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05/10/2018

Vous me paraissez si supérieur dans votre genre que je ne suis point du tout étonné que vous ayez essuyé des dégoûts qui vous ont fait porter ailleurs vos talents

... Oui, M. Collomb, c'est à vous que je m'adresse, vous qui venez de montrer si bien que vous avez atteint votre seuil d'incompétence, le niveau national étant trop élevé pour vous qui n'avez pour ambition que d'être maître à Lyon, petit Jules César qui préfére être maître de son village plutôt que second à Rome .

Vale .

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Il arrive à temps pour le Beaujolais nouveau !

 

« A Jean-Georges Noverre 1

11 octobre 1763 2

J'ai lu monsieur, votre ouvrage de génie 3; mes remerciements égalent mon estime . Votre titre n'annonce que la danse, et vous donnez de grandes lumières sur tous les arts . Votre style est aussi éloquent que vos ballets ont d'imagination . Vous me paraissez si supérieur dans votre genre que je ne suis point du tout étonné que vous ayez essuyé des dégoûts qui vous ont fait porter ailleurs vos talents . Vous êtes auprès d'un prince qui en sent tout le prix .

Une vieillesse très infirme m'a seule empêchée d'être témoin de ces magnifiques fêtes que vous embellissez si singulièrement ; vous faites trop d'honneur à La Henriade de vouloir bien prendre le temple de l'amour pour un de vos sujets : vous ferez un tableau vivant de ce qui n'est chez moi qu'une faible esquisse . Je crois que votre mérite sera bien senti en Angleterre, parce qu'on y aime la nature . Mais où trouverez-vous des acteurs capables d'exécuter vos idées ? Vous êtes un Prométhée ; il faut que vous formiez des hommes, et que vous les animiez .

J'ai l'honneur d'être, avec tous les sentiments que vous méritez, etc., etc. »

2 L'édition de Kehl place la lettre en septembre 1760 sans doute en rapport avec l'édition des Lettres sur la danse et sur les ballets, 1760 . mais V* avait reçu de Noverre un exemplaire de la seconde édition, 1763, en même temps qu'une lettre datée du 1er septembre 1763 à laquelle il répond . La date précise du 11 octobre est donnée dans le Vie de David Garrick, d'A. Murphy, traduite par J.-E.-F. Marignié, 1800 et par une édition des Lettres à peu près contemporaine (1800-1802).

Noverre dit notamment dans sa lettre envoyée de Stuttgart : « […] malgré la réussite de mes ouvrages, j'ai quitté ma patrie avec la résolution de ne plus y exercer mes talents ; ils y ont été repoussés par les directeurs de l'Opéra, auxquels je les offrais même gratuitement […] Je croirais, monsieur, n'avoir rempli qu'imparfaitement ma carrière, si j'abandonnais le théâtre sans avoir donné un ballet tiré de La Henriade […] Le neuvième chant […] m'offre une carrière vaste dans laquelle je puis déployer toutes les richesses de mon art, et réunir dans un seul cadre tous le sgenres d'expressions possibles : le tendre, le voluptueux, le terrible y paraîtront toutr à tour, s'y disputeront l'avantage d eplaire, et me fourniront, ave =c des contrastes admirables, ce clair-obscur si nécessaire à la réussite des arts . » Suivait une description détaillée de l'action et du projet chorégraphique .

3 Lettres sur la danse et sur les ballets ; voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k108204h.texteImage

04/10/2018

Les hommes sont bien bêtes et bien fous . Adieu, madame ; prenez-les pour ce qu’ils sont, et vivez aussi heureuse que vous le pourrez, en les méprisant et en les tolérant

... En les tolérant, surtout, n'oubliez pas ! Ils ont une double excuse innée, constitutionnelle, quasiment irréparable .

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du Deffand

11 octobre 1763 1

Je vous jure, madame, que je suis aveugle aussi ; n’allez pas me renier. Il est vrai que je ne le suis que par bouffées, et que je ne suis pas encore parvenu à être absolument digne des Quinze-Vingts. J’ai d’ailleurs pris mon parti depuis longtemps sur tout ce qu’on peut voir et sur tout ce qu’on peut entendre ; et c’est ce qui fait que je ne regrette guère dans Paris que vous, madame, et le très petit nombre de personnes de votre espèce.

Je suis persuadé que madame la duchesse de Luynes 2 est partie pour la vie éternelle avec de grands sentiments de dévotion ; et cela est bien consolant.

Vivez, madame, gaiement avec quatre sens qui vous restent : quatre sens et beaucoup d’esprit sont quelque chose . C’est vous qui êtes très clairvoyante, et non pas moi ; vous voyez surtout à merveille le ridicule de la façon d’écrire d’aujourd’hui. Le style qui est à la mode me porte plus que jamais à écrire avec la plus grande simplicité . Il n’est pas juste que vous soyez sans Pucelle. Je vais prendre si bien mes mesures, que vous en aurez une incessamment. Il y a quelquefois de petits morceaux assez curieux qui me passent par les mains, mais je ne sais comment faire pour vous les envoyer. Et vous, madame, comment feriez-vous pour vous les faire lire ? Ces petits ouvrages sont pour la plupart d’une philosophie extrêmement insolente, qui ferait trembler votre lecteur. On ne peut guère confier des rogatons à la poste . Si vous aimiez l’histoire, vous auriez un amusement sûr pour le reste de votre vie ; mais j’ai peur que l’histoire ne vous ennuie. J’essaierai de vous faire parvenir un petit morceau 3 dans ce genre qui vous mettra au fait de bien des choses : cela est court, et n’est point du tout pédant . Le grand malheur de notre âge, madame, c’est qu’on se dégoûte de tout. Un Pompignan 4 amuse un quart-d’heure, mais on retombe ensuite dans la langueur ; on vit tristement au jour la journée ; on attend que quelqu’un vienne chez nous par oisiveté, et qu’il nous dise quelque nouvelle à laquelle nous ne nous intéresserons point du tout. On n’a plus ni passion ni illusion ; on a le malheur d’être détrompé , le cœur se glace, et l’imagination ne sert qu’à nous tourmenter .

Voilà à peu près notre état ; et quand, avec cela, on a perdu les deux yeux, il faut avouer qu’on a besoin de courage. Vous en avez beaucoup, madame, et il est soutenu par la société de vos amis.

Je vous prie de dire à M. le président Hénault que je lui serai bien sincèrement attaché pour tout le reste de ma vie . Je l’estime infiniment à tous égards. Ma grande querelle avec lui sur François II 5 ne roule point du tout sur le fond de l’ouvrage, qui me plaît beaucoup, mais sur quelques embellissements que je lui demandais, en cas qu’il fît réimprimer l’ouvrage.

On m’a parlé d’une tragédie de Saül et David 6 qui est dans ce goût ; elle est traduite, dit-on, de l’anglais  Cette pièce est fort rare. Si vous pouvez vous la procurer, elle vous amusera un quart d’heure, surtout si vous vous souvenez de l’histoire hébraïque qu’on appelle la Sainte-Ecriture. Les hommes sont bien bêtes et bien fous . Adieu, madame ; prenez-les pour ce qu’ils sont, et vivez aussi heureuse que vous le pourrez, en les méprisant et en les tolérant. »

1 V* répond à une courte lettre du 30 septembre 1763 : « L'aveugle Du Deffand, au soi-disant aveugle, mais très clairvoyant Voltaire . Je ne vous dirai point pourquoi j'ai tant tardé à vous répondre ; si vous avez appris la mort de Mme de Luynes [tante de Mme du Deffand, morte le 11 septembre 1763] , vous avez dû deviner quelles étaient mes raisons ; […] on a volé ma Pucelle, cette perte est-elle irréparable ? Laissons François second tel qu'il est ; c'est un genre qu'il est difficile de perfectionner […] . Je suis indignée de l'éloquence régnante, j'aime mieux le style des balles […] . Adieu monsieur, ne m'oubliez pas et envoyez moi quelque chose qui m'amuse , j'en ai besoin, je péris de langueur et d'ennui . »

2 Et non pas la duchesse de Luxembourg comme il est écrit dans certaines éditions , double erreur de l'éditeur car c'est le duc de Luxembourg qui venait de mourir .

3 Remarques pour servir de supplément à l’Essai sur l’Histoire générale. (Georges Avenel)

4 Une édition fautive écrit Pucelle au lieu de Pompignan .

6 Walpole a noté ici sur une copie du manuscrit par Wyan : « C'était de Voltaire lui-même », ce qui est bien entendu exact .

03/10/2018

J’embrasse tendrement mon cher frère, je m’intéresse à tous ses plaisirs ; mais le plus grand de tous, et en même temps le plus grand service, est d’éclairer les hommes

...

 

« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence

11è octobre 1763

Le second livre des Macchabées, livre écrit très tard 1, et que saint Jérôme ne regarde point comme canonique, n’a rien de commun avec la loi des Juifs. Cette loi consiste dans le Décalogue, dans le Lévitique, dans le Deutéronome, et elle passe, chez les Juifs, pour avoir été écrite quinze cents ans avant le livre des Macchabées.

Vouloir conclure qu’une opinion qui se trouve dans les Macchabées était l’opinion des Juifs du temps de Moïse serait une chose aussi absurde que de conclure qu’un usage de notre temps était établi du temps de Clovis.

Il est indubitable que la loi attribuée à Moïse ne parle en aucun endroit de l’immortalité de l’âme, ni des peines et des récompenses après la mort. La secte des pharisiens n’embrassa cette doctrine que quelques années avant Jésus-Christ ; elle ne fut connue des Juifs que longtemps après Alexandre, lorsqu’ils apprirent quelque chose de la philosophie des Grecs dans Alexandrie.

Au reste, il est clair que les livres des Macchabées ne sont que des romans . L’histoire y est falsifiée à chaque page . On y rapporte un traité prétendu fait entre les Romains et les Juifs, et voici comme on fait parler le sénat de Rome dans ce traité :

Bénis soient les Romains et la nation juive sur terre et sur mer, à jamais ! et que le glaive et l’ennemi s’écartent loin d’eux ! 2

C’est le comble de la grossièreté et de la sottise de l’écrivain d’attribuer ainsi au sénat romain le style de la nation juive.

Il y a quelque chose de plus ridicule encore, c’est de prétendre que les Lacédémoniens et les Juifs venaient de la même origine 3.

Les livres des Macchabées sont remplis de ces inepties. On y reconnaît à chaque page la main d’un misérable Juif d’Alexandrie qui veut quelquefois imiter le style grec, et qui cherche toujours à faire valoir sa petite nation.

Il est vrai que, dans la relation du prétendu martyre des Macchabées, on représente la mère comme pénétrée de l’espérance d’une vie à venir 4. C’était la créance de tous les païens, excepté des épicuriens.

C’est insulter à la raison, de se servir de ce passage pour faire accroire aux esprits faibles et ignorants que l’immortalité de l’âme était énoncée dans les lois judaïques. M. Warburton, évêque de Worcester 5, a démontré, dans un très savant livre 6, que les récompenses et les peines après la vie furent un dogme inconnu aux Juifs pendant plusieurs siècles. De là on conclut évidemment que si Moïse fut instruit de cette opinion si utile à la canaille, il fut bien malavisé de n’en pas faire la base de ses lois ; et s’il n’en fut pas instruit, c’était un ignorant indigne d’être législateur.

Pour peu qu’un homme ait de sens, il doit  se rendre à la force de cet argument.

S’il veut d’ailleurs lire avec attention l’histoire des Juifs, il verra sans peine que c’est, de tous les peuples, le plus grossier le plus féroce, le plus fanatique, le plus absurde.

Il y a plus d’absurdité encore à imaginer qu’une secte née dans le sein de ce fanatisme juif est la loi de Dieu et la vérité mêmes . C’est outrager Dieu, si les hommes peuvent l’outrager.

J’espère que mon cher frère fera entendre raison à la personne que l’on a pervertie.

J’oubliais l’article de la pythonisse 7 . Cette histoire n’a rien de commun avec la créance des peines et des récompenses après la mort . Elle est d’ailleurs postérieure à Moïse de plus de six cents ans. Elle est empruntée des peuples voisins des Juifs, qui croyaient à la magie, et qui se vantaient de faire paraître des ombres, sans attacher à ce mot d’ombre une idée précise . On regardait les mânes comme des figures légères ressemblantes aux corps .

Enfin la pythonisse était une étrangère, une misérable devineresse . Mais, si elle croyait à l’immortalité de l’âme, elle en savait plus que tous les Juifs de ce temps-là, etc.

Je me flatte que mon cher frère saura bien faire valoir toutes ces raisons. Je l’exhorte à détruire, autant qu’il pourra, la superstition la plus infâme qui ait jamais abruti les hommes et désolé la terre.

J’embrasse tendrement mon cher frère, je m’intéresse à tous ses plaisirs ; mais le plus grand de tous, et en même temps le plus grand service, est d’éclairer les hommes ; mon cher frère en est plus capable que personne . Je lui serai bien tendrement attaché toute ma vie 8.

V. »

1 Macchabées I fut écrit en hébreu au premier siècle avant Jésus-Christ, Macchabées II en grec un peu plus tard . Les deux livres sont considérés comme apocryphes par les protestants .

2 Maccabées I, VIII, 23 .

3 Macchabées I, XII, 21 .

4 Macchabées II, VII, 23 .

5 Ou plutôt de Gloucester .

6 The Divine legation of Moses demonstrated, or the Principles of a religion deist.

7La sorcière d'Endor . Le passage, comme toute la lettre annonce encore Le Taureau blanc . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sorci%C3%A8re_d%27Endor

et : https://ebooks-bnr.com/ebooks/pdf4/voltaire_le_taureau_blanc.pdf

8 Selon Georges Avenel, c'est ici qu'il faut placer le lettre de Noverre imprimée mal à propos à la date du 1er octobre 1760, alors qu'elle est du 11 octobre 1763 .

02/10/2018

J’aime tendrement mon frère, parce qu’il n’est point tiède, et qu’il est sage

... et intelligent, vraiment . Frère Charles Aznavour, nous nous reverrons un jour ...

https://www.youtube.com/watch?v=GxuxzGPfIwI

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« A Etienne-Noël Damilaville

9è octobre 1763

J’aime tendrement mon frère, parce qu’il n’est point tiède, et qu’il est sage. Voici des brochures qu’on lui adresse de Hollande, pour l’abbé de Larive1 : il y a aussi un exemplaire pour moi, mais je ne l’ai pas encore lu ; je ne sais ce que c’est , la poste part. »

On lui a fait souvent des libéralités qui passent de beaucoup ce qu'il peut exiger

...A combien de patrons est-on en droit de dire celà ?

- Moult, et au delà ! hélas .

A combien de nos élus , parlementaires et sénateurs, peut-on faire le même reproche ?

- Tous , ce me semble ! encore hélas .

 

 

« A Joseph-Marie Balleidier

Procureur

à Gex 1

Si monsieur Balleidier m'avait instruit plus tôt des démarches qui sont nécessaires pour faire écouler les eaux du marais, j'aurais déjà mis tout en règle .

Quant au petit voyage qu'on a fait à Ferney au sujet des bouverons 2 d'Ornex : il faut m'envoyer la taxe et je paierai ce que de raison . Il est ordonné que la justice des seigneurs se transporte sur les lieux une fois par semaine .

Le sieur Besson aurait tort de se plaindre de n'avoir pas été payé . On lui a fait souvent des libéralités qui passent de beaucoup ce qu'il peut exiger . Il était assez inutile d'amener tant de monde .

Voltaire.

4 octobre [1763]

Les gardes ont fait un rapport, on attend sentence. »

1 L'édition Vézinet est limitée au 3è paragraphe . Sur le manuscrit olographe, Balleidier a noté : « De M. de Voltaire / du 8è octobre 1763 . /R[eçu] et r[épondu] le 10è dud[it]. / Concernant la procédure du pâtre et le rapport fait le 8è dud[it] contre trois femmes de Sacconnex . »

01/10/2018

Je vous ai promis quelque chose pour le mois d’avril ; eh bien ! attendez donc le mois d’avril

...  Patiemment, attendons le lundi 1er avril 2019, par exemple en compagnie de l'AELF : Association Episcopale Liturgique pour les pays Francophones qui semble bien être capable de vous donner un emploi du temps gravé dans le marbre , grâce auquel on peut apprendre à la lecture du rituel de purification que ce jour là la mode -pour les hommes seulement- est au lin, caleçon y compris, et que les végans ne sont pas les bienvenus, ça va saigner !

Voir sur ce site découvert au hasard du furetage, les lectures qu'a faites Voltaire et qui l'ont amusé ou irrité, elles sont à votre disposition : https://www.aelf.org/2019-04-01/france/lectures#office_le...   

 https://cdn.shopify.com/s/files/1/2373/9595/products/BoxerShorts15colours_1500x.jpg?v=1509722705

Pour ne pas faire d'impair et déplaire au seigneur Dieu et ses représentants terrestres, je vous conseille le blanc , sinon ...

 

 

« A Bernard-Louis Chauvelin

6è octobre 1763 à Ferney

Me voilà, monsieur, redevenu taupe. Votre Excellence saura que, dès qu’il neige sur nos belles montagnes, mes yeux deviennent d’un rouge charmant, et que j’aurais très bon air aux Quinze-Vingts. Cela me donne quelquefois de petits remords d’avoir bâti et planté entre le mont Jura et les Alpes ; mais enfin l’affaire est faite, et il faut faire contre neige bon cœur, aussi bien que contre fortune.

Il n’y a pas moyen de disputer contre Votre Excellence. Je vous ai promis quelque chose 1 pour le mois d’avril ; eh bien ! attendez donc le mois d’avril . Vous m’avouerez que cet argument est assez bon, si vous avez commandé votre souper pour dix heures, devez-vous gronder votre cuisinier de ce qu’il ne vous fait pas souper à huit ? Cependant je ne désespère pas d’avoir l’honneur de vous donner de petites étrennes 2. Vous autres ministres vous êtes discrets, et il y a plaisir de se confier à vous . Il y en aurait bien davantage à vous faire sa cour.

Il est à croire qu’un ambassadeur à Turin a lu le Vicaire savoyard de Jean-Jacques ; et Votre Excellence est trop bien instruite des grands événements de ce monde, pour ignorer que la moitié de la ville de Genève a pris le parti de Jean-Jacques contre le conseil de cette auguste république. On a parlé pendant quelques moments d’avoir recours à la médiation de la France 3. J’aurais fait alors une belle brigue pour tâcher d’obtenir que vous eussiez daigné venir mettre la paix dans mon voisinage. J’aurais voulu aussi que madame l’ambassadrice partageât ce ministère ; les Genevois, en la voyant, auraient oublié toutes leurs querelles.

Je prie Vos Excellences de me conserver toujours leurs bontés, et d’agréer le profond respect

du quinze-vingts

V. »

2 Le Corneille commenté .

3 On y eut recours plus tard. (Georges Avenel .)

30/09/2018

Les ouvrages métaphysiques sont lus de peu de personnes, et trouvent toujours des contradicteurs . Les faits évidents, les choses simples et claires sont à la portée de tout le monde, et font un effet immanquable

...

 

« A A Etienne-Noël Damilaville

4è octobre 1763

Mon cher frère, voici d’abord un paquet qu’on m’a envoyé de Hollande pour vous.

A l’égard de mademoiselle Clairon, il importe peu qu’elle mérite ou non l’attention qu’on a de lui envoyer ce que vous savez 1 : elle est intéressée à décrier ce qui condamne son état ; et, quoi que puissent penser ses amis sur les gens de lettres, ils pensent uniformément sur l’objet dont nous nous occupons ; ils sont très capables de répandre, sans se compromettre, ce qui doit percer peu à peu dans l’esprit des honnêtes gens. Je vous avoue, mon cher frère, que je sacrifie tout petit ressentiment, tout intérêt particulier, à ce grand intérêt de la vérité. Il faut assommer une hydre qui a lancé son venin sur tant d’hommes respectables par leurs mœurs et par leur science. Vos amis, et surtout votre principal ami 2, doivent regarder cette entreprise comme leur premier devoir, non pas pour se venger des morsures passées, mais pour se garantir des morsures à venir, pour mettre tous les honnêtes gens à l’abri, en un mot, pour rendre service au genre humain. Il est clair qu’il faut nettoyer la place avant de bâtir et qu’on doit commencer par démolir l’ancien édifice élevé dans des temps barbares . Les petits ouvrages que vous connaissez peuvent servir à cette vue . Je pense que c’est sur ces principes qu’il faut travailler. Les ouvrages métaphysiques sont lus de peu de personnes, et trouvent toujours des contradicteurs . Les faits évidents, les choses simples et claires sont à la portée de tout le monde, et font un effet immanquable.

Je voudrais que votre ami eût assez de temps pour travailler à rendre ce service ; mais il a un ami 3 qui est actuellement à sa terre, et qui a tout ce qu’il faut pour venger la vertu et la probité si longtemps outragées. Il a du loisir, de la science, et des richesses : qu’il écrive quelque chose de net, de convaincant, qu’il le fasse imprimer à ses dépens, on le distribuera sans le compromettre . Je m’en chargerai, il n’aura qu’à m’envoyer le manuscrit , cet ouvrage sera débité comme les précédents que vous connaissez, sans éclat et sans danger. Voilà ce que votre ami devrait lui représenter.

Parlez-lui, engagez-le à obtenir une chose si aisée et si nécessaire. On se donne quelquefois bien des mouvements dans le monde pour des choses qui ne valent pas celle que je vous propose. Employez, votre ami et vous, toute la chaleur de vos belles âmes, dans une chose si juste.

Je demande pardon à frère Thieriot, c’est-à-dire, à frère indolent, d’être aussi indolent que lui, et de ne lui point écrire ; mais je compte que ma lettre est pour vous et pour lui.

J’aime mieux, pour une inscription, deux vers que quatre . Ce distique

Il chérit ses sujets comme il est aimé d’eux ;

Heureux père entouré de ses enfants heureux,

n’est peut-être pas vrai aujourd’hui ; mais il peut l’être avant que la statue soit érigée, quand toutes les remontrances du parlement seront oubliées.

A-t-on imprimé le plaidoyer contre les Bernardins ? Si vous l’avez, mon cher frère, je vous supplie de me l’envoyer. Plût à Dieu que vous pussiez m’envoyer aussi quelque édit qui abolît les Bernardins !

Je ne peux trop vous remercier de la bonté que vous avez eue de faire parvenir mes mémoires et mes lettres à l’avocat au conseil. Je vous supplie de lui faire tenir encore cette lettre.

Je ne sais si j’aurai jamais la consolation de vous voir, et si je vous aimerai plus que je ne vous aime.

Voici encore un petit mot pour M. Helvétius ; je ne sais où il est ; je vous recommande ce petit mot. »

1 Un Catéchisme de l'honnête homme .

2 Diderot .

3 Helvétius , qui ne se laissera pas enrôler pour la bataille .