12/09/2017
J'écrirai jusqu'à ce que je sois mort
...Je m'y suis engagé et , encore plus important, je l'ai promis à Mam'zelle Wagnière qui est mon modèle de persévérance, à l'égal de Voltaire .
Soyez heureux, grâce au PC vous échappez à ma terrible écriture de chat .
« A Etienne-Noël Damilaville
15 octobre [1762]
Je vous ai déjà, mon cher frère, envoyé une lettre importante pour M. d'Alembert ; en voici une seconde 1. La chose presse ; c'est une blessure qui demande un prompt appareil . Mais comment se peut-il faire qu'un billet innocent à vous envoyé, il y a près de cinq mois, ait pu produire une pareille horreur ? Tâchez, mes frères, de remonter à la source . Vous voyez quels coups on veut porter aux bons citoyens qu'on appelle par dérision philosophes, et qu'on ne doit nommer ainsi que par respect . La calomnie sera confondue .
M. le duc de Choiseul m'a écrit quatre pages sur cette horreur dont il m'a cru coupable 2. mais comment m'a-t-il pu soupçonner d'une telle bêtise, d'une telle folie, de telles expressions, d'un tel style ? lui qui a de l'esprit et du goût ! Le poids des affaires publiques empêche qu'on ne voie avec attention les affaires des particuliers . On juge rapidement ; on juge au hasard ; on n'examine rien ; on avale la calomnie comme du vin de Champagne, et on rend son vin sur le visage du calomnié . Je suis pénétré de colère et de douleur . J'envoie à M. le duc de Choiseul le duplicata de ma lettre à M. d'Alembert . J'écrirai 3 jusqu'à ce que je sois mort .
Je crois que j'envoyai à mon frère le billet qui a causé tant de tracas et produit tant de calomnies : c'était au mois de mai 4, ou je suis fort trompé . À qui l'a-t-on montré ? Ce billet autant qu’il m'en souvient, était très vif et très innocent . On l'a brodé d'infamies et d'horreurs .
Recherche et vengeance. »
1 Lettre du 12 octobre 1762 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/09/09/le-torrent-des-affaires-ne-permet-pas-de-reflechir-sur-l-inn-5978121.html
et voir celle du 17 octobre 1762 au même .
2 Voir les extraits cités en notes de la lettre du 11 octobre 1762 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/09/08/j-etais-souffleur-j-ai-juge-j-ai-condamne-j-ai-refait-et-tou-5978002.html
3 On pense être presque sûr depuis longtemps qu'il faudrait corriger en je crierai .
4 Lettre du 29 mars 1762 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/03/06/mandez-moi-je-vous-prie-quel-est-le-corps-que-vous-meprisez-5918326.html
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11/09/2017
il n'a point eu de réponse
... Ziad Doueiri, réalisateur franco-libanais, qui vient d'être primé à la Mostra de Venise puis arrêté pour un motif inconnu à son retour à Beyrouth :
http://www.lepoint.fr/monde/liban-le-realisateur-ziad-dou...
Ah qu'il est beau le Liban aux mains de journalistes et militants anti-israeliens ayant recours aux tribunaux militaire ! les cèdres que je croyais seulement anti-mites deviennent-ils aussi anti-sé-mites ?
Au Monopoliban, "allez directement en prison" est la case inévitable réservée aux intellectuels , et on ne sait jamais combien de tours/jours on va y rester .
« A Charles-Manoël de Végobre 1
à Genève
M. de Voltaire a écrit il y a près de huit jours à monsieur de Végobre pour avoir soit par lui, soit par ses amis, le mémoire de M. de Lavaysse en faveur de son fils 2 , et le dernier mémoire de M. de Lavaysse fils fait à Paris 3 , et il n'a point eu de réponse .
14è octobre [1762] »
1 La première lettre dont parle V* n'est pas connue . Voir : https://books.google.fr/books?id=0nnxGEXYcR0C&pg=PA455&lpg=PA455&dq=Charles-Mano%C3%ABl+de+V%C3%A9gobre&source=bl&ots=KQMQwhL76X&sig=TY6eCh6E8Q7cuWh77gVuUn8eEIc&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjD7_jx4JzWAhUHPRoKHXdAD4gQ6AEIPzAF#v=onepage&q=Charles-Mano%C3%ABl%20de%20V%C3%A9gobre&f=false
2 Mémoire de Me David Lavaysse, avocat à la cour, pour le sieur François-Alexandre-Gaubert Lavaysse, son troisième fils , 1762 : https://www.google.fr/search?q=++Memoire+de+Me+David+Lavaysse%2C+avocat+%C3%A0+la+cour%2C+pour+le+lsieur+Fran%C3%A7ois-Alexandre-Gaubert+Lavaysse%2C+son+troisi%C3%A8me+fils+%2C+1762+&ie=utf-8&oe=utf-8&client=firefox-b&gfe_rd=cr&dcr=0&ei=GU22WazrDufS8Ae9h5KIAQ
3 Il existe un Mémoire du sieur Gaubert Lavaysse, mais imprimé à Toulouse : http://tolosana.univ-toulouse.fr/fr/notice/083062211
15:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
Yr friend is just ready to set out / Votre ami est tout prêt à s'embarquer
... Oui, soyez rassurés, citoyens d'îles encore récemment paradisiaques (selon les publicités), Emmanuel Macron vient vous voir, et faute de tenir une pelle, une pioche, une truelle, il a un stylo pour contresigner tout document permettant indemnisations et réparations dans les plus brefs délais, n'en déplaise à ceux qui crient au scandale de secours tardifs et aux diffuseurs de fake news .
Par où commencer ?
« A George Keate
Yr friend is just ready to set out for England . I regret his company, and I will regrett you all my life . We are in the hurry of acting a tragedy . I play the ghost . I shall act very well for I am but a shadow.
Yr for ever 1.
V.
A Ferney 13 octobre [1762 ?]2 »
1« Votre ami est tout prêt à s'embarquer pour l'Angleterre . Je regrette sa compagnie, et je vous regretterai toute ma vie . Nous nous hâtons pour représenter une tragédie . Je représente le fantôme . Je jouerai très bien car je ne suis qu'une ombre . A vous pour toujours . »
2 La date fait difficulté . Le seul ami spécialement mentionné comme envoyé par Keate vint au printemps 1760 ; l'année proposée ici correspond aux représentations théâtrales de 1762, comprenant Sémiramis [voir lettre du 25 octobre 1762 à d'Argental ], où V* y joue le rôle de grand-prêtre, mais ce rôle était fort compatible avec celui de l'ombre de Ninus dont l'intervention est très limitée . En outre V* reçut des visiteurs anglais à cette époque ; voir lettre du 7 octobre 1762 à Bernis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/09/02/vous-avez-pu-croire-que-toutes-ces-brochures-etaient-des-pie-5976022.html et celle du 25 octobre 1762 à d'Argental .
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Vous n'êtes pas homme à croire qu'un parlement a toujours raison
...
« A Claude-Philippe Fyot de La Marche
A Ferney , 12 octobre [1762]
Nous n'avons plus de maréchaux en France, nous avons encore un pair ; mais si mon cher et respectable monsieur de La Marche avait été là, j'aurais bien dit : Cedant arma togae 1. Allez-vous à Paris ? Quand partez-vous ? Instruisez moi un peu de votre marche … Vous allez revoir ce que vous avez de plus cher dans votre famille ; vos amis vous retrouveront . Je ne vous pardonne de quitter votre retraite que pour revoir ceux qui vous aiment . Si vous n'aviez pas cette raison, vous seriez inexcusable . Vous savez qu'on n'est bien que chez soi et avec soi . Vous possédez à La Marche le plus bel empire, celui de vous-même . Que n'ai-je pu y être un de vos sujets ! Je vous demande en grâce, mon grand magistrat, de vous faire donner, quand vous serez à Paris , le mémoire à consulter des Calas , signé par quinze avocats . M. d'Argental vous le procurera facilement . Vous n'êtes pas homme à croire qu'un parlement a toujours raison . Je m'en rapporte à votre jugement sur cette affaire comme sur bien d'autres . Vous aimez la justice et la vérité encore plus que l'intérêt des classes 2.
Conservez votre santé, votre gaieté et vos bontés pour moi .
V. »
1 Que les armes le cèdent à la toge ; Cicéron, De officiis, I, xxii, 82 .
2 Les différentes classes composant le parlement . V* continue sa campagne clairvoyante contre la fronde des parlements , qui sera l'une des causes de la chute de la monarchie française . Voir : https://www.cairn.info/revue-parlements1-2011-1-page-114.htm
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10/09/2017
L'amitié est la première divinité à laquelle nous sacrifions
... Est-il besoin d'en trouver d'autres ? et pourquoi ? Est-ce une excuse pour nos mauvaises actions communes ? est-ce un bienfait pour notre bonheur ? En tout état de cause l'amitié mérite qu'on en prenne soin .
Qu'il en soit ainsi de l'amitié, infinie .
« A Ami Camp , Banquier
à Lyon
12 octobre [1762] à Ferney
Je prendrai monsieur chez M. Cathala les 420 louis et les 3600 livres en argent que vous avez eu la bonté d'envoyer pour moi à M. Cathala, comptant incessamment employer cette somme .
Je ne doute pas que M. de Laleu n'ait rempli ses engagements, pour le mois d'août 2200 livres ; pour le mois de septembre 2880 ; et ainsi de suite . Je vous supplie de vous en faire informer . Je vous prierai aussi d'avoir la bonté de payer le sieur Franc à qui je crois devoir 190 livres .
M. le maréchal de Richelieu n'a pas été mécontent du séjour qu'il a fait ici . Nous aurions bien voulu vous avoir pour spectateur de nos fêtes, et partager avec vous nos plaisirs . L'amitié est la première divinité à laquelle nous sacrifions .
V.1
Je vous remercie beaucoup, mon cher correspondant, de vos six cents livres de frumental . Pourriez-vous en faire encore ajouter trois cents autres ? Je vous serais bien obligé . »
1 Après l’initiale qui est au bas de la première page, V* a ajouté « t.s.v.p. »
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09/09/2017
le torrent des affaires ne permet pas de réfléchir sur l'innocence des particuliers
... La conduite hors-la -loi d'élus de la République ne doit pas faire de nous tous automatiquement des justiciables à leur image, quand bien même ils ont reçu nos votes .
« A Jean le Rond d'Alembert
12 octobre [1762]
Je suis encore forcé de vous écrire , mon cher philosophe, sur cette absurde infamie qu'on m'accuse de vous avoir écrite au mois de juin et qu'on vous accuse d'avoir reçue . Il est important que vous ayez la bonté de me renvoyer la copie que j'ai reçue de Versailles, et copie de la lettre que je vous écrivis en effet , et sur laquelle on a formé cette calomnie abominable, le tout accompagné d'une lettre de vous dans laquelle vous me marquerez avec votre style énergique ce que vous pensez d'une pareille horreur . J'ai tout lieu de penser que cette copie m’a été envoyée de Versailles par ordre des personne les plus puissantes, à qui j'ai les dernières obligations, et qui ont le malheur de soupçonner que je les ai payées d'une noire ingratitude, et que je me suis rendu coupable à la fois envers le roi et envers elles de l’excès le plus punissable . Si elles faisaient un moment de réflexion sur les impertinences de cet ouvrage, sur le style, sur l'impossibilité absolue que j'en sois l'auteur, elles ne feraient pas à leur jugement et à leur goût le tort de me soupçonner, mais le torrent des affaires ne permet pas de réfléchir sur l'innocence des particuliers . On condamne au premier coup d’œil, on passe vite à d'autres objets, on ne donne pas aux accusés le loisir de se défendre , et l'impression une fois reçue reste pour jamais dans le cœur .
Je n'ai point voulu écrire à ces personnes, parce que je suis trop en colère, je me suis contenté de témoigner ma juste indignation à une autre personne de leurs amis qui m'a écrit de leur part .
J'écrirai à celui que je dois détromper et dont le doute seul m'irrite et m'afflige, dès que j'aurai reçu de vos nouvelles .
Encore une fois examinez avec M. Damilaville à qui on a pu donner part de la première lettre que je vous écrivis et que je lui adressai ouverte, sur l'affaire des Calas, vers le mois de juin ou de mai .
Je vous réitère que c'est sur cette lettre qu'on a forgé celle qu'on m'impute . Du temps des Séjan on aurait ouvert quatre veines à l'écrivain soupçonné et à son correspondant, mais du temps des braves chevaliers qui sont à la tête des affaires l'innocence sera bientôt reconnue .
Envoyez-moi au plus vite, par M. Damilaville (je vous le répète, car en affaires il faut répéter ), 1° ma lettre véritable du mois de juin ou de mai pour les Calas, 2° la copie de la rapsodie infâme, 3° un mot de vous qui puisse à la fois faire votre cour et faire rougir ceux qui ont eu d'indignes soupçons.
Je vous embrasse ; êtes-vous aussi en colère que moi ?
Ne manquez pas je vous prie de donner votre paquet à M .Damilaville . »
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08/09/2017
J'étais souffleur . J'ai jugé, j'ai condamné, j'ai refait et tout va bien
... et " ... rien , ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes " dit Emmanuel Macron, qui n'a peut-être pas été souffleur du chaud et du froid de toutes les idées gouvernementales, mais au moins marcheur et plus encore acteur .
http://www.parismatch.com/Actu/Politique/Macron-ne-cedera...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
11 octobre [1762] 1
Je reçois la lettre du quatre octobre de mes divins anges . Tant mieux que M. le comte de Choiseul n'ait besoin de personne, tant mieux que la prise de La Havane 2 ( que nous savions il y a huit jours) ne nuise point aux négociations de la paix, tant mieux que les malheurs de la France et de l’Espagne (qui réunies à la maison d'Autriche auraient dû donner la loi à l'Europe) contribuent à cette paix devenue si nécessaire .
Pour revenir au tripot, M. le maréchal de Richelieu m'a montré un projet de déclaration du roi enregistrable au parlement en faveur des comédiens 3 . J'ai pris la liberté d'y mettre quelques mots qu'il a approuvés .
Il faut que mes anges n’aient pas reçu en leur temps les vers qui terminent la tragédie de Zulime tels qu'ils ont été récités en dernier lieu dans notre tripot et tels qu'ils doivent faire effet à Paris à moins qu'on ait le diable au corps .
J'ai mandé que nous avions joué Olympie . J'étais souffleur . J'ai jugé, j'ai condamné, j'ai refait et tout va bien . Le rôle d'Olympie est devenu le rôle principal . Cela était absolument nécessaire .
J'ai envoyé à mes anges un gros paquet que j'ai supplié à mes anges de faire rendre à Mme la comtesse d'Egmont 4.
J’ai fait part à mes anges de l'infâme tracasserie qu'on me fait . Je leur ai envoyé la lettre qu'on m'impute . Je serais bien fâché pour M. le duc de Choiseul qu'il m'eût soupçonné un moment 5. Comment avec le goût et l'esprit qu'il a, pourrait-il avoir eu un si abominable moment de distraction ? J'avoue que je voudrais qu'on pût trouver et punir l'auteur de cette coupable impertinence .
Mes anges ne m'ont pas dit s'ils avaient donné mon compliment à M. le comte de Choiseul . »
1 Manuscrit olographe avec mention de Wagnière : «Mémoire pour M. d'Argental ».
2 Le commandant espagnol Luis Velasco, après une défense résolue, blessé par balle mourut le 31 juillet 1762 , son remplaçant Juan de Prado dû capituler et livrer La Havane aux Anglais le 13 août 1762 . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Luis_Vicente_de_Velasco_e_Isla
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_La_Havane_(1762)
3 Ce projet n'aboutit pas .
4 Ce paragraphe rayé sur la copie Beaumarchais manque dans les éditions .
5 Le 9 octobre 1762 le duc de Choiseul vient d’écrire à V* : « Je ne vous ai point répondu sur votre famille toulousaine ; cette affaire vous avait sérieusement échauffé le cerveau ; je l'ai apprise par vous, mais j'ai lu depuis dans les papiers anglais une lettre à d'Alembert qui, en vérité, n'est point sage . On peut être peiné d'une injustice de Messieurs, mais prudemment il ne faut pas s'en plaindre comme vous vous en plaignez, encore moins se faire des ennemis et peut-être des affaires pour jouer le rôle d'un avocat de causes perdues . Vous connaissez trop l'administration du royaume pour ne pas savoir que les parlements jugent en dernier ressort le criminel ; que le roi est astreint aux formes ; que selon les lois, ce qu'il peut faire quand une partie se plaint du jugement, est de demander les motifs, et que cette demande entraine les longueurs dont vous vous plaignez et ne produit ordinairement aucun redressement sur un arrêt qui se trouve exécuté […] tout un tribunal ne condamne pas à mort pour son plaisir ; voilà tout ce que je puis vous dire sur le pendu que vous protégez, dont d'ailleurs il n'a pas été question ici . Je suis au reste persuadé de son innocence […] et si jamais son affaire revient par les formes au conseil du roi , je l'écouterai avec l'attention la plus scrupuleuse […]. »
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