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15/05/2011

Il y aura toujours des fous qui se feront égorger, des fous qui se ruineront, et des gens habiles qui en profiteront .

L'actualité du monde regorge d'exemples qui viennent confirmer ce constat voltairien . Pour les noms, les listes de chaque catégorie sont trop longues, je vous laisse choisir ceux que vous voulez . Bon, allez, juste un de chaque : Ben Laden, Madof, les banquiers ....

Tous les mêmes :  http://www.deezer.com/listen-3943623

Vent de panique :   http://www.deezer.com/listen-3943612

Face aux Terrorisés :   http://www.deezer.com/listen-3943619

 

Attendons Un jour nouveau :    http://www.deezer.com/listen-3943616

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« A Philippe-Antoine de Claris, marquis de Florian

 

[vers le 15 mai 1757]

 

Mon cher surintendant des chars de Cyrus 1, j'ai oublié toujours de vous dire qu'un petit coffre sur le char, avec une demi-douzaine de doubles grenades ferait un ornement fort convenable . J'ai honte, moi barbouilleur pacifique, de songer à des machines de destruction . Mais c'est pour défendre les honnêtes gens qui tirent mal, contre les méchants qui tirent trop bien. On verra malheureusement , et trop tard, qu'il n'y a pas d'autre ressource 2.

 

On disait aujourd'hui Prague prise 3, je veux n'en rien croire . On m'assure que Frédéric a désarmé la ville de Nuremberg, et qu'il exige huit cent mille florins d'empire . Ce n'est pas là faire la guerre à ses dépens . Il est sûr que les Russes marchent 4. Voilà la plus singulière position depuis la chute de l'empire romain. Il y aura toujours des fous qui se feront égorger, des fous qui se ruineront, et des gens habiles qui en profiteront . Mais les plus habiles à mon sens sont ceux qui restent chez eux tranquilles .

 

Conservez votre amitié à V... »


1 V* avait conçu un projet de char d'assaut qu'il avait confié au marquis de Florian quand celui-ci était venu aux Délices avec Mme de Fontaine en juin 175. Il en parlait à Richelieu le 1er novembre : « (le marquis, officier)... a pris la chose sérieusement. Il m'a demandé un modèle, il l’a porté à M. d'Argenson. On l’exécute à présent en petit ... On le montrera au roi . Si cela réussit, il y aura de quoi étouffer de rire que ce soit moi qui soit l'auteur de cette machine destructive . Je voudrais ... que vous tuassiez force Prussiens avec mon petit secret. »

2 Le maréchal de Richelieu, ainsi que le dit V* dans une lettre le 19 juillet, renverra la « machine aux anciens rois d'Assyrie ».Voir page 19 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f24.image.r=...

Après la défaite de Rossbach, V* écrit à Mme de Fontaine : « Il valait mieux, dira votre ami, faire courir les chariots d'Assyrie en rase campagne que de se faire assommer entre deux collines ... » ; voir lettre à Mme de Fontaine du 10 décembre 1757 : page 71 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80034x/f76.image.r=...

3 Les Autrichiens ont été battus le 6 mai sous les murs de Prague, mais les Prussiens ne sont pas entrés dans la ville .

4 Officiellement alliés aux Autrichiens depuis février 1757, ils vont remporter des victoires.

14/05/2011

Edifiez-vous, ma belle philosophe, tant qu'il vous plaira . Soyez toujours femme de bien

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belle philosophe.jpg

 

 

 

 

« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay

« A la Belle Philosophe »

 

[vers le 20 mai 1759]

 

Il y a dix ans que je n'ai lu des vers de H.1 S'ils sont mauvais, sa prose ne vaut guère mieux 2. C'est un fagot vert qui donne un peu de feu, beaucoup de fumée 3. Le beau Sermon 4 est tout à fait pour votre belle âme . Edifiez-vous, ma belle philosophe, tant qu'il vous plaira . Soyez toujours femme de bien, et si vous êtes d'honnêtes gens, vous, et votre Bohémien 5, je vous donnerai votre récompense en ce monde dans quelques jours . Je vous remercie tendrement, mais votre fermier général 6 n'aime pas les belles-lettres , ou je suis trompé .

 

V. »

 

1 Helvétius.

2 Voir par exemple le jugement de V* sur ce livre De l'esprit dans la lettre du 18 octobre 1758 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/10/22/cartes-de-geographie-c-est-peut-etre-le-seul-art-dans-lequel.html

3 D'autant plus qu'il a été condamné à être brûlé le 6 février .

4 C'est le Sermon des cinquante de V*, qu'il pourrait avoir écrit dès 1749 (date mise sur la première édition) et que V* lisait à Frédéric II en 1751 et 1752 selon La Beaumelle. http://www.voltaire-integral.com/Html/24/56_Cinquante.html

5 Grimm, auteur du Petit prophète de Boemischbroda.

13/05/2011

je ne veux point choquer d'honnêtes gens avec lesquels je vis en très bonne intelligence

 

Volti fait patte de velours, apparemment, ronronne, et affute ses griffes, discrètement .

patte de velours chats10NM1.gif

http://www.wat.tv/video/chat-mignon-reveil-3ezi9_2ey61_.h...

 


Comme il le dit haut et fort (publicité discrète et gratuite pour mon hébergeur ! ), "la paix est après la santé le plus grand des biens". Difficile de le contredire sur ce sujet .


 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

chez Madame la comtesse de Montmorency

rue Vivienne à Paris

 

Aux Délices 20 mai [1757]

 

Vous noterez, s'il vous plait, mon cher et ancien ami, et je vous confie tout doucement qu'il y a dans le pays que j'habite trois ou quatre personnes qui sont encore du seizième siècle . Elles ont été fâchées de voir dans le Mercure que tout le monde convenait vers le lac Léman que Calvin avait une âme atroce i. Ces gens-là disent qu'ils n'en conviennent point ii. Je crois qu'on pourrait pour satisfaire leur délicatesse leur permettre même de penser que l'âme de Calvin était douce . La mienne est tranquille et je ne veux point choquer d'honnêtes gens avec lesquels je vis en très bonne intelligence . Vous me feriez plaisir de me mander qu'on a imprimé cette lettre sur une copie infidèle comme sont toutes celles qu'on fait courir manuscrites, que dans celle que vous avez reçue de ma main il y a âme trop austère et non pas âme atroce . En effet pour autant qu'il peut m'en souvenir, c'était là ma véritable leçon . Cette petite attention de votre part ferait un très grand plaisir à des personnes que je dois ménager et je vous serais très obligé . La paix est après la santé le plus grand des biens.

 

Je ne sais quand le roi de Prusse la donnera à l'Allemagne . Ce sera quand il voudra, car s'il achève la campagne comme il l'a commencée il donnera des lois iii.

 

Ce serait une chose bien glorieuse pour la France si son armée réparait les pertes des Autrichiens iv. Il serait beau après avoir résisté deux cents ans à l'Autriche d'être son seul appui .

 

Avez-vous vu la pièce nouvelle v? parait-il quelque bon livre ? êtes-vous toujours casanier ? n'aurez-vous jamais le courage d'exécuter votre ancien projet de voir notre lac et vos anciens amis ?

 

V. »


i Le texte de la lettre envoyée à Thieriot le 26 mars, imprimée dans le Mercure de mai portait : « Ce n'est pas une petite preuve du progrès de la raison humaine qu'on ait imprimé à Genève ... » , voir Page 435 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f439.image.r=.langFR

Voir aussi ce que V* écrit à Vernes le 13 janvier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/08/vous-n-etes-point-calvinistes-vous-etes-hommes.html

ii Le Vénérable Conseil de Genève se réunira le 21 mai et prie « le Grand Conseil de marquer à M. de Voltaire son improbation » . Datée du 30 mai à Genève, une lettre publique injurieuse à l'égard de V* parait dans le Journal helvétique de juin, écrite par Jacob Vernet, son ancien ami ; voir lettre du 6 septembre à Le Fort : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/06/quoique-je-ne-lise-jamais-les-journaux.html#more

iii Après avoir en 1756 envahi la Saxe, battu les Autrichiens à Lobositz, fait capituler Auguste III, en 1757, Frédéric II a déjà marché sur Prague et battu les Autrichiens sous les murs de la ville le 6 mai .

iv Le 1er mai, la France vient de signer le second traité d'alliance avec l'Autriche ; elle doit fournir plus de 100 000 hommes qui seront répartis en deux armées, l'une devant envahir le Hanovre et forcer les Anglais à faire la paix, l'autre reprendre la Saxe avec une des armées autrichiennes .

12/05/2011

cela n'empêche pas que je ne trouve toujours l'âme immortelle placée entre deux trous prodigieusement ridicules

http://www.deezer.com/listen-569207 : Fallen angel

http://www.deezer.com/listen-598857 : Into thy gentle embrace

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

12 mai 1776

 

L'un de mes anges m'a écrit une lettre toute pleine de raison, d'esprit, de bonté, et de choses charmantes ; cela n'empêche pas que je ne trouve toujours l'âme immortelle placée entre deux trous prodigieusement ridicules .

 

Il s'en faut de beaucoup que le petit ex-jésuite ait négligé ses marauds du Triumvirat ; mais il pense que vos belles dames, qui ont dans Paris toutes les réputations, ne seront nullement touchées de ces gens de sac et de corde . Il a cru se tirer d'affaire par des notes historiques, et par une histoire de toutes les proscriptions de ce monde, qui fait dresser les cheveux à la tête . Il prétend, dans ses notes, que la conspiration de Cinna n'a jamais existé, que cette aventure est supposée par Sénèque, et qu'il l'inventa pour en faire un sujet de déclamation . C'est un objet de critique pour quelques pédants, mais dont le public ne se soucie guère . Il reste donc persuadé qu'il ne trouvera point de libraire qui veuille donner cent écus de cette guenille, attendu que La Harpe n'en a pas pu trouver cinquante de son beau Gustave Vasa . L'ex-jésuite vous enverra bientôt ses roués et ses notes pédantesques . Il souhaite d'ailleurs passionnément que Mlle Dubois se forme et que M. de Chabanon lui donne un beau rôle ; mais il ne sait pas où est M. de Chabanon ; il devait retourner à Paris au commencement du mois ; nous lui avons souhaité bon voyage, et depuis ce temps nous n'avons plus de ses nouvelles.

 

A l'égard de la comédie de Genève, c'est une pièce compliquée et froide qui commence à m'ennuyer beaucoup . J'ai été pendant quelque temps avocat consultant ; j'ai toujours conseillé aux Genevois d'être plus gais qu'ils ne sont, d'avoir chez eux la comédie , et de savoir être heureux avec quatre millions de revenu qu'ils ont sur la France . L'esprit de contumace est dans cette famille . Les Natifs disent que je prends le parti des bourgeois ; les bourgeois craignent que je ne prenne le parti des Natifs . Les Natifs et les bourgeois prétendent que j'ai eu trop de déférence pour le conseil . Le conseil dit que j'ai eu trop d'amitié pour les natifs et les bourgeois . Les bourgeois, les natifs et le conseil ne savent ni ce qu'ils veulent , ni ce qu'ils font, ni ce qu'ils disent . Les médiateurs ne savent encore où ils en sont ; mais j'ai cru m'apercevoir qu'ils étaient fâchés qu'on fut venu me demander mon avis à la campagne . J'ai donc déclaré aux conseil, bourgeois, et natifs, que n'étant point marguillier de leur paroisse, il ne me convenait pas de me mêler de leurs affaires, et que j'avais assez des miennes . Je leur ai donné un bel exemple de pacification, en m'accommodant pour mes dîmes avec mon curé, et finissant d'un trait de plume, à l'aide de quelques louis d'or, des chicanes de cent années .

 

Peut-être que M. le duc de Praslin parle quelquefois avec M. le duc de Choiseul des tracasseries genevoise . En ce cas, je le supplie de vouloir bien me recommander ou me faire recommander à M. le chevalier de Beauteville . J'attends cette grâce de vous, mes divins anges ; car non seulement plusieurs morceaux de mes petites terres sont enclavées dans le petit territoire de la parvulissime république, mais j'ai tous les jours de petits droits à discuter avec elle ; car vous noterez qu'elle n'a guère plus de terrain en France que je n'en ai . Chose étonnante que la liberté ! il y a vingt villes en France beaucoup plus peuplées que Genève ; qu'il y ait un peu de dissension dans une de ces vingt villes, on envoie des archers ; qu'il y ait une petite dissension à Genève, on y envoie des ambassadeurs.

 

Vous ferez, mes anges, une très belle et bonne action, non seulement de recommander mes petits intérêts à M. de Beauteville, mais surtout l'engager à garder pour lui ce droit négatif dont nous avons tant parlé. C'est une manière si naturelle et si honnête d'être maître de Genève sans le paraitre ; ce tempérament est si convenable ; il sera si utile de disposer de Genève dans les guerres qu'on peut avoir en Italie, qu'il ne faut pas assurément manquer cette précaution ; vous y êtes même intéressé comme Parmesan ; vous êtes puissance d'Italie . Henri IV vous a ôté le marquisat de Saluces, que vous auriez bien par la suite perdu sans lui ; ne manquez pas l'occasion de vous assurer un jour de Genève . La Corse dont vous vous êtes mêlés vous était bien moins nécessaire . Il me semble que M. le duc de Praslin approuvait cette idée ; il la fera goûter sans doute à M. le duc de Choiseul . C’est une négociation dont il faut que vous ayez tout l'honneur ; la maison de Parme en aura peut-être un jour tout l'avantage .

 

L’Encyclopédie me parait un peu vexée à Paris ; je crois que c'est une sage précaution du ministère, qui ne veut pas donner de prise à messieurs du clergé . Il y a dans ce livre d'excellents articles qu'il serait bien triste de perdre . L’ouvrage est en général un coup de massue porté au fanatisme . L'ex-jésuite lui porte quelquefois des coups de stylet ; il faut attaquer ce monstre de tous les côtés et avec toutes les armes . Ne craignons point de répéter ce qu'il est nécessaire de savoir ; il y a des choses qu'il faut river, dans la tête des hommes, à coups redoublés . Je ne m'en mêle pas, comme vous le croyez bien, mais j'apprends, avec une grande consolation, que plusieurs avocats travaillent à ce procès ; vous n'en serez pas fâché, vous qui êtes au rang des meilleurs juges .

 

Je me mets au bout de vos ailes avec mon culte ordinaire . »

11/05/2011

mon dégoût pour tout ce qui n'est que vanité, faux air, affectation de protéger, plaisir secret d’humilier et de nuire, orgueil et mauvaise foi

Je pense que tout est résumé par cette image !

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« A Jean Le Rond d'Alembert

 

19è mai 1773

 

S'il i est coupable de la petite infamie dont vous me parlez ii, j'avoue que je suis une grande dupe, mais vous qui parlez l'auriez été tout comme moi . Si vous saviez tout ce qui s'est passé, vous seriez bien étonné . Un jeune homme n'a jamais été trahi plus indignement par sa maîtresse iii. On dit que c'est l'usage du pays iv. Comme il y a environ trente ans que j'y ai renoncé, il m'est pardonnable d'en avoir oublié la langue . Je devais me souvenir que dans ce jargon je vous aime signifiait je vous hais, et que je vous servirai voulait dire positivement je vous perdrai .

 

Il se peut encore que l'on ait été choqué des conseils qui au fond ne sont que des reproches v.

 

Il se peut aussi qu'un certain histrion ait fait ce qu'on impute à un autre, car il y a bien des histrions . Quand on est à cent lieues de Paris, il est difficile de prévoir et de parer les effets des petites cabales, des petites intrigues, des petites méchancetés qu'on y ourdit sans cesse pour s'amuser .

 

Le seul fruit que je tirerai de ma duperie sera de n'avoir plus aucune espérance ; mais on dit que c'est le sort des damnés vi.

 

Il faut, mon cher philosophe, que je me sois trompé en tout, car j'ai cru que ces conseils assez délicatement apprêtés auraient dû vous plaire vii, attendu qu'un conseil qui n'a pas été suivi est un reproche, et que c'était au fond lui dire à lui-même ce que vous dites de lui .

 

Je dois vous faire à vous-même un reproche que vous méritez, c'est que vous traitez de déserteur le martyr de la philosophie viii. Bertrand doit employer Raton ix, mais il ne faut pas qu'il lui morde les doigts .

 

Au bout du compte, je suis sensible, et je vous avouerai que la perfidie dont vous m'instruisez m'afflige beaucoup, parce qu'elle tient à des choses que je suis obligé de taire, et qui pèsent sur le cœur .

 

Je m'aperçois que ma lettre est une énigme ; mais vous en déchiffrerez la plus grande partie . Soyez bien sûr que le mot de l'énigme est mon sincère attachement pour vous, et mon dégoût pour tout ce qui n'est que vanité, faux air, affectation de protéger, plaisir secret d’humilier et de nuire, orgueil et mauvaise foi . Je vois qu'actuellement nous ne devons être contents ni des Esclavons x ni des Welches, et qu'il faut donc se rejeter du côté des Ibères . J’écrirai donc en Ibérie xi, mais ce que j'ai de mieux à faire, c'est de m'arranger pour l'autre monde, et de ne pas laisser périr ma colonie quand il faudra la quitter .

 

Jugez de toutes mes tribulations par celle que je vais vous confier, qui est assurément la plus petite de toutes.

 

Ma colonie avait fourni des montres garnies de diamants pour le mariage de M. le Dauphin . Elles n'ont point été payées, et cela retombe sur moi . Il me parait qu'en Espagne on est plus généreux . Ce que j'éprouve des beaux messieurs de Paris en ce genre est inconcevable . Ces beaux messieurs ont bien raison de détester la philosophie qui les condamne et qui les méprise .

 

Adieu, je ne vous dis pas la vingtième partie des choses que je voudrais vous dire . Mais encore une fois, que Bertrand ne gronde point Raton . Que Bertrand au contraire encourage Raton à s'endurcir les pattes sur la cendre chaude . Que plusieurs Bertrands et plusieurs Ratons fassent un petit bataillon carré bien serré et bien uni . »

 

 

i Le duc de Richelieu .

ii Le 14 mai, d'Alembert écrit : « Votre Childebrand ... a demandé à Lekain ... une liste de douze tragédies pour être jouées aux fêtes de la cour à Fontainebleau .... » ; voir : page 197 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f202.image.r...

iii Ce 19 mai, V* écrit à Mme de La Tour du Pin de Saint-Julien en lui demandant d'intervenir auprès de Richelieu : « M. le maréchal de Richelieu votre ami ... m'accable d'abord de bontés au sujet des Lois de Minos ...» ; voir page 200 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f205.image.r...

iv C'est à dire de la cour .

v Dans l’Épître dédicatoire des Lois de Minos, V* demandait à Richelieu de protéger « la véritable philosophie » ; voir lettre à d'Alembert du 27 mars 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/03/27/m...

vi Référence à l'Enfer de Dante.

vii Voir la lettre du 27 mars .

viii V* s'applique sans doute cet élément de la conclusion de d'Alembert dans la lettre du 14 mai : « Faudra-t-il donc que la philosophie dise à la personne dont elle se croyait aimée : « tu quoque, Brute ? » ; d'Alembert reprochait aussi à V* d'avoir dédié sa tragédie à Richelieu .

ix Voir lettres à d'Alembert du 1er janvier 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/02/j...

et 4 janvier 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/04/c...

sur l'origine de ces surnoms .

x Esclavons ou Slavons = Russes . D’Alembert lui avait écrit à propos de Catherine II : « Plus je relis l'extrait que vous m’avez envoyé de la lettre de Pétersbourg, plus j'en suis affligé . Il était si facile à cette personne de faire une réponse honnête, satisfaisante, et flatteuse pour la philosophie, sans se compromettre en aucune manière, et sans accorder ce qu'on lui demandait [la libération des prisonniers français capturés par les Russes en Pologne], comme j'imagine aisément que les circonstances peuvent l'en empêcher. » ; voir lettre à d'Alembert du 4 janvier.

xi Au duc d'Albe, comme le lui avait conseillé d'Alembert qui avait précisé que celui-ci avait envoyé 20 louis pour sa statue et qu'il était un « amateur éclairé des lettres et de la philosophie » qui aurait mieux mérité que Richelieu la dédicace des Lois de Minos. De plus il disait que V* ferait bien de mettre un mot flatteur pour l'infant don Gabriel «  fort instruit et passionné pour toutes les lettres (qui) ont grand besoin de trouver quelques princes qui les aiment ... »

10/05/2011

il serait trop ridicule que l’éternel architecte changeât et rechangeât continuellement les petits évènements de notre petit globule ; il ne s'occupe ni de nos souris, ni de nos chats, ni de nos jésuites

 

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« A Claude-Philippe Fyot de La Marche

 

Aux Délices 19è mai 1762

 

J'ai été sur le point, Monsieur, d'aller voir le Pierre que je commente i; car pour le Pierre aux filets et aux deux clefs, il n'y a pas d'apparence que je lui fasse jamais ma cour . J'aime bien mieux celui qui a si bien peint les Romains que celui au nom duquel un prêtre est le maitre de Rome .

 

Je suis encore très faible ; M. Tronchin prétend qu'il me tirera d'affaire ; je le veux croire, car je serais très embarrassé si je mourais avant d'avoir fini mon ouvrage .

 

J'ai reçu vos nouvelles bontés ; je n'ai que des remerciements à vous faire, à vous, Monsieur, et à vos artistes . Les Cramer ii ajoutent à mes remerciements une petite prière ; c'est que votre dessinateur iii et votre graveur aient la bonté de se conformer aux dimensions qu'on a dû leur faire parvenir par la voie d'un libraire de Dijon . Je trouve les dessins fort beaux,et surtout celui de Sophonisbe m'a beaucoup plu . Mais encore une fois, ne vous privez pas de vos plaisirs pour les miens . Je me contenterai bien d'être honoré de six estampes iv, que je devrai à votre complaisance et à votre amitié .

 

Je doute fort que Dieu se mêle des jésuites v, attendu qu'ils ne se sont jamais mêlés de lui, et que s'il se mêlait de pareilles affaires, il nous délivrerai de tous les moines vi; d'ailleurs, la providence bien particulière est, entre nous, une chimère absurde ; la chaîne des événements est immense , éternelle . Les acceptions de personnes, les faveurs , les disgrâces particulières ne sont pas faites de globes qui roulent les uns autour des autres par des lois générales , il serait trop ridicule que l’éternel architecte changeât et rechangeât continuellement les petits évènements de notre petit globule ; il ne s'occupe ni de nos souris, ni de nos chats, ni de nos jésuites, ni de nos flottes, ni même des tracasseries de votre parlement . Vous me feriez grand plaisir de me mander si vous espérez qu'elles finiront vii.

 

Je me flatte que M. Tronchin aura fini de rapetasser ma détestable machine quand il faudra venir vous faire ma cour au mois de juillet ; mais si les lois éternelles de ce monde dérangent toujours ma poitrine et mes entrailles, si je ne peux me transplanter, vous ne feriez pas mal de passer par Ferney en allant à Lyon . J'ai un des plus jolis théâtres, d'assez bons acteurs, et une mauvaise pièce nouvelle, qui forme, toute mauvaise qu'elle est, le spectacle le plus pittoresque, et le plus beau que vous ayez jamais vu viii. Bouchez-vous les oreilles, si vous voulez, mais ouvrez les yeux, et vous aurez beaucoup de plaisir ix. Il y a même par-ci, par-là des morceaux qui ne vous déplairont pas ; j'espère encore venir à La Marche, et de là vous conduire à Ferney ; laissez-moi me bercer de mes chimères ; qu'avons-nous autre chose de bon dans cette vie ?

 

Mon cher et illustre magistrat, je vous respecte et je vous aime bien tendrement.

 

V. »

 

i Pierre Corneille.

ii Éditeurs à Genève de ses Commentaires sur Pierre Corneille.

iii François de Vosges .

iv Il arrive à V* de dire qu'il ne tient pas particulièrement à ce que ses livres soient ornés d’estampes ; cf. lettre à Panckoucke du 12 janvier 1778 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/07/quand-il-s-agira-de-travailler-pour-vous-faire-plaisir-rien1.html

v Lettres du 31 mai 1761 à Damilaville et Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/05/30/il-faut-defendre-les-vivants-et-les-morts-contre-les-gens-d.html

et 2 novembre 1761 à Bianchi : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/11/01/j-ai-commence-par-admirer-avant-de-travailler.html

Il y est fait rappel de la banqueroute du père La Valette, du procès perdu par la Compagnie de Jésus, la condamnation de certains livres des jésuites et l'arrêt du 6 août 1761 leur interdisant d'enseigner . On examina leurs Constitutions . On prononça la fermeture de leurs collèges, à Rouen, à Rennes, à Paris en février-mars 1762 ; le 6 août 1762, le parlement de Paris prononcera la dissolution de la Compagnie à Paris comme l'avait fait celui de Rouen dans son secteur . Un édit prononcera en novembre 1764 la dissolution de la Compagnie dans toute la France .

vi Il écrit à d'Argence : « quatre-vingt mille autres moines » « qui sont perdus pour l’État et qui en dévorent la substance » , et à La Chalotais qu'il félicite pour le réquisitoire contre les jésuites prononcé à Rennes.

vii Le parlement refuse de juger « pour faire dépit au roi » ; voir lettre du 25 mars : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/03/25/il-est-bon-d-egayer-les-affliges.html

viii Il a « fait venir Lekain à Ferney » pour « connaitre (s)on ouvrage, écrit-il à Collini le 23 avril ; il a « vu l'effet de la pièce . C'est un très beau coup d’œil ... Mais (il a) senti à la représentation qu'il manquait beaucoup de nuances à ce tableau ». Voir page 36 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f41.image.r=.langFR

Voir la lettre aux d'Argental du 8 mars 1762 sur le théâtre de Ferney et sur la mise en scène : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/03/08/1.html

et la signification de Cassandre-Olympie, dans la lettre du 22 février 1762 aux mêmes : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/02/22/voila-bien-du-bruit.html

ix A Thibouville, le 25 février 1762, il écrit que c'est une pièce « qui est toute d'appareil et de spectacle » «  et qui d'ailleurs n'est guère du ton ordinaire » ; voir page 8 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f13.image.r=.langFR

 

09/05/2011

Ce monde est une guerre , celui qui rit aux dépens des autres est le victorieux

 

http://www.wat.tv/video/barbara-perlimpinpin-live-wv38_2gh7d_.html

amour-victorieux-sm-berlin.jpg

 Amour victorieux !

 

 

« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay

 

19 mai [1760]

 

Ma belle philosophe, ces qui et ces quoi, qu'on m'envoie i m'ont amusé . Il faut rire de tout ii; il n'y a que ce parti là de bon . On parle des si, des mais, et des pourquoi iii. Il faut que quelque bonne âme fasse les comment .

 

La comédie contre les philosophes iv a donc réussi . Eh bien ! ils en seront plus philosophes . Qu'est-ce qu'une comédie intitulée Le Caffé v, et une Relation du voyage de frère Garassise vi?

 

Où est ma belle philosophe ? Où est le prophète vii?

 

Mille tendres respects . »


i   Les Qui et les Quoi sont de V* ; comme les Pour et les Que, les Oui et les Non, les Car et les Ah Ah, ils font suite aux Quand et sont toujours dirigés contre Lefranc de Pompignan .                                                                             Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-36337238.html

Pour les Quand, voir lettre du 25 avril : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/04/25/les-sottises-de-paris-elles-me-paraissent-se-multiplier-tous.html#more

et les billets à Cramer des 25 mars : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/03/27/la-lettre-a-laquelle-je-reponds-est-d-un-cuistre-de-ministre.html#more

et 1er avril : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/04/02/i...

Voir : http://www.voltaire-integral.com/Html/24/19_Les_Quand.html

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80022x/f91.image

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80022x/f184.tableDesMatieres

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80022x/f186.tableDesMatieres

ii  Ce même jour, à Thieriot : « Je conseille à tous (les philosophes) ... de se moquer de leurs ennemis . Ce monde est une guerre , celui qui rit aux dépens des autres est le victorieux. »

iv   Les Philosophes, de Palissot, jouée le 2 mai ; voir lettre du 25 avril.

v  Le Caffé ou L'Ecossaise, de V*, dirigée contre Fréron ; voir billet à Cramer du 12 mars : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/03/10/1.html#more

vi  La Relation du voyage de frère Garassise, neveu de frère Garasse, successeur de frère Berthier, de V*. Page 31 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80022x/f36.tableDes...

vii  Melchior Grimm, auteur du Petit prophète de Boemischbroda, 1753.