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10/10/2017

Les hommes s'attachent plus aux vérités qu'ils croient avoir découvertes qu'à celles qu'on leur a enseignées

... Il serait bon que ceci inspire la pédagogie au sein de nos écoles, pour autant que les vérités soient objectives et fiables . Il serait bon également qu'on sache inciter à travailler autrement qu'en faisant des grèves à répétition, qui sont une autre forme de bourrage de crânes stérile !

 

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http://www.educ-revues.fr/ARGOS/AffichageDocument.aspx?id...

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville 30 novembre 1762

Mon frère, j'ai aussi prouvé par les faits 1, et espère que ces faits rapportés avec fidélité dans l'Essai sur l'histoire générale, feront plus d'impression sur les esprits que les détestables sophismes du maquereau d'Houtteville de l'Académie française . Ces faits font deviner au lecteur bien des vérités qu'on n'oserait lui dire . Les hommes s'attachent plus aux vérités qu'ils croient avoir découvertes qu'à celles qu'on leur a enseignées . Cette seconde édition pourra faire du bien ; elle est augmentée de plus d'un tiers, et elle est des deux tiers plus hardie . Je vous l'enverrai dès qu'elle sera finie .

Voici en attendant un petit article de la lettre M 2 d'un dictionnaire que j'avais fait pour mon usage . Je le soumets au grand frère Diderot . Ne pourrai-je point avoir quelque article manuscrit du Dictionnaire encyclopédique ? Nardi parvus onyx eliciat cadum 3.

Je fus bien indigné des articles Âme 4, et Enfer 5 du premier volume ; et c'est cet article Âme, cet article sottement théologique qu'un Omer accuse de matérialisme . Que ces absurdités me mettent en colère ! Mais , patience ; il faut que la raison soit paisible .

Frère Thieriot m'avait promis de me faire avoir les dialogues de cet imbécile saint Grégoire le Grand 6; c'est un monument de bêtise que je veux avoir dans ma bibliothèque . Thieriot m'abandonne .

J'embrasse mes frères . Renvoyez-moi M quand les frères l'auront lu . »

1 Allusion au titre de l'ouvrage de l'abbé d'Houtteville ; voir lettre du 28 novembre 1762 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/10/07/il-est-difficile-de-guerir-de-loin-quand-on-estropie-de-pres-5987116.html

2 Il s'agit de ce qui va devenir la seconde partie de l'article « Moïse » du Dictionnaire philosophique . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Mo%C3%AFse#cite_ref-1

3 Que d'un petit onyx plein de nard il fasse sortir une jarre ; d'après Horace, Odes , IV, xii, 17, dont le texte porte eliciet .

6 A cette date, le seul texte récent de cet ouvrage est la traduction française anonyme [de Louis Bulteau] parue sous le titre Dialogues de Saint Grégoire le Grand, 1689 ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Bulteau

et : http://remacle.org/bloodwolf/eglise/gregoiregrand/dialogues1.htm

 

L’infâme superstition, Qu’un vulgaire hébété contemple, Monte toujours sur ses tréteaux. Elle nous vend son mithridate, ... Et des fripons et des cagots En violet, en écarlate, Sont ses gilles et ses bedeaux.

... Et pan ! sur le bec comme dit le Canard ! Religieux de tous ordres et toutes confessions, mîtrés, calottés, rasés ou hirsutes, et fidèles décervelés, reprenez contact avec la réalité, que diable !*

* Locution proverbiale invoquant une entité créée pour mettre le trouillomètre à zéro  au vulgum pecus en quête d'immortalité et de paradis .

 

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 Infâme, ça pour sûr ! Alien ne date pas d'aujourd'hui !

 

 

« A Bernard-Joseph Saurin

Au château de Ferney par Genève 28è novembre 1762

Je vous sais très bon gré, mon cher confrère, d’avoir fait un Saurin, et je vous remercie tendrement de me l’avoir appris dans une si jolie lettre 1. Je suis de votre avis ; c’était un garçon qu’il vous fallait.

J’aime le sexe assurément,

Je l’estime, je sais qu’il brille

Par les grâces, par l’enjouement,

Que souvent d’esprit il pétille,

Qu’en ses défauts il est charmant :

Mais j’aime mieux garçon que fille.

Cela ne veut pas dire que je sois du goût de Socrate ou des jésuites ; j’entends seulement que je vous souhaitais un garçon.

Nous avons besoin de Saurins

Qui vengent la philosophie

De ces fanatiques gredins

Ergotant en théologie.

En vain depuis peu la raison

Vient d’ouvrir en secret son temple ;

L’infâme superstition,

Qu’un vulgaire hébété contemple,

Monte toujours sur ses tréteaux.

Elle nous vend son mithridate :

Chaumeix la suit, Omer la flatte,

Et des fripons et des cagots

En violet, en écarlate,

Sont ses gilles et ses bedeaux.

Votre enfant, mon cher confrère, apprendra de vous à penser. Je fais mes compliments à la mère de donner à son fils ses beaux tétons : c’est encore là une sorte de philosophie qui n’est pas à la mode 2. Vous devriez bien, avant que je meure, passer quelque temps à Ferney avec la mère et le fils. Les philosophes sont trop dispersés, et les ennemis de la raison trop réunis.

C’est une bonne acquisition que celle de l’abbé de Voisenon 3, tant qu’il se portera bien ; mais c’est un saint dès qu’il est malade.

J’ai ouï dire en effet beaucoup de bien d’une tragédie d’Éponine 4. Il faut au moins que la France brille par le théâtre ; c’est toute la supériorité qui lui reste.

Je crois que vous avez assisté aux assemblées 5 où l’on a lu le Jules César de Gille-Shakespear. J’enverrai incessamment l’Héraclius de Scaramouche-Calderon . Cela vous amusera.

Je vous embrasse mon cher confrère de tout mon cœur.

V. »



1Lettre de Saurin du 11 novembre 1762 commençant par des vers :  « Je vous apprends, mon cher confrère,

Qu'aujourd'hui le ciel m'a fait père

D'un joli petit enfançon,

Qui, contre l'usage ordinaire,

D'une nourrice mercenaire

Ne pressera point le téton,

Mais du lait de sa propre mère

Nourri sur son tendre giron

Humera ce franc caractère,

Cet enjouement, cette raison

Qui rendant ma chaine légère

Me font trouver dans ma maison

Un bonheur qu'on ne trouve guère . »

Plus loin il écrit : « La raison nous fait préférer un garçon à une fille, c'est que nous croyons que la condition du premier est la meilleure, nous pensons que la vie lui a été vendue moins cher, qu'au physique et au moral il est moins dépendant, que pour peu qu'il vaille il se tire d'affaire, et qu'avec une fortune aussi médiocre que la nôtre il n’est pas aisé de pourvoir une fille . »

2 Cette « mode » le deviendra sous l'influence de J.-J. Rousseau .

3 Voisenon est à l'Académie française le 4 décembre 1762 pour remplacer Crébillon . Voir : http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/claude-henri-de-fusee-de-voisenon

4 Jouée le 6 décembre 1762 . Sur Éponine ou plutôt Éponime, voir lettre du 6 septembre 1762 aux d'ArgentaI : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/08/03/malheur-aux-compliments-quand-ils-sont-longs-5968453.html

5 Séances de l'Académie française .

09/10/2017

Ce que vous m’apprenez, monsieur, me surprend beaucoup, si pourtant quelque chose dans ce monde doit nous surprendre

... Il est vrai que la réalité dépasse la fiction , tout comme la télé-réalité dépasse l'affliction.

 

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De preux chevaliers tuent des dragons pour sauver/sauter de gentes dames tous les jours 

[NDLR : Avec nos excuses, dames et damoiselles ; James a fumé l'herbe de la pelouse de Sofia]

 

 

« A Pierre Rousseau

à Francfort

Au château de Ferney en Bourgogne,

par Genève, 28è novembre 1762

Ce que vous m’apprenez, monsieur, me surprend beaucoup, si pourtant quelque chose dans ce monde doit nous surprendre. Je vous croyais à l’abri de tout dans le pays des Ardennes, et au milieu des rochers; je m’imaginais que M. le duc de Bouillon y était absolument le maître , et en état de vous favoriser ; vous me paraissiez avoir sa protection , je ne vois pas ce qui a pu vous l’ôter. Si vous m’aviez averti plus tôt, j’aurais tâché de vous être utile , il aurait été peut-être plus convenable à vos intérêts que vous eussiez accepté le château que je vous offrais dans le voisinage de Genève, vous y auriez joui de la plus grande indépendance, et vous auriez eu les débouchés les plus sûrs pour le débit de votre journal 1 ; mais votre dernier naufrage vous a conduit dans un port qui est bien au-dessus de tout ce que je pouvais vous offrir ; vous n’auriez eu chez moi que de la liberté, et vous avez à Manheim la protection d’un prince aussi éclairé que bienfaisant. Heureusement pour vous il n’y a dans le Palatinat que des jésuites allemands qui n’entendent pas le français, et qui ne savent que boire.

Ne doutez pas que je n’aie l’honneur d’écrire à Son Altesse Électorale tout ce que je pense de vous et de votre journal. Je n’ai point ici la tragédie d’Olympie ; je l’ai envoyée à un de mes amis, dans le dessein de la corriger encore. Elle a servi aux amusements de Mgr l’Électeur palatin ; elle a même servi aux miens, je l’ai fait jouer sur mon petit théâtre de Ferney ; mais ce n’est pas assez de s’amuser, il faut tâcher de bien faire, et cela est prodigieusement difficile. Je suis fâché qu’un autre prince 2 dont vous parlez vous ait pris pour un Wigh, et qu’il ait cassé vos vitres ; on s’attendait autrefois qu’il casserait celles de Londres, il paraît que les temps sont bien changés, et qu’il l’est encore davantage. Les horribles malheurs qu’il a essuyés doivent, ce me semble, consoler les particuliers qui ont à se plaindre de la fortune. Je m’intéresse extrêmement, monsieur, à tous les chagrins que vous avez essuyés ; et si mon faible suffrage peut contribuer à votre félicité à la cour de Manheim, vous pouvez y compter, comme sur mon estime et mon attachement.

Vous me ferez plaisir, monsieur, de me dire quel est l'honnête homme qui aime tant la messe, et si peu la vertu . Il est bon de connaître son monde . Je m'intéresse assez à vous pour souhaiter des détails de toutes les injustices que vous avez essuyées . 3»

1 En fait le Journal encyclopédique continua à être publié à Bouillon .Voir : http://dictionnaire-journaux.gazettes18e.fr/journal/0730-le-journal-encyclopedique

et : http://data.bnf.fr/32801259/journal_encyclopedique/

2 Frédéric II .

3 L'édition Lettres inédites supprime ce dernier paragraphe, qui sera restitué seulement par Moland .Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/05/correspondance-annee-1762-partie-31.html

08/10/2017

Il est difficile de guérir de loin, quand on estropie de près

... C'est pourtant ce qu'on fait chaque fois qu'on tente de résoudre des conflits diplomatiquement et qu'on envoie dans le même temps les Casques bleus .

 

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On n'est pas loin de la réalité .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

28 novembre [1762]1

Je vous remercie, mon cher frère, de l’ouvrage odieux que je vous avais demandé 2, et dont j’ai reçu le premier volume. Je ne l’avais parcouru autrefois qu’avec mépris, je ne le lis aujourd’hui qu’avec horreur. Ce scélérat hypocrite 3 appelle, dans sa préface, la tolérance système monstrueux. Je ne connais de monstrueux que le livre de ce misérable, et sa conduite digne de son livre. Notre frère Thieriot l’a vu autrefois maquereau chez Laugeois ; je l’ai vu depuis secrétaire d’un athée, et il a fini par être l’avocat bavard de la superstition. On m’a dit que son détestable livre avait du crédit en Sorbonne ; c’est de quoi je ne suis pas surpris. Je me flatte au moins que ceux de mes frères qui travaillent à éclairer le genre humain, dans l’Encyclopédie, nous donneront des antidotes contre tous les poisons assoupissants que tant de charlatans ne cessent de nous présenter. J’achèverai ma vie dans la douce espérance qu’un jour un de nos dignes frères écrasera l’hydre : c’est le plus grand service qu’il puisse rendre au genre humain ; tous les êtres pensants le béniront.

Continuez, mon cher frère, à égayer la tristesse de votre emploi, et à vous soutenir par la solidité de la philosophie.

Felix qui potuit rerum cognoscere causas !4

Quoique je ne m’intéresse guère aux choses de ce monde, je serais pourtant curieux de savoir ce qu’est devenu le procès criminel du sieur Bigot 5. On disait que le peuple aurait la consolation de voir pendre un intendant ; mais je n’en crois rien. Je demande aussi des nouvelles de l'Irlandais Lalli 6 qui s'avisa, il y a environ dix-huit mois, de faire pendre le fils du premier conseiller de Pondicheri, mon ancien camarade de collège, parce que ce jeune homme ne s’était pas rangé assez tôt devant son éléphant, ou devant son palanquin .

Il me paraît que frère Thieriot a renoncé à la philosophie active. Il a raison de faire grand cas du dîner et du dormir : ce sont deux fort bonnes choses ; mais il faut trouver à son réveil quelques quarts-d’heure pour ses amis.

J’envoie à Esculape-Tronchin le mémoire à consulter ; mais songez que j’ai chez moi un parent de vingt et un ans 7 auquel Esculape fit ouvrir la cuisse il y a deux ans, et qui suppure depuis ce temps-là sans pouvoir se remuer. Il est difficile de guérir de loin, quand on estropie de près. Tronchin est assurément un grand médecin, mais la médecine est souvent bien dangereuse.

Voulez-vous bien faire parvenir ces deux saintes épîtres 8 à nos frères d’Alembert et Saurin ? J’embrasse en Platon, en Diagoras, notre grand frère Diderot. »



1 La copie Beaumarchais-Kehl , suivie des autres éditions, joint au début de cette lettre celle du 10 décembre 1762 : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/05/correspondance-annee-1762-partie-31.html

2 La Vérité de la religion chrétienne prouvée par les faits, de l'abbé d'Houtteville ; voir lettre du 25 octobre 1762 à Damilaville ; http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/09/21/mais-enfin-la-grace-tire-parti-de-tout-5981785.html

4 Heureux qui a pu pénétrer les causes des choses ; Virgile, Georgiques, II, 490 .

5 François Bigot, intendant délégué du Canada, fut, quoique soupçonné de prévarication, nommé intendant en 1748 . En 1760 il fut rappelé , emprisonné en 1761, et condamné à mort en 1763 . sa peine fut commuée en bannissement . Voir Guy Frégault, François Bigot, 1948 .Et voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Bigot

et : http://www.biographi.ca/fr/bio/bigot_francois_1778_4F.html

6 Lally s'était constitué prisonnier le 5 novembre 1761 et commençait à ressentir l'animosité de Choiseul . Il finira décapité, et V* entreprendra sa réhabilitation . Il est curieux de voir que V* se fait ici son accusateur ; on comprend pourquoi l'édition de Kehl a jugé prudent de supprimer toute cette phrase qui manque aussi dans toutes les éditions . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Arthur_de_Lally-Tollendal

et : http://www.romans-patrimoine.com/Pages/Actualites/bibliotheque/lally_tollendal.htm

7 Voir lettre du 7 septembre 1760 à T. Tronchin :

07/10/2017

ce sera le solde de son compte

... Peut-être .

Dès qu'il aura comparu devant le tribunal correctionnel, Nicolas Sarkozy saura qu'on ne triche pas impunément : « corruption », « trafic d’influence » et « recel de violation du secret professionnel », excusez du peu , pour cet habitué du flirt avec l'illégalité .

 http://www.20minutes.fr/politique/2146547-20171006-affair...

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« A Henri Cathala

à Genève

Voulez-vous bien, monsieur, joindre à toutes vos bontés celle de me faire le plaisir d'envoyer à M. Daniel Malvesin, marchand-droguiste, que vous connaissez sans doute, la somme de quatre cent quarante livres ; ce sera le solde de son compte ; je vous serai très obligé de cette grâce .

Mes compliments, je vous en supplie, à M. Debrus ; pardonnez-moi les petites libertés que je prends avec vous, et me croyez un de vos plus fidèles serviteurs .

Voltaire.

A Ferney 28è novembre 1762 »

il a assez gagné avec moi pour faire ce que j'exige de lui

... C'est ce que j'aimerais bien entendre de la bouche de Xi Jinping à propos de Kim Jung-Un , ou est-ce trop demander ?

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http://freedom.fr/les-relations-entre-la-chine-et-la-core...

 

 

« A Joseph- Marie Balleidier, Procureur

d'office de Ferney-Voltaire

à Gex

Je souhaite passionnément, monsieur, réussir pour vous dans votre affaire que j'ai recommandée à Mme la duchesse d'Anville auprès de M. le comte de Saint-Florentin . Je vous suis très obligé de ce que vous faites pour Mme Burdet ; je vous prie d'accélérer la fin de ses affaires dont dépend sa fortune .

Je vous prie aussi de me faire avoir du sieur Vuaillet, la signification qu'il a dû faire pour moi à M. De Brosses . Voici une lettre du sieur Vuaillet à la dame Burdet, il n'est pas juste qu'il vexe cette veuve ; il a assez gagné avec moi pour faire ce que j'exige de lui . Mme Burdet lui a d'ailleurs donné douze livres, c'est bien assez , il ne doit pas retenir les papiers en recevant de l'argent .

Comptez, monsieur, sur mon estime, et sur mon amitié .

Voltaire.

28 novembre [1762]1

Ayez je vous prie, la bonté d'ajuster au plus bas prix ce que Mme Burdet peut devoir au sieur Vuaillet, et de m’en rendre compte . »

1 Le manuscrit original est signé, date autographe, mentionnée au complet par Balleidier . Quelques mots isolés de cette lettre ont été imprimés par Vézinet .

vous ne me paraissez pas trop compter sur l'amitié des grands . N'avez-vous jamais éprouvé que les petits n'aiment guère mieux ?

... Je vous mets en garde, M. Macron, bien qu'il me semble que vous soyez déjà au fait .

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

28 novembre [1762]1

Mon cher confrère, mon grand philosophe, vous ne me paraissez pas trop compter sur l'amitié des grands i. N'avez-vous jamais éprouvé que les petits n'aiment guère mieux ? Pour moi qui ai le bonheur d'être petit, je vous avertis que je vous aime de tout mon cœur.

A l'égard du duc de Choiseul, convenez que je lui ai une très grande obligation puisque je lui dois d'être libre chez moi ii, et de ne pas dépendre d'un intendant. Vous en savez pas ce que c'est qu'un intendant de province. Le frère d'Omer iii me manda un jour qu'il n'était en place que pour faire du mal. Aussi voulut-il m'en faire ; et j'eus les franchises de ma terre malgré lui. Vous voyez que je me suis toujours moqué de la famille d'Omer. C'est à M. le duc de Choiseul que je dois tout cela. S'il a eu le malheur de croire sur une écriture rapide que j'avais écrit une sotte lettre iv, il a bien réparé son erreur. Il a noblement avoué son tort. Autrefois les ministres ne faisaient jamais de tels aveux.

Pour Luc, quoique je doive être très fâché contre lui, je vous avoue qu'en qualité d'être pensant, et de Français je suis fort aise qu'une très dévote maison v n'ait pas englouti l'Allemagne et que les jésuites ne confessent pas à Berlin. L'Infâme est bien puissante vers le Danube. Vous me dites qu'elle perd de son crédit vers la Seine vi. Je le souhaite, mais songez qu'il y a trois cent mille hommes gagés vii pour soutenir ce colosse affreux, c'est à dire plus de combattants pour la superstition que la France n'a de soldats. Tout ce que peuvent faire les honnêtes gens, c'est de gémir entre eux quand cette superstition est persécutante, et de rire quand elle n'est qu'absurde, d'éclairer le plus d'esprits bien nés que l'on peut et de former insensiblement dans l'esprit [des hommes]viii destinés aux places une barrière contre ce fléau abominable. Ils doivent savoir que sans les disputes sur la transsubstantiation et sur la bulle, Henri III, Henri IV et Louis XV n'auraient pas été assassinés . C'est un bon arbre, disent les scélérats dévots, qui a produit de mauvais fruits. Mais puisqu'il en a tant produit ne mérite-t-il pas qu'on le jette au feu ?ix Chauffez-vous en donc tant que vous pourrez, vous et vos amis.

Vous pensez bien que je ne parle que de la superstition car pour la religion chrétienne je la respecte et je l'aime comme vous .

Courage donc, mes frères, prêchez avec force et écrivez avec adresse. Dieu vous bénira.

Protégez, mon frère, tant que vous pourrez la veuve Calas . C'est une huguenote imbécile, mais son mari a été la victime des pénitents blancs. Il importe au genre humain que les fanatiques de Toulouse soient confondus. Un autre fanatique, Patouillet, aidé de Caveirac, a écrit deux volumes contre l'Histoire générale x. Tant mieux. Si on lit leur livre, cela fera naître des éclaircissements. J'avais levé un coin du voile dans la première édition, je le déchire un peu dans la seconde. Vous y trouverez de quoi vous édifier. En attendant j'enverrai à l'Académie l'Héraclius de Calderon : il fera connaitre le génie espagnol xi. En vérité ils sont dignes d'avoir chez eux l'Inquisition.

Que faites-vous à présent ? travaillez-vous en géométrie, en histoire, en littérature ? Quoi que vous fassiez, écrasez l'Infâme, et aimez qui vous aime. »

1 V* répond à la lettre du 17 novembre 1762 de d'Alembert : « Vous auriez un très grand tort, mon cher et illustre maître, de faire une satire contre un ministre à qui vous avez , dites-vous, de si grandes obligations ; vous auriez même eu tort de l'outrager, quand vous eussiez été intéressé dans la comédie des Philosophes dont il a procuré et favorisé la représentation […] J'aurais été très fâché que l'on m'eût soupçonné d'être le bureau d'adresse des satires qu'on s'avise de faire contre le gouvernement […] Pour la philosophie, je ne crois pas qu'Omer et Palissot lui fassent réparation sitôt ; mais en attendant, on fait justice de ses ennemis . Cependant il y a , dit-on, 24 jésuites retirés à Versailles […] Le parlement ne les y voit pas de bon œil […] Eh bien que dites-vous de la paix ? Et croyez-vous pour le coup que votre ancien disciple s'en tire ? Ce serait un grand malheur pour la philosophie que la maison d'Autriche, encore superstitieuse, fût la maîtresse de l'Allemagne […] On dit que pour dédommager la maison de Saxe, qui a bien l'air de payer les frais, on donnera un évêché en France ou en Allemagne au prince Clément ; ce sera une maison crossée et mitrée […] »

i D'Alembert moqueur a écrit : « ... à l'égard de ses bontés (de Choiseul) je vous en souhaite la continuation. » ; lettre du 17 novembre : http://books.google.fr/books?pg=PA592&lpg=PA592&i...

ii En mai 1759, Choiseul a fait obtenir à V* et Mme Denis le brevet de conservation des droits seigneuriaux de Ferney ; ces droits seront à nouveau contestés en mai 1763.

iii Le frère d'Omer Joly de Fleury était intendant de Bourgogne. V* l'avait reçu chez lui en octobre 1760, fort bien, avec le fils même d'Omer : http://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_Joly_de_Fleury

et cf. lettre du 16 octobre 1760 à Mlle Clairon : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/10/16/a...

 

iv « ... sotte lettre » : version très falsifiée et antigouvernementale publiée dans le St James's chronicle du 17 juillet 1762 de la lettre adressée à d'Alembert le 29 mars ; cf. lettre du 15 septembre à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/15/tachez-de-votre-cote-d-eclairer-la-jeunesse-autant-que-vous.html

et lettre 104 et suivantes,pages 587-... : http://books.google.fr/books?pg=PA592&lpg=PA592&i...

 

Cela faisait sa « vraie tribulation » que le duc de Choiseul le « crû l'auteur de cette belle rhapsodie anglaise » et «  qu'il le (lui)( eût) écrit avec bonté... » disait-il aux d'Argental le 25 octobre ; il ajoutait : « J'en ai été outré et je lui ai dit bien des injures qu'il mérite. » Pour détromper Choiseul

il lui envoyait la véritable lettre avec un billet de d'Alembert ; le 12 décembre, Choiseul le tranquillisait : « Vous avez raison, vous n'avez point écrit la lettre supposée ; personne n'en parle, ni ne songe actuellement à vous l'imputer ... ma chère marmotte, je vous aimerai toujours de tout mon cœur. »

v La maison d'Autriche. Luc = Frédéric II de Prusse. V* montre ici clairement qu'il fait passer sa passion antireligieuse avant la considération de l'intérêt français en Europe ; on ne le trouve pas plus clairvoyant à l'égard de la politique continentale qu'à propos de la politique maritime relative au Canada . Cela contraste avec ses jugements pertinents portés sur l'attitude des parlements .

vi Le 17 novembre d'Alembert lui a écrit : « il y a , dit-on, 24 jésuites retirés à Versailles ...Le parlement ne les y voit pas d'un bon œil et se propose d'enfumer le terrier ..., ils ne sont plus guère renards. » Sur les avatars des jésuites, cf. lettre du 19 mai 1762 . La dissolution de l'ordre a été prononcée le 6 août 1762 par le Parlement.

vii Prêtres et moines.

viii Mots omis par V*.On pense aussi à jeunes gens , qui sont une restitution fondée sur des déclarations analogues de V* . De toute façon, l'omission s'explique par un « saut du même au même » sur la syllabe des qui commence le mot destinés .

ix Tel qu'il est dit dans les évangiles.

x V* évoque les Erreurs de M. de Voltaire sur les faits historiques, dogmatiques..., 1762, ouvrage anonyme dont il a demandé le nom de l'auteur à Damilaville ; cf. lettre du 9 septembre 1762, et page 407 lettre CCLIX : http://books.google.be/books?id=9EUQAAAAYAAJ&pg=PA407...

. L'auteur est le jésuite Nonnotte (qui figure dans le tableau dit Le triomphe de Voltaire au château à Ferney-Voltaire, -en enfer bien entendu !-.)

Le père Patouillet avait publié entre autre l'Apologie de Cartouche, ou le scélérat sans reproche par la grâce du P. Quesnel, 1731,http://books.google.be/books?id=EewFAAAAQAAJ&pg=PA5&a...

et Novi de Caveirac, auteur de l'Apologie de Louis XIV et de son conseil, sur la révocation de l'Édit de Nantes ... avec une dissertation sur la journée de la Saint Barthélémy, 1758 : http://books.google.be/books?id=708A7rLJkwAC&printsec...

 

xi V* a joint à ses Commentaires sur Corneille une traduction de la pièce de Calderon qu'il juge très sévèrement ; cf. lettre du 4 juin à Capacelli et lettres du 17 juin et 15 septembre 1762 à d'Alembert.