07/02/2019
faites rire, et les sages triompheront
...
Martinez and Co
« A Jean Le Rond d'Alembert
30 de janvier [1764] 1
Mon illustre philosophe m'a envoyé la lettre d'Hippias-B 2 . Cette lettre B prouve qu'il y a des T 3, et que la pauvre littérature retombe dans les fers dont M. de Malesherbes l’avait tirée . Ce demi-savant et demi-citoyen d'Aguesseau était un T : il voulait empêcher la nation de penser . Je voudrais que vous eussiez vu un animal nommé Maboul 4; c'était un bien sot T, chargé de la douane des idées sous le T d'Aguesseau . Ensuite viennent les sous-T qui sont une demi-douzaine de gredins dont l'emploi est d'ôter pour quatre cents francs par an tout ce qu'il y a de bon dans les livres .
Les derniers T sont des polissons de la chambre syndicale ; ainsi je ne suis pas étonné qu'un pauvre homme, qui a le privilège des fiacres à Lyon, ne veuille pas s'exposer à la colère de tant de T et de sous-T . J'avoue qu'il ne doit pas risquer des fiacres pour faire aller Gabriel Cramer en carrosse .
Vous remarquerez, s'il vous plait, mon cher philosophe , que l'auteur de la Tolérance est un bon prêtre, un brave théologien, et qu'il y aurait une injustice manifeste à m'attribuer cet ouvrage . Je conseille à l'auteur de ne le pas publier si tôt ; il n'est pas juste que la raison s'avise de paraître si tôt au milieu de tant de remontrances, de mandements, d'opéras-comiques qui occupent vos compatriotes .
On dit qu'un naturaliste fait actuellement l'histoire des singes . Si cet auteur est à Paris, il doit avoir d'excellents mémoires .
Je ne sais encore si le carnifex 5 de Messieurs a brûlé la pastorale de monseigneur . Que vous êtes heureux ! Vous devez rire du matin au soir de tout ce que vous voyez . Vous avez assurément l'esprit en joie ; vous m'avez écrit une lettre charmante .
Je crois que l'auteur des Quatre saisons 6 ne fera la pluie et le beau temps que dans un diocèse . Il a la rage d'être archevêque ; j'en suis bien fâché . Je lui dirais volontiers :
Nec tibi regnandi veniat tam dira cupido 7.
Au milieu de toute votre gaieté, tâchez toujours d'écraser l'inf... ; notre principale occupation dans cette vie doit être de combattre ce monstre . Je ne vous demande que cinq ou six bons mots par jour, cela suffit ; il n'en relèvera pas . Riez, Démocrite ; faites rire, et les sages triompheront . Si vous voyez frère Damilaville, il peut vous faire avoir le livre de Du Marsais, attribué à Saint Evremond . Quand vous n'aurez rien à faire, écrivez-moi ; vos lettres me prolongeront la vie : je les relis vingt fois, et mon cœur se dilate . Une lettre de vous vaut mieux que tout ce qu'on écrit depuis vingt ans.
Je vous aime comme je vous estime . »
1 V* répond à une lettre du 15 janvier 1764 .
2 Bourgelat . V* l'appelle Hippias à la fois par un jeu de mots sur le radical grec signifiant cheval ( Bourgelat est vétérinaire ) et par allusion au tyran Hippias, suggérant ainsi à d'Alembert qu'il a fait trop confiance à cet ami , qu'il appelle « frère Hippolyte Bourgelat » (Hippolyte , proprement dit « qui dételle les chevaux ») , voir lettre du 8 décembre 1764 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/12/05/je-m-en-tiendrai-a-celle-la-ou-il-n-y-en-aura-point-du-tout-6110597.html
3 Certainement « Tyran ».
4 Intendant de la librairie .
5 Bourreau, carnifex s'emploie souvent au sens figuré .
6 Bernis ; voir lettre du 24 janvier 1764 à Richelieu : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/01/30/j-espere-qu-en-effet-on-finira-par-rire-de-tout-ceci-selon-la-louable-coutu.html
7 Puisses-tu ne pas éprouver un aussi funeste désir de régner ; Virgile, Georgiques, I, 37 .
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06/02/2019
L’historiographe des singes aura beau jeu quand il écrira l’histoire du temps
... Les singes étant ceux dont on voit le cul, préoccupés qu'ils sont à s'assoir sur la plus haute branche, leur histoire risque d'être fort emm...te . Ils sont bien entendu soigneusement entretenus par les lèche-culs .
Il y a quelques chimpanzés, macaques et ouistitis nationaux qui fricotent avec leurs semblables d'outre-frontière qui tentent de nous faire prendre des noisettes pour des noix de coco, leurs idées pour des traits de génie , leurs exactions pour des bienfaits . Réchauffement climatique ou pas, leur espèce n'est pas en voie de disparition ; dommage !
Soit dit entre nous, t'as d'belles fesses tu sais !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
29è janvier 1764 aux Délices
Mes anges trouveront ici un mémoire qu’ils sont suppliés de vouloir bien donner à M. le duc de Praslin. On dit qu’ils sont extrêmement contents du nouveau mémoire de Mariette en faveur des Calas 1. Je crois que leur affaire sera finie avant celle des dîmes de Ferney. Melpomène, Clio, et Thalie, c’est-à-dire les tragédies, l’histoire, et les contes, n’empêchent pas qu’on ne songe à ses dîmes, attendu qu’un homme de lettres ne doit pas être un sot qui abandonne ses affaires pour barbouiller des choses inutiles.
Je sais la substance du mandement de votre archevêque ; mais je vous avoue que je voudrais bien en avoir le texte sacré. On dit que l’exécuteur des hautes-œuvres de Messieurs a brûlé la pastorale de monseigneur. Si monsieur l’exécuteur a lu autant de livres qu’il en a brûlé, il doit être un des plus savants hommes du royaume 2.
Monsieur du Puy en Velay n’a pas les mêmes honneurs : il voudrait bien être lu, dût-il être brûlé. L’historiographe des singes aura beau jeu quand il écrira l’histoire du temps.
Je suppose que mes anges ont reçu mes deux derniers mémoires envoyés à M. de Courteilles. Je cours toujours après mon cinquième acte et après mon conte, et je vois que les Enfers ne rendent rien.
J’ai reçu une lettre de M. de Thibouville. Lekain m’a écrit aussi, et je suis fâché qu’il soit dans le secret de la conspiration.
Je ne réponds à personne, je n’envoie rien ; mes raisons sont qu’on joue Castor et Pollux 3, qu’on va jouer Idoménée 4, qu’on est fou de l’Opéra-Comique, qu’il faut du temps pour tout, et que j’attends les ordres de mes anges, me prosternant sur 5 leurs ailes. »
1 Les Observations pour la dame Calas et sa famille, 1764, signées Mariette ; voir :https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040700p.image
2 Réminiscence de la dernière phrase de la Conversation de M. l'intendant des menus en exercice avec M. l'abbé Grizel : « Si maître l'exécuteur des hautes œuvres avait pour ses honoraires un exemplaire de chaque livre qu'il a brûlé, il aurait vraiment une jolie bibliothèque. » ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Conversation_de_M._l%E2%80%99intendant_des_menus/%C3%89dition_Garnier
3De Jean-Philippe Rameau, livret de Pierre-Joseph Bernard, souvent représenté et qui vient d'être repris le 24 janvier 1764 ; voir : https://www.opera-online.com/fr/items/works/castor-et-pollux-bernard-rameau-1737
4D'Antoine-Marin Le Mierre, représenté le 13 février 1764 ; voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9770005h/f13.image.texteImage
5 Il faut sans doute lire sous au lieu de sur .
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05/02/2019
Vous rendrez du moins justice à mes intentions ; je voulais qu’aucune voix ne manquât
... lors du RIC que je vous propose" espère Emmanuel Macron en rencontrant les dirigeants politiques . C'est supposer que les Français savent encore/enfin compter et juger de ce qui est faisable : le rêve !
Oui ! je vous le demande . L'enfer est pavé de bonnes intentions, dites-vous ? Et je vais prendre ces pavés sur le coin de la figure ? merci les gilets jaunes !
« A Jean-François Marmontel, de l'Académie française
chez madame de Geoffrin
à Paris
28è janvier 1764
Puisque les choses sont ainsi 1, mon cher ami, je n’ai qu’à gémir et à vous approuver. Vous rendrez du moins justice à mes intentions ; je voulais qu’aucune voix ne manquât à vos triomphes 2. Ce que vous m’apprenez me fait une vraie peine. Je me consolerai si la littérature jouit à Paris de la liberté sans laquelle elle ne peut exister ; si la philosophie n’est point persécutée ; si une secte affreuse de rigoristes ne succède pas aux jésuites ; si le petit lumignon de raison que vous contribuez à ranimer dans la nation ne vient pas bientôt à s’éteindre. On dit qu’un pédant de l’université écrit déjà contre l’Esprit des Lois 3. Le principal mérite de ce livre est d’établir le droit qu’ont les hommes de penser par eux-mêmes. Voilà les vraies libertés de l’Église gallicane qu’il faut que votre aimable coadjuteur de Strasbourg 4 soutienne. Il y aura toujours en France une espèce de sorciers vêtus de noir qui s’efforceront de changer les hommes en bêtes ; mais c’est à vous et à vos amis à changer les bêtes en hommes. On dit que ce Bougainville, à qui un homme de tant de mérite a succédé 5, n’était en effet qu’une très méchante bête, que c’était lui qui avait accusé Boindin d’athéisme, et qui l’avait persécuté même après sa mort. Si cela est, ce malheureux, connu seulement par une plate traduction d’un plat poème, méritait quelques restrictions aux éloges que vous lui avez donnés. Il se trouve que l’auteur et le traducteur étaient persécuteurs.
L’auteur de l’Anti-Lucrèce 6 sollicita l’exclusion de l’abbé de Saint-Pierre 7, et le translateur prosaïque de l’Anti-Lucrèce 8 priva Boindin de l’éloge funèbre qu’il lui devait 9. Cet Anti-Lucrèce m’avait paru un chef-d’œuvre quand j’en entendis les quarante premiers vers récités par la bouche mielleuse du cardinal ; l’impression lui a fait tort ; j’aime mieux un de vos contes moraux 10 que tout l’Anti-Lucrèce. Vous devriez bien nous faire des contes philosophiques, où vous rendriez ridicules certains sots et certaines sottises, certaines méchancetés et certains méchants ; le tout avec discrétion, en prenant bien votre temps, et en rognant les ongles de la bête quand vous la trouverez un peu endormie.
Faites mes compliments à tous nos frères qui composent le pusillum gregem 11. Que nos frères s’unissent pour rendre les hommes le moins déraisonnables qu’ils pourront ; qu’ils tâchent d’éclairer jusqu’aux hiboux, malgré leur haine pour la lumière . Vous serez bénis de Dieu et des sages.
Madame Denis et moi nous vous serons toujours bien attachés. »
1 Voir lettre du 18 janvier 1764 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/01/23/je-n-ai-point-du-tout-ete-la-dupe-de-tous-les-bruits-qui-ont-couru-sur-une.html
2 Le duc de Pralin était contre l'élection de Marmontel .
3 Jean-Baptiste-Louis Crevier : Observations sur le livre de l'Esprit des lois .
4 Le prince Louis de Rohan .
5 « L'homme de mérite » est Marmontel
6 Le cardinal de Polignac, voir lettre du 13 octobre 1759 à Mme Du Deffand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/29/que-j-aime-les-gens-qui-disent-ce-qu-ils-pensent-c-est-ne-vivre-qu-a-demi-q.html
7 Voir : http://www.academie-francaise.fr/labbe-de-saint-pierre-symbole-de-lindependance-de-lacademie-francaise
8 C'est Jean-Pierre de Bougainville qui a traduit du latin L'Anti-Lucrèce de Melchior de Polignac, 1749 . V* a aussi dans sa bibliothèque trois exemplaires de l'Anti-Lucretius . Voir : https://books.google.fr/books?id=fYCaQKnt2gUC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
9 Boindin, athée notoire, ne reçut pas , quand il mourut le 30 novembre 1751 , de sépulture ecclésiastique . On lui refusa aussi l'éloge d'usage à l'Académie des inscriptions et belles lettres dont il était membre .
10 Les Contes moraux, 1763 qui créèrent une sorte de sous-genre du conte . Voir : https://journals.openedition.org/feeries/413?lang=fr
11 Timide troupeau .
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On est irrité des remontrances, et on invite à en faire ; ce monde est gouverné par des contradictions
... Constat d'une irritante actualité, fait par un homme qui savait tout à la fois rire des frivolités et lutter contre les injustices , Voltaire ! Pas un mot n'est à changer pour décrire l'état de la France de 2019, tristounet et vain .
Avenir ?
« A Jean Ribote-Charron etc.
à Montauban
27è janvier 1764
D'une main on donne le fouet aux parlements, et de l'autre on les caresse ; on déclare que les commandants n'ont fait qu'obéir aux ordres supérieurs, et on les rappelle . On chasse les jésuites, et on en garde quatorze à la cour qui confessent, ou font semblant de confesser . On est irrité des remontrances, et on invite à en faire ; ce monde est gouverné par des contradictions . Nous verrons quelle contradiction résultera du procès des Calas qui est actuellement sur le bureau . Est-il vrai que votre parlement s'est avisé de casser l'arrêt de celui de Paris qui cassait le décret d'appréhension au corps du duc commandant de la province 1?
S'il y a quelque sottise nouvelle, monsieur Ribote est prié d'en faire part à celui qui rit de toutes les sottises qui sont frivoles, et qui tâche de réparer celles qui sont barbares. »
1 Le duc de Fitz-James ; voir lettre du 1er janvier 1764 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/01/08/j-apprends-que-le-parlement-de-dijon-vient-de-defendre-par-un-arret-de-paye.html
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04/02/2019
On n’est occupé que des énormes sottises qu’on fait de tous côtés : Le raisonner tristement s’accrédite . Comment voulez-vous que la société soit agréable avec tout ce fatras pédantesque ?
... Quand reviendra l'heureux temps, s'il en fût un, où l'on cessera d'ergoter sur tous les désagréments de la vie .
Je n'en dirai pas plus pour n'ajouter aucune matière aux donneurs de leçons . Le "grand débat" tourne à grand débit pour le grand plaisir des papetiers et imprimeurs, les affaires reprennent .
Pour mémoire et sourire, un destructeur d'idioties, remarquable Pierre Desproges : https://www.youtube.com/watch?v=ejVrbqEUnec
« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du Deffand
27è janvier 1764 aux Délices 1
Oui, je perds les deux yeux : vous les avez perdus,
O sage du Deffand : est-ce une grande perte ?
Du moins nous ne reverrons plus
Les sots dont la terre est couverte.
Et puis tout est aveugle en cet humain séjour ;
On ne va qu’à tâtons sur la machine ronde.
On a les yeux bouchés, à la ville, à la cour ;
Plutus, la Fortune, et l’Amour,
Sont trois aveugles-nés qui gouvernent le monde.
Si d’un de nos cinq sens nous sommes dégarnis,
Nous en possédons quatre ; et c’est un avantage
Que la nature laisse à peu de ses amis,
Lorsqu’ils parviennent à notre âge.
Nous avons vu mourir les papes et les rois ;
Nous vivons, nous pensons, et notre âme nous reste.
Épicure et les siens prétendaient autrefois
Que ce sixième sens était un don céleste
Qui les valait tous à la fois.
Mais quand notre âme aurait des lumières parfaites,
Peut-être il serait encor mieux
Que nous eussions gardé nos yeux,
Dussions-nous porter des lunettes.
Vous voyez, madame, que je suis un confrère assez occupé des affaires de notre petite république de quinze-vingts. Vous m’assurez que les gens ne sont plus si aimables qu’autrefois . Cependant les perdrix et les gélinottes ont tout autant de fumet aujourd’hui qu’elles en avaient dans votre jeunesse ; les fleurs ont les mêmes couleurs. Il n’en est pas ainsi des hommes . Le fond en est toujours le même, mais les talents ne sont pas de tous les temps ; et le talent d’être aimable, qui a toujours été assez rare, dégénère comme un autre. Ce n’est pas vous qui avez changé, c’est la cour et la ville, à ce que j’entends dire aux connaisseurs. Cela vient peut-être de ce qu’on ne lit pas assez les Moyens de plaire de Moncrif 2. On n’est occupé que des énormes sottises qu’on fait de tous côtés :
Le raisonner tristement s’accrédite 3.
Comment voulez-vous que la société soit agréable avec tout ce fatras pédantesque ?
Vraiment on vous doit l’hommage d’une Pucelle. Un de vos bons mots est cité dans les notes de cet ouvrage théologique (3)4. Il n’y a pas moyen de vous l’envoyer, comme vous dites, sous le couvert de la reine ; et on n’aurait pas même osé l’adresser à la reine Berthe. Mais sachez que, dans le temps présent, il est impossible de faire parvenir aucun livre imprimé des pays étrangers à Paris, quand ce serait le Nouveau Testament 5. Le ministre même dont vous me parlez 6 ne veut pas que j’envoie rien, ni sous son enveloppe, ni à lui-même. On est effarouché, et je ne sais pourquoi. Prenez votre parti et si dans quinze jours je ne vous envoie pas Jeanne par quelque honnête voyageur, dites à M. le président Hénault qu’il vous en fasse trouver une par quelque colporteur. Cela doit coûter trente ou quarante sous . Il n’y a point de livre de théologie moins cher.
Je suis fâché que votre ami soit si couru ; vous en jouissez moins de sa société ; et c’est une grande perte pour tous deux. J’achève doucement ma vie dans la retraite, et dans la famille que je me suis faite.
Adieu, madame ; courage ! faisons de nécessité vertu. Savez-vous que c’est un proverbe tiré de Cicéron ?7 »
1 V* répond à une lettre du 14 janvier 1764 . Cette lettre fut imprimée avec ce titre : Aux Plaisirs, 27 Janvier 1764. (Georges Avenel )
2 François-Auguste Paradis de Moncrif, Essai sur la nécessité et les moyens de plaire, 1738, auquel V* fait allusion dans Jeannot et Colin . Voir : https://books.google.fr/books/about/Essais_sur_la_n%C3%A9cessit%C3%A9_et_sur_les_moy.html?id=ZLmz3XtsqbwC&printsec=frontcover&source=kp_read_button&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false
3 Vers 427 de Ce qui plaît aux dames ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Contes_en_vers_(Voltaire)/Ce_qui_pla%C3%AEt_aux_dames
4 Dans une note de La Pucelle, I, 206 . V* le rapporte comme ayant été prononcé par « Mme la marquise du *** [Châtelet] au cardinal de Polignac ».Voir : https://books.google.fr/books?id=Pelt4olzI7wC&pg=PA206&lpg=PA206&dq=voltaire+La+Pucelle,+I,+206&source=bl&ots=unGdk7wn7m&sig=ACfU3U2T9vZgYyOLAQSH8055omBczfbnAA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiHlPvF1KDgAhVI0RoKHWeVCBQQ6AEwDHoECAgQAQ#v=onepage&q=voltaire%20La%20Pucelle%2C%20I%2C%20206&f=false
5 Ces six derniers mots manquent dans toutes les éditions de même que la fin de la phrase précédente ( comme vous dîtes … reine Berthe ) .
6 Non pas Praslin, comme le pense Charrot, mais le duc de Choiseul ainsi que l'indique la lettre de Mme Du Deffand citée plus haut : « […] adressez-la à M. le duc de Choiseul, ainsi que tous vos contes, sous une double enveloppe et je vous assure que cela me parviendra . »
7 Ce proverbe ne vient pas spécifiquement de Cicéron, mais il est commun en latin .
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03/02/2019
Les Français ont actuellement l'estomac surchargé de mandements, de remontrances et d'opéra-comiques . Il faut laisser passer leur indigestion
... Et leur gueule de bois .
L'histoire est un éternel recommencement , et le XXIè siècle des Français est un bégaiement semblable au XVIIIè . Nos révolutionnaires en gilets jaunes, stylos rouges, et manifestants de toutes couleurs nous annoncent un printemps bigarré, après les casseurs en noir et les nuages des lacrymogènes . Reste à savoir si tout ça donnera un été fructueux .
What's new Pussycat ?
http://www.informaction.info/iframe-1000-idees-recues-les...
« A Etienne-Noël Damilavile
27è janvier 1764 1
Les deux dernières lettres de mon cher frère sont charmantes . Elles me font voir combien les philosophes sont au-dessus des autres hommes . Il me semble que vous voyez les choses comme il les faut voir . Je vous remercie bien de l’exploit du marquis de Créquy2 ; voilà de tous les exploits qu'ont fait les Français depuis vingt ans, le meilleur assurément . Cela vaut mieux que tous les mandements que vous pourriez m'envoyer . Christophe à Sept Fonds aura l’air d'un martyr, et j'en suis fâché ; mais on se souviendra que, non sept-fonds, sed causa facit martirem 3.
Les mandements des autres évêques ne feront pas, je crois, un grand effet dans la nation, mais le rappel des commandants, le triomphe des parlements etc. sont une énigme dont je ne puis, ou n'ose deviner le mot . C'est le combat des éléments dont les yeux profanes ne peuvent découvrir le principe .
Je demeure toujours persuadé avec vous que ce temps-ci n'est pas propre à faire paraître le Traité sur la tolérance . Je n'en suis point l'auteur mais je m'intéressais, comme vous savez , à cet ouvrage, uniquement par principe d'humanité . Ce même principe me fait désirer que l'ouvrage ne paraisse point, c'est un mets qu'il ne faut présenter que quand on aura faim . Les Français ont actuellement l'estomac surchargé de mandements, de remontrances et d'opéra-comiques . Il faut laisser passer leur indigestion .
Vous avez dû, mon cher frère, recevoir dans mon dernier paquet , un petit billet pour frère Thieriot . S'il ne peut me trouver le livre que je lui demande, il n'y a qu'à s'adresser à Briasson . Ce Briasson m'envoie enfin mes estampes ; c'est à vous que j'en ai l'obligation . Ma santé est bien mauvaise . Je reprocherai bien à la nature de me faire mourir sana avoir vu mon cher frère . Recommandez-moi aux prières des fidèles .
Écr l'inf. »
1 L'édition de Kehl fait un amalgame de le lettre du 22 janvier avec celle ci : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-4.html
2 Dans l'article « Prières » des Questions sur l'Encyclopédie, V* cite un document selon lequel « M. le comte de Créquy-Canaples, surnommé Hugues au baptême », interdit à son curé de prier pour lui, pour la raison que les prières interféreraient avec la volonté de Dieu . C'est en cette année 1764 que Jean-Antoine de Créquy, baron de Frohard appelé le comte de Canaples, époux de Charlotte de Rohan, fut admis à la cour . Les deux faits ne sont peut-être pas sans corrélation .
3 Ce n'est pas sept fonds, mais la cause, qui fait le martyr . V* joue sur un aphorisme attribué à Tertullien, non poena, sed causa, facit martyrem (ce n'est pas le supplice, c'est la cause qui fait le martyre ), et qui était parfois appliqué à des missionnaires persécutés pour leur zèle apostolique .
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02/02/2019
Est-ce le ton d’aujourd’hui de commencer une chose pour ne pas la finir ?
... Oui !
Au XXIè siècle, comme aux siècles précédents , je dédie https://www.youtube.com/watch?v=1-p58OSYhG0
Touche magique quand ça tourne mal
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental 1
27 janvier 1764 aux Délices
Dites-moi donc, mes anges, si vous avez enfin reçu un cinquième acte et un conte. Une certaine inquisition se serait-elle étendue jusque sur ces bagatelles ? et quand le lion ne veut pas souffrir de cornes dans ses États, faut-il encore que les lièvres craignent pour leurs oreilles 2? L’aventure de la Tolérance me fait beaucoup de peine. Je ne peux concevoir qu’un ouvrage que vous avez tant approuvé puisse être regardé comme dangereux. Je n’ai d’ailleurs et je ne veux avoir d’autre part à cet ouvrage que celle d’avoir pensé comme vous. Il y a trop de théologie, trop de Sainte Écriture, trop de citations, pour qu’on puisse raisonnablement supposer qu’un pauvre faiseur de contes y ait mis la main. Je me borne à conseiller à l’auteur de supprimer cet ouvrage en France, si la Tolérance n’est pas tolérée par ceux qui sont à la tête du gouvernement. Mais enfin, quand madame de Pompadour en est satisfaite, quand MM. les ducs de Choiseul et de Praslin témoignent leur approbation, quand M. le marquis de Chauvelin joint son enthousiasme au vôtre, qui donc peut proscrire un livre qui ne peut enseigner que la vertu ?
Si le roi avait eu le temps de le lire chez madame de Pompadour, l’auteur oserait se flatter que Sa Majesté n’en aurait pas été mécontente, et c’est sur la bonté du cœur du roi qu’il fonde cette espérance.
M. le chancelier, dans les premiers jours d’un ministère difficile 3, aurait-il abandonné l’examen de ce livre à quelqu’un de ces esprits épineux qui veulent trouver du mal partout où le bien se trouve avec candeur et sans politique ?
Enfin, pourquoi a-t-on retenu à la poste de Paris tous les exemplaires que plusieurs particuliers de Genève et de Suisse avaient envoyés à leurs amis, sous les enveloppes qui paraissaient devoir être les plus respectées ? Cette rigueur n’a commencé qu’après que les éditeurs ont eu la circonspection dangereuse d’en envoyer eux-mêmes un exemplaire à monsieur le chancelier, de le soumettre à ses lumières, et de le recommander à sa protection. Il se peut que les précautions qu’on a prises pour faire agréer le livre soient précisément ce qui a causé sa disgrâce. Mes chers anges sont très à portée de s’en instruire. On peut parler ou faire parler à M. le chancelier. Je les conjure de vouloir bien s’éclaircir et m’éclairer. Tout Suisse que je suis, je voudrais bien ne pas déplaire en France. Je cherche à me rassurer en me figurant que, dans la fermentation où sont les esprits, on ne veut pas s’exposer aux plaintes de la partie du clergé qui persécute les protestants, tandis qu’on a tant de peine à calmer les parlements du royaume. Si ce qu’on propose dans la Tolérance est sage, on n’est pas dans un temps assez sage pour l’adopter. Pourvu qu’on ne sache pas mauvais gré à l’auteur, je suis très content, et j’attends ma consolation de mes anges.
On me mande que plusieurs évêques font des mandements, à l’exemple de M. de Beaumont, et qu’ils iront tenir un concile à Sept-Fonds 4. Je ne sais si le rappel de tous les commandants est une nouvelle vraie. Je m’en tiens aux événements, et je n’y fais point de commentaires comme sur Corneille. Les graveurs seuls empêchent que l’édition de Corneille n’arrive. À l'égard de la nouvelle édition d'Olympie, je vous l'enverrai dans trois ou quatre jours par M. le duc de Praslin, cette voie me paraissant la plus sûre, et n'étant d'ailleurs sujette à aucun inconvénient .
Mais, encore une fois, pourquoi abandonner votre conspiration ? Est-ce le ton d’aujourd’hui de commencer une chose pour ne pas la finir ?
N. B. – S'il n'est pas permis d'envoyer par la poste des livres des pays étrangers, il est permis de nous envoyer des livres de France .
Est-il vrai que vous avez eu la bonté de permettre qu'on vous adressât pour moi, l'Histoire de la réunion de la Bretagne à la couronne ? 5 Si vous ne pouvez pas vous en charger, je vous supplie de me le mander .
Je vous salue de loin, mes divins anges, et je crois que ces mots de loin sont bien convenables dans le temps présent ; mais je vous salue avec la plus vive tendresse. »
1 Des passages manquent dans la copie Beaumarchais-Kehl et les éditions : « A l'égard […] inconvénient . N.B. – […] me le mander . » La phrase « et quand le lion […] leurs oreilles ? » d'abord supprimée a été rétablie . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-4.html
2 Rappel de La Fontaine : Les oreilles du lièvre ; voir : http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/oreilliev.htm
3 Maupéou ; voir lettre du 20 octobre 1763 à Manoël de Végobre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/10/18/je-ne-ralentirai-pas-mes-soins-et-mes-demarches-je-continuer-6097949.html
4L'abbaye cistercienne de Sept-Fontaines, dans laquelle Beaumont, exilé, a trouvé asile, avant de se retirer dans un monastère beaucoup plus rigoureux de la Trappe .
5 Voir lettre à Simon-Augustin Irail du 24 février 1764 : « J'attendais , monsieur, pour vous remercier de votre livre , que je l'eusse reçu et lu . » Voir : https://books.google.fr/books?id=W8XSMMv-QXQC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
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