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12/12/2017

ce ne sont que des épines, des tracasseries plus ridicules que dangereuses, mais elles sont désagréables et nous avilissent aux yeux des étrangers

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« A Claude-Philippe Fyot de La Marche

A Ferney 21 janvier 1763

Mon cher et respectable magistrat j'ai été instruit en détail du jugement de vos arbitres . Bien des gens trouvent qu'ils ont passé leur pouvoir en stipulant l'emploi que vous devez faire de l'argent qu'ils ont décidé vous appartenir . Aussi je ne regarde point cette sentence arbitrale comme un jugement , je la regarde seulement comme une médiation amicale . On vous adjuge quinze mille livres, et en même temps les arbitres vous prient de rendre ces quinze mille livres réversibles à monsieur votre fils . C'est un mince objet, et c'est à vous à voir si vous voulez vous assujettir vous-même à cette condition . Si vous permettiez à ma tendre et respectueuse amitié de vous dire mon avis, je vous conjurerais de ne faire aucune difficulté de signer, parce que d'un trait de plume vous mettez fin à l'affaire la plus désagréable, parce que vous montrerez par là une magnanimité supérieure au mauvais procédé qu'on a eu avec vous, parce que vous ne laissez voir aucune envie de vous ressentir de ce procédé, parce que vous restez le maître absolu de disposer de votre bien, et qu'enfin onze cents louis sont peu de chose . J'ajouterais que c'est le sentiment de toutes les personnes qui vous sont attachées . Vous aurez en différant un peu fait voir aux arbitres qu'ils ont passé leurs pouvoirs, et en signant vous signerez votre repos . Si vous avez déjà terminé, je vous en félicite, sinon j'ose vous en prier, et je vous prie surtout de me pardonner ma liberté .

Quant à la bagatelle dont il s'agit entre nous, permettez-moi de vous dire que M. Tronchin dicta votre billet comme un mémorandum . C'est l'usage des négociants . Souvent même ils se contentent de porter les sommes sur leurs registres . Cela n'a rien de commun avec les formes judiciaires . C'est ensuite aux parties qui ont déposé l'argent chez eux ou qui l'ont reçu, à faire entre eux les arrangements dont ils conviennent . Votre billet dont un double est entre mes mains, et dont l'autre est probablement resté à Lyon entre celles de M. Camp, associé de M. Tronchin, porte, j'ai reçu par les mains et des deniers de M. Tronchin 1 vingt mille livres de M. de Voltaire dont je lui tiendrai compte . Fait double ne servant que d'un seul et même acquit. 13 sept[em]b[re] 1761 . Ce billet est proprement une quittance, le mot d'acquit le dit expressément, les deniers de M. Tronchin le confirment encore 2, et il est sûr que vos héritiers pourraient contester le paiement aux miens .

Je vous ai déjà mandé que la procuration pour Gex n'obviait point au paiement du contrôle, que d'ailleurs la date de l'emprunt était omise . Ainsi vous avez trouvé bon que je vous proposasse un acte à Paris attendu que le contrôle n'y est pas en usage . J'aurai l'honneur de vous renvoyer la procuration de Gex non remplie et le double de votre billet avec annulation motivée au bas , et je redemanderai l'autre double à M. Camp que je vous adresserai à l'instant que je l'aurai reçu . N. B. -- Vous pouvez en attendant pour la plus grande sûreté rappeler le billet et l'annuler dans le contrat 3.

Je suis toujours émerveillé du long loisir de votre parlement . J'avais en main la cause des six frères auxquels on a ravi leur bien par une antichrèse odieuse . J'avais obtenu pour eux une sentence dans la caverne de Gex nommé bailliage . L'oisiveté du parlement ôte ainsi le pain à six orphelins . Il y a peut-être cent familles dans le même cas . Vous m'avouerez que cela n'est pas juste, et que ce n'est pas la peine d'avoir fait serment de rendre la justice pour ne la pas rendre . Ce délai m'afflige extrêmement . La plupart des choses que je vois n'ont point d'exemple . Il est vrai que ce ne sont que des épines, des tracasseries plus ridicules que dangereuses, mais elles sont désagréables et nous avilissent aux yeux des étrangers .

J'ai lu le réquisitoire du procureur général de Provence contre les jésuites . Je trouve qu'on est beaucoup plus éloquent en province qu'à Paris . La capitale ne se signale que par l'opéra-comique .

Adieu mon illustre magistrat, mon respectable ami, continuez-moi des bontés qui me sont chères .

V.4

Je serais enchanté que M. de Caylus voulût approuver notre dessinateur et qu'il vous donnât une attestation que je pusse montrer à Cramer .

Pour moi j'en suis très content, quoique les figures ne soient pas toujours correctement dessinés, et je trouve que Pertharite, Don Sanche, Théodore, Attila, Pulchérie, Othon, Suréna, Bérénice, Sophonisbe, La Toison d'Or, Andromède ne méritent pas les dessins de votre protégé . Quel fatras ! que de pauvretés ! et que de préjugé ! »

1 Depuis j'ai reçu … mots ajoutés sur le manuscrit au-dessus de la ligne .

2 Depuis les derniers … mots ajoutés sur la manuscrit au-dessus de la ligne .

3 Le nota bene est ajouté au bas de la page sur le manuscrit .

4 C'est ici le bas de la 7è page sur le manuscrit ; V* a ajouté t.s.v.p.

11/12/2017

Je n'ai point fait de citoyens, mais j'ai fait de la terre .

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« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont

21è janvier 1763 à Ferney

Notre ami commun M. Damilaville, m'avait envoyé, monsieur, votre très beau et très solide discours, et je ne croyais pas l'avoir ; le titre m'avait trompé ; je viens enfin de m'apercevoir de mon erreur , j'ai vu votre nom à la 35è page, et je vous ai lu avec un plaisir extrême . Tout célibataire que je suis, j'avoue que vous faites très bien de prêcher le mariage . Je suis aussi très fort de votre avis sur les défrichements . Je me suis avisé de défricher, ne m’étant pas avisé de peupler ; mais voici comme je m'y suis pris ; j'ai assemblé les propriétaires des terres abandonnées, et je leur ai dit, mes amis, je vais défricher à mes frais, et quand la terre sera en valeur, nous partagerons . Je n'ai point fait de citoyens, mais j'ai fait de la terre .

Je me flatte , monsieur, que vous serez célèbre pour avoir fait une bien meilleure action, pour avoir fait rendre justice à l'innocence opprimée et rouée . Vous avez vu sans doute la lettre de la religieuse de Toulouse ; elle me paraît importante, et je vois avec plaisir que les sœurs de la Visitation n'ont pas le cœur si dur que messieurs ; j'espère que le Conseil pensera comme la dame de la Visitation .

Si vous voyez M. de Cideville, je vous prie de lui dire combien je l'aime ; c'est un sentiment que vos ouvrages m’inspirent pour vous , qui se joint bien naturellement à l’estime infinie avec laquelle j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

Il me semble que la simplicité, la vertueuse indulgence de cette nonne de la Visitation, condamne terriblement le fanatisme sanguinaire

...

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

21 janvier 1763 1

J'envoie à mes frères la copie de la lettre d'une bonne religieuse 2. Je crois cette lettre bien essentielle à notre affaire . Il me semble que la simplicité, la vertueuse indulgence de cette nonne de la Visitation, condamne terriblement le fanatisme sanguinaire des assassins de Toulouse en robe .

Je demande pardon à mon frère de m'être trompé sur une brochure 3 qu'il avait eu la bonté de m'envoyer . Il ne m'annonçait par le titre qu'un discours de M. Rouxelin 4. Je n'eus pas le temps de le lire et je ne m'aperçus pas qu'il était suivi du discours de M. de Beaumont 5. Je répare ma faute, je le lis, et je vais remercier l'auteur .

Écrasez l'infâme .

V.

Voici deux lettres, mon cher frère, que je vous supplie de faire envoyer à leurs adresses .

Aurez-vous la bonté de m'envoyer le factum de Loyseau pour demoiselle Alliot 6?

Mes frères, écrasez l'infâme, vous dis-je . »

1 L'édition Cayrol omet la fin à partir du 3è paragraphe, ainsi que les éditions suivantes ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-2.html

 

10/12/2017

Vous voyez que je me contente difficilement . Je fais vite, et je corrige longtemps

...

 

« A Cosimo Alessandro Collini, Secrétaire intime

de S. A. E. Mgr l’Électeur palatin

à Manheim 1

J'ai reçu votre Palatinat 2, mon cher historiographe . Me voilà au fait grâce à vos recherches de bien des choses que j'ignorais . Les Palatins vous auront de l'obligation .

Je vous prie de me mettre aux pieds de Leurs Altesses Électorales . Nous sommes ici dans les neiges jusqu'au cou . Cela gèle l'imagination d'un pauvre diable d'environ soixante-dix ans, et je n'ose écrire à monseigneur l’Électeur de peur de l'ennuyer .

Vous avez probablement reçu le petit paquet que je vous ai adressé . Je vous embrasse de tout mon cœur .

V.

Voudriez-vous à ces vers de la seconde scène du IVè acte  3:

La loi donne un seul jour ; elle accourcit le temps

Des chagrins attachés à ces grands changement :

Mais surtout attendez les ordres d'une mère ,

Elle a repris ses droits, ce sacré caractère, etc.

substituez ceux-ci :

Statira vit encor et vous devez penser

Que du sort de sa fille elle peut disposer.

Respectez les malheurs et les droits d'une mère,

Les lois des nations, le sacré caractère

Que la nature donne et que rien n'affaiblit .

Vous voyez que je me contente difficilement . Je fais vite, et je corrige longtemps .

Je vous embrase .

21 janvier [1763]. »

1 Date complétée par Collini sur le manuscrit olographe avec mention « f[ran]co Canstatt » . La première phrase du deuxième paragraphe manque dans les éditions . Le 22 janvier 1763 Collinni écrit à son tour pour accuser réception du « paquet ».

3 Collini a changé sur le manuscrit seconde en, ce qui est correct .

09/12/2017

Il y a beaucoup d’additions toutes prêtes, pour le texte et pour les notes sur la tolérance

... Et je crois bien qu'aucune n'est Donald Trump, semeur de zizanie  patenté ( ici je reste poli, vous savez bien ce qu'on sème quand on est un emmerdeur comme lui ), assez abruti pour reconnaître Jérusalem comme capitale israelienne, assez retors pour compter sur la réaction violente palestinienne . Cette réaction ne s'est pas faite attendre, les Palestiniens , par le Hamas tout aussi bornés/bernés que leurs adversaires,  réclament les armes à la main un territoire dont ils vont bientôt manger les racines de pissenlits . Mon pauvre Voltaire, comment parler de tolérance quand on mélange Yahwhe, Allah et le dollar ?   

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« A Gabriel Cramer

[vers le 20 janvier 1763]

En lisant les feuilles du volume des additions, je vois qu'on a fidèlement copié toutes les fautes de la première édition de l’Histoire, c'est ainsi qu'on en a usé quand on a réimprimé quelques tragédies . Je ne conçois pas comment les personnes que monsieur Cramer emploie ont pu avoir tant de négligence ou si peu de discernement .

Voici par exemple , la page 324 1 du volume des additions, feuille X, ligne 5 : aussi ces pays ne sont-ils pas aussi peuplés . Il est évident qu'il faut, aussi ces pays ne sont-ils pas assez peuplés .

Je suis trop malade pour faire une lecture suivie . Mais j'avertis en général, qu'un errata est très nécessaire ; parce qu'on ne manquerait pas , un jour , de copier toutes les fautes dans une nouvelle édition ; l'art de la typographie est un très bel art, par parenthèse, dont personne ne doit rougir, et où tous ceux qui s'y sont une fois livrés, devraient mettre tous leurs soins . Je ne dis pas cela pour Caro, il s'en faut de beaucoup, mais Caro ne peut pas tout faire ; et un pauvre homme comme moi, chargé de quatre ouvrages considérables, et de maladies, et d'années, est bien embarrassé . Je renvoie la feuille R de Nicomède, et je prie qu'on la remanie avec beaucoup d'attention .

J'embrasse Caro .

Il y a beaucoup d’additions toutes prêtes, pour le texte et pour les notes sur la tolérance . Si on veut m'envoyer le manuscrit tout à l'heure, nous arrangerons tout cela, et je renverrai le manuscrit lundi matin . Ainsi on préviendra les remaniements continuels qu’il faudrait faire à chaque feuille pour y insérer les nouveaux morceaux qui sont très essentiels . »

08/12/2017

La crainte de déplaire est l'éteignoir de l'imagination

... Qu'elle soit poétique ou humoristique, l'imagination tend à se retrouver sous la chape de plomb de la bienséance, du politiquement correct portés à leur comble .

 * Eteignoir = petit instrument creux en forme d'entonnoir pour éteindre la bougie ou la chandelle .

Mme Marlène Schiappa correspond tout à fait à la définition ; je vous laisse imaginer tout ce que vous voulez à propos "d'instrument  creux" et de "chandelle", vous êtes assez grands maintenant  .

Peur de déplaire au président , et sa Grande Cause du Quinquennat pour l'égalité femmes-hommes ? L'animateur Tex n'en est pas encore là , ce qui fait que Mme Schiappa, qui elle en est déjà là, demi ministre imbue de sa personne (secrétaire d'Etat en charge de l'Egalité entre les hommes et les femmes, titre ronflant s'il en est ! ) , pourfendeuse de moulins à vent, lâche les chiens et tempête contre l'animateur , dangereux exemple pour la jeunesse se permettant une blague éculée jugée sexiste .

 A ce rythme, mettons tout de suite un policier derrière chaque humoriste et chaque romancier,  la vente d'anti-dépresseurs va reprendre  !

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Propos : sexistes ? anti-polonais ? pro-alcooliques ? géniaux ?

 

 

« A Jacob Vernes

20è janvier 1763 1

Je suis ravi mon cher Rabbi de l'intérêt que vous prenez à la chose . Je sens bien que je marche sur des charbons ardents . Il faut toucher le cœur, il faut rendre l'intolérance absurde, ridicule et horrible ; mais il faut respecter les préjugés . Il est bien difficile en montrant les fruits amers qu'un arbre a portés, de ne pas donner lieu de penser que l'arbre ne vaut rien . On a beau dire que c’est la faute des jardiniers, bien des gens sentent que c'est à l'arbre qu'il faut s'en prendre . Au reste il y a dans le contrains-les d'entrer de Bayle 2 des choses beaucoup plus hardies . À peine s'en est-on aperçu parce que l'ouvrage est long et abstrus . Ceci est court et à la portée de tout le monde . Ainsi je dois être plus circonspect . J'ai beaucoup ajouté, beaucoup retranché, corrigé , refondu . La crainte de déplaire est l'éteignoir de l'imagination . Il faudrait que vous vinssiez rallumer la mienne avec votre ami . Nous tiendrions ensemble un petit conciliabule de tolérance . Je voudrais qu'en inspirant la modération l’ouvrage fût modéré .

Gardez-moi un profond secret mes frères . Il ne faut pas que mon nom paraisse . Je n'ai pas bon bruit .

Tenez, voilà un petit chapitre pour vous amuser . Renvoyez-le, ou plutôt rapportez-le et raisonnons . »

1Manuscrit olographe, sauf la date , avec mention « Reçu le 21è de janvier 1763 » . L'édition de Kehl date du 2 à cause d'une tache sur la copie Beaumarchais .

07/12/2017

Je voudrais bien baiser les deux côtés de cette bonne religieuse

... NDLR -- De deux choses l'une : soit James est le dernier des mécréants lubriques, soit il est dans une pâtisserie . Honni soit qui mal y pense !

Parfois la langue française manque de mots pour exprimer le sens précis de certains actes , et "baiser" manque de nuances . Il me sera beaucoup pardonné car j'ai beaucoup péché (pêché aussi, d'ailleurs ) : et que ceux qui veulent simplifier la langue française en supprimant les accents soient maudits, ce sont de fieffés analphabètes (fieffe analfabete ! ) ridicules .

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Elle est à croquer et donne l'envie d'entrer en religion ;

 

 

« A Philippe Debrus

Je voudrais bien baiser les deux côtés de cette bonne religieuse Mme Julie Fraisse 1. Voilà un beau contraste avec la barbarie des assassins en robe noire . J'aime encore passionnément ce M. Dumas 2, le brave homme ! le digne homme ! Dites-lui, je vous en prie, monsieur, combien je lui ai d'obligations . Je ne doute pas qu'on ne fasse courir dans Paris la lettre de la bonne Mme Fraisse à M. d'Auriac ; elle doit faire un très grand effet ; j'en envoie copie à mes amis . Mais pour l'archevêque de Toulouse 3 et frère Bourges 4, je les tiens pour fort suspects . Je crois que le discours révoltant du conseiller au parlement de Paris nous servira plutôt que de nous nuire ; les juges du Conseil se croiront intéressés à repousser loin d'eux ce reproche infâme qu'on a plus de soins de l'honneur de la magistrature que de l'équité qui en fait le véritable honneur . Mes compliments, je vous prie, à M. de Végobre ; et puisse le procès aller au Grand Conseil !5

20è j[anvier 1763] »

2 En compagnie duquel Mme Calas et ses filles séjournent à Paris .

5 Le Grand Conseil ou conseil du roi, qui devient plus tard le conseil d’État .