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03/12/2020

Les inflammations de poitrine, monsieur le marquis, nuisent beaucoup au commerce des lettres

... On vient de le voir à grande échelle avec la fermeture des librairies françaises . Grâce à Miss Bachelot, et en prenant masque et chaine d'arpenteur, on peut à nouveau reprendre contact avec le papier imprimé qui nous est cher et goûter aux livres primés -après le beaujolais nouveau cette année . Grand cru ? A voir !

PS-- A plus petite échelle , il faut noter que le Covid-19, bouffeur de poumons, vient de réduire au silence l'immortel Giscard d'Estaing . Bonchoir président ! Au revoir !

Loin du bruit du monde» de Valéry Giscard d'Estaing | Académie française

Cette fois-ci, c'est définitivement vrai !

 

 

« A Charles Michel, marquis du Plessis-Villette

5 auguste [1765] car je n’aime pas mieux août

que cul-de-sac,cela est trop welche.1

Les inflammations de poitrine, monsieur le marquis, nuisent beaucoup au commerce des lettres. J’en ai eu une dont les restes ne sont point du tout plaisants. Sans cela, votre jolie lettre du 4 juillet, vos très agréables vers, votre charmante imagination, m’auraient animé ; et je vous aurais dit, il y a un mois, tout ce que j’ai sur le cœur. Je vous trouve une des plus aimables créatures qui respirent : mais en même temps je vous trouve une des plus sages d’avoir un peu arrêté l’indiscrétion de ces bons amis qui disent du bien de vous pour de l’argent. Je les attends à une épître dédicatoire. M. de La Touraille, qui est d’une volée un peu différente, m’a écrit sur votre compte des choses qui ont bien flatté mon goût. Il vous aime, et il est digne de vous aimer. Vous avez là un bon second auprès de M. le prince de Condé. Je suis enchanté que vous n’aimiez pas trop le public, et que vous aimiez beaucoup vos terres. Voilà qui est vraiment philosophe :

Vous connaissez très-bien vos gens,
C’est un précieux avantage,
Et bien rare dans les beaux ans :
Votre esprit vous a rendu sage.
Si je le suis, c’est par mon âge,
Et je me suis trompé longtemps.

Mlle Clairon est chez moi : il y avait dix-sept ans que je ne l’avais vue. Elle n’était pas alors ce qu’elle est aujourd’hui . Elle a créé son art. Elle est unique . Il est juste qu’elle soit persécutée à Paris. Tout ce que vous m’avez appris, et tout ce qu’on m’a dit, augmente ma passion pour la retraite . Celle de vous y revoir est à son comble.

Permettez que je confie à vos bontés ce billet pour frère d’Alembert ? »

1 Tous les éditeurs à partir de Clogenson ont imprimé la version de la quatrième édition des Œuvres de M. de Villette, 1788 où celui-ci déforme la lettre, omet des passages et ajoute en fin deux paragraphes suspects, simplement conformes au climat politique du moment et aux opinions de Villette ; Clogenson au vu de la lettre du 16 juillet 1765 de d'Alembert qui parle de Villette en a conclu qu'il manque une lettre de d'Alembert .

« Il me mande que la Bible et le Martyrologe vous sont très-familiers. Vous avez soutenu devant lui avec courage et bienséance les attaques du prédicateur qui me hait encore plus qu’il n’aime le grand Arnaud et le grand Rousseau. Sans doute j’ai nié l’enfer des Égyptiens ; je me suis un peu moqué des charlatans qui ont inventé la roue d’Ixion ; mais j’ai toujours fait grand cas des inventeurs de la police. J’estime qu’un cavalier de maréchaussée impose plus lui seul que les trois furies et le vautour de Prométhée.

Je vous sais encore meilleur gré de savoir par cœur des pages entières de mon Siècle de Louis XIV. Vous me donnez une grande idée de ma prose. Mais ne répondez plus, je vous en prie, à ces vieilles redites. Je n’ai point fait un dieu de celui à qui j’ai reproché son despotisme, son ostentation, sa femme et son confesseur. Rien de si facile que de louer, ou de blâmer à outrance, un roi qui a doublé la force et la grandeur de la monarchie, laissé des monuments dignes de la Grèce et de Rome, brûlé les camisards, et donné son cœur aux grands jésuites. »

02/12/2020

J’ignore si vous quitterez cette nation de singes, et si vous irez chez des ours ; mais si vous allez en Oursie , passez par chez nous

... Cécile Duflot quitte Twitter suite à harcèlement et menaces sur ce média, pire qu'une nation de singes . Comme les ours elle va hiberner, et elle fait bien . Pour tout dire,  je ne comprends pas comment on peut encore utiliser Twitter et autres biais pour faire connaître ses idées immédiatement, le plus souvent avant même d'en comprendre les conséquences, pour une foule d'ignares malveillants . La télévision, la radio, la presse écrite ne sont-elles pas suffisantes ? Quel est donc ce besoin de dire tout de suite ce qu'on contredira souvent soi-même le lendemain ?

https://www.20minutes.fr/arts-stars/web/2921359-20201201-...

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

A Ferney, 5 auguste [1765]

car je ne puis souffrir août.1

Mon cher philosophe, si la cause que je soupçonnais n’est pas la véritable, il y a donc des effets sans cause. La raison suffisante de Leibnitz est donc à tous les diables ; car tout ce qu’on peut alléguer pour colorer l’injustice qu’on vous fait est parfaitement absurde. Mademoiselle Clairon, dans son genre, se trouve à peu près maltraitée comme vous . Elle a essuyé assurément des choses plus désagréables . Je lui conseille ce que probablement elle fera, et ce que vous lui avez conseillé 2. Pour vous, mon cher et grand philosophe, je n’ai point d’avis à vous donner ; vous n’en prendrez que de votre fermeté et de votre sagesse. Je n’ai rien à dire à M. le duc d Ch[oiseul]. Je lui ai tout dit ; et, puisque vous ne le croyez pas l’auteur de cette injustice, mon rôle est terminé. Tout ce que je sais, c’est qu’il y a un déchaînement aussi violent que ridicule à la cour contre les philosophes ; et, pour compléter cette extravagance, c’est le beau Siège de Calais qui a fait pousser à l’excès ce déchaînement.

J’ignore si vous quitterez cette nation de singes, et si vous irez chez des ours ; mais si vous allez en Oursie , passez par chez nous. Ma poitrine commence un peu à s’engager. Il serait fort plaisant que je mourusse entre vos bras, en faisant ma profession de foi.

Mais pourquoi ne viendriez-vous pas à Ferney attendre philosophiquement la fin des orages ? Vous me direz peut-être qu’on viendrait nous y brûler tous deux . Je ne le crois pas ; nous ne sommes qu’au temps des Fréron et des Pompignan, et non à celui des du Bourg et des Servet . D’ailleurs nous sommes tous deux bons chrétiens, bons sujets, bons diables , on nous laissera en paix dans ma tanière. Ecrivez-moi par frère Damilaville. Adieu ; je vous aime autant que je vous estime.

V. »

1 V* répond à une lettre de d'Alembert du 16 juillet 1765 que celui-ci a fait porter par Mlle Clairon ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/02/correspondance-avec-d-alembert-partie-38.html

2 Quitter le théâtre .

01/12/2020

Peut-être ne serait-il pas inutile que nous parlassions ensemble de toutes ces petites affaires

... Comme dit aimablement le juge à Nicolas Sarkozy, présumé innocent, mais pas blanc-bleu quand même . Voilà ce que c'est de s'allier et faire travailler des malhonnêtes ayant le mauvais goût de se faire prendre les doigts dans le pot de confiture ( les malveillants diront : le bec dans le pot de vin ).

 

 

« A Jacob Bouthillier de Beaumont, Banquier 1

à la Grand-Rue, près de la résidence

à Genève

J'ai, monsieur, des lettres de change pour le paiement d'août chez MM. Couderc et Passavant à Lyon . Je m'adresse à vous pour savoir si vous voudrez avoir la bonté de vous en charger, et s’il convient à vos affaires d'en garder une somme de trente mille livres en me faisant toucher le reste à votre loisir .

J'ai encore à vous demander s'il vous conviendrait de me faire toucher tous les mois trois mille livres de France que M. Laleu, secrétaire du roi, notaire à Paris, paierait au commencement de chaque [mois]2 à vos correspondants sur votre ordre .

Peut-être ne serait-il pas inutile que nous parlassions ensemble de toutes ces petites affaires ; mais ma santé qui est fort mauvaise ne me permet pas d'aller à Genève . Il vous serait bien plus aisé à vous, monsieur, qui vous portez bien, de me faire l'honneur de venir dîner à Ferney .

J'ai celui d'être avec tous le sentiments que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

gentilhomme ordinaire du roi.

A Ferney 3è auguste 1765. »

1 Directeur de l’hôpital de Genève .Voir : https://societe-voltaire.org/cqv/negrier.php

2 Mot omis sur l'original .

Tout sera dans l'ordre

... Tout est dans l'ordre me plait davantage, mais contre mauvaise fortune etc., etc.

 

 

« A Gabriel Cramer

[juillet-août 1765]

Je pense qu'il vaut mieux en effet placer toute la prose de suite dans ce 3è volume qui sera terminé par Adélaïde, La Femme qui a raison , et quelques petites pièces de poésie 1. Tout sera dans l'ordre, et les trois volumes de monsieur Caro pourront être de requise 2. »

1 Ce ne peut se rapporter qu'au troisième volume des Nouveaux mélanges . Cette phrase montre que V* se soucie de l’ordre dans lequel figurent les différentes pièces dans un volume, bien que cet ordre ne soit pas chronologique .

2 Une chose de requise est une chose rare (le mot requise n'apparait que dans cette expression ).

30/11/2020

si vous avez quelques ordres à me donner, je les exécuterai très fidèlement. Je suis assez comme cette vieille maquerelle qui se mourait, et qui disait à ses demoiselles , croyez-vous que je puisse tromper quelqu’un en l’état où je suis ?

... Je verrais assez bien M. Darmanin s'exprimer ainsi après le foutoir de ces derniers jours (je dirais même : semaines ? ) !

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

30 juillet [1765]

Il n’est pas juste, monseigneur, qu’un vieux amateur et serviteur du tripot comique, comme moi, ait chez lui Mlle Clairon, sans vous demander vos ordres. Elle vient d’arriver ; j’ignore encore l’état de sa santé ; j’ignore le parti qu’elle sera obligée de prendre, et je crois que je dois demander vos ordres pour savoir sur quel ton je dois lui parler, et quelles sont vos intentions. Ce n’est pourtant pas que je pense que mes conseils aient beaucoup d’autorité sur elle ; il est à croire que M. le comte de Valbelle aura beaucoup plus de crédit que moi ; mais enfin, si vous avez quelques ordres à me donner, je les exécuterai très fidèlement. Je suis assez comme cette vieille maquerelle qui se mourait, et qui disait à ses demoiselles , croyez-vous que je puisse tromper quelqu’un en l’état où je suis ? Comptez, monseigneur, que l’envie de vous plaire sera ma dernière volonté.

La mort du duc de Parme est une belle leçon de l’inoculation . Son fils, qui a eu la petite-vérole artificielle, est en vie, et le père, qui a négligé cette précaution, meurt à la fleur de son âge. Les vieilles femmes inoculent elles-mêmes leurs petites-filles dans le pays que j’habite. Est-il possible que le préjugé dure en France si longtemps !

Je suis actuellement auprès de M. Tronchin ; ainsi vous me pardonnerez de vous parler d’inoculation. J’ai un peu recouvré la vue, mais je perds tout le reste. Conservez votre santé, ce bien sans lequel les autres ne sont rien, et vivez, s’il se peut, aussi longtemps que votre gloire.

V. »

29/11/2020

une belle réponse aux ardélions  : elle doit vous faire aimer de vos inférieurs, et vous faire respecter de vos égaux

... Encore faut-il que ça vaille la peine  de répondre à des verbeux qui ne fichent rien .

 

 

 

« Au marquis Francesco Albergati Capacelli. Senatore

di Bologna

à Bologna

29è juillet 1765, à Ferney 1

C’est une grande consolation, monsieur, dans ma vieillesse infirme, de recevoir de vous le beau recueil dont vous m’avez honoré. Votre présent est venu bien à propos, je peux encore lire dans les beaux jours de l’été. J’ai déjà lu votre traduction de Phèdre 2; et j’ai parcouru tout le reste, que je vais lire très-attentivement. Je suis toujours étonné de la facilité avec laquelle vous rendez vers pour vers une tragédie tout entière. Votre style est si naturel qu’un étranger qui n’aurait jamais entendu parler de la Phèdre de Racine, et qui aurait appris parfaitement l’italien et le français, serait très-embarrassé à décider laquelle des deux pièces est l’original. Il faut vous avouer que les Français n’ont jamais eu de traductions pareilles en aucun genre . Cet avantage, que vous possédez, ne vient pas seulement de l’heureuse flexibilité de la langue italienne, il est dû à votre génie.

Je trouve, monsieur, que votre préface est une belle réponse aux ardélions 3 : elle doit vous faire aimer de vos inférieurs, et vous faire respecter de vos égaux.

J’ai entrevu, par ce que vous dites sur Idoménée, qu’en effet vous aviez trop honoré un ouvrage qui ne méritait pas vos soins . Ce qui est méprisé chez nous ne doit pas être estimé en Italie.

Permettez que je joigne ici les éloges et les remerciements que je dois à M. Agostini 4. Il me parait bien digne de votre amitié . Vous ne pouviez être mieux secondé dans la culture des beaux-arts. On disait autrefois, dans les temps d’ignorance : Bononia docet ; on doit dire aujourd’hui, grâce à vous, dans le temps du goût et de l’esprit : Bononia placet 5.

Adieu, monsieur, je ne peux mieux finir ma carrière qu’en regrettant de n’avoir pas eu l’honneur de vivre avec vous. Tant que je vivrai, vous n’aurez point de partisan plus zélé, ni d’ami plus véritable.

V. »

1 Mention « f[ran]co Milano » sur le manuscrit .

Albergati a écrit le 9 juillet 1765 à V* en envoyant « deux tomes de tragédies traduites »( Phèdre, et Idoménée).

3 Mot, pur latinisme, ardelio se trouve chez Phèdre, etc., qui signifie à peu près « personne empressée à donner des conseils et qui ne fait rien ».

4 Les éditions mettent Paradisi et c'est en effet ce que V* veut dire : il emploie ici le prénom Agostini au lieu du nom .Paradisi a traduit la Mort de César et Tancrède.

5 Bologne instruit … Bologne plait .

28/11/2020

un inconnu qui signe La Chassagne m’écrit qu’il a besoin d’argent. Il est commis, à ce qu’il dit, au bureau des Affiches

... Serait-ce , sous un nom d'emprunt Jacques Séguéla , notre célèbre vendeur de vent et de président ? https://www.francetvinfo.fr/societe/en-images-de-la-rolex...

Astérix : les lecteurs veulent les aventures de Sarkozix le Gaulois

Tiens, ça me fait penser à l'affaire Bygmalion ! [ en remarquant que Séguéla n'est pas dans le coup, mais qu'il a fait école pour les suceurs de deniers publics ]

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

28è juillet 1765

C’est pour vous dire, mon ancien ami, qu’un inconnu qui signe La Chassagne m’écrit qu’il a besoin d’argent. Il est commis, à ce qu’il dit, au bureau des Affiches. Il dit qu’il ira prendre ma réponse chez vous. Cette réponse est que je voudrais soulager tous ceux qui sont dans le besoin, mais que M. De Laleu a fait pour moi tant d’avances qu’il n’est pas possible que je lui en demande de nouvelles.

Je suis fort en peine de deux affaires qui doivent intéresser tous les honnêtes gens . Il s’agit de la pension d’Archimède et de l’algarade qu’on a faite à M. de Beaumont.

Mlle Clairon vient demain chez moi. J’attends avec impatience mon philosophe Damilaville, et je voudrais bien que vous fussiez du voyage.

V. »