23/12/2016
Si les choses de ce monde allaient d'une manière un peu plus honnête
... Honnête ! honnêteté ! comme vous y allez mon cher Voltaire ! cette denrée devient rare, ou plutôt elle est périmée , nous sommes, comme autrefois, gens intéressés (financièrement) mais à la puissance mille semble-t-il . Les accrocs dans les contrats sont des oeuvres d'escrocs à la petite semaine ou au grand pied, toutes les classes en sont capables , hélas . Humains vous êtes doués pour tricher. Humains vous êtes doués pour être floués, humains vous en bavez et ce n'est pas fini d'ici peu !
Miss Lagarde, comment peut-on encore vous confier des missions d'importance en vous payant 380 939 euros par an non imposables ( soit un SMIC mensuel par jour ! ), négligente vous fûtes, négligente vous restez , pistonnée et absoute, vous en écoeurez plus d'un, à commencer par moi chétif (comme dit mon maître ) . Bel exemple .
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
Aux Délices 24è décembre 1761
Madame,
La grande maîtresse des cœurs dira peut-être à Votre Altesse Sérénissime que les yeux ne se trouvent point bien du tout des vents du nord et de la neige . Elle demandera grâce pour moi si je ne vous écris pas de ma main .
Votre Altesse Sérénissime passe donc continuellement en revue des Prussiens et des Français . Votre palais ressemble à la maison de Polémon, du roman de Cassandre 1, dans laquelle les héros des deux partis se trouvent tous sans savoir pourquoi . S'ils y venaient uniquement pour vous faire leur cour, et pour apprendre ce que c'est que la raison ornée des grâces je n'aurais pas de reproches à leur faire .
J'ai mille grâces à rendre à Votre Altesse Sérénissime du paquet de Mme de Bassewitz 2. Je voudrais que cette dame s'amusât à faire des mémoires de tout ce qu'elle a vu, et de tout ce qu'elle voit, car il me paraît qu'elle voit tout très bien, et qu'elle écrit de même. Il faut qu'elle aime bien son château pour y rester exposée aux visites des Prussiens, des Hanovriens et des Russes . Si les choses de ce monde allaient d'une manière un peu plus honnête, nous devrions être à vos pieds Mme de Bassevitz et moi . Ce n'est pas que je me plaigne de ma position ; elle est assurément très agréable, mais elle est trop éloignée de la belle forêt de Thuringe .
Si vous aimez les sermons madame, en voici un qu'on vient de m'envoyer de Smyrne, et qui pourra vous édifier . Si vous étiez reine de Portugal, je ne prendrais pas cette liberté ; mais une duchesse de Saxe philosophe peut très bien lire le sermon d'un rabin, sans scandale .
Je me mets aux pieds de Vos Altesses Sérénissimes avec le plus profond respect .
Le Suisse V. »
1 De La Calprenède ; on s'étonne de voir avec quelle fréquence V* cite ce roman ; il avait pourtant fait les délices d'autres écrivains de son temps, notamment Marivaux .
2 Le 14 décembre 1761, la duchesse de Saxe-Gotha écrit à V* : « Je profite monsieur avec plaisir et empressement de l'occasion que me procure la comtesse de Baswiz par son paquet de traduction , pour y joindre quelques lignes de ma main [,,,]. Tout ce que je puis vous dire dans ce moment c'est que Colberg n'est pas encore pris, que nous avons fortes et grandes compagnies tant ici qu'à Altenbourg […] recevez en même temps mille tendres assurances de l'estime parfaite de ma famille ; l'aimable Buchwald est bien comprise sous ce nom […]. »
00:30 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je me suis fait une destinée à moi tout seul, et j'ai acquis cette précieuse liberté après laquelle j'ai soupiré toute ma vie , et sans laquelle je ne crois pas qu'un être pensant puisse être heureux
...
Le faire c'est bien, pouvoir le dire c'est mieux et vice-versa !
« A la comtesse Sabina von Bassewitz
Aux Délices 25 décembre 1761
Madame,
Vous m’inspirez autant d'étonnement que de reconnaissance . Non seulement vous écrivez des lettres charmantes à la barbe des housards noirs, mais vous écrivez des mémoires qui méritent d'être imprimés , et tout cela dans une langue qui n'est point la vôtre, avec l'exactitude d'un savant, et avec les grâces de nos dames de la cour de Louis XIV, car nous n'avons point aujourd'hui de dame que je vous compare .
Je n'ai reçu, madame, aucune des lettres dont vous me faites l'honneur de me parler . Quand il n'y aurait que ce malheur attaché à la guerre, je la détesterais ; c'est être véritablement pillé, que de perdre les lettres dont vous m'honorez .
Je n'ai point changé de demeure ; je conserve toujours mes Délices auprès de Genève ; elles me seront toujours chères, puisqu'un fils de notre adorable Mme la duchesse de Gotha a daigné les habiter . Mais comme j'ai des terres en France dans le voisinage, et que par les circonstances les plus singulières et les plus heureuses, ces terres sont libres, j'y ai fait bâtir un château assez joli . Si je n'étais que Genevois, je dépendrais trop de Genève, si je n’étais que Français, je dépendrais trop de la France . Je me suis fait une destinée à moi tout seul, et j'ai acquis cette précieuse liberté après laquelle j'ai soupiré toute ma vie , et sans laquelle je ne crois pas qu'un être pensant puisse être heureux .
Je suis pénétré de vos bontés , madame, j'ai le règlement ecclésiastique de ce Pierre le Grand, qui savait si bien contenir les prêtres . J'ai son oraison funèbre, et toute oraison funèbre est suspecte ; les matériaux ne me manquent point, mais rien n'approche de vos mémoires ; l'aventure de la glace cassée 1, et la réponse de Catherine, sont des anecdotes bien précieuses . On voit bien tout ce que cela signifie, mais il n'est pas encore temps de le dire . Les vérités sont des fruits qui ne doivent être cueillis que bien mûrs . Je n'avais jamais entendu parler, madame, des mémoires du baron de Wissen 2, qui avait élevé cet infortuné czarovitz . Ils doivent être fort curieux . Je vous avoue que je vous aurais la plus grande obligation de vouloir bien me les faire parvenir . J'implore la protection de Mme la duchesse de Gotha pour obtenir cette grâce, vous ne refuserez rien à ce nom . Je souhaite que ce baron Wissen ait dit la vérité . Il devait bien connaître son élève, mais la vérité qu'il peut dire est bien délicate . On m'ouvre en Russie à deux battants les portes de l'amirauté, des arsenaux, des forteresses et des ports, mais on ne communique guère la clef du cabinet et de la chambre à coucher .
Quand j'aurai un peu de santé, madame, il me prend une forte envie de faire un tour d'Allemagne, d'aller surtout à Gotha, puis à Hambourg, puis à Rostok, et de me présenter en chevalier errant à la porte de Dalvitz, mais après ce beau rêve, quand je considère que j'ai bientôt soixante et dix ans, et que je deviens borgne, je reste à ma cheminée, et entre deux poêles, tout plein de la respectueuse et tendre reconnaissance avec lesquels j'ai l'honneur d'être madame
vôtre . »
1 Voir l'Histoire de l'empire de Russie, II, xvii
2 Il doit s'agir ici du « Huyssen » dont la comtesse de Bassewitz avait parlé à V* dans sa longue lettre du 17 novembre;mais ce baron Hendrik Van Huyssen ne semble rien avoir écrit sur Pierre le Grand .
00:10 | Lien permanent | Commentaires (0)
22/12/2016
Je laisserai beaucoup plus que je n'ai reçu, et de plus nous avons vécu gaiement et splendidement
... Sans Père Noël à la noix de coco .
J'adore ce Voltaire qui, contre vents et marées, efface les difficultés rencontrées et revers subits, et ne retiens que le bon de sa vie . Exemplaire .
Et moi, j'aime encore ...
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
23 décembre [1761] 1
Vous allez mon cher correspondant recevoir de moi de violentes attaques . Je vous demande d'abord deux cents louis d'or indépendamment des lettres de change que je tirerai sur vous . Il faut payer toutes mes dettes et j'en ai beaucoup à Genève . Que dis-je ! ce n'est pas moi qui les ai faites ces dettes terribles . Figurez-vous que M. Coladon présente un mémoire de trois mille livres et que je n'ai pas pris chez lui pour dix écus de drogue ! Il en est de même de vingt autres marchands . M. le cardinal de Bernis, et M. l'archevêque de Lyon ne dépensent pas par année autant que j'ai dépensé depuis que j'ai choisi ce riche pays de Gex pour ma retraite . Il est vrai qu'on ne bâtit des châteaux, des églises et des théâtres pour rien . Je prévois que je resterai avec mes rentes et environ cent mille francs entre vos mains . Mais aussi quand je serai réduit là, je ne toucherai certainement point au magot . Il ne faut pas mourir tout juste ; et laisser quelque chose aux siens .
Il y aura du moins terres, meubles et le magot . Je laisserai beaucoup plus que je n'ai reçu, et de plus nous avons vécu gaiement et splendidement . Je vais faire un arrangement de finances avec Mme Denis, au moyen duquel tout sera en règle, et je saurai à quoi m'en tenir par année . Je prends la liberté mon cher monsieur d'entrer avec vous dans ce petit détail . J'y suis autorisé par l'intérêt que vous daignez prendre à notre petite colonie . Je vous embrasse de tout mon cœur et vous souhaite la bonne année .
V. »
1 L'édition Cayrol qui isole l'extrait donné par Gaulleur, imprime un autre passage sous la date du 23 novembre 1761 ; Tronchin a mentionné sur le manuscrit : « 27 décembre ».
00:09 | Lien permanent | Commentaires (0)
21/12/2016
Je suis persuadé que vous ne voulez pas que j’entre dans les petits détails qui conviennent peu à la dignité de l’histoire
... Trop tard !
On a :"Un président ne devrait pas dire ça !" . De toute façon, Fanfoué , de la promotion Voltaire (qui doit s'en retourner dans sa tombe ), ne me semble pas doué pour la réflexion et l'à-propos, et terriblement apte à la confidence inutile . Baste !
« A Ivan Ivanovitch Schouvalov
Aux délices 23 décembre 1761
Monsieur, je dépêche à M. le comte de Caunitz un gros paquet à votre adresse. Il contient un volume de l’Histoire de Pierre-le-Grand, imprimé avec les corrections au bas des pages, et les réponses à des critiques. Votre Excellence jugera aisément des unes et des autres. J’en garde un double par-devers moi. Quand vous aurez examiné à votre loisir ces remarques, qui sont très lisibles, vous me donnerez vos derniers ordres, et ils seront exactement suivis. J’ai réformé, avec la plus scrupuleuse exactitude, les nouveaux chapitres qui doivent entrer dans le second volume, et je me suis conformé à vos remarques sur ces premiers chapitres, en attendant vos ordres sur ceux qui commencent par le procès du czarovits, et qui finissent à la guerre de Perse. Il restera alors très peu de chose à faire pour achever tout l’ouvrage, et pour le rendre moins indigne de paraître sous vos auspices. Je suis persuadé que vous ne voulez pas que j’entre dans les petits détails qui conviennent peu à la dignité de l’histoire, et que votre intention a été toujours d’avoir un grand tableau qui présentât l’empereur Pierre dans un jour lumineux. L’auteur d’une histoire particulière de la marine peut dire comment on a construit des chaloupes, et compter les cordages . L’auteur d’une histoire des finances peut dire ce que valait un altin 1 en 1600, et ce qu’il vaut aujourd’hui . Mais celui qui présente un héros aux nations étrangères doit le présenter en grand, et le rendre intéressant pour tous les peuples ; il doit éviter le ton de la gazette et le ton du panégyrique. Je suis convaincu que vous ne pouvez penser autrement.
J’ai eu l’honneur, monsieur, de vous écrire plusieurs lettres . Je me flatte que vous les avez reçues, et que vous avez accepté l’hommage que je vous offre d’une tragédie nouvelle 2 que nous représenterons en société, le printemps prochain, dans mon petit château de Ferney. J’aurai la consolation de dire au public tout ce que je pense de votre personne.
Je vous souhaite d’heureuses et de nombreuses années ; je serai, pendant celles où je vivrai, avec le plus tendre et le plus respectueux attachement,
monsieur
de Votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
1 Petite pièce de monnaie russe valant trois kopeks, cent altins valent un rouble qui vaut cinq francs .
2 Olympie .
00:13 | Lien permanent | Commentaires (0)
20/12/2016
De là vient que la vie des sots devient enfin un enfer
... Comment ? me direz-vous .
En devenant dévot, tout bêtement . Ou un fan de ... Un supporter de foot . Un ami de Cyril Hanouna .... Etc, etc. Adieu liberté .
« A Claude-Philippe Fyot de La Marche
Aux Délices 23 décembre 1761 1
Vraiment c'est un port de vin du marché . Nous venons d'en boire aussitôt qu'il est arrivé aux Délices, et nous avons répété le vers de votre fontaine, qui pour jouer sur le mot, est digne de La Fontaine :
Là sans crainte des loups l'agneau se désaltère .
Jugez comme vous avez été fêté, loué, célébré par Mme Denis et par nos convives . Vraiment ce n’est pas de belle eau claire que vous faites boire à vos agneaux des Délices . Vous vous êtes souvenu que vos agneaux sont bourguignons . Le président fétiche ne nous aurait jamais fait boire que du vinaigre, ou de l'eau bourbeuse .
Que je suis enchanté de vos estampes mon digne et grand magistrat ! Vous n'avez cru graver que votre reconnaissance, et vous avez gravé votre gloire ; votre inscription pour M. de Berbisey 2, est simple, noble, précise, affectueuse et modeste . C'est le cœur qui parle avec esprit sans chercher l'esprit . J'ai le malheur jusqu'à présent de n'avoir pu être que le bienfaiteur de l’Église . J'ai fait bénir la mienne en grande cérémonie . Mon grand christ en Apollon du Belvédère, doré comme un calice, attire tous les curieux . Quelle piété ! dit-on . Je l'avais toujours prévu que ce vieux mauvais plaisant finirait par être dévot . Voilà de que disent les bonnes âmes, et on assure que tous les mondains finissent par là . C'est la mode de tous les temps .
Inde Acherusia fit stultorum denique vita 3.
Je ferais une œuvre bien plus méritoire si je pouvais arracher mon petit pays de Gex à la tyrannie des fermiers généraux . Mais il est plus aisé de s'accommoder avec Dieu qu'avec eux , aussi sont-ils maudits par saint Matthieu qui les connaissait bien pour avoir été leur commis .
Puisque je suis en train sur ces belles matières je prends la liberté de vous envoyer un petit sermon 4 qu'on m'a fait tenir ces jours passés et que vous ne montrerez pas à l'ambassadeur de Portugal 5. Le rabin Akib me paraît un bon diable . Vous pensez sans doute comme lui au judaïsme près . Personne n'a moins l'air d'un Juif que vous .
Nous vous adorons à Ferney et aux Délices, du culte de dulie, et de la plus tendre dulie 6. »
1 V* semble avoir utilisé un papier déjà daté « 22. j » qu'il a modifié ; la date est confirmée par un endos contemporain .
2 Sur Jean de Berbisey, voir lettre du 4 novembre 1761 à Fyot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/11/09/a-5872214.html
3 De là vient que la vie des sots devient enfin un enfer ; Lucrèce, De natura rerum . Pour inde, lire hic .
4 Sermon du rabbin Akib, 1761 .
5 Le sermon est une satire mordante à propos de l'exécution de Malefinda . Voir : http://voltaire.lire.ish-lyon.cnrs.fr/IMG/pdf/RV_11_1_6_AGurrado.pdf
6 Le culte de dulie est rendu aux saints, le culte de latrie à Dieu seul .
01:27 | Lien permanent | Commentaires (0)
19/12/2016
Pardon de ces petits détails
... Mais à mes yeux, ces notules de Voltaire nous le montrent au jour le jour, le dépoussièrent de son aspect de philosophe, côté rébarbatif pour nos lycéens .
La bonne année !
Surtout ne remet pas à demain ce que tu peux faire aujourd'hui !
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
C 'est seulement pour vous avertir mon cher correspondant, que Briasson vous fera présenter une lettre de 80 livres environ, un Bardin 1 de Genève 400 livres, un autre 600 livres . Pardon de ces petits détails . La nouvelle touchant le roi de Prusse est fausse, ce que j'ajoutais est vrai 2.
La bonne année .
V.
21 décembre [1761]3»
1 La somme due à Briasson devait servir à payer des livres ; voir fin de la lettre du 10 janvier 1762 à Tronchin : « Briasson m'avait annoncé une caisse de livres . Elle ne vient point . » ; quant au paiement à Bardin, il suggère que V* aurait pu souscrire à la gazette bi-hebdomadaire d'Isaac-Marc Bardin (voir : http://data.bnf.fr/15644123/isaac_marc_bardin/ )
2 Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/12/17/je-crois-que-nous-avons-perdu-la-cervelle-depuis-cinq-ans-5888286.html
3 Année ajoutée par Tronchin .
00:25 | Lien permanent | Commentaires (0)
ce théâtre dont on adore les actrices qu’ensuite on jette à la voirie
... Espérons que ce ne sera pas le sort de notre nouvelle Miss France 2017 , adulée , puis sacrifiée après trois petits tours médiatiques !
Quel sera le premier torchon people qui sortira quelque détail graveleux ou présenté comme tel ? Aucun , il faut l'espérer .
« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville, ancien
conseiller au parlement de Rouen
rue Saint-Pierre près du rempart
à Paris
et s'il n'y est pas
à sa terre de Launay par Rouen.
Aux Délices 20 décembre [1761] 1
J'ai peur mon ancien ami de ne vous avoir pas remercié de la Description du presbytère 2. Je crois que Corneille aurait mieux réussi s'il avait eu votre Launay à peindre . Il lui fallait de beaux sujets . Cinna inspirait mieux que Pertharite . Ce Corneille m'a coûté tant de soins, il a fallu écrire tant de lettres, envoyer tant de paquets à l'Académie, que je ne sais plus où j'en suis . La correspondance a pris tout mon temps . Il se pourrait très bien que je ne vous eusse point écrit . Si j'ai fait cette faute, pardonnez-la-moi . Nous allons poser bientôt les fondements du petit mausolée que nous élevons à la gloire de votre concitoyen, du père de notre théâtre, de ce théâtre que maître Dains et maître Fleury veulent absolument excommunier , de ce théâtre qui peut-être est la seule chose qui distingue la France des autres nations , de ce théâtre dont on adore les actrices qu’ensuite on jette à la voirie, etc. etc.
Enfin Mlle Corneille a lu Le Cid . C'est déjà quelque chose . Vous savez que nous l'avons prise au berceau ? Nous comptons qu'elle jouera ce printemps Chimène sur notre théâtre de Ferney . Elle se tire déjà très bien du comique . Il y a de quoi en faire une Dangeville . Elle joue des endroits à faire mourir de rire, et malgré cela elle ne déparera pas le tragique . Sa voix est flexible, harmonieuse et tendre . Il est juste qu'il y ait une actrice dans la maison de Corneille .
Pour Mme Denis c'est bien dommage qu'elle n'exerce pas le talent plus souvent . Elle est admirable dans quelques rôles . Mais il est plus aisé de bâtir un théâtre que de trouver des acteurs . J’aimerais mieux avoir un procès à solliciter que des acteurs à rassembler . C'est beaucoup d'avoir trouvé quelquefois au pied des Alpes de quoi composer une assez bonne troupe . J'ai pris le parti de me bien amuser sur la fin de ma vie, de faire à la fois les pièces, le théâtre et les acteurs . Cela fait une vie pleine ; pas un moment de perdu . Dieu a eu pitié de moi . Mon cher et ancien ami réjouissez-vous tant que vous pourrez . Tout ce qui n'est pas plaisir est pitoyable . Êtes vous à Paris ? êtes-vous à Launay ? Je n'en sais rien . En quelque endroit que vous soyez, je vous aime de tout mon cœur .
V. »
1 Année ajoutée par Cideville .
2 En fait V* avait déjà remercié par sa lettre du 23 septembre 1761 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/09/07/je-viens-de-batir-une-eglise-ou-j-aurai-le-ridicule-de-me-faire-enterrer.html
00:10 | Lien permanent | Commentaires (0)