19/06/2018
Vous avez très bien relevé mes inadvertances
... Cette constatation semble totalement impossible à placer dans la bouche d'un lycéen ou tout autre étudiant recevant ses notes d'examen, ou alors peut-être de la part d'un recalé admis au repêchage et qui veut la jouer "humble sujet" devant son "clairvoyant examinateur" : lèche-cul !

« A Gabriel Cramer
[1763]1
Vous avez très bien relevé mes inadvertances mon cher Gabriel . Tout est corrigé .
Renvoyez toujours la dernière épreuve .
À ce soir, copie .
Je renvoie Pomp[ée], Méla et Corn[elius] Nepos .
Envoyez-moi je vous prie l'introduction à l’Histoire du Danemark. »
1 Pour la date, elle est donnée par l'allusion à l'ouvrage de Paul-Henri Maller : Histoire de Dannemarc, 1763 , dont les deux premiers volumes sont effectivement intitulés Introduction à l'histoire de Dannemarc . Voir : http://data.bnf.fr/13005574/paul-henri_mallet/
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18/06/2018
On est sûr de la justice, quand on est protégé par la vertu
... Vous avez trois heures pour rendre votre dissertation .
P.S. -- On est sûr de se faire recaler quand on casse son lycée .
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
A Ferney 30 juin [1763] 1
Madame,
Une bonne âme a mis entre mes mains les libéralités d’une grande âme. Je ferai tenir incessamment à la famille infortunée des Calas les marques de votre générosité. Ce secours est un augure bien favorable pour le gain absolu de leur procès. On est sûr de la justice, quand on est protégé par la vertu. Votre Altesse Sérénissime n’a jamais fait que de belles actions. Tous les princes, vos confrères, ne vous imitent pas, madame ; ils donnent des batailles, ils les gagnent ou ils les perdent ; ils font des traités ou dangereux ou utiles ; mais secourir la vertu malheureuse, aller chercher dans le sein de l’opprobre et de la misère des inconnus persécutés, les honorer d’un bienfait considérable, c’est ce qui n’appartient qu’à madame la duchesse de Gotha . On ose donner des fêtes à Paris ; je ne sais pas trop bien pourquoi. Il me semble que c’est aux Anglais et à certains princes d’Allemagne à donner des fêtes. Si Votre Altesse Sérénissime peut se plaire aux petits objets qui marquent de l’humanité, je lui dirai que Jean-Jacques Rousseau, condamné dans la ville de Calvin pour avoir fait parler un vicaire savoyard, Jean-Jacques qui s’était débourgeoisé de Genève, a trouvé des bourgeois qui ont pris son parti. Deux cents personnes, parmi lesquelles il y avait deux ou trois ministres, ont présenté pour lui requête au magistrat 2 « Nous savons bien qu’il n’est pas chrétien, disent-ils ; mais nous voulons qu’il soit notre citoyen. » Voilà donc la tolérance établie, Dieu soit béni ! C’est un exemple qu’on ne suivra pas à Rome, en Espagne, en Autriche . Que votre auguste famille me conserve ses bontés. Agréez, madame, mon profond respect.
V. »
1 L'édition Voltaire à Ferney la place en 1760, corrigée par Moland .
2 Le 18 juin 1763 ; des représentations, trop tardives pour être efficaces, furent présentées au conseil, de juin à août 1763 .
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Voici le temps où mon sang bout, voici le temps de faire quelque chose. Il faut se presser, l’âge avance, il n’y a pas un moment à perdre
... Signé Voltaire .
Contresigné Emmanuel Macron , possiblement .
Constat souhaitable des candidats au Bac ce matin ?

« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
29 juin [1763] 1
Divins anges, je reçois votre lettre du 21 juin. Voici le temps où mon sang bout, voici le temps de faire quelque chose. Il faut se presser, l’âge avance, il n’y a pas un moment à perdre. Ils me font jouer de grands rôles de tragédies, pour amuser ces enfants et ces Genevois . Mais ce n’est pas assez d’être un vieil acteur, je suis et je dois être un vieil auteur , car il faut remplir sa destinée jusqu’au dernier moment.
Cela ne m’empêchera pas, dans les entractes, de travailler à votre gazette. Je suivrai très exactement les ordres de M. le duc de Praslin, s’il m’en donne. Encore une fois, il est pourtant bien étrange que je n’aie pas vu une seule Gazette littéraire 2 : qu’est-ce que cela veut dire ?
Cramer assure qu’il n’a envoyé aucun exemplaire 3 à Robin-Mouton, et qu’on a ôté mon nom partout. Je désirerais fort de n’être pas réduit à faire un désaveu inutile, qu’on ne croira pas, et qui ne servira à rien. Il ne s’agit que d’engager Merlin à veiller sur son propre intérêt ; c’est ce que j’ai mandé à frère Damilaville.
Au reste, il y a longtemps que j’ai pris mon parti sur cette affaire. Si on me poursuit, je crois la chose très injuste, et tout le monde ici pense de même. Je n’ai pas écrit un seul mot qui puisse déplaire à la cour ; ma justification est toute prête. Je sais bien que le roi ne me soutiendra pas plus contre le parlement que le président d’Éguilles 4; mais je me soutiendrai très bien moi-même. Je n’habite point en France, je n’ai rien en France qu’on puisse saisir ; j’ai un petit fonds pour les temps d’orage. Je répète que le parlement ne peut rien sur ma fortune, ni sur ma personne, ni sur mon âme, et j’ajoute que j’ai la vérité pour moi. Un corps entier fait souvent de très fausses démarches . Il faut s’y attendre . Mais soyez très sûrs qu’à mon âge tous les parlements du monde ne troubleront pas ma tranquillité. Le sang ne me bout que pour les vers . Je suis et serai serein en prose : il importe fort peu où je meure ; j’ai quatre jours à vivre, et je vivrai libre ces quatre jours.
J’ai été fidèle avec le dernier scrupule . Je n’ai envoyé à personne une seule ligne de ce que vous avez très sagement supprimé. Je vous supplie de m’instruire si les Cramer ont laissé subsister mon nom à la tête de quelques exemplaires . Ce point est très important, car on ne peut procéder contre la personne que quand elle s’est nommée. Toutes les procédures générales et sans objet tombent. Mais enfin, qu’on procède comme on voudra, je suis aussi imperturbable que je suis dévoué à mes anges.
Respect et tendresse.
V.
J'ajoute que M. le maréchal de Richelieu m'a demandé tous mes rôles comiques pour une damoiselle d'Epinay . Je les ai donnés . Arrangez-vous avec lui mes anges . »
1 L'édition de Kehl supprime le post-scriptum .
2 Elle ne parut qu'en 1764 .
3 De l'Essai sur l'histoire générale ; voir lettre du 23 juin 1763 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/06/15/on-a-tant-brule-de-livres-bons-ou-mauvais-tant-de-mandements-6059834.html
4 Sur le chevalier d'Éguilles voir la lettre du 2 janvier 1763 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/11/10/je-n-ai-point-peuple-et-j-en-demande-pardon-a-dieu-mais-auss-5997815.html
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probablement je ne vivrai et ne mourrai ailleurs que chez moi
... Statistiquement vrai selon les données corrigées saisonnières .

« A Cosimo Alessandro Collini, Secrétaire intime et historiographe
de Son Altesse Électorale
à Manheim
28 juin [1763]1
Mon cher ami, je ne puis trop vous remercier de vos instructions sur les monnaies de Rome . Il me serait fort doux de chercher avec vous de vieilles vérités dans votre bibliothèque électorale, mais l'âge avance , la faiblesse augmente ; et probablement je ne vivrai et ne mourrai ailleurs que chez moi .
La médaille de Jules III n'est pas modeste 2, mais je voudrais qu'on eût mis dans le revers il cardinale suo bardassa […] colla suo simia .3
Adio caro . Je vous écrirai plus au long quand j'aurai de la santé et du loisir, deux choses qui me manquent .
V. »
1 Manuscrit daté par Collini dont la lettre n'est pas connue .
2 Voir : https://www.cgb.fr/vatican-et-etats-pontificaux-medaille-du-pape-jules-iii-ttb-,fme_438688,a.html
3 le cardinal son bardache […] avec son singe . Ce passage a été biffé par Collini ce qui a rendu quelques mots illisibles ; Collini avait corrigé en il ragazzo[« le garçon »] suo bardassa colla scimia . On se souviendra que dans ses Annales V* écrit de Jules III : « C'est lui qui fit cardinal son porte-singe, qu'on appela le cardinal Simia ; il passait pour fort voluptueux. ». Voir page 27 : https://books.google.fr/books?id=FRo-AAAAYAAJ&pg=PA457&lpg=PA457&dq=voltaire+Annales+jules+III&source=bl&ots=Y_qq_6g6au&sig=N-EQKiw-k3OhOIP5aL4hDpz3iJ8&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjNy_Lw59vbAhXHORQKHac4DWsQ6AEIMTAB#v=onepage&q=voltaire%20Annales%20jules%20III&f=false
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17/06/2018
Je ne peux absolument entamer l'affaire dont vous me parlez
... Je suis déprimé !"
Telle serait la réponse d'un quart des Français au travail . J'en suis effaré . Si ceux qui ont la chance d'avoir un travail ont une attitude de Caliméro , que peuvent donc dire ceux qui sont au chômage ?
https://www.youtube.com/watch?v=ubgStwPmF70&list=RDub...

French attitude ?
« A François de Chennevières
27 juin [1763]
Je ne sais mon cher confrère si vous avez reçu le second tome de Pierre qu'on vous a dépêché par la poste . Il faut que vous ayez un furieux crédit si on n'a pas retenu le paquet, car on confisque sans miséricorde tous les imprimés . C'est probablement Jean-Jacques Rousseau qui nous a valu cette petite inquisition .
Je ne peux absolument entamer l'affaire dont vous me parlez . Il y a deux ans que j'ai rompu tout commerce avec un homme dont je n'ai qu'à me plaindre, et qui ne m'aiderait ni à vivre ni à mourir, si j'avais besoin de lui dans ces deux cas . Son commerce n'était qu’embarrassant . Je suis vieux , infirme, presque aveugle, j'écris à peine à mes amis, et je suis devenu trop philosophe pour écrire à des princes . Je vous embrasse, nous vous embrassons tous , et la sœur du pot permettra qu'on lui en fasse autant .
V. »
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16/06/2018
On a tant brûlé de livres bons ou mauvais, tant de mandements d’évêques, tant d’ouvrages dévots ou impies, que cela ne fait plus la moindre sensation. Les livres deviennent ce qu’ils peuvent
... et les candidats au Bac de même . Faute d'étudier, et a fortiori réviser , ils vont se fier aux prédictions des Madame Soleil électroniques , grand bien leur fasse !
https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/06/14/bac-s-20...
« A Etienne-Noël Damilaville
23 juin [1763]
Mon cher frère, vous m’annoncez par votre lettre du 18 que Robin mouton débite, contre la foi des traités, le tome de l’Histoire générale avec les feuilles qui ne doivent pas y être. J’en ai parlé à Gabriel Cramer, qui jure Dieu et Servet qu’il n’a envoyé aucun exemplaire à Robin mouton. Si ce Robin mouton a acheté de Merlin par quelque colporteur aposté les exemplaires impurs et s’il les vend, il faut l’écorcher, ou du moins il faut lui faire peur. Mais que puis-je faire ? je crois qu’il ne me convient que de me taire, et m’en rapporter à M. d’Argental. Au reste, tout ce que j’ai souhaité, c’est que mon nom ne parût pas . Car, en vérité, il m’importe assez peu que le livre soit condamné ou non. On a tant brûlé de livres bons ou mauvais, tant de mandements d’évêques, tant d’ouvrages dévots ou impies, que cela ne fait plus la moindre sensation. Les livres deviennent ce qu’ils peuvent. Je n’ai travaillé à cette nouvelle édition que pour faire plaisir aux frères Cramer ; je n’y ai pas le plus léger intérêt . Mais pour la personne de l’auteur, c’est autre chose. Je ne voudrais pas être obligé de désavouer mon ouvrage, comme Helvétius. On ne peut jamais procéder que contre le livre, et contre l’auteur, quel qu’il soit, on désignera, si on veut, un quidam, on ordonnera des recherches, on n’en fera pas à Ferney, ni aux Délices. Pourquoi d’ailleurs en faire ? parce qu’on a réimprimé dans une Histoire générale la lettre de Damiens 1, imprimée par le parlement même ? Dira-t-on que cette lettre fait soupçonner que les discours de la grand-salle tournèrent la tête de Damiens ? Ne l’a-t-il pas avoué ? cela n’est-il pas formellement dans son procès-verbal ? Le parlement a fait imprimer cet aveu de Damiens ; et moi, je n’ai pas dit un seul mot qui pût jeter le moindre soupçon sur aucun membre du parlement. Il faudra donc chercher d’autres motifs de condamnation. Or, si on cherche d’autres motifs, pourquoi irai-je parler dans les papiers publics de la lettre de Damiens, qui ne peut être l’objet de la censure qu’on peut faire ? Il me semble que cette démarche de ma part ne servirait qu’à réveiller des idées qu’il faut assoupir. De plus, je m’avouerais l’auteur de l’ouvrage, et, en ce cas, je fournirais moi-même des armes à la malignité , ce 2 serait prier ceux qui voudraient me nuire de me condamner juridiquement sous mon propre nom.
En voilà trop, mon cher frère, sur une chose qui n’aurait pas fait le moindre bruit, si l’esprit de parti ne faisait pas des monstres de tout. Je vous embrasse vous et nos frères.
Ecr. l’inf…
Permettez que je vous adresse cette lettre 3 pour M. Mariette. Il est bien étrange que M. le procureur-général de Toulouse n’ait pas encore envoyé les pièces quand le terme est expiré. »
1 Voir chapitre XXXVII du Précis du siècle de Louis XV : https://fr.wikisource.org/wiki/Pr%C3%A9cis_du_si%C3%A8cle_de_Louis_XV/Chapitre_37
2 V* a écrit je rayé et remplacé par ce.
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15/06/2018
J'aurai l'honneur d'entrer dans un plus long détail avec vous quand il en sera temps
... disent les seize doctorants qui ont, ce mercredi, présenté leurs thèses en seulement trois minutes ( et je parie mon pesant de cacahuètes qu'ils n'ont jamais fait partie de ces râleurs boutonneux qui saccagent universités et lycées pour s'opposer à une sélection justifiée et inéluctable ) . Bravo aux jeunes talentueux : https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/06/14/ma-these...
PS .- Il n'y a pas que le foot au monde .
« A Pierre Mariette
A Ferney , 23 juin [1763]
Je vous suis très obligé monsieur d'avoir eu la bonté de faire rectifier la petite omission du bureau, au sujet des lettres patentes .
M. Dupuits joint ses remerciements aux miens . Il vous a recommandé deux petites affaires, l'une pour l’exportation de ses blés que M. de Courteilles a renvoyée à l'intendant, et qui n'est qu'une chose de faveur dont nous sommes peu en peine , l'autre est une requête au conseil pour ne pas payer la capitation en deux différents endroits ; elle est accompagnée de pièces justificatives . Vous l'avez remise au bureau de M. d'Ormesson . M. Dupuits lui a écrit . Ce qu'il demande paraît juste. Quand vous aurez occasion de parler aux commis de ce bureau ou à M. d'Ormesson lui-même j'espère que cette affaire ne souffrira pas grande difficulté .
J’ai présenté une autre requête au roi en son Conseil au nom de Mme Denis, ma nièce, pour avoir nos causes commises au Conseil concernant les droits de notre terre de Ferney, droits fondés sur les traités des rois avec les dominations voisines, droits qui nous ont été confirmés . Nous réclamons les arrêts du Conseil qui défendent aux parlements de reconnaître ces droits . Il reste à savoir si nous devons obtenir en général une commise de nos causes au Conseil, ou attendre qu'on nous attaque . J'aurai l'honneur d'entrer dans un plus long détail avec vous quand il en sera temps . Je vous explique seulement en général ce dont il s'agit afin que vous soyez au fait si on vous parle de ma requête aux bureaux de M. de Saint-Florentin 1.
Je viens à la grande affaire des Calas qui vous a fait tant d'honneur . Il est bien étrange que le procureur général de Toulouse n'ait pas envoyé les procédures au Conseil le onze de ce mois qui est l'échéance du terme prescrit par le roi .
Nous nous flattons que vous demanderez le renvoi au Grand Conseil . C'est ce qui peut arriver de plus favorable .
Je pense qu'il faut bien se donner de garde de rien écrire sur cette affaire ni en vers ni en prose . Elle est en règle . Les déclamations sont inutiles, et il n'appartient qu'à vous d'écrire, quand on instruira la révision du procès . On espère tout de votre sagesse, de votre véritable éloquence et de votre bonne volonté .
J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois monsieur votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Saint-Florentin a écrit à V* le 9 juin 1763 : « Le roi ayant bien voulu, monsieur, permettre à madame votre nièce de faire les échanges portés dans la requête qui m'a été remise de sa part, je vous en donne avis avec plaisir, et que les lettres patentes confirmatives seront adressées incessamment à son avocat au conseil . Quant au nouveau mémoire qui était joint à la lettre que vous avez eu agréable de m'écrire, je ne manquerai pas de m'en faire rendre compte [...] .»
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