28/01/2018
Je ne peux plus souffrir le boursoufflé et une autre grandeur hors de nature
... Le premier étant Kim Jung Un, l'autre Donald Trump, leurs positions étant parfaitement interchangeables , ces personnages sont des dangers publics dont on se serait volontiers passé .
« A Claude-Henri de Fusée de Voisenon
Ferney 23 février 1763 1
Mon très cher et très aimable confrère en même temps que c'est à ce que vous avez déjà fait connaître de vos talents que 2 etc . Voilà une belle phrase ! Il me paraît que mon cher évêque a un tout autre style . Je ne sais pas si votre teint était jaune ce jour-là, mais le coloris de votre discours était fort brillant.
En vous remerciant de la félicité et de la fleurette dont vous m'honorez 3, voulez-vous que je vous parle net 4? Ni Crébillon , ni moi ne méritons tant de bontés . Entre nous, je ne connais point une bonne pièce depuis Racine et aucune avant lui , où il n'y ait d'horribles défauts . Si vous avez jamais pu vous résoudre à lire tout Corneille, ce qui est une très rude pénitence, vous verriez que c'est lui qui a toujours cherché à être tendre ; il n'y a pas une de ses pièces, j'en excepte Chimène et Pauline où il n'y a ni ait un amour postiche et ridicule, très ridiculement exprimé .
C'est Racine qui est véritablement grand, et d'autant plus grand qu'il ne paraît jamais chercher à l'être . C'est l'auteur d'Athalie qui est l'homme parfait . Je vous confie qu'en commentant Corneille, je deviens idolâtre de Racine . Je ne peux plus souffrir le boursoufflé et une autre grandeur hors de nature .
Vous savez bien, fripon que vous êtes, que les tragédies de Crébillon ne valent rien et je vous avoue en conscience que les miennes ne valent pas mieux 5. Je les brûlerais toutes si je pouvais, et cependant j'ai encore la sottise d'en faire comme le président Lubert jouait du violon à 70 ans quoiqu'il ne jouât fort mal et qu'il fût cependant le meilleur violon du parlement 6.
Savez-vous la musique ? Tenez, voilà ce qu'on m'envoie 7, je vous le confie, mais ne me trahissez pas .
Vous embrassez Mme Denis . Eh bien elle vous embrasse aussi, mais elle est bien malade . Je lui lirai votre discours dès qu'elle se portera mieux . J'ai envie de vous faire une niche, de copier tout ce que vous me dites de la duchesse de Gramont et de lui envoyer ; je n’ai l'honneur de la connaître que par ses lettres où il n'y a jamais rien de trop, ni de trop peu et dont chaque mot marque une âme noble et bienfaisante . Je lui ai beaucoup d'obligation, elle a été la première et la plus généreuse protectrice de Mlle Corneille . Il s'est trouvé heureusement que Mlle Corneille en était digne . C'est la naïveté, l'enfance, la vérité, la vertu même . Je rends grâce à Fontenelle de n'avoir pas voulu connaître cette enfant là .
Mon cher confrère, je ne souhaite plus qu'une chose, c'est que vous soyez bien malade, que vous ayez besoin de Tronchin, et que vous veniez nous voir . Je vous embrasse de tout mon cœur et en vérité je vous aime de même . Je vise à être un peu aveugle . Dieu me punit d'avoir été quelquefois malin, mais vous me donnerez l’absolution. »
1 Une copie contemporaine donne Diderot comme destinataire . Les éditions manifestent un flottement sur la date : janvier corrigé en février sur la copie Beaumarchais, et 28 puis 25 et enfin 23 pour quantième . La lettre de Voisenon n'est pas connue .
2 Allusion à la réception de Voisenon à l'Académie le 22 janvier 1763 (voir lettre du 9 janvier 1763 à Cideville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/11/22/vous-etes-a-paris-a-la-source-de-tout-et-nous-ne-sommes-dans-6001833.html ) . les mots en italique figurent vers le début du discours de Saint-Aignan . L' « évêque » de Montrouge est Voisenon .
3 L’hommage rendu à V* dans son discours de réception : http://www.academie-francaise.fr/discours-de-reception-de-labbe-voisenon
4 Réminiscence du Misanthrope , II, 1 .
5 Les jugements critiques de V* peuvent lui faire plus d'honneur que ses tragédies .
6 Voir Desnoireterres : La Comédie satirique au XVIIIè siècle, 1885 , p. 27-28 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4114432/f30.image
7 L’Hymne chanté au village de Pompignan .
19:13 | Lien permanent | Commentaires (0)
27/01/2018
Nous n'avons, encore une fois, aucun besoin de l'ambassadeur d'Angleterre
... Et à propos à quoi sert Mr Edward Llewellyn en France ? J'ai encore en mémoire Richard Llewellyn dont j'ai lu , adolescent, le célèbre "Quelle était verte ma vallée" ; quel lien de parenté avec notre Edward susnommé ?
Brexit ou pas brexit , what's up doc ?
Voir : https://www.gov.uk/world/organisations/british-embassy-pa...

« A Philippe Debrus
Je renvoie à monsieur Debrus les lettres qu'il a eu la bonté de me confier . Les trois avocats de Mme Calas et de ses enfants demandent au Conseil qu'il soit ordonné que toutes les minutes du malheureux procès soient apportées à Paris, parce qu'on craint qu'à Toulouse les copies ne soient falsifiées . Il paraît qu'en effet ce serait la seule ressource des assassins en robe noire .
Nous n'avons, encore une fois, aucun besoin de l'ambassadeur d'Angleterre ; on doit s'être assemblé chez M. d'Argental, le rapporteur 3 est aussi bien disposé qu'il peut l'être, et le cri public est si violent, que les juges n'oseraient, je crois, refuser la révision . Espérons tout . J'embrasse de tout mon cœur monsieur Debrus . »
1 Cette forme mécredi est souvent attestée à l'époque ; elle correspond certainement à une prononciation largement répandue .
2 L'édition Lettres inédites place la lettre , à tort, entre le 16 et le 25 août 1762 .
3 Ce rapporteur est Louis Thiroux de Crosne, dont le rapport au grand conseil fit ordonner à celui-ci le 7 mars que le parlement de Toulouse lui transmette les documents concernant l'affaire .
00:22 | Lien permanent | Commentaires (0)
26/01/2018
les forcer à travailler pour leur bien à un chemin qui leur est absolument nécessaire, et qu'ils ont la bêtise de rendre impraticable
... Ce qui est le cas des Zadistes de Notre-Dame-des-Landes et leurs sympathisants .
« A Joseph-Marie Balleidier, Procureur
à Gex
Je remercie monsieur Balleidier de ses soins . Je le prie de me mander ce que vaut la pièce de Pasteur qu'il s'agit de subhaster, et ce qu'il faudra donner outre les cinq louis, et au nom de qui on fait subhaster cette partie de pré .
Je lui recommande de la manière la plus pressante d'envoyer un sergent aux syndics de Prégny et Chambesy, et de les forcer à travailler pour leur bien à un chemin qui leur est absolument nécessaire, et qu'ils ont la bêtise de rendre impraticable .
Je le prie aussi de m'instruire si on avait payé l'expédition pour laquelle Vuaillet a rançonné si indignement la veuve Burdet . Je lui fais mes compliments .
Voltaire .
A Ferney, 23 février 1763.1 »
1 Balleidier a noté sur la lettre « faut faire écrire à M. Fabry p[ou]r les chemins » . Vézinet a imprimé quelques fragments de cette lettre .
14:24 | Lien permanent | Commentaires (0)
le peuple ne se mêle de rien, que de brailler de mauvais latin qu'il n'entend pas
... Tout comme nos catholiques intégristes contemporains qui braillaient dans les "Manif' pour tous ! " .
« A Pierre Mariette, Avocat au
Conseil
Rue Simon-Lefranc
à Paris
Ne jugez point, monsieur, de notre petit pays par le vôtre, ni de notre âge d'or par votre siècle de fer . Nous n'avons ni marguillier, ni œuvre, ni communauté qui se mêle de notre paroisse . Le seigneur fait toutes les dépenses, le peuple ne se mêle de rien, que de brailler de mauvais latin qu'il n'entend pas . Nous avons fait notre accord avec le curé . Sans aucune discussion, tout est dans les plus grandes règles selon nos usages . Nous sommes de bons Suisses à qui il ne faut pas tant de cérémonies . Nous croyons que les lettres patentes du Conseil les plus courtes , sont les meilleures . Nous ne demandons même ces lettres patentes que par une précaution surabondante . Quand vous aurez fini l'affaire des Calas, rendez-moi, je vous prie, ce petit service . Je suis sûr que cette affaire des Calas vous fera infiniment d'honneur . Il est bien triste qu'on soit réduit à craindre la falsification des procédures . Cela est aussi humiliant pour les huit juges de Toulouse, que leur arrêt est abominable . On ne pourrait que plaindre la France, si on laissait subsister un pareil arrêt .
J'ai l’honneur d'être, monsieur, avec bien de l'estime et de l'attachement, votre très humble et très obéissant serviteur .
Voltaire."
09:35 | Lien permanent | Commentaires (0)
25/01/2018
Dans quel siècle abominable vivons-nous , si on a raison de soupçonner un parlement d'être faussaire
...
« A Philippe Debrus
à Genève
Vous pouvez, monsieur, communiquer la lettre de M. de Crosne aux personnes zélées et discrètes, dont vous êtes sûr . Je crois qu'enfin l'affaire se rapporte aujourd'hui solennellement . Savez-vous bien tout ce que craint M. Mariette ? c'est qu'on ne falsifie les pièces à Toulouse . Dans quel siècle abominable vivons-nous , si on a raison de soupçonner un parlement d'être faussaire, et de mériter ce qu'il a fait à Jean Calas ! Je vous embrasse en pleurant et en frémissant . Je crois que vous pourrez communiquer à M. de Moultou la lettre de M. de Crosne, et nos justes craintes ; car lorsque M. de Crosne viendra ici, il verra assurément M. de Moultou, et ne s'en retournera pas sans avoir conçu pour lui toute l'estime et l'amitié qu'il mérite . Mille tendres compliments à M. de Végobre et à M. Cathala .
Mardi 22 février [1763] »
18:01 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je suis confondu, je suis pétrifié, quoi ! ni lundi, ni mardi, aucune nouvelle
...
« A Gabriel Cramer
Je suis confondu, je suis pétrifié, quoi ! ni lundi, ni mardi, aucune nouvelle de la Tolérance ? aucune de ce misérable Pertharite ! Que diraient les souscripteurs s'ils savaient qu'on ne donne qu'une feuille par semaine ! cette horreur n'est pas concevable ; il y a quelque chose la-dessous . Si ce sont les parties nobles de M. Gabriel qui en sont la cause, je pardonne tout, car ses parties valent infiniment mieux que Pertharite, lequel, certainement était bien plat de toute façon . Comment vous portez-vous Caro ? comment se porte madame votre mère ? Mille tendres compliments à toute la famille ; mais dépêchons un peu, je vous en prie, la vie est courte .
Madame votre femme veut-elle venir coucher ce soir chez nous ? Nous lui donnerons un feu d'artifice, et nous tirerons le canon .
Quand pourrai-je avoir les seconds tomes du czar ? quand glisserez-vous la nouvelle Mariamne à la place de l'ancienne dans les œuvres ? vous me feriez un extrême plaisir .
Mardi 22 [février 1763] »
17:59 | Lien permanent | Commentaires (0)
Madame votre femme veut-elle venir coucher ce soir chez nous ? Nous lui donnerons un feu d'artifice, et nous tirerons le canon
... Ceci est peut-être un post-scriptum de l'invitation de Donald Trump adressée à notre président Macron . Pour le feu d'artifice, il en donne un permanent avec ses tweets , et pour faire tonner le canon ses concitoyens de tous âges , sur-armés, s'en chargent tous les jours .
« A Gabriel Cramer
Je suis confondu, je suis pétrifié, quoi ! ni lundi, ni mardi, aucune nouvelle de la Tolérance ? aucune de ce misérable Pertharite ! Que diraient les souscripteurs s'ils savaient qu'on ne donne qu'une feuille par semaine ! cette horreur n'est pas concevable ; il y a quelque chose la-dessous . Si ce sont les parties nobles de M. Gabriel qui en sont la cause, je pardonne tout, car ses parties valent infiniment mieux que Pertharite, lequel, certainement était bien plat de toute façon . Comment vous portez-vous Caro ? comment se porte madame votre mère ? Mille tendres compliments à toute la famille ; mais dépêchons un peu, je vous en prie, la vie est courte .
Madame votre femme veut-elle venir coucher ce soir chez nous ? Nous lui donnerons un feu d'artifice, et nous tirerons le canon .
Quand pourrai-je avoir les seconds tomes du czar ? quand glisserez-vous la nouvelle Mariamne à la place de l'ancienne dans les œuvres ? vous me feriez un extrême plaisir .
Mardi 22 [février 1763] »
09:25 | Lien permanent | Commentaires (0)

