20/09/2018
Est-il possible que tout l'esprit des Italiens, nos maîtres dans les arts, n'ait servi qu'à les mettre sous le joug dont la raison humaine s'indigne !...Quel gouvernement que celui qui veut crever les yeux à ceux qu'il gouverne !
... Mon cher Voltaire, ces propos sont d'une dangereuse actualité , et pas seulement en Italie . Le poison nationaliste et populiste est en vente libre , pire qu'Ebola .
« Au marquis Francesco Albergati Capacelli
Senatore di Bologna
à Bologna
A Ferney 27 septembre 1763 1
Vous êtes, monsieur, dans les plaisirs della villegiatura, et vous y joignez celui de prendre les eaux avec une très aimable dame. Ces eaux ne seront pas pour vous celles de la fontaine de l’enchanteur Merlin, qui rendaient le buveur amoureux et la buveuse indifférente, et elles seront de plus celles d’Hippocrène.
J’aurais bien voulu vous envoyer Olympie ; mais le paquet est trop gros pour la poste et trop petit pour la messagerie. J’espérais trouver quelque voyageur qui vous la rendrait en passant par Boulogne ; mais j’ai été trompé dans mes espérances. C’est une chose bien désagréable, dans votre belle Italie, que cette difficulté de faire entrer des livres. On prive chez vous l'âme de sa nourriture, autant qu'on le peut ; on craint que les hommes ne pensent . J'habite un petit pays bien inférieur au vôtre ; mais du moins, l'âme y est en pleine liberté . Les prêtres n'y peuvent empêcher les progrès rapides de la philosophie . Est-il possible que tout l'esprit des Italiens, nos maîtres dans les arts, n'ait servi qu'à les mettre sous le joug dont la raison humaine s'indigne ! Un homme qui écrirait aujourd'hui ce que Cicéron écrivait autrefois serait mis dans les prisons du Saint Office . Cette idée n'est-elle pas accablante ? Quel gouvernement que celui qui veut crever les yeux à ceux qu'il gouverne !
Je n’écris point à M. Goldoni ; mais je l’attends à son passage, quand il sera las de la vie de Paris. La mienne est uniforme et tranquille, partagée entre la lecture et les amusements de la campagne. J’espère qu’il viendra philosopher avec moi après avoir badiné avec le théâtre italien de Paris. Il me paraît, par ses ouvrages, qu’il a plus d’une sorte d’esprit, et qu’il peut instruire les hommes aussi bien que leur plaire. Quand je le verrai, je sentirai davantage le regret de ne vous point voir. Plus il me parlera de vous, plus il augmentera des désirs qui ne peuvent être satisfaits.
Adieu, monsieur ; ma misérable santé, mon âge et mon esprit de retraite ne dérobent rien aux sentiments qui m’attachent à vous pour jamais.
V.»
1 Le manuscrit original porte la mention « f[ran]co Milano ». La date a toujours été lue 17 au lieu de 27 . Toute la fin du 2è paragraphe manque dans les éditions à parti de On prive chez vous […].
V* répond ici à une lettre du 3 août 1763 dans laquelle Albergati lui annonce qu'il se trouve aux eaux avec une dame jusqu'au 20 du mois . Il espère que pour la fin de l'année paraitra le recueil de huit tragédies traduites en italien . Il lui enverra quelques exemplaires des deux tomes . Si l'ouvrage plait, d'autres tomes suivront l'année d'après .
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19/09/2018
N’allongeons point en cent mots superflus Ce qu’on dirait en quatre tout au plus
... Tel est le crédo de Gérard Collomb, avec le résultat que l'on connait auprès du président : http://www.leparisien.fr/politique/apres-la-sortie-de-col...
Ou "Comment se défiler en accusant son supérieur Pour les Nuls " .

Deux bleus !
Debleu, debleu ! comme disent mes amis suisses .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ArgentaI
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'ArgentaI
27è septembre 1763 aux Délices
Je reçus hier les ordres de mes anges concernant la conspiration des roués, et j’envoie sur-le-champ tous les changements qu’ils demandent pour les assassins et assassines. Il faut assurément que M. le duc de Praslin ait une âme bien noire, pour vouloir qu’une femme égorge son mari dans son lit ; mais puisque mes anges ont eu cette horrible idée, il la faut pardonner à un ministre d’État. Mettez le feu aux poudres de la façon qu’il vous plaira, faites comme vous l’entendrez ; mais ne me demandez plus de vers, car vous m’empêchez de dormir, et je n’en peux plus. Laissez-moi, je vous prie, ce vers :
L’ardeur de me venger ne m’en fait point accroire 1.
Il ne faut pas toujours que Melpomène marche sur des échasses ; les vers les plus simples sont très bien reçus, surtout quand ils se trouvent dans une tirade où il y en a d’assez forts. Racine est plein à tout moment de ces vers que vous réprouvez. Une tragédie n’aurait point du tout l’air naturel, s’il n’y avait pas beaucoup de ces expressions simples qui n’ont rien de bas ni de trop familier.
Divertissez-vous, mes anges, de la niche que vous allez faire. Je ne sais s’il faut intituler la pièce le Triumvirat ; le titre me ferait soupçonner, et on dirait que je suis le savetier qui raccommode toujours les vieux cothurnes de Crébillon . Cependant il est difficile de donner un autre titre à l’ouvrage. Tirez-vous de là comme vous pourrez ; tout ce que je puis vous dire, c’est que cette pièce ne sera pas du nombre de celles qui font répandre des larmes ; je la crois très attachante, mais non attendrissante. Je crois toujours qu’Olympie ferait un bien plus grand effet ; elle est plus majestueuse, plus auguste, plus théâtrale, plus singulière : elle fait verser des pleurs toutes les fois qu’on la joue ; et les comédiens de Paris me paraissent aussi malavisés qu’ingrats de ne la pas représenter.
Permettez que je mette dans ce paquet les affaires temporelles avec les spirituelles : voici un petit mémoire pour M. le duc de Praslin, en cas que mon affaire sacerdotale ne soit pas encore rapportée. Nous lui devons bien des remerciements, madame Denis et moi, de la bonté qu’il a eue de se charger de ce petit procès, qui était d’abord dévolu à M. de Saint-Florentin. Il est vrai que cette affaire, toute petite qu’elle est, étant fondée sur les traités de nos rois, appartient de droit aux affaires étrangères ; mais j’aime encore mieux attribuer la peine qu’il daigne prendre à l’amitié qu’il a pour vous, et aux bontés dont il honore madame Denis et moi.
Comme je prends la liberté de lui adresser votre paquet 2, je suppose qu’il se saisira du mémoire qui est pour lui ; il est court, net, et clair, point de verbiage .
Pour un esprit de sa trempe
N’allongeons point en cent mots superflus
Ce qu’on dirait en quatre tout au plus.3
Qu’est-ce que la défaite des Bernardins ? cela est-il plaisant ?
Respect et tendresse. »
1 Vers disparu d'Octave, sacrifié lui aussi .
2 Lettre du même jour au duc, mais le mémoire ne nous est pas parvenu .
3 Vers adaptés de L'Enfant prodigue, I, 2 : vers 180-183, http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_ENFANTPRODIGUE.xml#A1
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18/09/2018
On se rappelle toujours avec quelque attendrissement son enfance et sa patrie
... Les enfants de la patrie !... vive Nino Ferrer :
https://www.youtube.com/watch?v=vYDmTZ_LjlY

Coq haricot !
« A de Bresle
Ferney, 22 septembre 1763 1
[…] On se rappelle toujours avec quelque attendrissement son enfance et sa patrie […]
Voltaire
gentilhomme ordinaire du roi. »
1 Manuscrit original passé à la vente George Denholm, chez Sotheby le 30 janvier 1918 .
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17/09/2018
Il chérit ses sujets comme il est aimé d’eux : C’est un père entouré de ses enfants heureux .
... - Combien d'heureux, au fait ?
--34 %
- En quel pays ?
--La France !
-Dommage . Peut/doit mieux faire .
http://www.lepoint.fr/politique/sondage-la-cote-de-popula...
https://www.youtube.com/watch?v=5ZvKdWpa3Rs

Le Président et ses douze apôtres
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
21è septembre 1763
Mes divins anges, c'est bien dommage que la Gazette littéraire, si elle existe, se soit laissée prévenir sur le compte qu'elle pouvait rendre des Lettres de Milady Montaigu 1 , qui paraissent en Angleterre depuis six mois et que je n'ai que depuis cinq ou six jours . Les Lettres de Mme de Sévigné sont faites pour les Français, et celles de Milady Montaigu sont pour toute les nations . Si jamais elles sont traduites, ce qui est fort difficile, vous serez enchanté de voir des choses curieuses en nouvelles embellies par la science, par le goût et par le style . Figurez-vous que depuis plus de mille ans nul voyageur à portée de s'instruire, n'avait été à Constantinople par les pays que Mme de Montagu a traversés ; elle a vu la patrie d'Orphée et d’Alexandre ; elle a diné en tête à tête avec la veuve de l'empereur Mustapha ; elle a traduit des chansons turques, et des déclarations d’amour qui sont tout à fait dans le goût du Cantique des cantiques ; elle a vu des mœurs qui ressemblent à celles qu'Homère a décrites, et elle a voyagé avec son Homère à la main . Nous apprenons d'elle à nous défaire de bien des préjugés . Les Turcs ne sont ni si brutes ni si brutaux qu'on le dit . Elle a trouvé autant de déistes à Constantinople qu'il y en a à Paris et à Londres . J'avoue que j'ai été fâché qu'elle traite notre musique et notre sainte religion avec le plus profond mépris ; mais nous devons nous accoutumer à cette petite mortification .
Apprenez-moi donc, je vous en prie mes chers anges, ce que devient cette Gazette littéraire . M. le duc de Pralin l'aura-t-il vainement protégée ? y travaille-t-on et y met-on un peu de sel ? car sans sel il n'y a pas moyen de faire bonne chère .
Je songe qu’une inscription ne peut être salée, c’est un grand malheur ; elle ne doit point être, à mon gré, en prose latine pour un roi de France ; elle ne peut être en prose française : le style lapidaire ne convient point à notre langue chargée d’articles, qui rendent sa marche languissante ; il faut deux vers, mais deux vers français détachés sont toujours froids ; c’est alors que la rime paraît dans toute sa misère. Pourriez-vous souffrir ce distique ?
Il chérit ses sujets comme il est aimé d’eux :
C’est un père entouré de ses enfants heureux .
Ou bien :
Heureux père entouré de ses enfants heureux .
Dites-moi, mes anges, je vous en supplie, s’il est vrai que M. le duc de Praslin a la bonté d’être notre rapporteur 2. L’affaire paraît être du ressort de M. le comte de Saint-Florentin, qui a le département de l’Église, mais M. le duc de Praslin a le département des traités et de la bienfaisance ; ainsi nous devons être entre ses mains. Pour moi, je me mets toujours sous vos ailes .
Que faites-vous de mes roués ? Quand je vous dis qu’il y a des vers raboteux, n’allez pas, s’il vous plaît, me prendre si fort au mot.
Toute notre petite famille se met aux ailes de mes anges. »
1Letters of the right honourable lady M[ar]y W[ortle]y M[ontag]u, written during her travels in Europe, Asia and Africa ; cette publication n'était pas autorisée . Voir : https://digital.library.lse.ac.uk/objects/lse:raw722gux
2 Pour l'affaire des dîmes . Crommelin écrit le 20 octobre 1763 à Lullin « qu'il va partir pour Versailles y remettre à Son Excellence M. le duc de Pralin la lettre du conseil concernant le procès du curé de Moens, et au sujet de la dîme ; que cette lettre arrive à propos ce ministre étant instruit à fond du procès du curé de Ferney concernant la dîme qu'il conteste au sieur Voltaire et aux héritiers de feu M. le comte de Montréal, lesquels procès sont de même nature . » Il lui rendra compte le 24 octobre de l'entretien, au cours duquel Praslin lui a dit que prendre la chose « dans le droit public » et en vouloir « d'autre titre que les traités », c'est « bien prendre la chose » ; en conséquence il pense que l'affaire sera réunie à celle de Moens, portée au conseil d’État et rapportée par Praslin. Le duc de Praslin-Choiseul fera connaître à V* la « décision du roi » le 10 octobre 1763 ; voir lettre du 15 octobre à Jacob Favre : « […] Par ce moyen, votre curé sera contraint de vous laisser tranquille, et Mme Denis, ainsi que vous, monsieur, jouirez en toute assurance des privilèges qui vous ont été accordés . [...] »
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16/09/2018
Adieu nos beaux-arts, si les choses continuent comme elles sont. La rage des remontrances et des projets sur les finances a saisi la nation . Nous nous avisons d’être sérieux, et nous nous perdons
... Dédicace, spéciale Journées du Patrimoine 2018, à Stéphane Bern et aux parlementaires .
Messieurs/Mesdames les râleurs systématiques, enragés, revenez un peu au calme et faites une juste part des choses , cessez de gaspiller du temps et de l'argent .
« A Bernard-Louis Chauvelin
18è septembre 1763 à Ferney
Non, monsieur, ce n’est pas moi qui écris des lettres charmantes, mais bien Votre Excellence ; et l’un de ses talents a toujours été de séduire.
On vous a dépêché un petit paquet qui contient, je crois, un peu d’histoire. Vous y verrez quelque chose du temps présent, mais non pas tout ; car malheur à celui qui dirait tout ! il faut qu’un Français passe rapidement sur les dernières années. Il y a un éloge du duc de Sully 1 qu’on vous a peut-être envoyé, c’est un ouvrage de M. Thomas, secrétaire de M. le duc de Praslin, qui remporte autant de prix à l’Académie que nous avons perdu de batailles. Il loue beaucoup ce ministre d’avoir eu toujours à Sully un fauteuil plus haut que les autres. Cela n’est bon que pour Montmartel et pour madame sa femme, qui, ayant les jambes trop longues, sont obligés à cette cérémonie . Mais d’ailleurs Thomas fait un beau portrait de Rosny et de son administration.
J’ai vu ces jours-ci un vieux Florentin assez plaisant, qui prétend que tous les États de l’Europe feront banqueroute les uns après les autres. Le libraire de l’Académie a déjà commencé. Ce libraire est une femme 2 ; et je me doutais bien qu’elle serait à l’aumône dès qu’elle aurait achevé notre Dictionnaire ; cela n’a pas manqué ; et le pis de l’affaire, c’est qu’elle emporte huit mille francs à nos pauvres Corneille. Je ne sais si c’est cette aventure qui m’a donné de l’humeur contre Suréna, Agésilas, Pulchérie, et une douzaine de pièces du grand homme dont j’ai l’honneur d’être le commentateur ; je parie qu’il n’y a que moi qui aie lu ces tragédies-là ; et je prends la liberté de parier que vous ne les avez jamais lues, ni ne les lirez ; cela est impossible. Ah ! que Racine est un grand homme ! Madame l’ambassadrice n’est-elle pas de cet avis-là ?
Adieu nos beaux-arts, si les choses continuent comme elles sont. La rage des remontrances et des projets sur les finances a saisi la nation . Nous nous avisons d’être sérieux, et nous nous perdons . Nous faisions autrefois de jolies chansons, et à présent nous ne faisons que de mauvais calculs . C’est Arlequin qui veut être philosophe.
Avez-vous entendu parler d’un sénéchal de Forcalquier qui, en mourant, a fait un legs au roi de l’Art de gouverner 3, en trois volumes in-quarto ? C’est bien le plus ennuyeux sénéchal que vous ayez jamais vu. Je suis bien las de tous ces gens qui gouvernent les États du fond de leur grenier. Voilà-t-il pas encore un conseiller du roi au parlement qui lui donne sept cent quarante millions tous les ans 4! Tâchez, monsieur d’en avoir le vingtième, ou du moins un pour cent ; cela est encore honnête.
Que Vos Excellences agréent toujours mon respect.
V. »
1Éloge de Maximilien de Béthune, duc de Sully, 1763 , par Antoine-Léonard Thomas : voir : http://reader.digitale-sammlungen.de/de/fs1/object/display/bsb10070154_00001.html
2La veuve Brunet .
3 La Science du gouvernement, 1761-1765, qui finit par comprendre huit volumes, de Gaspard de Réal de Curban ; voir : http://www.pba-auctions.com/html/fiche.jsp?id=3424847&...=
et : https://archive.org/details/lasciencedugouv03conggoog
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaspard_de_R%C3%A9al_de_Curban
4 Roussel de La Tour, comme on le voit dans la lettre du 15 juin 1763 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/06/09/ils-prechaient-un-peu-trop-l-egalite-laquelle-ne-peut-ni-pla.html
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15/09/2018
Fulvie est étonnée, avec raison, qu’un ivrogne et un jeune homme qui court après les filles soient les maîtres du monde
... Les noms ! les noms! les noms !...
Il y en a encore trop, et s'il n'y en avait qu'un ce serait encore trop .
Vous pensez bien qu'il ne s'agit pas ici de politique , mais tout simplement du monde du spectacle où des Weinstein sévissent , avec heureusement de moins en moins de succès .

Infréquentable ! lamentable !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
18 septembre [1763]
Je me doutais bien, mes divins anges, que mademoiselle Clairon n’était guère faite pour jouer Mariamne. Je ne me souviens plus du tout des anciennes imprécations qui finissaient le cinquième acte, et, en général, je crois que ces imprécations sont comme les sottises, les plus courtes sont les meilleures. Je vous avoue que je serais bien plus sûr d’Olympie ; c’est un spectacle magnifique ; on le donne dans les pays étrangers quand on veut une fête brillante ; il fait grand plaisir dans les provinces avec des acteurs de la foire : jugez ce que ce serait avec vos bons acteurs de Paris. Mais je sais que dans toutes les affaires il faut prendre le temps favorable, et savoir prendre patience.
Notre petite conspiration m’amuse beaucoup actuellement, et je me flatte qu’elle égaie aussi mes anges. Avouez donc que cela sera fort plaisant. Je vous envoie un petit bout de vers ; madame d’Argental, qui est l’adresse même, coupera le papier avec ses petits ciseaux, et le collera bien proprement à sa place avec quatre petits pains qu’on nomme enchantés 1. Vous savez, par parenthèse, pourquoi on leur a donné ce drôle de nom.
Je vous demande toujours en grâce de ne me jamais ôter mes deux voluptueux. Voulez-vous que je mette mes deux débauchés, mes deux roués ? Ne voyez-vous pas que Fulvie est étonnée, avec raison, qu’un ivrogne et un jeune homme qui court après les filles soient les maîtres du monde ? C’est précisément voluptueux qui convient, c’est le mot propre ; et il est beau de hasarder sur le théâtre des termes heureux qu’on n’y a jamais employés. Au nom de Dieu, ne touchez jamais à ce vers ; gardez-vous en bien, vous me tuez.
Mes anges, je vous fais juges de ma dispute avec Thieriot : le sculpteur Pigalle a fait une belle statue de Louis XV pour la ville de Reims ; il m’a mandé qu’il avait suivi le petit avis que j’avais donné dans le Siècle de Louis XIV, de ne point entourer d’esclaves la base des statues des rois, mais de figurer des citoyens heureux 2, qui doivent être en effet le plus bel ornement de la royauté.
Il m’a demandé une inscription en vers français, attendu qu’il s’agit d’un roi de France, et non d’un empereur romain. Voici mes vers :
Esclaves qui tremblez sous un roi conquérant,
Que votre front touche la terre .
Levez-vous, citoyens, sous un roi bienfaisant ;
Enfants, bénissez votre père.
Thieriot veut de la prose ; mais de la prose française me paraît très fade pour le style lapidaire.
M. l’abbé de Chauvelin m’a envoyé vingt-quatre estampes de son petit monument érigé dans son abbaye pour la santé du roi. L’inscription latine est des plus longues ; ce n’était pas ainsi que les Romains en usaient.
Respect et tendresse.»
1 Sur les pains enchantés, voir lettre du 12 juillet 1761 à Pinot Duclos : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/07/15/l-ouvrage-peut-devenir-necessaire-aux-etrangers-qui-apprenne.html
2 Voir Le Siècle de Louis XIV, XXVIII [https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Si%C3%A8cle_de_Louis_XIV/28
], et voir des extraits de la lettre de Pigalle notés dans http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/07/29/je-desespere-d-en-venir-a-bout.html
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14/09/2018
C’est dommage qu’il y ait beaucoup plus de barbarie encore que de génie dans les ouvrages de Shakespeare
... Tout ou rien !
L'un de mes musiciens préférés , Ibrahim Maalouf , pour ceux qui aiment le beau jazz/musique, /pour celles qui aiment la belle musique/jazz :
https://www.youtube.com/watch?v=Xsjos_YVIo4
« A David Garrick
[septembre 1763]
[Invite chaleureusement Garrick à Ferney]1
1 Cette lettre n'est connue que par une lettre du 10 octobre 1763 de Garrick à son frère George, écrite de Montmélian , en Savoie, dans laquelle il dit avoir reçu une « très chaleureuse invitation de Voltaire », qu'il acceptera à son retour ; il en veut à Voltaire d'avoir dit dans sa dernière œuvre ,[Essai sur les mœurs, CXXI ; page 246 : https://fr.wikisource.org/wiki/Essai_sur_les_m%C5%93urs/C...] qu'il y a « plus de Barbarisme que de Génie » dans les œuvres de Shakespeare, mais cela ne l'empêchera pas d'aller à Ferney ; voir The letters of David Garrick, édition David M. Little et George M. Kahrl, 1963 .
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