07/06/2018
Pour moi j'avoue que je ne sais pas encore de quel air il a couché avec la justice
... Ce désormais trop célèbre Théo Luhaka :http://www.liberation.fr/checknews/2018/06/06/est-ce-que-...
« A Gabriel Cramer
Mardi [7 juin 1763]1
Caro,
Même caractère je crois pour toutes les tragédies ou soi-disant telles de Pierre, et de Thomas .
Le pis-aller sera de commencer le onzième tome par Le comte d'Essex . Les comédies suivront en petit caractère si on veut, et le tout ira tout au plus à 13 tomes .
Les deux Bérénice avec Attila feront le neuvième .
Pulchérie, Suréna, Ariane le dixième .
Le reste en son temps .
Voici Pulchérie pour le commencement du dix .
Que savez-vous du lit du roi ? Pour moi j'avoue que je ne sais pas encore de quel air il a couché avec la justice . Vale caro . »
1 La date est donnée en fonction de la tenue du lit de justice du 31 mai 1763 .
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Voilà bien des paroles pour peu de choses mais c'est à quoi les ministres sont exposés
...
« A César-Gabriel de Choiseul, duc de Praslin
A Ferney, 6 juin 1763
Monseigneur,
Tant que j'aurai un œil, je serai à votre service ; et je vous épargnerai un Suisse .
Je ferai venir si vous le trouvez bon, les livres de Hollande, d’Angleterre et d'Italie par les messagers jusqu'aux endroits où l'on pourra les mettre à la poste sous votre enveloppe, ou je prendrai telles autres mesures que vous prescrirez, et alors il ne vous en coûtera rien du tout . Si je me sers des voitures publiques les livres seront trois ou quatre mois en chemin, la dépense pourra être grande ; et vous n'aurez que du réchauffé .
J'ignore si on veut des pièces de théâtre, des pièces fugitives, ou si on se borne à l'utile . Je supplie M. l'abbé Arnaud de m'en instruire . Ce travail m’amusera beaucoup et le plaisir de vous servir me soutiendra .
Vous avez mis monseigneur le doigt sur l’article essentiel de ma requête, vous avez deviné qu'il s'agissait de mes dîmes . J'ai honte de vous parler d'une affaire particulière, mais vos bontés m’enhardissent .
Mon curé que j'ai comblé d'amitiés et de biens, dit qu'il est mon ami .mais il faisait un procès à mon devancier pour les dîmes inféodées . Il a continué sans rien m'en dire . Le procès était au Conseil du roi en vertu du traité d'Arau, mon devancier m'ayant tout vendu et n'étant point garant des dîmes, avait tout abandonné . Le curé a fait rendre au Conseil un arrêt par défaut qui le renvoie au parlement de Dijon . Mon curé redemande à mon devancier cent ans de jouissance . Il ne me demande rien à moi, car il m'aime trop mais il me ruinera cordialement à mon tour .
Dans mon désert, dans mon incertitude et toujours intimement ami de mon curé j'ai pris le parti de vous présenter requête générale pour le maintien de ce beau traité d'Arau . J'ai supposé que ma requête admise arrêterait touts les curés du monde, et empêcherait tous les procès . Mieux vaut sans doute les prévenir que de les évoquer .
Je serai à l'abri de tout avec mon attribution . Mais si la chose souffre la moindre difficulté, j'attendrai qu'on m'assigne, pour implorer votre protection , et pour réclamer la foi des traités .
Je vous demande très humblement pardon de vous avoir tant parlé de mon curé . Il ne s'en doute pas . Je vous remercie de l’extrême bonté avec laquelle vous avez daigné entrer dans mes misères .
Je vous supplie d'agréer la reconnaissance, l’attachement et le profond respect avec lequel je serai toute ma vie
monseigneur
votre très humble , très obéissant et très obligé serviteur
Voltaire .
N. B. – Il n'est pas , monseigneur, que vous n'ayez quelque correspondance avec M. Jeannel . Je vous demande en grâce de me recommander à ce M. Jeannel afin que vous soyez plus promptement servi .
Et indépendamment de la Gazette littéraire je vous supplie de me recommander à ce M. Jeannel – que M. Jeannel ne me fasse pas de peine . C'est un homme bien instruit que M. Jeannel – mais je ne le crois pas malfaisant, et je vous demande en général votre protection envers lui, le tout avec ma discrétion requise .1
N. B. – Voici la façon dont je m'y prendrai si vous l’agréez pour que vous soyez servi promptement à Londres . Si ma lettre au sieur Vaillant libraire de Londres vous paraît convenable, il n'y a qu'à la faire partir sans l’honneur du contreseing . Reste à savoir s'il ne faut pas l'affranchir car c'est encore une anicroche . Et supposé que vous n'approuviez pas cet expédient, ce n'est que du papier de gâté . J'établirai pour les autres pays mes correspondances comme je pourrai . Vos rédacteurs feront de mes mémoires tout ce qu'ils voudront – je ne suis point jaloux . Je serai expéditif, mais de longtemps je n'aurai rien à envoyer .
Voilà bien des paroles pour peu de choses mais c'est à quoi les ministres sont exposés . »
1 A cette fin de 7è page du manuscrit V* a ajouté t.s.v.p.
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06/06/2018
tout ce que vous faites est digne des honnêtes gens
...
« A Élie Bertrand
6è juin 1763, au château de Ferney
J'ai envoyé, monsieur, un petit article concernant votre dictionnaire 1, et je ne perdrai aucune occasion de faire valoir votre mérite . J’ai pris cette occasion pour indiquer votre cabinet d’histoire naturelle, et pour en donner avis aux amateurs .
Voyez, monsieur, si vous pourriez me faire parvenir tout ce [qui] sera digne des lecteurs raisonnables dans les pays étrangers . Sauriez-vous à quel libraire de Hollande, d’Allemagne et d'Italie je pourrais m’adresser . Pourriez-vous vous charger de la correspondance ? Je tâcherais de vous la rendre utile . Il vous serait aisé de me faire parvenir par MM. Fischer, tout ce qu'il y aurait de nouveau .
Je ne manquerai pas de parler aussi du nouvel ouvrage que vous m'avez envoyé , tout ce que vous faites est digne des honnêtes gens . Je ne pourrai mieux faire valoir le journal dont il est question qu’en lui fournissant de nouvelles occasions de vous rendre justice . Je vous prie de vouloir bien me faire une réponse prompte, afin que je sache sur quoi je pourrai compter . Ne doutez pas des sentiments avec lesquels je serai toute ma vie,
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
1 Les mots des fossiles qui suivaient sont barrés sur l'original, il s'agit bien en effet du Dictionnaire des fossiles d'Elie Bertrand ( https://books.google.es/books?id=JA0-AAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
) dont le compte rendu par V* parut dans la Gazette littéraire du 18 avril 1764 (page 164 : https://books.google.fr/books?id=_ZnTZ3FTcK8C&printse... ).
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05/06/2018
Vos ouvriers font-ils des revues ?
...
« A Gabriel Cramer
[vers le 4 juin 1763]
Caro, je vous renvoie cette triste feuille, la seule dont votre typographe m’ait honoré cette semaine . Je l'ai parcourue et je vous garantis qu'elle ne sera jamais lue .
Il vaut mieux à mon avis voir la Bérénice racinienne 1 précéder la pauvre cornélienne que la suivre . A tous seigneurs tous honneurs . On serait las de cette juive si on imprimait le fatras détestable de Pierre avant l'élégie touchante de Jean . Certes Jean danse mieux que Pierre 2, mais le public commence à murmurer d'attendre trop longtemps . Hâtons nous , sortons vite du 3 de Pulchérie et de Suréna . Vos ouvriers font-ils des revues ? Entre nous il est honteux qu'ils n'aient pas fini les prétendues tragédies de Pierre . Songez que nous avons encore à imprimer deux pièces de Thomas, les comédies de Pierre, les discours alambiqués et lourds sur les trois unités, etc., etc., etc.
Je croyais vous avoir envoyé ce billet caro, j'ai peur d'avoir fait un qui pro quo . »
1 racinienne ajouté par V* au dessus de la ligne .
2 Quolibet populaire qu'on trouve sous sa forme complète par exemple dans Télémaque travesti de Marivaux : « Jean danse mieux que Pierre, Pierre danse mieux que Jean »
3 V*, en tournant la page a changé l'orientation de sa pensée .
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04/06/2018
Il a peint un prêtre, et moi j’ai voulu peindre un bon prêtre ; je m’en rapporte à vous
... aurait pu dire Stéphane Bern : https://actu.orange.fr/societe/people/religion-le-coup-de...

S'il est un bon prêtre sur terre, Guy Gilbert l'est selon mon coeur .
http://www.lest-eclair.fr/25479/article/2017-05-21/guy-gi...
« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville
4è juin 1763 au château de Ferney
par Genève 1
Mon cher et ancien camarade, toujours le même refrain, toujours les mêmes regrets de ce que Ferney n’est pas en Normandie, et Launay dans le pays de Gex . Nous sommes quatre à présent à Ferney, et nous ne pouvons courir , Madame Denis est languissante ; je le suis plus qu’elle, et je deviens aveugle . J’écris avec peine . Je vois à peine mes caractères, et je les forme gros pour me soulager . Vous êtes seul, vous avez de la santé, vous pouvez aller. Vous devriez bien un jour entreprendre le voyage . Car enfin il faut se voir avant de mourir ; il est clair que nous ne converserons pas ensemble quand nous serons cinis, fabula et manes 2 . J’aurais bien voulu vous envoyer Olympie . Mais comment vous l’adresser ? il n’y a plus moyen d’envoyer aucun imprimé par la poste. La lettre de Jean-Jacques Rousseau à Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, a mis l’alarme partout. On a ouvert et supprimé tous les paquets qui contenaient du moulé 3, de quelque nature qu’ils fussent . Ainsi on a coupé les vivres de l’âme . Notre Corneille avance ; nous en sommes malheureusement à Bérénice. Vous savez qu’il ne sortit pas de ce combat à son avantage. Je fais imprimer la Bérénice de Racine avec des remarques qui m’ont paru nécessaires. J’en fais peu sur la pièce de Corneille . Vous savez qu’elle n’en mérite pas ; mais il faut tout pardonner à l’auteur de Cinna . Vous avez vu que j’étais dans le goût des remarques, par celles que j’ai faites sur Olympie . Elles sont un peu philosophiques. J’avais dès longtemps assez d’antipathie contre le rôle de Joad, dans Athalie. Je sais bien qu’en supposant qu’Athalie voulait tuer son petit-fils, le seul rejeton de sa famille, Joad avait raison . Mais comment imaginer qu’une vieille centenaire veuille égorger son petit-fils pour se venger de ce qu’on a tué tous ses frères et tous ses enfants ? cela est absurde . Quodcumque ostendit mihi sic, incredulus odi 4. Le public n’y fait pas réflexion, il ne sait pas sa sainte écriture. Racine l’a trompé avec art ; mais, au fond, il résulte que Joad est du plus mauvais exemple. Qui voudrait avoir un tel archevêque ? Il a peint un prêtre, et moi j’ai voulu peindre un bon prêtre ; je m’en rapporte à vous . Adieu, mon cher ami ; nous vous aimerons tant que nous vivrons.
V. »
1 Cideville a écrit le 10 mai 1763 : « J'ai eu la bonne fortune, illustre et cher ami, d'entendre votre tragédie d'Olympie chez Mme du Boccage . M. Saurin, quelle ne connait point, était chargé , lui-dit-il, de la lui envoyer . Elle est imprimée à Francfort et un M. Collini, éditeur, dit ce me semble qu’elle a été représentée à Manheim devant l’Électeur . Elle nous fut lue par M. l'abbé Trublet . Je crus voir un de ces chanoines nègres, nu, comme la main, le bonnet carré en tête, n'ayant point pour tout surplis qu'une aumusse sur le bras, que peint si plaisamment Mme de Sévigné, forcé comme l'esprit immonde de chanter les louanges du Très-Haut ; en effet le pauvre diable chanta assez bien vos beaux vers et fut obligé avec tout le monde de les applaudir . Cette pièce, à quelques longueurs près que vous avez dit-on retranchées, me parut la digne cadette de ses sœurs ainées . […] Mais pourquoi donc ne pas nous envoyer cette belle tragédie, si pleine de mœurs et de bons sentiments ? Pourquoi ne pas la donner à prêcher à Clairon qui sera en état dans quelques mois d'en entretenir un nombreux auditoire ? […] Pour moi, mon cher ami, je suis totalement confisqué ; j'ai des vapeurs, j'ai un trouble dans la tête qui ne me permet plus de m'appliquer […] , on veut me faire revenir la goutte . Je prends depuis quinze jours des bains […] Je vais sur la fin du mois à Launay cultiver mon petit jardin. »
2 D'après Perse, Satires, I, 152 : cendre, manes et fantôme .
3 De l'imprimé ; moulé est le vieux mot dans ce sens, et survivait chez les paysans de la région parisienne de l'époque .
4 Tout ce qu'il me montre ainsi, ne me convainc ni ne me plait ; Horace, Art poétique, 188.
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03/06/2018
Si vous consultez, expliquez nettement l'affaire
... Le corps soignant n'est pas un corps de devins, et surtout n'attendez pas d'être à l'agonie . Quelques affaires en rapport avec les services d'urgence montrent que la clarté est difficile quand on exprime une souffrance, hélas .
« A Joseph-Marie Balleidier
[vers le 3 juin 1763]1
Monsieur Balleidier peut occuper, subhaster, agir pour Mme Burdet . Je paierai les frais ayant de l’argent à elle sans me mêler d'autre chose que de payer .
Je lui ai remis l'extrait de la subhastation de Prévessin que monsieur Balleidier me rendra .
Par la coutume de Bourgogne tout père est usufruitier du bien de ses enfants . Reste à savoir s'il en est de même à Gex .
Par l'emprunt des 5000 fait par Frezier à sa femme, mère de la dame Burdet, il se soumet à payer cette somme aux ayants cause de sa femme . Ceci est un cas différent, la dame Burdet est ayant cause, et quand Frezier dit qu'il est usufruitier de cet argent, il plaide contre sa signature .
Il faut voir comment est conçue la quittance que ladite Burdet a déjà faite à son père de 1000 livres sur ce qui doit lui revenir de sa part des 5000 livres .
Si vous consultez, expliquez nettement l'affaire, envoyez à Dijon, je paierai les frais .
Voltaire . »
1 L'édition Vézinet est incomplète .Balleidier a noté sur le manuscrit : « De M. de Voltaire sans date reçue le 4 juin 1763 par la Burdet en conséquence et responsive à celle du 1er dud[it] ! »
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02/06/2018
Je ne suis pas aujourd'hui dans mon bon jour
... Vivement demain !

... que je me remplume ...
« A César-Gabriel de Choiseul, duc de Praslin
Au château de Ferney
par Genève 2è juin 1763
Monseigneur,
Mes anges me mandent que vous n'êtes pas mécontent de ma diligence, mais je ne sais point dans quel goût on fait la Gazette littéraire, si les extraits doivent être longs ou courts . Vous pouvez ordonner qu'on m'envoie cette gazette, afin que je me conforme à la méthode qu'on y suit . Je suis à sec pour la Suisse , elle vous fournira toujours plus de régiments que de livres nouveaux .
Je doute encore , malgré l'avis des bureaux de M. de Saint-Florentin, que je doive adresser ma requête à d'autres qu'à vous . Cette requête est uniquement fondée sur les traités , et particulièrement sur le onzième article du traité d'Arau ; il me semble que cela dépend entièrement de votre ministère . J'ai envoyé, à tout hasard, copie de la requête et du brevet , à M. de Saint-Florentin, mais je ne puis croire que l'évocation au Conseil des affaires entièrement relatives aux traités, sont d'un autre ressort que du vôtre . Je puis encore moins espérer une meilleure protection, et qui me soit plus chère que celle dont vous voulez bien me flatter . Je ne suis pas aujourd'hui dans mon bon jour pour les yeux, pardonnez si je ne vous écris pas de ma main .
Vous savez avec combien de respect et de reconnaissance j'ai l'honneur d'être
Monseigneur
Votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
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