18/06/2017
On n'a besoin de personne . Il ne s'agira que de faire valoir la loi
... J'ose espérer que ce n'est pas purement l'état d'esprit de la future majorité parlementaire, faire valoir la loi, soit, se passer d'avis contraires non .
Dira le parlement au gouvernement . Peut-être ?
« A Philippe Debrus
29 juillet 1762
Je remercie Dieu qui a rendu la santé au généreux monsieur Debrus .
Je prie encore une fois Mme Calas de rester tranquille . Mme de Pompadour, toute sa cour sera pour elle . Elle sera bien servie , qu'elle voie seulement ses amis , et surtout M. Héron, premier commis du conseil, et M. Tronchin 1; qu'elle ne craigne point les prêtres de Toulouse . On, n'a que faire à présent de sa servante, on sait assez que cette servante a déposé en faveur de son maître 2. On n'a besoin de personne . Il ne s'agira que de faire valoir la loi qui ordonne que le témoignage des témoins nécessaires soit reçu en faveur des accusés, quoique ces témoins aient été accusés eux-mêmes .
Il ne tiendra donc qu'à impliquer, dans une accusation, tous les témoins favorables, pour perdre un innocent ! Cela est affreux et absurde .
C'est aux avocats à faire triompher ces raisons, et c'est à Mme Calas qui a tout le public pour elle, j'ose dire toute l'Europe, à conserver son repos et sa fermeté . »
1 Théodore Tronchin, le médecin . Voir lettre du 28 juillet 1762 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/07/29/il-y-a-des-gens-capables-de-dire-qu-importe-qu-on-ait-roue-o.html
2 Cette déposition ne semble pas avoir été publiée, mais plus tard parut une Déclaration de Jeanne Viguière, 1767 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040704b/f1.image
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Nous ne pouvons d’ici conduire des gens qui sont à Paris . Contentons-nous de procurer à cette infortunée toutes les protections possibles
... et votons !
« A Philippe Debrus [à monsieur Bruce]
[vers le 26 juillet 1762] 1
Mon neveu, conseiller au grand conseil 2, me mande qu'on pourrait bien renvoyer l'affaire de Calas à ce tribunal. En ce cas nous aurons sûrement justice .
Mais ce renvoi est fort douteux et on ne doit en parler ni en écrire à personne à Paris .
Mon neveu a vu cette malheureuse veuve . Il fera tout pour elle, mais comme il peut être son juge, gardons le secret . Il a confiance en Beaumont , qui lui a dressé une lettre pour monsieur le chancelier, que la pauvre Calas a signée .
Laissons-les faire, Beaumont est actif, Mariette ne l'est point . Nous ne pouvons d’ici conduire des gens qui sont à Paris . Contentons-nous de procurer à cette infortunée toutes les protections possibles .
Le premier président du grand conseil a pleuré en lisant la lettre de Donat Calas, mais il faut qu'on le sache .
V. »
1 L'édition Lettres inédites place cette lettre entre le 16 et le 25 août 1762, ce qui est trop tard .
2 Alexandre-Jean Mignot plus connu sous le nom d'abbé Vincent Mignot : voir : https://books.google.fr/books?id=8gQEAAAAYAAJ&pg=PA1997&lpg=PA1997&dq=alexandre+jean+mignot+vincent+mignot+voltaire+grand+conseil+1762&source=bl&ots=vaK8LRwO5U&sig=funKvqTPfBo_0ntvI8Y-JAwnvF0&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj9_4ix0cbUAhUHXRQKHfHyBX8Q6AEIOzAE#v=onepage&q=alexandre%20jean%20mignot%20vincent%20mignot%20voltaire%20grand%20conseil%201762&f=false
et voir : https://www.cairn.info/revue-d-histoire-litteraire-de-la-france-2009-1-page-197.htm
et : http://racineshistoire.free.fr/LGN/PDF/Arouet-Voltaire.pdf
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17/06/2017
Que votre bon cœur, mon cher frère, rende ce service à la famille la plus infortunée ! Voilà la véritable philosophie
... Voici une réponse , remarquable parmi d'autres, à cette question que se posent une foule de candidats bacheliers (enfin, je veux dire ceux qui sont encore curieux ) : qu'est-ce que la philo , à quoi peut-elle bien servir ?
Si vous voulez demythifier ce qui ne vous semble être qu'une matière superflue pour la suite de vos études et votre glorieuse carrière , lisez Voltaire et Ecrasez l'infâme !
« A Etienne-Noël Damilaville
26 juillet [1762] 1
Je suis actuellement si occupé de l’affaire épouvantable des Calas, que je suis bien loin de penser à Mathurin et à Colette 2 . Ce sera pour une autre fois .
Les comédiens de Saint-Sulpice, et le chef de troupe 3 qui a défendu la pièce aux cordeliers, ont-ils prétendu envelopper le sieur Crébillon dans l’anathème ? En ce cas, voilà tous les auteurs dramatiques obligés en conscience de se déclarer contre leurs ennemis. Mais l’horreur de Toulouse m’occupe plus que l’impertinence sulpicienne. Je vous demande en grâce de faire imprimer les pièces originales 4. M. Diderot peut aisément engager quelque libraire à faire cette bonne œuvre. Il nous paraît que ces pièces nous ont déjà attiré quelques partisans. Que votre bon cœur, mon cher frère, rende ce service à la famille la plus infortunée ! Voilà la véritable philosophie, et non pas celle de Jean-Jacques. Ce pauvre chien de Diogène n’a pu trouver de loge dans le pays de Berne . Il s’est retiré dans celui de Neuchâtel : c’était bien la peine d’aboyer contre les philosophes et contre les spectacles.
Palissot m’a envoyé une étrange pièce, avec sa préface et ses notes plus étranges. Cette pièce est imprimée aussi mal qu’elle le mérite. J’espère que l’Éloge de Crébillon le sera mieux 5.
J’ai reçu le troisième tome, que vous avez eu la bonté de m’envoyer, des remarques du petit Racine 6 sur le grand Racine, et je me suis aperçu que c’est un ouvrage différent de celui que j’ai. Je vois qu’il y a trois tomes de ce dernier ouvrage, et que le troisième est intitulé, Traité de la poésie dramatique ancienne et moderne. Il me manque les deux premiers. Voulez-vous avoir la bonté de me les faire tenir ? Ils pourront m’être utiles pour les commentaires de Corneille.
Je vous prierai , mon cher frère, de m’adresser les livres nouveaux que vous jugerez en valoir la peine, et de permettre que je vous en rembourse le prix, sans quoi je serais réduit à [ne] vous rien demander 7.
Frère Thieriot vous embrasse. Je finis toutes mes lettres par dire : Écrasez l’infâme, comme Scipion Nasica 8 disait toujours : tel est mon avis, et qu’on ruine Carthage. »
1 L'édition de Kehl falsifie le texte en remplaçant la phrase du début : Ce sera pour une autre fois par Je m’intéresse plus à cette tragédie qu’à toutes les comédies du monde.
2 Personnages du Droit du Seigneur .
3 Christophe de Beaumont qui avait défendu aux cordeliers de faire un service pour Crébillon ; l'assimilation de l'archevêque avec un chef de comédiens fait encore songer au Pot pourri .
4 L'édition à Paris des Pièces originales ne semble pas avoir paru avant le mois d'août ; voir lettre du 25 août 1762 à Debrus : voir page 12 : http://blog.voltaire-a-ferney.org/wp-content/uploads/2013/11/VAF_1762_2012_Web.pdf
et : https://archive.org/stream/voltaireetcalas00alligoog/voltaireetcalas00alligoog_djvu.txt
5Voir lettre du 4 avril 1762 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/03/11/criez-et-qu-on-crie-5920432.html
6 Louis Racine, dans les Œuvres de Racine, 1750 .
7 Ce paragraphe biffé sur la copie Beaumarchais-Kehl manque dans les éditions ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1762-partie-21-123088947.html
8 Cornelius Scipio Nasica, adversaire de Caton . Toutes les éditions donnent Caton pour Scipion Nasica .
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Je conjure cette veuve infortunée de ne pas désespérer, et je supplie tous ses amis de ne se pas effrayer des lenteurs inévitables dans une telle affaire
... Combien de fois , à l'instar de Voltaire, peut-on encore dire cela à toutes ces veuves du fait de ces attentats qui ensanglantent notre globule, et plus particulièrement notre France ?
A la tristesse invincible du veuvage , est-il bien nécessaire que notre administration ajoute l'angoisse du lendemain par ses pinailleries paperassières ?
« A Henri Cathala
26 juillet [1762]
Monsieur Héron, premier commis du grand conseil, me mande qu'il est très instruit de l'horrible arrêt de T[oulouse] . Il est d'avis qu'on porte à M. de Saint-Florentin la requête au roi signée de la veuve Calas, afin que l'affaire soit portée au conseil des dépêches . J'avais toujours été de cet avis, cette voie m'a paru comme à M. Héron la plus sûre et la plus prompte . Je crois que Mme Calas ou quelqu’un de ses amis bien instruits doit aller sur-le-champ chez M. Héron lui parler avec l'attendrissement le plus touchant et la plus entière confiance . C'est l'homme du monde le plus capable de donner les meilleurs conseils, et de rendre les plus grands services . Il demeure rue Taranne, faubourg Saint-Germain 1 .
J'insiste toujours pour que cette affaire qui doit intéresser le genre humain soit suivie avec une chaleur que rien ne ralentisse .
Je suis d'avis qu'on fasse venir de T[oulouse] une attestation du chirurgien qui soit favorable . Il sera aisé de l'avoir, et ce sera une pièce sur laquelle on pourra commencer le procès .
Depuis cette lettre écrite j'ai vu celle de M. Lavaysse père, et les lettres de Mme C[alas] du 21è juillet .
Je conjure cette veuve infortunée de ne pas désespérer, et je supplie tous ses amis de ne se pas effrayer des lenteurs inévitables dans une telle affaire .
Si M. Mariette est occupé d'autres procès M. d'Argental pourra choisir un autre avocat au conseil .
Mme la m[arquise] de P[ompadour] est très touchée , et on en verra les effets avant qu'il soit un mois . L'Europe entière aura le jugement et les juges en horreur, et cet arrêt de tout le public vaut bien un arrêt du conseil . Il faudra bien que le conseil rende enfin justice quand le public l'aura rendue .
Encore une fois qu'on voie M. Chaban et M. Héron . »
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16/06/2017
Je passe les jours et les nuits à écrire à tous ceux qui peuvent se servir de leur crédit pour obtenir une justice qui intéresse le genre humain, et qui me paraît nécessaire à l'honneur de la France
... Mon pauvre Voltaire, tu aurais un travail écrasant pour convertir ceux qui qui dirigent (autoproclamés, le plus souvent) des partis politiques et ont souvent des idées de la justice aberrantes . Ils / elles braillent "la grandeur de la France" et grenouillent petitement pour gagner des voix et des finances, faire peur comme la Marine et se poser en sauveurs , oh ! le bel ouvrage ! oh ! que je me sens protégé !
« A Dominique Audibert, chez MM. Tourton et Baur, banquiers à Paris .
Aux Délices 26 juillet 1762 1
Je n'ai que le temps de vous remercier, monsieur, de toutes vos bontés ; je ne sais comment les reconnaître . Je vois que vous n'avez pas voulu faire à M. de Saint-Tropez la remise dont je vous avais fait l'arbitre . Vous voulez apparemment que cet argent serve pour les pauvres Calas , et vous avez raison . Je ne conçois pas comment on n'a point encore imprimé à Paris les lettres de la mère et du fils , qui montrent la vérité dans tout son jour . Je me flatte qu'à la fin on permettra qu'elles soient publiées . Je passe les jours et les nuits à écrire à tous ceux qui peuvent se servir de leur crédit pour obtenir une justice qui intéresse le genre humain, et qui me paraît nécessaire à l'honneur de la France .
Nous avons ici Pierre Calas ; je l'ai interrogé pendant quatre heures ; je frémis et je pleure ; mais il faut agir .
Je vous embrasse tendrement . Votre très humble et très obéissant serviteur . »
1 Audibert a écrit longuement à V* le 20 juillet 1762, lui rapportant après les comptes qu'il avait tenu à rencontrer la veuve Calas : «Voici les deux particularités les plus intéressantes que j'ai pu recueillir […] . 1° Dans la recherche des motifs secrets qui peuvent avoir déterminé Calas fils à se tuer, sa mère n'en présume pas d'autre que celui d'une ambition mécontente . Il était d'un caractère indépendant, mélancolique ; ses goûts et ses talents le portaient à la méditation et à l'étude . Il s’était distingué dans des examens . Il avait pris le grade de bachelier . On ne voulait pas le recevoir avocat à cause de sa religion ; ce fut pour lui une grande mortification . Il voyait , avec envie, des amis plus riches et moins habiles que lui , posséder des charges ou remplir des emplois dont il avait la douleur de se voir exclu . 2° Ce ne fut que quatre jours après l’exécution de Calas, que les prêtres l'annoncèrent à sa pauvre veuve, et depuis cet instant, ils la tourmentèrent pendant onze jours de suite pour la préparer à la mort, et la forcer à changer de religion dans l'espoir d'obtenir sa grâce ; les conséquences de ce fait sont aisées à déduire . On prévoit bien des difficultés pour obtenir la communication des pièces . […] il serait important de se procurer le rapport du chirurgien, sur le corps du délit . Cette pièce n'est point secrète , et elle doit être répréhensible en plusieurs points . Je n'ai pu parler encore au jeune Lavaysse, il a changé de nom, et on le tient caché . J’ai insisté fortement pour qu'il fît cause commune avec la veuve […] . »
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15/06/2017
la méprise vient de ce que mon cher Gabriel ne m'a point dit que le billet qui promettait le mémoire , venait par la poste
... Mon cher Voltaire, les retards postaux n'ont parfois pas de limite raisonnable ...
https://www.zejournal.info/infos-insolites/1-articles-inf...
« A Gabriel Cramer
[vers le 25 juillet 1762]
Mon cher Gabriel me mande que j'aurai le mémoire après dîner . J'envoie après dîner . Mon cher Gabriel ma fait dire que c'est pour sept heures . J'envoie à sept heures . Il me remet au lendemain matin . Enfin il m'écrit qu'on travaille à ce mémoire à cent lieues d'ici . Pourquoi traiter ses amis d'une façon si cruelle ?
Toutes réflexions faites, je juge que la méprise vient de ce que mon cher Gabriel ne m'a point dit que le billet qui promettait le mémoire , venait par la poste . Il a promis des feuilles de Corneille, et j'entendais le mémoire des Calas . »
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14/06/2017
le fond de la religion est entièrement semblable dans tous les cœurs bien nés
... lesquels ne sont pas majoritaires, hélas !
« A Gabriel Cramer
[vers le 25 juillet 1762]
Dans le mémoire de Donat Calas après l'exorde qui finit je crois par ces mots :
nous attendons en silence que les grâces que ce silence même méritera
mettez
Il n'appartient pas à un jeune homme , à un infortuné de décider laquelle des deux religions est la plus agréable à l'être suprême . Tout ce que je sais c'est que le fond 1 de la religion est entièrement semblable dans tous les cœurs bien nés, que tous aiment également Dieu, leur prince et leur patrie 2.
Je prie instamment monsieur Cramer de vouloir bien m'envoyer l'épreuve ce soir . »
1 V* a d'abord écrit ici : c'est qu'un fonds de .
2 Le Mémoire de Donat Calas pour son père, sa mère et son frère (œuvre de Voltaire) est daté du 22 juillet 1762 et contient aussi une « Déclaration de Pierre Calas » datée du jour suivant . L'addition que l'on a ici fut légèrement modifiée avant la publication .
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