en rendant le pain bénit dans sa paroisse, le jour de Pâques 1768, ayant recommandé à voix basse à son curé de prier pour la reine qui était en danger, vous eûtes le malheur d’écrire à son roi qu’il avait prêché dans l’église.

Vous vous souvenez que vous eûtes l’indiscrétion (pour ne rien dire de plus fort) de publier une lettre que M. le comte de Saint-Florentin 6 vous écrivit en réponse, au nom de Sa Majesté Très-Chrétienne, avant que cette imposture ridicule fût juridiquement reconnue ; vous eûtes la discrétion de ne pas montrer l’autre lettre que vous reçûtes, à ce qu’on dit, du même ministre 7, quand tout l’opprobre de cette accusation absurde demeura à l’accusateur.

Il eût été honnête d’avouer au moins que vous vous étiez trompé ; vous pouviez vous faire un mérite de cet aveu. Vous le deviez comme chrétien, comme prêtre, comme homme.

Au lieu de prendre ce parti, vous publiâtes et vous fîtes imprimer, monsieur, la première lettre de M. le comte de Saint-Florentin, ministre d’État d’un roi de France, sous ce titre : Lettre de M. de. Saint-Florentin à monseigneur l’évêque d’Annecy. C’est dommage que vous n’ayez pas mis : À Sa Grandeur monseigneur l’évêque prince de Genève ; si vous êtes prince de Genève, il vous faut de l’altesse. Avouez que vous seriez une singulière altesse 8.

Mais il n’est pas ici question de dignités, de titres, et de toutes les puérilités de la vanité, qui vous sont si chères et qui vous conviennent si peu. Il s’agit d’équité, il s’agit d’honneur : tâchez que cela vous convienne.

Si vous connaissez les premiers éléments du savoir-vivre, concevez combien il est indécent de faire publier, non-seulement la lettre d’un ministre d’État, sans sa permission, mais les lettres du moindre des citoyens. C’est donc en cela seul que vous êtes homme de lettres ! Au lieu d’agir en pasteur qui doit exhorter, et ensuite se taire, vous commencez par calomnier, et ensuite vous faites imprimer votre petit Commercium epistolicum 9, pour vous donner la réputation d’un bel esprit savoyard. Vous y parlez d’orthographe : ne trouvez-vous pas que cela est bien épiscopal ? Quand on a voulu perdre un homme innocent, savez-vous ce qui serait épiscopal ? Ce serait de lui demander pardon. Mais vous êtes bien loin de remplir ce devoir, et de vous repentir de votre manœuvre.

Vous lui imputez, à ce que je vois par vos lettres, des livres misérables, et jusqu’à la Théologie portative 10, ouvrage fait apparemment dans quelque cabaret : vous n’êtes pas obligé d’avoir du goût, mais vous êtes obligé d’être juste.

Comment avez-vous pu lui dire qu’on lui attribue la traduction du fameux Discours de l’empereur Julien, tandis que vous devez savoir que cette traduction, si bien faite et accompagnée de remarques judicieuses, est du chambellan du Julien de nos jours , je veux dire d’un roi victorieux et philosophe, et je ne veux dire que cela.

Comment ignorez-vous que ce livre est imprimé, débité à Berlin, et dédié au respectable beau-frère de ce grand roi et de ce grand capitaine ? Souvenez-vous du fou des fables d’Ésope, qui jetait des pierres à un simple citoyen, « Je ne peux vous donner que quelques oboles, lui dit le citoyen ; adressez-vous à un grand seigneur, vous serez mieux payé 11. »

Adressez-vous donc, monsieur, au souverain que sert M. le marquis d’Argens, auteur de la traduction du Discours de Julien 12, et soyez sûr que vous serez payé comme vous méritez de l’être. Faites mieux, examinez devant Dieu votre conduite.

Vous avez cru pouvoir faire chasser de ses terres celui qui n’y a fait que du bien ; arracher aux pauvres celui qui les fait vivre, qui rebâtit leurs maisons, qui relève leur charrue, qui encourage leurs mariages, qui par là est utile à l’État ; un vieillard qui a deux fois votre âge ; un homme qui devait attendre de vous d’autant plus d’égards que toute votre famille lui a toujours été chère : votre grand-père a bâti de ses mains un pavillon de sa basse-cour ; vos proches parents travaillent actuellement à ses granges ; et votre cousin, nommé Mudri, a demandé depuis peu à être son fermier. Plût à Dieu qu’il l’eût été ! il eût pu adoucir la mauvaise humeur qui vous dévore contre un seigneur de paroisse vertueux qui ne vous a jamais offensé, et qui ne donne à ses paroissiens que des exemples de charité, de véritable piété, de douceur et de concorde. Quoi ! vous avez osé demander qu’on le fit sortir de ses terres, parce que des brouillons vous ont dit qu’il vous trouvait ridicule ? Quoi ! vous avez proposé la plus cruelle injustice au plus juste de tous les rois ? Sachez connaître le siècle où nous vivons, la magnanimité du roi qui nous gouverne, l’équité de ses ministres, les lois que tous les parlements soutiennent contre des entreprises aussi illicites qu’odieuses.

D’où vient que le curé du seigneur de paroisse que vous insultez chérit sa vertu, sa piété, sa charité, sa bienfaisance, ses mœurs, l’ordre qui est dans sa maison et dans ses terres ? D’où vient que ses vassaux et ses voisins le bénissent ? D’où vient que le premier président du parlement de Bourgogne et le procureur général le protègent ? D’où vient qu’il a de même la protection déclarée du gouverneur ? D’où vient que le grand pape Benoît XIV et son secrétaire des brefs, le cardinal Passionei, digne ministre d’un tel pape, l’ont honoré d’une bonté constante ? Et d’où vient enfin que vous êtes son seul ennemi ? Est-ce parce qu’il a remboursé à ses vassaux l’argent que vous avez exigé d’eux quand vous êtes venu faire votre visite ? argent que vous ne deviez pas prendre, et que depuis il vous a été défendu de prendre en Savoie ?

Celui que vous insultez, prosterné aux pieds des autels, prie Dieu pour vous, au lieu de répondre à vos injures : il n’y répondra jamais ; et dans le lit de mort où il souffre et où vous serez comme lui, il n’est ni en état ni en volonté de repousser vos outrages et vos manœuvres.

C’est ici que je dois surtout vous parler de l’impertinente Profession de foi supposée, dans laquelle on a la bêtise de lui faire dire que la seconde personne de la Trinité s’appelle Jésus-Christ, comme si on ne le savait pas ; et qu’il condamne toutes les hérésies et tous les mauvais sens qu’on leur donne 13.

Quel sacristain ivre a jamais pu composer un pareil galimatias ? Quel brouillon a pu faire dire à un séculier qu’il condamne les hérésies ? Je ne crois pas que vous soyez l’auteur de cette pièce extravagante. Vous devez savoir que notre sage monarque a imposé le silence à tous ces ridicules reproches d’hérésie, par un édit solennel, enregistré dans tous nos parlements. D’ailleurs, un seigneur de paroisse qui habite auprès du canton de Berne et aux portes de Genève doit de très-grands égards à ces deux républiques. Les noms d’hérétiques, de huguenots, de papistes, sont proscrits par nos traités. Mon parent se contente de prier Dieu pour la prospérité des treize cantons et de leurs alliés, ses voisins.

S’il n’est pas de la communion de Berne, il est de sa religion, en ce que le conseil de Berne est noble et juste, bienfaisant et généreux ; en ce qu’il a donné des secours à la famille des Sirven 14, opprimée par un juge de village, ignorant et fanatique ; entendez-vous, ignorant et fanatique ? En un mot, il respecte le conseil de Berne, et laisse à vos grands théologaux le soin de le damner. Il est fermement convaincu qu’il n’appartient qu’à messieurs d’Annecy d’envoyer en enfer messieurs de Berne, de Bâle, de Zuric, de Genève ; ajoutez-y le roi de Prusse, le roi d’Angleterre, celui de Danemark, les sept Provinces-Unies, la moitié de l’Allemagne, toute la Russie, la Grèce, l’Arménie, l’Abyssinie, etc., etc. Il n’appartient, dis-je, qu’à vos semblables, et surtout à l’abbé Riballier, de juger tous ces peuples, attendu qu’il a déjà quatre-nations 15 sous ses ordres ; mais pour mon parent et mon ami, il croit qu’il doit aimer tous les hommes, et attendre en silence le jugement de Dieu. Il est absolument incapable d’avoir fait une profession de foi si impertinente et si odieuse. Les faussaires qui l’ont rédigée, et qui l’ont fait signer longtemps après par des gens qui n’y étaient pas, seraient repris de justice si on les traduisait devant nos tribunaux. Les fraudes qu’on appelait jadis pieuses ne sont plus aujourd’hui que des fraudes. Celui qu’on fait parler s’en tient à la déclaration de foi qu’il fit étant en danger de mort, quand il fut administré malgré vous selon les lois du royaume : déclaration véritable 16, signée de lui par-devant notaire , déclaration juridique, par laquelle il vous pardonne, et qui démontre qu’il est meilleur chrétien que vous. Voilà sa profession de foi.

Vous avez été vicaire de paroisse à Paris ; votre esprit turbulent s’y est signalé par des billets de confession et des refus de sacrements ; soyez à l’avenir plus circonspect et plus sage. Vous êtes entre deux souverains également amis de la bienséance et de la paix ; une petite partie de votre diocèse est située en France : respectez ses lois, respectez surtout celles de l’humanité. Imitez les sages archevêques d’Albi 17, de Besançon 18, de Lyon 19, de Toulouse 20, de Narbonne 21 et tant d’autres pasteurs également pieux et prudents, qui savent entretenir la paix. Si vous faites la moindre de ces démarches que vous faisiez à Paris, et qui furent réprimées, sachez qu’on prendra la défense d’un moribond dont vous voulez avancer le dernier moment. Je me charge d’implorer la justice du parlement de Bourgogne contre vous.

J’ai renoncé depuis très longtemps au métier de la guerre ; mais je n’ai pas renoncé (il s’en faut beaucoup) aux devoirs qu’imposent la parenté, l’amitié, la reconnaissance, à un gentilhomme qui a un cœur, et qui connaît l’honneur, très inconnu aux brouillons.

Quand vous serez rentré dans les voies de la charité, de l’honnêteté et de la bienséance, dont vous vous êtes tant écarté, je serai alors, avec toutes les formules que votre amour-propre désire, et qui ont fait, à votre honte, le sujet de vos querelles,

Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur.22 »

1 Le sieur Biord. Voyez les Épîtres à Saint-Lambert ( https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89p%C3%AEtres_(Voltaire)/%C3%89p%C3%AEtre_105 ,

1769), à Horace ( https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89p%C3%AEtres_(Voltaire)/%C3%89p%C3%AEtre_114 ,1771). (Kehl.) — Cette lettre est bien de Voltaire ; mais elle fut signée et adressée à l’évêque d’Annecy par M. de Mauléon, qui avait longtemps servi dans le régiment du roi, et l’avait commandé en plusieurs occasions. Cet officier était cousin germain de M. de Voltaire. (Addition de Wagnière.)

Minute de la main de Bigex avec de nombreuses corrections autographes de V*, et mention de sa main : « Lettre de M. Mauléon à l'évêque d'Annecy » ; la signature « de Mauléon » a été biffée ainsi qu'un avant-dernier paragraphe : « Faites-vous informer au régiment du roi qui était mon père 1 , lequel a eu l'honneur de commander ce corps respectable ; faites-vous informer s'il n’était pas cousin germain de celui que vous calomniez ; ce sont là mes titres pour soutenir ce procès » . Le régiment du roi est à Verdun. Écrivez ». ; éd. Kehl .

2 Cette lettre est de juin 1769. C’est une composition de Voltaire que les éditeurs de Kehl s’étaient bien gardés de mettre dans la Correspondance, et qu’ils avaient placée dans les Mélanges littéraires. (Beuchot.)

3 Lettre du 17 mai 1769 , où , comme dans la présente, V* se dissimule sous le nom de Mauléon .

5 Ière épître aux Corinthiens, chap. xiii : https://www.bibliques.com/b/46co1/13.php

6 Cette lettre fait partie d’une brochure intitulée Confession de foi de messire François-Marie Arouet de Voltaire, seigneur de Ferney, Tourney, Prégny et Chambésy, précédée des pièces qui y ont rapport ; Annecy, 1769, petit in-8° de iv et 47 pages. Elle est aussi dans le cinquième volume de l’Évangile du jour, collection dont Beuchot a parlé tome XXVI : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome26.djvu/579

Lettre du 14 juin 1769 . Saint Florentin écrivait à Biord que le roi « applaudi[ssait] aux sages conseils » qu'il avait donnés et lui ferait « mander de ne plus faire dans l'église d'éclat aussi déplacé que celui dont [il] av[ait] avec raison fait reproche. »

7 Du 27 mai 1769 dans laquelle Saint-Florentin se disait « très surpris » de la publication par Biord de sa lettre du 14 juin 1768 et lui conseillait « de ne pas fixer de nouveau sur [Voltaire] les regards du public en élevant des doutes sur la sincérité de sa démarche à l'occasion de Pâques . »

9 Commerce épistolaire . V* joue sur la ressemblance entre épistolicum et apostolicus .

10 La Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne, dont la première édition parut en 1768, est attribuée au baron d’Holbach ; elle fut publiée sous le nom de l’abbé Dernier. C’est en réponse à la Théologie portative que le professeur Allamand, de Lausanne, composa son Anti-Bernier, 1770, deux volumes in-8° : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1520517x

11 Le mot « payé » est à double entente . Plus tard V* regrettera de ne pas disposer des 160 000 hommes du roi de Prusse pour répondre aux attaques de ses ennemis .

12 Voir l’Avertissement de Beuchot, page 1 du présent volume : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome28.djvu/11

Le Discours de l'empereur Julien qui a paru en 1769 . il contient un portait de l'empereur Julien qui a déjà paru dans le Dictionnaire philosophique en 1767 .

13 À la suite des lettres que contient la brochure dont nous avons parlé, note 2 de la page 72, est une Profession de foi de M. de Voltaire, qui a été réimprimée dans le tome V de l’Évangile du jour, et dans les Mémoires de Wagnière, etc., tome I, p. 83 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k86456s/f94.item

Cette Profession de foi supposée contient les expressions citées par Voltaire.

Voir lettre du 15 avril 1769 à Richelieu : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/10/16/6519171si-je-me-suis-trompe-dans-quelques-occasions-j-ai-droit-de-m-adresse.html

16 Voyez cette déclaration du 31 mars 1769, dans les Mémoires de Wagnière, tome I, page 78 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k86456s/f89.item

17 Le cardinal de Bernis.

22 La minute est signée Mauléon (biffé) . V* a renoncé à ce faux grossier qui, joint au paragraphe déjà supprimé, aurait pu lui attirer des démêlés superflus .

15/12/2024

Trouvez-moi un vieux pénard qui vous en fasse autant

...Telle a dû être la conclusion de Bayrou pour pousser Macron à le nommer au poste de premier ministre .

Voir, pour preuve [sic] : https://www.ladepeche.fr/2024/12/14/nouveau-premier-minis...

 

 

« A Gabriel Cramer

[vers le 15 juin 1769] 1

Tout en Dieu 2, oui sans doute, saint Paul l'aurait signé ; cela est par Dieu très théologique . Point de Pediculose 3, point de Dagon auprès de l'arche 4.

Pour Dieu, faites-moi avoir la Géométrie de Clairaut 5. Il y aura dans un mois plus de soixante gros articles 6 de faits par A et par B, et vous pourrez commencer dans six semaines . Trouvez-moi un vieux pénard qui vous en fasse autant . Mais je vous renonce à jamais si vous ne m'envoyez pas demain ou après-demain ou dans trois jours la Géométrie de Clairaut et les autres livres dont j’ai besoin . Fi, ! que cela est vilain de laisser manquer d’outils son premier garçon ! Il est si aisé d'envoyer quelqu'un fourrager dans la boutique de Bardin ! Je ne peux y aller moi-même ; je ne sors point, et vous courez toujours . Vous ne courrez pas tant quand vous aurez mon âge .

Je vous demande en grâce de faire chercher ces livres .

E des Guèbres va bien . »

1 Copie contemporaine . Ed. Gagnebin qui place la lettre en mai 1769 . La référence aux Guèbres amène à reculer quelque peu cette date puisque la pièce ne parut qu'à la fin juin ou début de juillet .

2 Tout en Dieu, commentaire sur Malebranche , 1769 , fut publié vers la mi-août : https://fr.wikisource.org/wiki/Tout_en_Dieu/%C3%89dition_Garnier

3L'Instruction du gardien des capucins de Raguse à frère Pediculoso, partant pour la Terre Sainte, fut publié à la fin de l'ouvrage De la paix perpétuelle [de V* ] qui parut en juillet 1769 : http://www.monsieurdevoltaire.com/search/FAC%C3%89TIE%20-%20Instruction%20du%20gardien%20des%20capucins%20de%20Raguse/

4 Lorsque l’arche d'alliance fut prise par les Philistins après leur victoire et portée dans leur temple elle fut placée à côté de leur dieu , Dagon, qui perdit la tête et les mains (Samuel, I, 4-5 : https://www.biblegateway.com/passage/?search=1%20Samuel%204-5&version=NIV )

6 A savoir les articles des Questions sur l'Encyclopédie qui paraîtront en 1771 .

14/12/2024

c’est un être fort singulier ; il ne lâche point prise ; il se retourne dans tous les sens. Je vous ferai savoir de ses nouvelles dans quinze jours

... Jolie description de François Bayrou , promu premier ministre. Qui va-t-il racoler pour former son gouvernement et qui va-t-il jeter aux oubliettes ?

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« A Nicolas-Claude Thieriot

14è juin 1769

Je n’ai pas été assez heureux, mon ancien ami, pour que l’ouvrage de M. de Mairan sur le feu central 1 parvînt jusque dans mes déserts glacés 2. Tout ce que je sais, c’est que le feu qui anime sa respectable vieillesse m’a toujours paru brillant et égal. Il me semble que M. de Mairan possède en profondeur ce que M. de Fontenelle avait en superficie. Faites-moi l’amitié de me chercher son Feu central, et d’ajouter ce petit déboursé à ceux que vous avez déjà bien voulu faire pour moi.

Il y a longtemps que je suis très certain que le feu est partout : mais je pense qu’il serait difficile de prouver qu’il y eût un foyer ardent tout au beau milieu de notre globe ; il faudrait pour cela creuser ce grand trou que proposait ce fou de Maupertuis.

À propos, puisque vous dînez avec Mme Du Pin 3 et M. de Mairan, dites-leur, je vous prie, que je voudrais bien en faire autant.

Vous avez bien raison sur le cardinal de Bernis ; c’est lui qui a fait le pape . Il fait ce qu’il veut dans Rome, il y est adoré.

Le petit magistrat m’est venu voir encore  4: c’est un être fort singulier ; il ne lâche point prise ; il se retourne dans tous les sens. Je vous ferai savoir de ses nouvelles dans quinze jours.

On a frappé en Angleterre une médaille de l’amiral Anson . C’est un chef-d’œuvre digne du temps d’Auguste. Le revers est une Victoire posée sur un cheval marin, tenant une couronne de lauriers. Les noms des principaux officiers qui firent avec lui le tour du monde sont gravés autour de la Victoire, dans de petits cartouches entourés de lauriers 5. Cela est patriotique, brillant, et neuf . La famille me l’a envoyée en or ; elle m’a fait cet honneur en qualité de citoyen du globe dont l’amiral Anson avait fait le tour 6.

Bonsoir, mon ancien ami, qui me serez toujours cher tant que je végéterai sur ce malheureux globe. »

1 Mairan a donné, dans les Mémoires de l’Académie des sciences, plusieurs mémoires sur la chaleur, où il parle d’un fonds de chaleur paraissant venir du centre de la terre ; les derniers de ces mémoires sont dans le volume de 1765, pages 1 et 143. (Beuchot.)

« Nouvelles recherches sur la cause générale du chaud en été et du froid en hiver, en tant qu'elle se lie à la chaleur interne et permanente de la terre » Histoire de l'Académie royale des sciences, année 1765 ; 1768.

Voir : https://data.bnf.fr/fr/see_all_activities/12395086/page1

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Jacques_Dortous_de_Mairan

2 L'édition Garnier donne « l’enceinte de mes montagnes de neige » .

3 Bâtarde de Samuel Bernard ; voir lettre du 8 mai 1744 à Cideville , note 2 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome36.djvu/294

4 Toujours à propos du Dépositaire ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Le_D%C3%A9positaire/%C3%89dition_Garnier

6 Voltaire avait consacré à l’amiral Anson un chapitre entier de son Précis du Siècle de Louis XV ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome15.djvu/322

13/12/2024

Mais comment faire avec des nations chez lesquelles il n’y a d’autre éducation que celle de l’erreur ; où tous les livres nous trompent, depuis l’almanach jusqu’à la gazette ?

... Oui, comment faire de nos jours où le mensonge et la tromperie sont diffusés étatiquement par voie informatique à grand débit ? Et dire que la France même n'en est pas innocente !

Que faire quand on est à ce point bornés qu'on enrichit des "influenceurs.euses" qui dégoisent à flot continu ? On a changé d'échelle, ce ne sont plus des "nations" seulement, mais le monde entier qui fonce dans l'erreur plus vite que la lumière et nous oblige à perdre du temps pour chasser les arnaques .

Petit état des lieux par Reporters sans frontières : https://rsf.org/fr/classement

Comme le Patriarche j'ai hâte de connaitre le temps où on jettera au feu "cet amas inconcevable de bêtises dont on nous berce ."

 

 

« A Joseph Audra

à Toulouse

Le 14 juin 1769 1

Votre zèle, mon cher philosophe, contre les fables décorées du nom d’histoire, est très digne de vous. Mais comment faire avec des nations chez lesquelles il n’y a d’autre éducation que celle de l’erreur ; où tous les livres nous trompent, depuis l’almanach jusqu’à la gazette ? Il y aurait bien quelques petits chapitres à faire sur cet amas inconcevable de bêtises dont on nous berce. Le temps viendra où l’on jettera au feu toutes nos chronologies dans lesquelles on prend pour époques des aventures entièrement fausses, et des personnages qui n’ont jamais existé.

Mais une époque bien vraie, bien agréable, sera celle où le parlement de Toulouse vengera l’innocence opprimée par ce misérable juge de village qui a outragé également les lois, la nature et la raison, en osant condamner les Sirven. Ce sera à vous que nous aurons l’obligation de la justice qu’on nous rendra. J’espère que cette affaire, que j’ai tant à cœur, finira au moins cette année. Si je pouvais aller à Toulouse, je viendrais vous embrasser.

J'ai envoyé à l'abbé Audra 2 , votre parent à Lyon, un paquet pesant trente-six onces par M. Tabareau . Vous lui avez sans doute donné les instructions nécessaires pour vous le faire parvenir . Je compte dans quelque temps vous envoyer d’autres paquets . Je compte surtout vous être bien tendrement attaché tant que je vivrai . »

1 Copie contemporaine ; éd. Kehl . Le dernier paragraphe biffé sur le manuscrit manque dans toutes les éditions .

12/12/2024

je viendrais moi-même vous demander la personne que vous voulez bien me proposer

... Est-ce ainsi que le président Macron fait son choix du prochain premier ministre, en s'adressant à la Gauche et quelques autres brimborions de Droite  ? N'oublions pas qu'il emploie ici le conditionnel , en grand amateur de portes de sortie qu'il est .

 

 

« Au marquis Francisco Albergati Capacelli, Senatore

di Bologna

à Vérone

Italie

14è juin 1769 à Ferney

Il est vrai, monsieur, que j’avais projeté, il y a deux ans, de faire un petit voyage en Italie. Vous en étiez le principal objet. Je voulais alors avoir avec moi quelque jeune homme italien instruit et sage, qui pût me rendre le voyage plus agréable . Mais la longue maladie qui m’a mis aux portes du tombeau ne m’a pas permis de remplir mes vues. Si j’étais assez heureux pour me pouvoir transplanter, je viendrais moi-même vous demander la personne que vous voulez bien me proposer ; mais il n’y a plus de plaisir pour moi, et je ne dois penser qu’à mourir au pied des Alpes, au lieu de les franchir pour venir vous embrasser. Conservez-moi des bontés qui feront ma consolation jusqu’à mon dernier moment. »

11/12/2024

et l'affaire serait consommée

... Tout simplement en faisant voter une "loi spéciale": https://podcasts.lemonde.fr/lheure-du-monde/202412110300-...

 

 

« A Gaspard-Henri Schérer, Banquier

à Lyon

J'ai l'honneur d'informer , monsieur Schérer et compagnie que s'il est plus commode pour eux de faire toucher l’argent à M. de Laborde à Paris, ils peuvent prendre ce parti, en avertissant M. de Laborde . En ce cas la lettre de change que j'ai donnée me serait renvoyée , et l'affaire serait consommée .

J'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

12è juin 1769,à Ferney.1 »

1 Le manuscrit est endossé «... reçue le 13 juin ».