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02/03/2018

chaque chose doit avoir son temps

...

 

« A Jacob Vernes

Lundi 14è mars 1763

aux Délices

Le parlement de Toulouse ayant condamné sur des indices Jean Calas, négociant de Toulouse, protestant, à être rompu vif, et à expirer sur la roue, comme convaincu d'avoir étranglé son fils aîné en haine de la religion catholique ; la veuve Calas et ses deux filles étant venues se jeter aux pieds du roi, un Conseil extraordinaire s'est tenu le lundi 7è mars 1763 composé de tous les ministres d’État, de tous les conseillers d’État, et de tous les maîtres des requêtes ; ce Conseil admettant la requête en cassation a ordonné d’une voix unanime que le parlement de Toulouse enverrait incessamment les procédures, et les motifs de son arrêt .1

Voilà des nouvelles bien consolantes . Je me suis flatté même que j'aurais bientôt des choses encore plus flatteuses à mander à monsieur Vernes, mais j'ai bien peur que tout ne soit détruit par les Lettres toulousaines, composées, dit-on, par M. de Court, et imprimées à Lausanne sous le nom d’Édimbourg . Si ce livre se répand en France, il fournira sans doute des armes au parlement de Toulouse. M. le comte de Saint-Florentin qui n'est déjà que trop prévenu contre les Calas, et qui n'a point voulu 2 au Conseil du 7è mars, pourra peindre au roi les protestants comme séditieux, qui attaquent indiscrètement les parlements et le Conseil du roi, dans le temps même que le roi assemble à Versailles le Conseil le plus nombreux qui se soit tenu depuis cent ans, pour rendre justice aux protestants dans l'affaire la plus capitale et la plus intéressante .

Les Lettres toulousaines nous feront surtout un grand tort en mêlant l'affaire de Sirven avec l'affaire des Calas . On verra en moins de trois mois, deux pères accusés d'avoir assassiné leurs enfants pour cause de religion . Le parlement de Toulouse persuadera au roi, que si on infirme l’arrêt contre les Calas, on rendra les protestants plus audacieux, et le roi laissera peut-être ce grand procès indécis .

Il est d'une extrême importance que les Lettres toulousaines ne paraissent point en France . Les ouvrages qu'on peut écrire sur cette matière délicate ne peuvent être confiés qu'à des personnes sûres, et qui sont en état de servir . C'est le parti que prend l'auteur du Traité sur la tolérance . On a écrit à Lausanne pour faire prier l'auteur des Lettres toulousaines de suspendre le débit de son livre , jusqu’à la définition du procès des Calas .

Si monsieur Vernes peut obtenir par ses sollicitations cette suppressions si nécessaire, il rendra un très grand service . L'auteur aura le temps de faire un second volume très intéressant, dans lequel il pourra faire valoir avec juste raison la bonté du roi, et l'équité du Conseil ; il gagnera dans ce second volume les esprits qu'il effarouche dans le premier .

Monsieur Vernes sent la nécessité de la circonspection que l'on demande, chaque chose doit avoir son temps, et assurément l'auteur des Lettres toulousaines prend bien mal le sien .

On embrasse tendrement monsieur Vernes, et on a la plus grande envie de s'entretenir avec lui . »

1 Le premier paragraphe ressemble à une lettre circulaire ; voir lettres du 15 mars 173 à Élie Bertrand, et celle à Constant de Rebecque .

2 Wagnière semble avoir oublié un mot tel que venir ou participer .

01/03/2018

J'espère beaucoup du pouvoir que votre aimable éloquence doit avoir sur tous les esprits

...

 

« A Paul-Claude Moultou

lundi soir [14 mars 1763] 1

Vous partagez, monsieur, mes craintes et ma douleur . Les Lettres toulousaines 2 s'étendent beaucoup sur l'aventure de Sirven et de sa fille . Voilà ce qui nous perdra . L'affaire Sirven n'a point été jugée . Le parlement de Toulouse joindra au Conseil ces deux affaires ensemble, et justifiera l'une par l'autre ; il soutiendra que les protestants sont en possession d'assassiner leurs fils et leurs filles, quand ils veulent changer de religion ; ils feront voir en trois mois de temps deux pères de famille accusés par la voix publique de ce crime épouvantable ; ils diront qu'ils ont cru absolument nécessaire de faire un exemple . J'avais recommandé expressément à nos trois avocats de ne jamais parler de l'affaire de Sirven, ils m'ont tenu parole .

Vous écrivez sans doute à Lausanne et à Vevey . Si vous pouvez obtenir que l'auteur supprime le débit du livre, jusqu'à la fin du procès, nous sommes sauvés , sinon tout est perdu . L'auteur ne risque rien en différant, il détruit tout notre ouvrage en se pressant . Qu'il attende la fin de notre procès, il aura de quoi faire un second volume intéressant . Je lui fournirai plusieurs pièces, et plusieurs anecdotes . J'espère beaucoup du pouvoir que votre aimable éloquence doit avoir sur tous les esprits . »

1 L'original est daté « janvier 1763 » ; cependant cette lettre , selon Charrot, est contemporaine de celle du 14 mars 1763 à Vernes .

2 Les Toulousaines ou Lettres historiques et apologétiques en faveur de la religion réformée et de divers protestants condamnés […], de Antoine Court de Gébelin, est un ouvrage interdit par le conseil de Genève le 21 mars 1763 .

28/02/2018

On peut se faire adorer à bien peu de frais

...

 

« A Béatrix de Choiseul-Stainville, duchesse de Gramont 1

Aux Délices, 14 mars 1763

Madame,

Nous vous avons prise pour notre patronne, non pas comme les dévots prennent des saintes qui n'en savent rien : c’est la reconnaissance qui parle ici à la bienfaitrice .

Me sera-t-il permis, madame, de vous présenter cette lettre pour Mme de Pompadour ?2 Voyez d'abord, madame, si la chose est convenable, et alors vous la protègerez . Il me semble que la bagatelle que je propose ferait un honneur infini au roi dans toute l'Europe . Que nos Suisses vous béniront, madame, quand ils sauront que c'est à vous que nous en aurons eu l'obligation ! La moindre charité du roi, dans une occasion pareille, me paraît la chose du monde la plus importante . On peut se faire adorer à bien peu de frais . Daignez en conférer, madame, avec monseigneur le duc, votre frère, et daignez me dire si je suis trop téméraire, ou seulement un peu hardi . Agréez le profond respect et la reconnaissance avec lesquels j'ai l'honneur d'être, madame, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

2 Cette lettre ne nous est pas parvenue et n'a sans doute pas même été envoyée ; voir lettre du 18 mars 1763 à la duchesse : « J'ai dans l'idée que vous pouvez très bien vous passer de montrer mon inutile lettre à Mme de Pompadour. »

27/02/2018

Il me semble que le reste de ce procès ne consistera qu'en formalités

... Je pense évidemment à celui de la succession de Johnny qui montre que des riches ne rechignent jamais à être encore plus riches, ce qui au passage fait bien les affaires du fisc qui  aura sa part .

http://www.lepoint.fr/people/johnny-hallyday-l-histoire-c...

 Ôôô p'tiiiiit Qqqq 2018 !

 

 

« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont

Aux Délices par Genève 14è mars 1763

Je n'ai été que votre Jean-Baptiste, monsieur, et vous êtes le sauveur des Calas . Dès que je vis votre mémoire signé de quinze avocats, je crus l'affaire sûre . Le jour de ce fameux Conseil d’État fut un beau jour pour les âmes sensibles . Vous ne sauriez croire combien on vous donne de bénédictions chez nos huguenots . Il me semble que le reste de ce procès ne consistera qu'en formalités . La falsification des pièces n'est point à craindre, parce qu'elles sont signées de Pierre Calas, qui ira à Paris quand il faudra, et qui reconnaîtrait bien vite la fraude .

Ma joie s'unit à la vôtre, et en redouble, mais je ne puis rien ajouter à l'estime respectueuse avec laquelle j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire . »

26/02/2018

Nous avons ressenti au milieu de nos quatre pieds de neige, un singulier plaisir

... Paroles de Niçois !Image associée

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

Aux Délices 14è mars 1763 1

Nous avons ressenti au milieu de nos quatre pieds de neige, un singulier plaisir, quand nous avons appris que nos huit juges de Toulouse avaient un pied de nez, et qu'il fallait qu'ils rendissent compte de leur bel arrêt . Nous ne vous avons pas peu d'obligations, mes divins anges, et nos huguenots vous bénissent de tout leur cœur . Je ne peux m'empêcher d'écrire un petit mot de remerciement à M. le duc de Praslin, et j'en charge vos mains angéliques .

J'ai des gardes à vue 2; mais rien ne tient contre nos neiges . Il faut espérer que le printemps me raccommodera ma visière 3; mais songez à la vôtre ; car quelque gai qu'on puisse être, il est triste d'être quatre-vingts .

On ne dit pas de bien de Théagène et Chariclée 4; vous savez que c'était par là que Racine avait commencé 5; je souhaite à M. Dorat qu'il finisse par une Phèdre .

Je ne sais si vous avez lu la lettre du bacha de Bonneval que vous m'avez envoyée . On pourrait en y corrigeant quelque chose la rendre curieuse et intéressante .

M. le premier président de La Marche, dit que si vous êtes mes anges, vous êtes ses archanges . Je le voudrais aussi philosophe qu'il est homme de bien . Je vous prie de lui dire combien je lui suis attaché . Je ne vous envoie point de pompignades, on m'a pris tout ce que j'en avais . Il faudrait que frère Damilaville, ou frère Thieriot, les fît imprimer à Paris ; rien n'est plus aisé, c'est l'affaire de deux heures .

Mme Denis est toujours malade, et j'ai peur qu'elle le soit longtemps . Claude Dupuits et Marie Corneille sont à vos pieds et moi aussi .

Et le tripot au diable ."

1 D'après la copie Beaumarchais, mais la lettre est demeurée inédite ; le mot au duc de Praslin n'est pas connu .

2 Vu le contexte, sans doute des visières pour protéger les yeux .

5 Théagène et Chariclée sont les héros des Ethiopiques, fameux roman grec d'Héliodore que Racine avait lu dans son enfance .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_%C3%89thiopiques_(H%C3%...)

25/02/2018

il pourra naître un grand bien de l'horrible mal qu'il s'est commis

... mais vraiment, cet espoir est irréaliste quand il s'agit de la Syrie et l'innommable

Bachar el-Assad, tueur patenté, soutenu par Poutine ; belle paire qui confirme que le pire a de l'avenir .

 

 

« A Philippe Debrus

Je peux vous assurer, monsieur, que M. Dumas et Mme Calas n'ont qu'à se tenir tranquilles , Dieu bénira la générosité de l'un, et l'innocence de l'autre . On songe à eux plus qu'ils ne pensent, et je vous répète ce que je vous ai dit depuis six mois, qu'il pourra naître un grand bien de l'horrible mal qu'il s'est commis . Je vous renouvelle mes tendres compliments, aussi bien qu'à M. Dumas, à Mme Calas, et à mesdemoiselles ses filles .

A-t-on donné ma lettre à M. le marquis de Gouvernet ? Que votre feu languedochien vous conserve la vie au milieu des neiges . Ce temps-ci me rend bien malade .

14 mars [1763]. »

24/02/2018

En faisant des vœux pour vous, j’en fais pour ma patrie, que j’aimerais davantage si elle avait plus de citoyens tels que vous

... Vous êtes libres d'adresser ce message à qui vous aimez et estimez, pour ma part je le destine particulièrement aux donneurs de sang , modestes humains parfaitement irremplaçables . Rejoignez leurs rangs, sans tarder, si ce n'est déjà fait .Donnez votre sang dès maintenant !

 

 https://dondesang.efs.sante.fr/trouver-une-collecte

 Collecte « Mon Sang Pour Les Autres »

 

 

 

« A Louis Thiroux de Crosne

Aux Délices [vers le 13 mars 1763] 1

Monsieur, vous vous êtes couvert de gloire, et vous avez donné de vous la plus haute idée par la manière dont vous avez parlé dans ce nombreux conseil, dont vous avez enlevé les suffrages. Permettez-moi de vous en faire mon compliment, ainsi que mes remerciements. Si vous faites ce petit voyage que vous avez projeté dans nos cantons moitié catholiques, moitié hérétiques, vous verrez tous les cœurs voler au-devant de vous ; et je vous assure que votre  arrivée sera un triomphe. Je ne serai pas, monsieur, le moins empressé à vous rendre mes hommages. Les philosophes doivent vous chérir, et les intolérants mêmes doivent vous estimer. Je vous respecte, et je prends la liberté de vous aimer. Je vous souhaite, pour le bien des hommes, que votre réputation vous mène incessamment aux grandes places que vous méritez. En faisant des vœux pour vous, j’en fais pour ma patrie, que j’aimerais davantage si elle avait plus de citoyens tels que vous.

Je n’ose me flatter du bonheur de vous voir, mais je le désire avec une passion égale au respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, etc.

P.-S. – Permettez-moi de renouveler ici mes hommages à M. de La Michodière . »

1 Une copie contemporaine donne une version très abrégée, et on suit ici la version de Kehl dont le texte est plus complet, cependant le post scriptum n'apparait que sur le manuscrit .