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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Nous avons toujours dit la même chose

... Paroles de politiciens.ennes à la courte mémoire à l'heure du bilan de carrière .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

8è janvier 1767 au soir, partira le 10 1

Mes divins anges, nous recevons votre lettre du 3 janvier. Allons vite au fait : 1° L’affaire était si grave que la première chose que dit le receveur du bureau à cette dame, c’est qu’elle serait pendue : 2° Le fidèle Wagnière vous écrivit du bureau même pendant que les monstres du bureau écrivaient à monsieur le vice-chancelier ; 3° Cette affaire étant arrivée le 23 décembre au soir, nous n’avons eu de nouvelles détaillées de vous qu’aujourd’hui 8 janvier, et Lejeune a écrit quatre lettres à sa femme dans cet intervalle ; 4° Nous ne pouvions faire autre chose que d’envoyer mémoire sur mémoire au seul maître de cette affaire ; tous ces mémoires ont été uniformes. Nous avons toujours dit la même chose, et nous ne pouvions deviner que vous imagineriez d’alléguer que cette femme est parente de notre femme de charge, attendu que nous ne l’avons jamais dit dans nos défenses dont vous avez copie, et que Wagnière, à qui cette lettre est dictée, n’énonça point du tout cette défaite 2 dans la lettre qu’il a eu l’honneur de vous écrire du bureau.

La femme même articula dans le procès-verbal qu’elle avait une parente en Suisse, mais non pas à Ferney . Elle déclara qu’elle ne nous connaissait point, et voici le certificat que Wagnière vous en donne, en cas que vous ayez perdu sa lettre. Il nous a donc fallu absolument marcher sur la même ligne et soutenir toujours, ce qui est très vrai, que nous n’avons connu jamais la femme Doiret, et que nous ne vendons point de livres.

5° Il est très vrai encore que le bureau de Collonges est en faute jusque dans sa turpitude, et que sa barbarie n’est point en règle. S’il a cru que la dame Doiret et son quidam 3 voulaient faire passer en France des choses criminelles, il devait s’assurer d’eux : première prévarication.

Il n’était pas en droit de saisir les chevaux et le carrosse d’une personne qui venait faire plomber ses malles, qui se déclarait elle-même, et qui ne passait point des marchandises en fraude selon les ordonnances . Seconde prévarication. Il pouvait même renvoyer ces marchandises sans manquer à son devoir, et c’est ce qui arrive tous les jours dans d’autres bureaux. Mme Denis est légalement autorisée à redemander son équipage, dont d’ailleurs cette femme Doiret s’était servie frauduleusement, en achetant des habits de nos domestiques et en empruntant d’eux nos équipages et des malles.

6° Nos malles ne nous sont revenues au nombre de deux que parce que les commis mirent les papiers dans une troisièmes pour être envoyés à monsieur le vice-chancelier.

7° Il est impossible que, si nous passons le moins du monde pour complices de la femme qui faisait entrer ces papiers, nous ne soyons exposés aux désagréments les plus violents.

8° Quand nous ne serions condamnés qu’à la plus légère amende, nous serions déshonorés à quinze lieues à la ronde, dans un pays barbare et superstitieux. Vous ne vous connaissez pas en barbares 4.

9° Si on ne trouve pas un ami de M. de La Reynière qui obtienne de lui la prompte et indispensable révocation du nommé Jeannin, contrôleur du bureau de Sacconex, entre Genève et Ferney, l’affaire peut prendre la tournure la plus funeste.

Cette affaire, toute désagréable qu’elle est, ne doit préjudicier en rien a celle des Scythes ; au contraire, c’est une diversion consolante et peut-être nécessaire. Il serait bon sans doute que la pièce fût jouée incessamment, et que les acteurs eussent leurs rôles ; mais sans deux bons vieillards et sans une Obéide qui sache faire entrevoir ses larmes en voulant les retenir, et qui découvre son amour sans en parler, tout est bien hasardé. J’ai d’ailleurs fait imprimer l’ouvrage pour prévenir l’impertinente absurdité des comédiens, que Mlle Clairon avait accoutumés à gâter toutes mes pièces ; ce désagrément m’est beaucoup plus sensible que le succès ne pourrait être flatteur pour moi.

J’imagine que l’épître dédicatoire n’aura pas déplu à MM. les ducs de Praslin et de Choiseul ; et c’est une grande consolation pour le bonhomme qui cultive encore son jardin au pied du Caucase, mais qui ne fera plus éclore de fleurs ni de fruits, après une aventure qui lui ôte le peu de forces qui lui restait . Ce bon vieillard vous tend les bras de ses neiges, de Scythie aux murs de Babylone.

V.

 

Je déclare que je n’ai jamais articulé dans aucun papier que la dame Doiret eût des parents dans la maison. Fait à Ferney, 9è janvier 1767.

Wagnière.



Je déclare la même chose, comme ayant été présent.

Racle.



C’est sur quoi nous avons insisté dans toutes nos lettres ; nous n’avons proposé l’intervention de M. de Courteilles que comme le croyant à portée, par lui ou par ses amis, d’engager les fermiers généraux, chargés du pays de Gex, à casser au plus vite ce malheureux. Nous vous répétons que c’est un préalable très important pour empêcher que notre nom ne soit compromis et que nous ne soyons exposés à un procès criminel.

Vous avez, mes divins anges, un résumé exact de l’affaire. Puisqu’elle dépend de M. de Montyon, que nous avons vu aux Délices, nous allons lui écrire 5. Vous connaissez sans doute le conseiller d’État qui préside à ce bureau. Nous avions espéré que monsieur le vice-chancelier aurait la bonté de décider lui-même cette affaire, et qu’il commencerait par s’informer s’il y a en effet une femme Doiret à Châlons, à laquelle la malle pleine de papiers est adressée. Il est fort triste que cette aventure soit discutée devant des juges qui peuvent la criminaliser 6; mais nous comptons sur votre zèle, sur votre activité, sur vos amis. Nous n’avons rien à nous reprocher, et s’il arrive un malheur 7, on aura la fermeté de le soutenir, malgré l’état languissant où l’on est, et malgré la rigueur extrême d’un climat qui est quelquefois pire que la Sibérie. N’en parlons plus, mes chers anges, il n’est question que d’agir auprès de M. de Montyon et du président du bureau, non pas comme demandant grâce, mais comme demandant justice et conformément à nos mémoires, dont aucun ne dément l’autre. Nous ne voulons point nous contredire comme Jean-Jacques. Voilà notre première et dernière résolution, dont nous ne nous sommes jamais départis, comme nous ne nous départirons point des tendres sentiments qui nous attachent à vous pour toute notre vie.

V. »

1 Déclaration de Racle écrite et signée par lui ; le manuscrit daté par des gloses de l'éditeur a été suivi par toutes les éditions .

2 Le mot défaite est employé au XVIIIè siècle au sens de mauvaise excuse .

3 Jeannin .

4 Phrase ajoutée de la main de V* .

6 V* a souligné ce mot qui est usité en termes de droit pour signifier « transférer une affaire du civil au criminel » à l'inverse de civiliser .

7 D’être forcé de déguerpir. (Georges Avenel.)

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17/04/2022 | Lien permanent

Il ne faut pas laisser en mourant son ouvrage imparfait

... Mis en ligne le 16/11/2020 pour le 21/8/2015

 

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

A Tournay par Genève 20 auguste 176[0]

Madame, j'ignore si dans la crise violente où nous sommes les lettres que j'ai eu l'honneur d'écrire à Votre Altesse Sérénissime, lui sont parvenues . Que puis-je dire sur l'incendie des faubourgs de Dresde , sur tant de maisons détruites, et tant de familles périssantes ? Je dis cela ne serait pas arrivé si la branche aînée de Gotha avait conservé ses droits . Tout est révolution , tout est malheur . Votre sagesse vous procure madame des jours tranquilles au milieu de tant de désolations . On m'assure que Votre Altesse Sérénissime a reçu le paquet qu'elle a eu la bonté de faire passer à Mme de Bassevits . Je me jette à vos pieds madame pour obtenir par votre protection les mémoires qu’on m'a promis . J'aime à écrire l'histoire d'un homme qui a fondé des villes dans un temps où nous sommes entourés de destruction . Je suis bien vieux et bien malade, les moments me sont chers . Il ne faut pas laisser en mourant son ouvrage imparfait . C'est à Votre Altesse Sérénissime que j'aurai l'obligation d'avoir achevé ce que j'ai commencé . Ce serait pour moi un bien beau jour que celui où je pourrais venir moi-même mettre à vos pieds l'histoire d'un législateur qui a créé un empire de deux mille lieues, mais j'aimerais mieux vivre dans votre cour que dans cet empire . Toutes les fois que je lis la gazette je dis, on brûle, on égorge à droite et à gauche et on cultive en paix la vertu dans le palais de Gotha .

Grande maîtresse des cœurs, vous êtes un des premiers objets de mes réflexions . Mettez-moi aux pieds de Leurs Altesses Sérénissimes et plaignez-moi de leur présenter de si loin mes profonds respects .

V. »

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21/08/2015 | Lien permanent

je suis très en état de ne craindre personne

... Hormis moi !

 J'assure mes arrières !

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« A Élie Bertrand

premier pasteur

à Berne

30 mars [1759]

Mon cher ami, vos tremblements 1 sont partis et je partirai moi le plus tôt que je pourrai pour venir remercier M de Freydenrik et messieurs les curateurs, et surtout vous . Mme Denis et moi nous ferons ce voyage agréable le plus tôt que nous pourrons .

Nous sommes fort loin de craindre les brouillons que nous connaissons très bien ; et je suis très en état de ne craindre personne . Hélas mon ami j'ai plus de terrain que Genève et je suis le maître chez moi . Le chef des polissons 2 est mon vassal . J'ai des créneaux et des […]3 et peut-être avant qu'il soit peu le peuple dont vous me parlez aura besoin de moi . En attendant il gagne honnêtement avec moi et il est très soumis dans mon antichambre . C'est un M. Desmal,4 homme de beaucoup d'esprit , qui a fait L’Optimisme ou Candide et qui se moque encore plus que moi des sots . Mon cher ami, vivons tranquilles et aussi heureux qu'il est possible dans notre court pèlerinage .

Les jésuites échapperont, n'en doutez pas ; et peut-être dans un an ils seront tout puissants en Portugal comme ils le furent en France après l'assassinat de Henri IV .

Le roi de Prusse m'a écrit des choses bien extraordinaires . C'est un singulier homme, et ce siècle est un étrange siècle .

On dit que Haller se repent beaucoup d'avoir montré mes lettres et les siennes . Il a raison de se repentir . »

2 Vernet .

3 Un mot court avec un d au milieu a été fortement rayé .

4 Démad ; que V* le 1er avril 1759, dans une lettre au directeur du Journal Encyclopédique, Rousseau, déclare être son « frère M. Démad, actuellement capitaine dans le régiment de Brunsvik ».

 

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16/05/2014 | Lien permanent

De quelque manière qu’on veuille expliquer la chose, le fond est si obscur, et si mal exprimé, qu'il est impossible de l

... Et pourtant si !

Et pas seulement le 1er avril !

Vous voulez un nom ? Muriel Pénicaud , -ministre du Travail, pour mémoire- remarquable oratrice aux idées aussi claires que son expression qui donnent une idée du noeud gordien : Alexandre, au secours !

23 mars 2020 – Télétravail d'intérêt national | Blagues et Dessins

Et n'oublions pas Sibeth Ndiaye, Gaston Lagaffe triste, plus proche d'un Grincheux mâtiné de Simplet, qu'elle reste non seulement confinée, mais muette , elle ne nous manquera pas . Au passage, je souligne la lâcheté du Point qui condamne Bernard Mabille au motif qu'il serait coupable de racisme envers cette dame pour l'avoir moquée (à juste titre, si on ne veut pas être faux-cul ! ) : https://www.ozap.com/actu/-le-point-des-excuses-apres-une...

Sibeth Ndiaye, décontractée de la communication | Urtikan.nethttps://www.urtikan.net/dessin-du-jour/sibeth-ndiaye-deco...

 

 

 

« A Jean-François Gamonet

[vers le 20 janvier 1765] 1

L'auteur du mémoire veut justifier, sur trois points, le faussaire qui prit le nom du cardinal de Richelieu .

Le premier chef est celui de la taille, que le prétendu Testament politique propose de faire payer à toutes les cours supérieures .

L'auteur du mémoire dit que les seigneurs en Flandre sont soumis à la taille ; mais il ne peut inférer de là que le parlement de Paris et la Chambre des comptes doivent la payer ; en voici la raison évidente .

L'impôt sur les terres ayant toujours été payé dans la Flandre autrichienne comme en Angleterre, sans distinction de personnes, n'est point avilissant ; il l'est en France ; il n'a jamais été imposé que sur les roturiers qui représentent les anciens serfs de la glèbe 2. Il serait également odieux et impraticable de réduire les premiers magistrats du royaume à la condition des anciens serfs, de leur ôter jusqu’au privilège des bourgeois de Paris, et de mettre quelquefois un chancelier et un premier président dans la dépendance d'un collecteur de village . Cette idée est si ridicule qu’elle ne mérite pas d'être réfutée 3.

Le second chef est l'idée non moins absurde d'enrôler la noblesse, et de la faire servir par force dans la cavalerie . Si le cardinal de Richelieu avait fait une telle proposition, il eût mérité que la noblesse assemblée l'eut condamné à lui demander pardon à genoux 4.

Le troisième point est le galimatias sur les finances qu'on trouve au chapitre 9 du Testament politique .

L'auteur du mémoire explique très bien ses propres idées, mais l'auteur du Testament exprime très mal les siennes . On ne peut donner un sens raisonnable à ce chapitre 9 du Testament, même en entendant tout le contraire de ce qu'il dit .

Les premières rentes constituées, dit-il, sur la taille qui se vendent d'ordinaire au denier cinq, ne doivent être considérées et remboursées que sur ce pied .

Ces rentes sur les tailles avaient d'abord été constituées au denier seize, c'est-à-dire, elles rendaient six et un quart du capital par année .

Le faussaire, qui après le nom du cardinal de Richelieu, propose de rembourser au denier cinq, veut-il dire dans soin langage inintelligible, qu'on remboursera le capital de rente de six un quart, comme si on remboursait le capital de la rente de cinq ? Cela est absurde . Veut-il dire qu'on remboursera au denier vingt le capital établi au denier seize ? C'est encore la même ineptie, car le roi rembourserait plus qu'il n'aurait reçu .

De quelque manière qu’on veuille expliquer la chose, le fond est si obscur, et si mal exprimé, qu'il est impossible de l'attribuer à un ministre .

De ces rentes sur les tailles, créées en divers temps, et en divers deniers, les unes se vendaient un peu plus, les autres un peu moins dans le public, mais je ne connais aucun traité sur les finances, aucun livre, aucun mémoire dans lequel il soit dit que ces capitaux perdissent soixante et quinze pour cent dans le commerce .

Cette supposition d'un capital de cent mille livres réduit à vingt cinq mille livres, ne pourrait encore disculper l'auteur du Testament politique . Car supposons que je vous rembourse vos vingt cinq mille livres à cinq pour cent, c’est-à-dire au denier vingt ( que le Testament appelle mal à propos le denier cinq) ; comment en sept ans et demi vous aurai-je remboursé la rente de vingt-cinq mille livres à cinq pour cent , c'est-à-dire au denier vingt ? Ce denier vingt toujours appelé le denier cinq dans le Testament, ferait au bout de sept ans et demi 18 750 livres et non pas vingt-cinq mille livres . L'auteur du mémoire qui cherche à jeter quelque jour sur ce chaos, et qui veut pallier les erreurs du faussaire, imagine que par le denier cinq on peut entendre qu'un contrat qui valait d'abord deux mille francs de fond n'en valait plus que cinq cents. Mais certainement cinq cents sont le quart de deux mille et ne sont pas le denier cinq 5.

Quand le fils de Samuel Bernard, maître des requêtes et surintendant de la maison de la reine, fit une banqueroute de quatre millions, dans laquelle je fus compris pour cent mille livres, on nous fit espérer d'abord que nous ne perdrions que soixante-quinze pour cent ; on ne nous dit pas, messieurs, vous serez remboursés au denier cinq ; mais il n’y eut point de calcul à faire car nous perdîmes tout 6.

Enfin de quelque façon qu'on s'y prenne, le Testament reste un monument d'absurdité que les ignorants admirèrent, séduits par un grand nom 7. On a souvent approuvé des livres comme on en a condamné d'autres , sans les lire 8.

P.-S. – L'auteur de cette réponse présente ses très humbles obéissances à monsieur de Villette et à monsieur Gamonet . »

1 Le texte donné ici est tiré de la copie contemporaine qui semble littérale ; elle est disposée sur deux colonnes : à gauche la lettre de V*, à droite les réponses de Gamonet, qu'on donne dans les notes qui suivent ici .

2 Voir : page 13 , http://corpusrural.free.fr/Textes_pdf/VANDERPOOTEN_Michel_Voltaire.pdf

et « M. de Voltaire ignorerait-il que dans le gouvernement primitif des iles Britanniques les peuples étaient serfs comme dans toute la Gaule ? Nous sommes aussi différents qu'eux aujourd'hui de ce qu'eux et nous étions alors . S'ils ont redressé le reste de l'ancienne barbarie qui leur était commune avec nous, pourquoi ne la redresserions-nous pas aussi ? Et qu'y aurait-il de plus avilissant pour un chancelier de France à payer la taille que pour un chancelier d’Angleterre ? avilissant de participer aux moyens nécessaires à la défense commune ? Bon Dieu ! est-ce bien M. de Voltaire qui parle ainsi ? Dans ce cas, que toute la noblesse serve donc sans être soudoyée, c'est la condition sous laquelle elle fut exemptée de la taille représentée chez elle par l'obligation au service personnel, mais si elle se dispense de servir quand elle le veut, et si en servant elle reçoit une solde, des pensions, dès lors son service n'est pas plus gratuit que celui des roturiers et par conséquent le motif de son exemption cesse de droit . »

3 « En ce cas là M. de Voltaire a donc eu tort de blâmer le contraire, car il a voulu dire quelque chose lorsqu'il a dit que Ce pays serait digne des Hotentots où l'un payerait et l'autre ne payerait : nous sommes sûrement ces mêmes Hotentots dont il a voulu parler, il fallait donc ne pas blâmer alors leur usage ou ne pas l'approuver aujourd'hui . »

4 « Mais qu'est-ce donc que le ban et l'arrière-ban et qu'étaient donc nos anciennes compagnies de cent hommes d'armes ? »

5 « M. de Voltaire ni moi ne savions pas, quand nous avons écrit, qu'il paraîtrait en décembre 1764 un édit qui exécuterait ce que propose le Testament politique, et dans lequel toute ma façon d'expliquer une opération fort claire en soi serait convertie en chose de fait : M. de Voltaire qui ne m'a répondu qu'en février 1765  aurait pu cependant connaître cet édit,mais selon toute apparence,il ne l'avait pas encore vu . »

6 « Cette historiette ne se rapporte pas plus à ma question qu'à la déposition du dernier grand visir . »

7 « Pas plus absurde, cependant, que ne l'est toute cette réponse-ci . »

8 « Peut-être n'est-il pas un auteur qui n'y ait gagné par-ci par-là. »

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01/04/2020 | Lien permanent

je ferai un mémoire sanglant contre les banqueroutiers, contre les commissions éternelles de ces belles affaires, et con

... Que  ce soit au XVIIIè siècle ou au XXIè, c'est une constante qui perdure, l'enrichissement de ceux qui vivent de la défaite des autres .

Ô magnifique métier juteux que celui des liquidateurs de faillites . Charognards ! 

 

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« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine
Le 11 juin [1759] 1
On fait une tragédie , ma chère nièce, en trois semaines, il n'y a rien de plus aisé, mais en trois semaines on ne l'achève pas. Je me suis remis vite au czar Pierre 2, afin de perdre de vue la pièce, et de la revoir dans quelque temps avec des yeux rafraîchis et un esprit désintéressé : c'est alors que je serai un censeur très-sévère. En attendant, je vous exhorte à vous faire raison des Bernard. Si, pendant que vous avez la main à la pâte, vous pouviez tirer aussi quelque chose de la banqueroute de ce faquin de Samuel, fils de Samuel, maître des requêtes, surintendant de la maison de la reine, et banqueroutier frauduleux, ce serait une bonne affaire pour la famille. Il faudra charger d'Hornoy de cette affaire quand il aurait 3 fait son droit, et qu'il aura emporté vigoureusement ses licences ; il prendra des conseils de son oncle l'abbé 4, et il n'est pas douteux qu'alors il ne triomphe.
Pour moi, je ferai un mémoire sanglant contre les banqueroutiers, contre les commissions éternelles de ces belles affaires, et contre le receveur des consignations, qui mange tout l'argent.
Êtes-vous à Paris ? êtes-vous à Hornoy ? Pour moi, la tête me fend, ma cervelle bout du czar Pierre et des tragédies , de trois terres que je gouverne bien ou mal, de deux maisons que je bâtis, et des vers de Luc 5, auxquels il faut répondre. Je ne sais ce que c'est que ce Sermon des cinquante 6 dont vous me parlez; c'est apparemment le sermon de quelque jésuite qui n'aura eu que cinquante auditeurs : c'est encore beaucoup ; les pauvres diables me paraissent actuellement bien grêlés. Mais si c'était quelque sottise anti-chrétienne, et que quelque fripon osât me l'imputer, je demanderais justice au pape, tout net. Je n'entends point raillerie sur cet article : je me suis déclaré hardiment contre Calvin, aux Délices; et je ne souffrirai jamais que la pureté de ma foi soit attaquée.
Je crois notre ami d'Argental un peu empêtré de son ambassade 7. Il ne m'écrit point, et je suis persuadé que je recevrai un volume de lui sur la Chevalerie 8. J'ai bien peur que ses négociations parmesanes ne fassent un peu languir des traités qu'il avait entamés pour moi avec M. le comte de La Marche, notre seigneur suzerain 9.
Mes correspondances dans le Nord vont toujours leur train.
Je suis plus content que jamais de la cour de Pétersbourg. Il nous est venu ici un petit Russe très-aimable 10, proche parent d'une impératrice, et qui pour cela n'en est pas plus grand seigneur.
Je vous écris à bâtons rompus, comme vous voyez, ma chère nièce ; c'est que je n'ai pas dormi, et que je n'en peux plus.
Ayez grand soin de votre santé, et dites-m'en, s'il vous plaît, des nouvelles. Je vous embrasse tendrement, vous, votre famille, et vos amis. Adieu, ma chère enfant; je vous recommande Thieriot, à qui vous devez quarante écus 11, en vertu des pactes de famille. »

 

 

1 C'est par erreur que cette lettre a toujours été classée à l'année 1761; elle est de 1759. (Georges Avenel.)

2 V* n'exagère pas, voir la lettre de Mme Denis citée à propos de la lettre du 3 juin 1759 à de Bussy : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/07/24/sa-parole-d-honneur-ce-qui-est-comme-vous-savez-en-fait-de-traite-un-pacte.html

3On attendrait plutôt aura .

4 L'abbé Mignot.

5 Voyez la lettre de Frédéric du 18 mai 1759.

6 Cette lettre, qui, répétons-le, est bien de 1759, prouve que le fameux Sermon des cinquante fut publié trois ans avant la Profession de foi du Vicaire savoyard, qui parut en 1762.

7 Il avait été nommé, au mois de mai 1759, ministre plénipotentiaire de Parme près la cour de Versailles.

8Tancrède , dont vers la même époque Mme d'Argental renvoyait à V* des vers corrigés avec un long commentaire , vers le 10 juin 1759 .

9 A propos de la propriété et des droits sur Ferney .

11 Voyez la lettre du même jour à Thieriot. : page 120 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b.f132

 

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29/07/2014 | Lien permanent

en disant la vérité on peut toujours la présenter sous un jour favorable

... Beaucoup plus facilement que le fatras de mensonges que débite à longueur de journée un vain vindicatif candidat à la présidentielle .

 La vérité est nue et sort du puits, le mensonge pue et sort du fumier . Qui veut encore se salir les mains ?

 

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« A Ivan Ivanovitch Schouvalov

Au château de Tournay par Genève 11 septembre 1759 1

Monsieur, M. de Soltikoff s'est chargé de vous faire parvenir un petit ballot contenant quelques imprimés et quelques manuscrits pour votre bibliothèque . J'offre à Votre Excellence les fruits de ma petite terre, en attendant que je puisse lui envoyer ceux qu'elle a fait naître elle-même, et qui sont le produit de votre glorieux empire . Je n'ai jamais tant désiré de m'attirer l'attention des lecteurs que depuis que je suis devenu votre secrétaire, car en vérité je n'ai que cette fonction , et si vous en exceptez le manuscrit du général Lefort, et quelques autres pièces que j'ai consultées, tout a été fidèlement écrit sur les mémoires que vos bontés m'ont fait tenir . Vous aurez incessamment un volume entier qui est poussé non seulement jusqu'à la victoire de Pultava, mais qui embrasse toutes les suites de cette journée mémorable .

Je vous avouerai que j'ai toujours besoin de nouveaux éclaircissements sur la campagne du Prut . Cette affaire n'a jamais été fidèlement écrite, et le public est aussi incertain qu'il est avide d'en connaître le fond et les accessoires . Le journal de Pierre le Grand passe bien légèrement sur cet important article . Je ne doute pas, monsieur, que vous ne me fassiez communiquer ce qu'on pourra confier de vos archives ; soyez bien sûr que je ne veux être éclairé que pour assurer mieux la gloire de votre grand législateur . Vous savez qu'on ne peut donner du crédit aux belles actions qu’en ne dissimulant rien ; mais qu'en disant la vérité on peut toujours la présenter sous un jour favorable .

On a imprimé depuis deux ans à Londres les mémoires de M. Withworth 2, envoyé d'Angleterre à votre cour dans le commencement du siècle ; ces mémoires ne sont pas trop favorables à l'impératrice Catherine, et ne rendent pas à Pierre le Grand toute la justice qui lui est due ; je suis obligé quelquefois de réfuter plus d'un auteur, surtout le chapelain Nortberg,3 historien passionné de Charles XII, mais très maladroit dans sa passion, et très peu judicieux dans ses idées .

Quelques uns de nos savants de Paris veulent que les Sibériens viennent des Huns, les Huns des Chinois, les Chinois des Égyptiens ; on peut égayer une préface en montrant le ridicule de la plupart de ces chimères . Il n'y a pas grand profit à faire pour l'esprit humain, à rechercher l'ancienne histoire des Huns et des Ours qui ne savaient pas plus écrire les uns que les autres 4. Il s'agit de l'histoire de celui qui a créé des hommes .

Comme il ne faut rien que le vrai dans cette histoire, je vous ai supplié, monsieur, de vouloir bien me dire si je dois employer le discours qu'on attribue à Pierre le Grand en 1714. Mes frères qui de vous aurait pensé il y a trente ans que nous gagnerions ensemble des batailles sur la mer Baltique ? etc5 . Ce discours , s’il est authentique, est un morceau très précieux .

Mon estime pour le jeune M. de Soltikoff augmente à mesure que j'ai l'honneur de le voir . Il est bien digne de vos bienfaits, son goût pour s'instruire, son assiduité à l'étude, son esprit qui est au dessus de son âge, justifient tout ce que votre générosité fait pour lui . Je ne peux , en vous parlant de lui, oublier le général de son nom 6, qui se couvre de tant de gloire, et qui en acquiert une nouvelle sous votre empire . Pour vous , monsieur, vous vous contentez du rôle de Mecenas . Ce rôle n'est pas assurément le moins noble et le moins utile ; il mène à une sorte de gloire indépendante des évènements ; il est fait pour un esprit supérieur ; et pour un cœur bienfaisant . Voilà la gloire véritable .

J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux d'un attachement véritable

monsieur

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire »

1 Original signé avec date et fin à partir de J'ai l'honneur … autographes . L'édition de Kehl date cette lettre de novembre suite à la copie de Beaumarchais .

3 Joran A. Nordberg , Konung Carl den XIItes historia, 1740, traduite Histoire de Charles XII, roi de Suède, 1742-1748 . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/J%C3%B6ran_Nordberg

5 Voir Histoire de l'empire de Russie … II, v .

6 Sans doute le comte Piotr Soltikof qui avait remplacé Fermor le 29 juin 1759 ; voir lettre du 25 août 1759 à d'Alembert :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/08/24/7ee3c111bfab5da7b657b0c44a4d4b32.html

Voir aussi : http://www.cyclopaedia.fr/wiki/Bataille-de-Kay

et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Piotr_Saltykov

 

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07/10/2014 | Lien permanent

Les Français arrivent tard à tout ... il leur faut quatre-vingts ans pour embrasser la philosophie de la tolérance . L'o

...

 

« A Paul Rabaut

chez monsieur Laverne l'aîné

négociant à Nîmes

16 mai 1767 1

La personne qui m'a fait l'honneur de m'écrire, ne doit pas douter de mes sentiments . Il n'y a rien que je n'aie tenté pour adoucir une infortune dont on ne voit aujourd'hui d'exemple en France . Les Français arrivent tard à tout . Il leur a fallu quarante ans pour entendre la philosophie de Neuton ; il leur faut quatre-vingts ans pour embrasser la philosophie de la tolérance . L'ouvrage est avancé dans plusieurs têtes, mais il y en a d'incurables .

Votre commandant est assurément très bien intentionné . S'il était le maître, il y aurait moins de malheureux . Il est bien étrange qu'en France tout le monde se moque des prétentions ridicules des papes, et que l'on continue toujours de persécuter ceux qui les premiers ont renversé cette idole . Il n'est pas moins contradictoire de donner dans Metz une synagogue aux juifs et d’envoyer aux galères des chrétiens qui prient Dieu en mauvais français . Le comble de l'absurdité est encore de tenir éloignés de leur patrie une foule de négociants qui pourraient l'enrichir .

Les Turcs permettent aux Grecs subjugués de chanter alleluiah dans les rues de Constantinople 2, et les Français font ramer aux galères leurs frères qui ne chantent pas des psaumes en latin . Il faudra bien qu'un jour cette abominable absurdité finisse .

Celui qui a l'honneur de vous faire réponse ne chante point de psaume, mais il adore la divinité et il aime l'humanité . Il est actuellement sans aucun crédit pour avoir été compatissant .

Il se réjouit avec l'Europe de la destruction des jésuites, mais il s'afflige avec tous les honnêtes gens de l'insolence de la Sorbonne . Ce corps de polissons fourrés vient de condamner cette proposition-ci:La vérité brille de sa propre lumière, et l'on n'éclaire pas les esprits avec les flammes des bûchers .

La Sorbonne pose donc pour article de foi que ce n'est point la vérité qui éclaire et que ce sont les bourreaux qui font les chrétiens . Si Busiris ou le Diable avait fait un symbole, voilà comme il l'aurait fait . Les jésuites n'ont jamais rien dit de si horrible ; il faut gémir sur la nature humaine et vivre dans un désert quand on n'est pas le plus fort .

Malgré toutes ces abominations de prêtres, on va rapporter au Conseil du roi l'affaire des Sirven ; ils gagneront leur procès . Tous les jeunes maîtres des requêtes sont philosophes, tous sont tolérants. Une grande révolution commence dans les esprits . Vivez assez longtemps, monsieur, pour en voir l'accomplissement ; cela sera long . »

1Original ; édition Weiss « Une lettre inédite de Voltaire à Paul Rabaut », Bulletin historique et littéraire, Société de l'histoire du protestantisme français, 15 octobre 1891 . Les mots Laverne l'aîné négociant sont biffés sur l'original .

Voir : https://www.jstor.org/stable/24283828

2 Même thème de la tolérance des Turcs à l'égard des orthodoxes retrouvé dans le Pot-pourri : «  [… à Constantinople] J'eus l'honneur d'assister il y a cinquante ans à l'installation d'un patriarche grec par le sultan Achmet III . Il donna à ce prêtre l'anneau et le bâton fait en forme de béquille . Il y eut ensuite une procession dans la rue Cléobule […]. J’eus le plaisir de communier publiquement dans l'église patriarcale, et il ne tint qu'à moi d'obtenir un canonicat . » Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/08/facetie-pot-pourri-partie-1.html

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06/12/2022 | Lien permanent

Si le style de la réponse est aussi inintelligible que celui de la Théorie, peu de lecteurs apprendront à gouverner l’Ét

... Mais comment ce diable d'homme , Voltaire, a-t-il pu savoir qu'on galèrerait si bêtement pour modifier le Code du travail ?

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Voir : http://www.dailymotion.com/video/x3y31ru_loi-travail-vall...

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

6 avril 1761

Monsieur Damilaville me permettra-t-il de lui adresser ce paquet pour M. Le Brun, que je supplie de vouloir bien lui faire tenir ? Je demande encore s'il est bien vrai que l'abbé Coyer soit exilé, et pourquoi ?

Je crois qu'il n'est que trop vrai que M. le maréchal de Richelieu a donné à Marmontel une exclusion sans retour pour l'Académie 1. Les gens de lettres ne paraissent pas fort en faveur .

M. Thieriot veut-il bien m'envoyer un certain almanach d'église où l'on trouve la succession des patriarches de Constantinople ? Cela n'est pas bien agréable ; mais cela peut être utile à un homme qui écrit l'histoire quand il ne laboure pas .

On m'a envoyé une Réponse à la Théorie de l'impôt 2. Si le style de la réponse est aussi inintelligible que celui de la Théorie, peu de lecteurs apprendront à gouverner l’État .

On dit que Rameau écrit contre un philosophe sur la musique 3 ; j'aimerais mieux qu'il fît un opéra . »

1 Marmontel fut pourtant élu à l'Académie en 1763 .

2 Charles-Etienne Pesselier : Doutes proposés à l'auteur de la Théorie de l'impôt , 1761 . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-%C3%89tienne_Pesselier

 

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24/03/2016 | Lien permanent

ces occupations sont satisfaisantes, combien elles consolent de ces chiens de bureaux, de ces chiens de commis

... Ouaich !

C'est le grand amour pour les bureaucrates et les sbires fiscaux , éternels mal-aimés, trop souvent à juste titre, et j'en suis témoin tout comme le fut Voltaire , happy tax payer !

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL , Envoyé

de Parme

rue de la Sourdière

à Paris
15 février [1760]
Divin ange, Spartacus est-il joué?1 a-t-il réussi? Je ne sais rien, je suis enterré dans mes Délices ; les Géorgiques me poursuivent, je quitte la charrue pour prendre la plume. Vous me direz : Que ne vous servez-vous de cette plume pour regriffonner quelques vers de la Chevalerie ?2 Patience, tout viendra. Cet hiver n'a pas été le quartier de Melpomène chez moi ; il faut un peu varier.
Je mourrais d'ennui si je n'avais pas cent choses à faire. J'ai eu une violente querelle pour mon pain avec les commis des fermes ; j'ai fait des écritures ; je négocie avec les Soixante 3; chacun a ses peines. Je voudrais seulement que vous vissiez le plan de mon château ; il vaut pour le moins un plan de tragédie. C'est Palladio tout pur,4 et vous ne sauriez croire combien ces occupations sont satisfaisantes, combien elles consolent de ces chiens de bureaux, de ces chiens de commis. Mais, mon cher ange, vous verrez mardi cet homme dont je suis fou, M. le duc de Choiseul. Les lettres dont il m'honore m'enchantent. Dieu le bénira, n'en doutez pas ; il a la physionomie heureuse. Je sais bien qu'il ne donnera pas de flottes à M. Berryer 5; et, quand il en donnerait, autant de perdu ;
Non illi imperium pelagi 6
Nous avons à Pondichéry un Lally7, une diable de tête irlandaise qui me coûtera, tôt ou tard, vingt mille livres tournois annuelles, le plus clair de ma pitance; mais M. le duc de Choiseul triomphera de Luc de façon ou d'autre, et alors quelle joie! J'imagine qu'il vous montrera mes impertinentes rêveries. Savez- vous bien que Luc est si fou que je ne désespère pas de le mettre à la raison ? C'est bien cela qui est une vraie comédie. Je voudrais que vous me donnassiez vos avis sur la pièce.
Écrivez-moi donc un petit mot ; dites-moi des nouvelles de la santé de Mme Scaliger. Dites-moi, je vous en prie, s'il est vrai que le Père Sacy 8, jésuite, ait été condamné par corps aux consuls, pour une lettre de change de dix mille écus. Mais parlez-moi donc des Poëshies de cet homme qui a pillé tant de vers et de villes. Est-il vrai qu'on ait défendu son œuvre ? Allons, maître Joly, bavardez ; messieurs, brûlez.

Ma foi, juge et rimeur, il faudrait tout lier. 9
Que je vous aime ! mon cher ange . 

V.»

2 Allusion à la rapidité de la composition de Tancrède .

4 V* s'appuie sur une phrase de Bettinelli dans sa lettre du 15 janvier : « Il est beau sans doute de vivre tranquille et à son aise aux délices, et à Farnex, d'y bâtir à la Palladio, d'y labourer des terres faites pour vous . » Mais le château de Ferney manque de la majesté lourde du style de Palladio . Voir lettre du 7 mars 1760 à d'Argental : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f336.image.r=7%20mars

Et voir : Palladio : http://fr.wikipedia.org/wiki/Andrea_Palladio

5 Sur Berryer nommé ministre de la marine , voir lettre du 8 octobre 1759 à JR Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/27/j-aime-bien-mieux-que-le-conseil-mette-le-peu-d-argent-qu-il-5476992.html

6 Virgile, l'Enéïde, I, 138 ; ce n'est pas à lui qu'appartient l'empire de la mer .

7 Thomas Arthur, comte de Lally, baron de Tollendal sera l'objet d'accusations après ses échecs aux Indes, sera exécuté et V* travaillera à sa réhabilitation jusqu'au bout . http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Arthur_de_Lally-Tollendal

et : http://www.romans-patrimoine.com/Pages/Actualites/bibliotheque/lally_tollendal.htm

8 Voir la lettre du 25 novembre 1759 à Chennevières : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/03/j-ai-ete-effraye-de-la-liste-des-impots-apparemment-qu-on-de-5502991.html

. L'affaire résultait des bénéfices faits par les jésuites à la suite du rachat et de la revente de vaisseaux capturés par les Anglais (voir Les Mélanges d'histoire, de Quentin Craufurd, 1809 p. 305-312 ; voir : http://books.google.fr/books?id=ADBRAAAAcAAJ&printsec... )

9 Racine, Les Plaideurs , I, viii .

 

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14/02/2015 | Lien permanent

La plus grande difficulté de ce travail consistera à le rendre intéressant pour toutes les nations

... Concernant les écrits de Voltaire, je n'ai point de soucis quant à leur intérêt pour toutes les nations . Pour mes quelques reflexions, considérez-les comme des amuse-gueules dont on peut se passer, mais qui m'obligent malgré tout à ne pas rester spectateur inerte et tenter de rebondir du XVIIIè siècle à nos jours , la pensée voltairienne bravant les siècles, elle n'a pas une ride .

Ouvrez l'oeil, mais pas seulement ...

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 Cultivez la curiosité

 

« A Son Excellence Monsieur le comte Ivan Ivanovitch SCHOUVALOW

chambellan de Sa Majesté impériale

lieutenant général etc. etc.

à Petersbourg.

A Schwessingen, maison de plaisance de monseigneur l'électeur palatin, 17 juillet 1758.

Monsieur, j'ai reçu, en passant à Strasbourg, le paquet dont vous m'avez honoré, par le courrier de Vienne 1. J'ai lu toutes vos remarques et toutes vos instructions. Je suis confirmé dans l'opinion que vous étiez plus capable que personne au monde d'écrire l'histoire de Pierre le Grand. Je ne serai que votre secrétaire, et c'est ce que je voulais être.

La plus grande difficulté de ce travail consistera à le rendre intéressant pour toutes les nations c'est là le grand point. Pourquoi tout le monde lit-il l'histoire d'Alexandre, et pourquoi celle de Gengis-kan, qui fut un plus grand conquérant, trouve-t-elle si peu de lecteurs?

J'ai toujours pensé que l'histoire demande le même art que la tragédie, une exposition, un nœud, un dénoûment, et qu'il est nécessaire de présenter tellement toutes les figures du tableau qu'elles fassent valoir le principal personnage sans affecter jamais l'envie de le faire valoir. C'est dans ce principe que j'écrirai et que vous dicterez.

Si ma mauvaise santé et les circonstances présentes le permettaient, j'entreprendrais le voyage de Pétersbourg, je travaillerais sous vos yeux, et j'avancerais plus en trois mois que je ne ferai en une année loin de vous; mais les peines que vous voulez bien prendre suppléeront à ce voyage.

Ce que j'ai eu l'honneur d'envoyer à Votre Excellence n'est qu'une première et légère esquisse du grand tableau dont vous me fournissez l'ordonnance.

Je vois, par vos Mémoires, que le baron de Stralemheim 2 qui nous a donné de meilleures notions de la Russie qu'aucun étranger, s'est pourtant trompé dans plusieurs endroits. Je vois que vous relevez aussi quelques méprises dans lesquelles est tombé M. le général Le Fort 3 lui-même, dont la famille m'a communiqué les Mémoires manuscrits. Vous contredites surtout un manuscrit très-précieux 4, que j'ai depuis plusieurs années, de la main d'un ministre public 5 qui résida longtemps à la cour de Pierre le Grand. Il dit bien des choses que je dois omettre, parce qu'elles ne sont pas à la gloire de ce monarque, et qu'heureusement elles sont inutiles pour le grand objet que nous nous proposons. Cet objet est de peindre la création des arts, des mœurs, des lois, de la discipline militaire, du commerce, de la marine, de la police, etc., et non de divulguer ou des faiblesses ou des duretés qui ne sont que trop vraies. Il ne faut pas avoir la lâcheté de les désavouer, mais la prudence de n'en point parler, parce que je dois, ce me semble, imiter Tite-Live, qui traite les grands objets, et non Suétone, qui ne raconte que la vie privée.

J'ajouterai qu'il y a des opinions publiques qu'il est bien difficile de combattre. Par exemple, Charles XII avait en effet une valeur personnelle dont aucun prince n'approche. Cette valeur, qui aurait été admirable dans un grenadier, était peut-être un défaut dans un roi.

M. le maréchal de Schwerin 6, et d'autres généraux qui servirent sous lui, m'ont dit que, quand il avait arrangé le plan général d'un combat, il leur laissait tous les détails; qu'il leur disait « Faites donc vite; toutes ces minuties dureront-elles encore longtemps ? » et il partait le premier, à la tête de ses Drabans 7, se faisait un plaisir de frapper et de tuer, et paraissait ensuite, après la bataille, d'un aussi grand sang-froid que s'il fut sorti de table.

Voilà, monsieur, ce que les hommes de tous les temps et de tous les pays appellent un héros ; mais c'est le vulgaire de tous les temps et de tous les pays qui donne ce nom à la soif du carnage. Un roi soldat est appelé un héros; un monarque dont la valeur est plus réglée et moins éblouissante, un monarque législateur, fondateur et guerrier, est le véritable grand homme, et le grand homme est au-dessus du héros. Je crois donc que vous serez content quand je ferai cette distinction. Permettez-moi de soumettre à vos lumières une observation plus importante. Olearius 8, et, depuis, le comte de Carlisle 9, ambassadeur à Moscou, regardent la Russie comme un pays où presque tout était encore à faire. Leurs témoignages sont respectables, et, si on les contredisait en assurant que la Russie connaissait dès lors les commodités de la vie on diminuerait la gloire de Pierre Ier, à qui on doit presque tous les arts il n'y aurait plus alors de création. Il se peut que quelques seigneurs aient vécu avec splendeur, du temps du comte de Carlisle mais il s'agit d'une nation entière, et non de quelques boïards. Il faut que l'opulence soit générale, il faut que les commodités de la vie se trouvent dans tous les ordres de l'État, sans quoi une nation n'est point encore formée, et la société n'a point reçu son dernier degré de perfection.

Il est peu important que l'on ait porté un manteau par-dessus une soutane cependant, par pure curiosité, je désire savoir pourquoi, dans toutes les estampes de la relation d'Olearius, les habits de cérémonie sont toujours un manteau par-dessus la soutane, retroussé avec une agrafe. Je ne peux m'empêcher de regarder cet habillement ancien comme très-noble.

Quant au mot tsar, je désirerais savoir dans quelle année fut écrite la Bible slavone 10, où il est question du tsar David et du tsar Salomon. J'ai plus de penchant à croire que tsar ou thsar vient de sha 11 que de césar; mais tout cela n'est d'aucune conséquence.

Le grand objet est de donner une idée précise et imposante de tous les établissements faits par Pierre Ier, et des obstacles qu'il a surmontés car il n'y a jamais eu de grandes choses sans de grandes difficultés.

J'avoue que je ne vois, dans sa guerre contre Charles XII, d'autre cause que celle de sa convenance, et que je ne conçois pas pourquoi il voulait attaquer la Suède vers la mer Baltique, dans le temps que son premier dessein était de s'établir sur la mer Noire. Il y a souvent dans l'histoire des problèmes bien difficiles à résoudre.

J'attendrai, monsieur, les nouvelles instructions dont vous voudrez bien m'honorer, sur les campagnes de Pierre le Grand, sur la paix avec la Suède, sur le procès de son fils, sur sa mort, sur la manière dont on a soutenu les grands établissements qu'il a commencés, et sur tout ce qui peut contribuer à la gloire de votre empire. Le gouvernement de l'impératrice régnante est ce qui me paraît le plus glorieux, puisque c'est de tous les gouvernements le plus humain.

J'ai l'honneur d'être toujours avec tous les sentiments que je vous dois

monsieur

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

Je vous demande pardon de ne pas écrire de ma main . Je suis obligé de dicter étant un peu malade . J'attendrai vos ordres aux Délices près de Genève . 12»

1Des documents accompagnés d'une lettre du 2-13 juin 1758 : « […] je vous envoie quelques matériaux pour l'histoire de la Russie . J'y joins aussi les notes que j'ai pris la liberté de faire sur le commencement de votre ouvrage ; il s'était glissé quelques erreurs dans ce beau morceau […] mais ces erreurs ne sont pas les vôtres […] l'on doit les attribuer à l'inexactitude des mémoires dans lesquels vous avez puisé . Ceux que j'ai l'honneur de vous adresser à présent ont l'avantage de la vérité […] vous y trouverez des tables chronologiques, des dénombrements , des calculs V Je travaille à présent à faire traduire les campagnes par terre de Pierre le Grand V Les débuts ont été un peu difficiles . Si par la suite il vous naissait quelques doutes faites-moi la grâce de me les communiquer. »

2 Ou plus exactement Strahlenberg ; voir lettre du 7 août 1757 à Schouvalov : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/07/n-peut-encore-parler-de-quelques-faiblesses-d-un-grand-homme.html

3 Sur Le Fort, voir lettre du 6 septembre 1757 à Isaac Le Fort : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/06/quoique-je-ne-lise-jamais-les-journaux.html

4 Ce manuscrit envoyé par Frédéric II à V* ,( voir lettre de Frédéric II du 13 novembre 1737 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411350z/f346.image....) semble avoir contenu les mémoires de Vockerodt et de Suhm ; une copie de l'ouvrage de Suhm se trouvait à la bibliothèque de Sans Souci ; les mémoires de Vockerodt parurent en traduction française dans les Œuvres posthumes du roi de Prusse, 1789, et l'original fut publié sous le titre « Erörterungen einiger Fragen, die unter Peters I. Regierung in Russland vorgegangenen Veränderungen betreffend » dans les Zeitgenössuische Berichte zur Geschichte Russlands ; 1872.

6 Comte Kurt Christoph von Schwerin .

7 Gardes du corps.

8 Le livre d'Adamus Olearius ( = Adam Olschläger ) parut en allemand à Schlesswig en 1647 sous le titre Offt begehrte Beschreibung der newen orientalischen Reise et en traduction française, en 1636 sous le titre Voyages faits en Moscovie, Tartarie et Perse par le sieur Adam Olearius .

9 Charles Howard, premier comte de Carlisle, ambassadeur extraordinaire en Russie, Suède et Danemark , de 1663 à 1664 .

10 La première bible en slavon fut imprimée à Ostrog en 1581 .

11 V* campe sur cette étymologie fausse ; czar , comme l'allemand Kaiser dérive du latin Caesar .

12 La fin de lettre depuis humble et … ne figure pas sur la minute olographe qui contient en post scriptum : « Un grand avantage dans l'histoire de Russie est qu'il n'y a point de querelles avec les papes . Ces misérables disputes qui ont avili l'Occident ont été inconnues chez les Russes. »

 

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19/09/2013 | Lien permanent

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