07/06/2017
Mes contemporains n’ont qu’à se bien tenir
... Et pour une fois, je prônerai une conduite qui me semblait de prime abord détestable lorsque j'en avais des échos venant de la Suisse voisine : la délation .
Eh ! quoi James ? la délation ?
Oui, je suis agacé, pour ne pas dire plus, des réflexions de mes compatriotes et de tous les interviewés, suite aux divers attentats , qui mettent en cause une inaction des forces de l'ordre . Que veulent-ils : un "flic" derrière chaque citoyen , et râler qu'on bafoue la liberté et que ça coûte trop cher? Ou alors oser se prendre en main et dénoncer les projets délictueux dont inévitablement des proches des meurtriers ont connaissance ? J'exagère , me diront certains , mais je ne peux pas supporter les assassins, et de deux maux je choisis le moins détestable !
"Je suis Charlie" : oui ? Alors comme Charlie dénonçons l'infâme/les infâmes !
Je suis véner !
http://kamizole.blog.lemonde.fr/2009/09/22/denonciations-...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
Mes divins anges, vous voyez que la tragédie de Calas m’occupe toujours. Daignez faire réussir cette pièce, et je vous promets des tragédies pour le tripot. Permettez-vous que je vous adresse ce petit paquet pour l’abbé 1 du grand conseil ?
Avez-vous daigné lire la préface et les notes de ce M. Palissot ? Mais comment M. le duc de Choiseul a-t-il pu protéger cela, et faire le pacte de famille ? Hélas ! le cardinal de Richelieu protégeait Scudéry , mais Scudéry valait mieux.
Je n’ai point assez remercié madame d’Argental, qui a eu la bonté d’ordonner un petit bateau 2 pour Tronchin.
Je baise plus que jamais le bout des ailes de mes anges.
V.
Elie de Beaumont ne pourrait-il pas soulever le corps ou l’ordre des avocats en faveur de mon roué ? Je crois que ce Beaumont-là vaut mieux que le Beaumont votre archevêque. Cet archevêque et ses billets de confession m’occupent à présent ; je rapporte son procès 3, ces temps-là sont aussi absurdes que ceux de la Fronde, et bien plus plats. Mes contemporains n’ont qu’à se bien tenir. »
1 Mignot .
2 Voir lettre du 8 février 1762 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/01/29/son-vaisseau-pour-les-verres-est-malheureusement-le-plus-bea-5904773.html
3V* parle de l'affaire des « billets de confession » au chapître LIV de l'Essai sur les moeurs , maintenant incorporé au chapitre XXXVI du Précis de siècle de Louis XV .
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votre style me plaît beaucoup ; il est coulant, pur, facile ; il ne court point après les saillies et les expressions bizarres, et c’est un très grand mérite dans ce siècle
... Où le galimatias du corps professoral, ou plus exactement des pondeurs de réformes mort-nées de l'Education nationale, tente de faire prendre les vessies pour des lanternes, et le sabir pour du bon français .
Mon bon Voltaire, les sujets de dérision se pressent en foule pour le plus grand malheur de nos enfants .
« A Charles Palissot de Montenoy
Je vous dois beaucoup de remerciements, monsieur, de la bonté que vous avez eue de m’envoyer votre dernière pièce 1. Vous savez que votre style me plaît beaucoup ; il est coulant, pur, facile ; il ne court point après les saillies et les expressions bizarres, et c’est un très grand mérite dans ce siècle. J’aurais peut-être désiré que vous n’eussiez point choisi un sujet si semblable à celui des Ménechmes 2, et qui n’en a pas le comique. Peut-être même, si vous vous étiez donné le temps de vous refroidir sur votre ouvrage, vous auriez supprimé quelques notes qui peuvent vous faire des ennemis. J’ai toujours été affligé que vous ayez attaqué mes chers philosophes, d’autant plus que vous prîtes le temps où ils étaient persécutés . J’avoue que j’ai pris les mêmes libertés, mais c’est avec des persécuteurs, avec des ennemis de la littérature, avec des tyrans. Les gens de lettre devraient sans doute être unis ; ils pensent tous au fond de la même façon. Pourquoi déchirer ses frères, tandis que les persécuteurs les fouettent ? Cela me chagrine dans ma retraite, où je ne voulais que rire. Comptez toujours, monsieur, sur les sentiments, etc.
Aux Délices, 16 juillet 1762. 3»
1 Les Méprises.Voir page 223 : https://books.google.fr/books?id=tWNkAAAAcAAJ&pg=PA351&lpg=PA351&dq=Les+M%C3%A9prises+palissot&source=bl&ots=ew3USvw8Y_&sig=qZo0jtBM_s0OQRBzub6OtyBv4yE&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiU6OmViKrUAhUEExoKHdVaBU8Q6AEISjAI#v=onepage&q=Les%20M%C3%A9prises%20palissot&f=false
2 Voir lettre du 25 juin 1762 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/05/09/1-5942153.html
et : https://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Charles_Palissot_de_Montenoy
et : http://remacle.org/bloodwolf/comediens/Plaute/menechmes1.htm
et : http://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/REGNARD_MENECHMES.pdf
3 Le manuscrit olographe a été acheté par Engle à la vente Benton à New York le 12 mars 1920 et dont le texte est meilleur que celui de la copie et a été suivi . Ainsi la copie est datée du 16 juin 1762 alors que la véritable date ne fait aucun doute .
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06/06/2017
Des deniers comptant sont les premiers des arbitres
... Et toutes les manifestations syndicales en sont une preuve plus qu'évidente .
« A Claude-Philippe Fyot de La Marche
16 juillet [1762] 1
J'ai reçu, mon respectable magistrat, le mémoire que vous avez bien voulu me confier . Je ne veux pas douter que vos arbitres ne fassent rendre ce qui est dû à un père et à un bienfaiteur . Il me paraît qu’entre un père et un fils summum jus, summa injuria 2.
Vous avez pris tous deux le parti de la conciliation . Je serais bien étonné si cette affaire ne finissait pas par une commission de monsieur votre fils à vos volontés et par une transaction amiable entre vous et lui .
Il me paraît que la restitution des fruits de l'année 1761, le prix de la coupe des bois vous appartiennent . J'ignore si monsieur votre fils n'a rien à redemander de ses biens maternels . Votre mémoire n’éclaircit pas cette difficulté, et sans doute, vous ne laisserez pas subsister cette source de procès, qui pourraient un jour troubler votre famille . Les autres objets de discussion sont peu de chose, et doivent être abandonnés à votre générosité et à la résignation noble et respectueuse de monsieur votre fils .
Je me flatte que votre arrangement sera bientôt fait , puisqu'il est entre les mains des arbitres les plus éclairés et les plus intègres .
Je prévois bien que monsieur votre fils n'ayant pas d'argent comptant à vous donner, vous souffrirez des délais . Que ne puis-je venir à présent avec l'argent à la main entre le père et le fils ! Des deniers comptant sont les premiers des arbitres . Peut-être serai-je assez heureux, au mois de septembre, pour venir vous offrir mes services . Je n'en désespère pas ; ce serait pour moi le comble du bonheur de pouvoir vous prouver alors, dans les derniers jours de ma vie, combien je vous respecte et je vous aime .
Vos médailles sont très joliment gravées, les légendes simples et nobles, l'institution utile et digne de vous . Je vous remercie avec tendresse de ce monument de votre cœur et de votre esprit .
Je me flatte que vous avez toujours auprès de vous Mme la marquise de Paulmy . Elle doit vous donner autant de consolation que vous avez éprouvé de chagrin . Je partage l'un et l'autre du fond de mon cœur . Comptez, je vous en conjure, sur mon respect, sur mon zèle, sur une amitié inviolable .
V. »
1 Le manuscrit olographe est passé à la vente Graux à Paris , 11 décembre 1958 .
2 Comble du droit, comble de l'injustice .
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Il ne se porte pas trop bien, mais il n'en sera ni moins zélé, ni moins ardent
... Ah que j'aimerais qu'il en soit ainsi de nos fonctionnaires dont l'absentéisme atteint des taux record : ce sont les rois de la bobologie , pauvres petites choses fragiles !
« A Philippe Debrus
[juillet 1762]
M. de V. fait mille compliments à monsieur Deb[rus] . Il ne se porte pas trop bien, mais il n'en sera ni moins zélé, ni moins ardent ; monsieur Deb[rus] peut entièrement disposer de lui . »
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05/06/2017
Envoyez-moi je vous prie un galimatias en feuilles du Despotisme oriental
... Ce despotisme , qui sans être un monopole oriental, a encore de fichus représentants dans ce Proche et Moyen Orient, source d'insécurité mondiale, n'est pas encore prêt de disparaitre , trop d'intérêts privés étant en jeu ; abolir des moeurs barbares n'est qu'une utopie d'occidentaux démocrates honnis .
Au final, que pèse la démocratie face à des clients richissimes ?
« A Gabriel Cramer
[juillet 1762]
Vous pourriez caro Gabriele tirer d'icelle pancarte 1 quelques exemplaires . Tous ces petits chapitres réunis feront incessamment un recueil de facéties curieuses .
Interim il faut renvoyer la dernière feuille de Pompée .
Envoyez-moi je vous prie un galimatias en feuilles du Despotisme oriental 2.
1 Sans doute l'Eloge de M. de Crébillon ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/07/jugement-eloge-de-crebillon-partie-9.html
2De Nicolas-Antoine Boulanger et Paul-Henri Thiry baron d'Holbach : https://books.google.fr/books?id=51oGAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
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Je peux assurer que les ministres sont très bien intentionnés
... Parole de président !
Mais l'intention vaut-elle l'action ?
« A Philippe Debrus
[vers le 15 juillet 1762] 1
Je renvoie les lettres en question . Je ne crois pas qu'on réussisse de longtemps par les voies ordinaires . Il n'y a d'autre secret à présent que d'exciter le cri public , et de porter ceci aux oreilles du roi . J'aurai incessamment réponse sur la tentative faite auprès de Mme de Pompadour . Disposons les esprits , et ensuite on verra comment la requête en forme sera présentée .
Je peux assurer que les ministres sont très bien intentionnés . »
1L'édition Lettres inédites place cette lettre en juin 1762 ; lais elle semble un peu postérieure à celle du 14 juillet au même , dans laquelle V* disait croire que Saint-Florentin était « très bien disposé » et penser que Mme de Pompadour « parlera[it] » : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/06/04/le-grand-point-est-de-preparer-les-esprits-d-avoir-des-prote-5950962.html
07:08 | Lien permanent | Commentaires (0)
04/06/2017
Le grand point est de préparer les esprits, d'avoir des protecteurs et de toucher tous les cœurs
... Programme lucide, voltairien, et qui sait, macronien ?
A mille lieues de Marine Le Pen et Mélenchon , Les Républicains et les opposants par métier qui manient l'invective pour seul argument .
Et dire que la foule , et surtout les jeunes se plaisent à suivre ces nullités ! est-ce vraiment ainsi qu'on prépare les esprits ? Lamentable !
« A Philippe Debrus
14 juillet 1762 1
Lecture faite des lettres de M. Crommelin du 8è juillet, et celle de Mme Calas du 9è juillet à M. Cathala et des autres pièces, mon avis est qu'on cherche tous les moyens qui peuvent s'entraider sans pouvoir s'entrenuire . Je pense comme M. Crommelin qu'on peut tenter de présenter une requête au roi par le moyen de Mme de Pompadour . Cette tentative peut faire un bon effet et n'en peut faire un mauvais . Si elle ne réussit pas, on sera toujours bien reçu à poursuivre l'affaire en forme . Le grand point est de préparer les esprits, d'avoir des protecteurs et de toucher tous les cœurs en faveur de cette famille infortunée . La publication des lettres de la mère et du fils a produit déjà un prodigieux effet ; j'espère qu'on en fera une édition à Paris . Le libraire Duchesne s'en est chargé ; il faut envoyer chez lui une personne intelligente qui lui dise que le public désire ces pièces . M. Damilaville, premier commis des vingtièmes, quai Saint-Bernard, se charge de son côté de presser cette édition . Ces pièces ont entièrement convaincu M. de Nicolaï , premier président du grand conseil . Il l'a mandé à M. le docteur Tronchin et à moi . M. d'Auriac, premier président du grand conseil, gendre de monsieur le chancelier, agit de même . Mme Calas peut les aller remercier l'un et l'autre . Elle peut aller aussi chez M. de Saint-Florentin quand il donne ses audiences à Paris . Ce ministre est très bien disposé en sa faveur . Je souhaite qu'elle puisse lui être présentée par M. Chaban, intendant des postes . M. Chaban demeure avec M. Tronchin, rue Saint-Augustin . Il est surtout important qu’elle puisse se présenter à M. Ménard, premier commis de M. de Saint-Florentin, homme de beaucoup de mérite, qui a un très grand crédit et qui le protègera .
Elle peut aller aussi chez M. Héron, premier commis du conseil, rue Taranne ; à qui j'ai envoyé les lettres imprimées .
J'attends une réponse de M. le duc de La Vallière pour savoir s'il peut présenter notre malheureuse veuve à Mme la marquise de Pompadour . Je vais écrire avant de me coucher à M. le duc de Choiseul pour la seconde fois . Pour épargner à Mme Calas beaucoup de démarches et d'embarras, je me charge de faire une nouvelle requête où toutes les erreurs minutieuses de la première seront corrigées . M. le duc de La Vallière portera cette requête à Mme de Pompadour, pour la présenter au roi . Cette requête peut toucher Sa Majesté et je ne serais point du tout étonné que le roi se charge lui-même d'approfondir l'affaire . Cette démarche n'empêchera point que M. Mariette n'agisse individuellement et que l'on ne tâche d'obtenir de Toulouse les pièces nécessaires . Mais quel huissier osera apporter une sommation au greffier du parlement si ce parlement a défendu comme on le dit la communication des pièces du procès ?
Quoi qu'il arrive je servirai cette dame de tout mon pouvoir . Je la supplierai de vouloir bien accepter une somme de 100 écus pour continuer l'affaire dès qu'elle sera en train .
V.
N.B. – Elle ne ferait point mal d'aller voir M. Audibert , chez MM. Tourton et Baur, fameux banquiers, vers la place Vendôme . »
1 L'édition Lettres inédites dit avoir suivi l'original mais il semble certain qu'elle est faite d’après la copie ; les nombreux soulignements (en italique) de l'une et de l'autre ont été négligés ici de même qu'une mention tardive , « Mémoire de M. de Voltaire du 14 juillet 1762 » . le destinataire est sûrement Debrus ; voir lettre du 31 juillet 1762 à Cathala ( donnée aussi comme à Debrus ) .
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