25/11/2017
il y a encore des orages en Allemagne . C'est la mer qui gronde encore après une violente tempête
... Et le capitaine Angela Merkel tient le cap : "Je n'ai peur d'absolument rien".
http://www.europe1.fr/emissions/le-portrait-de-catherine-...
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
A Ferney 10 janvier 1763 1
Madame,
Les bontés de Votre Altesse Sérénissime me raniment au milieu des neiges . J'en ai de deux façons, celles de mon âge de près de soixante et dix ans, et celles des Alpes . Ces deux ennemis ne m'ont pas empêché d'avoir l'honneur de vous écrire ; mais d’autres ennemis du genre humain à pied et à cheval qui inondaient votre Allemagne, pourraient bien avoir intercepté mes hommages .
Dieu merci, madame, nous allons être défaits de la guerre et des jésuites . Il ne restera plus guère de fléaux . Je crois en effet le roi de Prusse un peu hâlé des fatigues de ses campagnes, et son esprit toujours brillant . Il a plus de gloire que d'années . Je n'ai plus l'honneur de lui écrire depuis longtemps . Je souhaiterais seulement n'être pas au nombre de ceux qui en admirant son mérite ont un peu à se plaindre de sa personne .
Il me paraît madame que malgré cette paix commencée il y a encore des orages en Allemagne . C'est la mer qui gronde encore après une violente tempête .
J'attends ce soir madame dans mon ermitage paisible un prince qui a été un peu ballotté dans toutes ces secousses, c’est le frère du duc régnant 2 de Virtemberg et ce n'est pas le Prussien . Aussi n'a-t-il pas épousé la nièce d'un roi, mais une damoiselle de Saxe fort jolie 3. Je crois qu'il l’amènera . On dit que ce mariage n'est approuvé que de ceux qui savent aimer, et que le baron de Thunder-ten-tronckh en serait fort mécontent . Les nouveaux mariés ont loué une maison dans le pays des Vaux . Ces aventures ne sont pas si funestes que celles de Russie .
Jouissez madame au milieu des horreurs et des folies de ce monde, de votre destinée glorieuse et tranquille que vous méritez si bien . Recevez avec votre bonté ordinaire, vous et votre auguste famille le profond respect et l’attachement invincible que j'ai pour Votre Altesse Sérénissime sans oublier assurément la grande maîtresse des cœurs . »
1 V* répond à une lettre du 31 décembre 1762, où la duchesse écrit notamment : « Notre correspondance n'a pas été aussi exacte cette année que les autres . J'aime à me persuader, monsieur, qu'il n'y a ni de votre faute ni de la mienne . Attribuons donc je vous prie cette irrégularité aux circonstances de la guerre et non à notre inconstance . Je me flatte volontiers que plusieurs de vos lettre ont été perdues […] nous avons eu l'honneur de posséder dans nos murs pendant vingt-quatre heures le grand Frédéric […] Je lui ai […] dit que vous étiez l'ami et le protecteur charitable de la pauvre famille des Calas, ce qu'il ignorait totalement . J'en étais surprise parce que j'imaginais que vous étiez toujours en correspondance . »
2 Le manuscrit porte par erreur frère du duc de régnant .
3 Louis-Eugène, prince de Wurtemberg, avait épousé la comtesse Sophie von Beichlingen, dont il aura deux filles . Il devait plus tard succéder à son frère Charles Eugène en 1793 . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_VII_de_Wurtemberg
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24/11/2017
nous crûmes ne pouvoir mieux faire que de tâcher de lui procurer par votre protection la place que vous savez . Cet emploi était précisément à notre porte
... Mais comment la droite en est-elle arrivée là ? pourrait être le sous titre .
Fillon , Wauquiez, Sarkozy, LR, soupe à la grimace et combinazione à tout va . On va encore avoir de quoi rire (jaune ? ) .
Les ravis de la crêche : Touche pas à mon pote !
« Voltaire et Marie-Louise Denis
à Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
10 janvier [1763] 1
Mes divins anges, si les mariages sont écrits dans le ciel, celui de M. de Cormont et de notre marmotte a été rayé. Encore une fois, comment pouvions-nous ne pas croire que vous 2 intéresseriez vivement à ce mariage ? Le futur était venu avec une copie d’une de mes lettres . Il s’était annoncé de votre part . Il se disait sûr du consentement de ses parents . Il avait débuté par demander si la souscription du Corneille n’allait pas déjà à quarante mille livres , et la première confidence qu’il fit était que son dessein était de voyager en Italie avec cet argent. Il nous avoua qu’il avait cru que 3 mademoiselle Corneille était élevée dans notre maison comme une personne qu’on a prise par charité. Il lui parla comme Arnolphe 4, à cela près qu’Arnolphe aimait, et que le futur n’aimait point. Il fut un peu surpris de voir que mademoiselle Corneille était élevée, et mise, et considérée chez nous, comme le serait une fille de la première distinction qu’on nous aurait confiée. Nous rectifiâmes, madame Denis et moi, les idées de notre homme. Cependant l’affaire s’ébruitait, comme je vous l’ai mandé . Il fallait prendre un parti. M. de Cormont nous apprit lui-même que ses parents n’étaient ni si vieux, ni si riches qu’on nous l’avait dit ; mais il attendait toujours le consentement. M. Micaut 5 nous assurait qu’il était honnête homme, quoique un peu dur, entier, et bizarre. Il devait avoir un jour cinq mille livres de rente ; mais en attendant, il n’avait rien du tout. Dans cette perplexité, et surtout dans l’idée que vous vouliez bien vous intéresser à sa personne, nous crûmes ne pouvoir mieux faire que de tâcher de lui procurer par votre protection la place que vous savez 6. Cet emploi était précisément à notre porte ; les terres de son père sont assez voisines des nôtres ; rien ne nous paraissait plus convenable pour notre situation. Nous savions que cette place dépend absolument de votre ami 7, qu’on la donne à qui l’on veut, que ce n’est point d’ordinaire une récompense de secrétaire d’ambassade, puisque ni le présent titulaire 8 (qu’on aurait pu placer ailleurs), ni Champeaux 9 son prédécesseur, ni Closure 10, ni aucun de ceux qui ont eu cet emploi, n’ont été secrétaires d’ambassade. Nous vous représentons tout cela, non pas pour désapprouver les arrangements que M. le duc de Praslin a pris, et que nous trouvons très justes, mais seulement pour justifier notre démarche auprès de vous ; démarche qui n’a été fondée que sur la persuasion où nous devions être, par les discours du prétendu, et par la copie de mes lettres dont il était armé, que vous souhaitiez ce mariage. La seule manière d’y parvenir était d’obtenir la place que nous demandions ; car le père ne voulant absolument rien donner, le fils n’ayant que des dettes, et n’ayant précisément pas de quoi vivre, à la réforme de sa compagnie, quel autre moyen pouvions-nous imaginer ? Nous n’avons pas laissé d’avoir quelque peine à faire partir ce jeune homme, qui, sans avoir le moindre goût pour mademoiselle Corneille, voulait absolument rester chez nous, uniquement pour avoir un asile. Toute cette aventure a été assez triste. Il est vraisemblable que M. de Cormont a toujours caché à M. de Valbelle et à mademoiselle Clairon l’état de ses affaires ; sans quoi nous serions en droit de penser que ni l’un ni l’autre n’ont eu pour nous beaucoup d’égards. Nous serions d’autant plus autorisés dans nos soupçons, que mademoiselle Clairon ayant dit qu’elle allait marier mademoiselle Corneille, Lekain nous écrivit qu’elle épouserait un comédien, et nous en félicitait. J’estime les comédiens quand ils sont bons, et je veux qu’ils ne soient ni infâmes dans ce monde, ni damnés dans l’autre ; mais l’idée de donner la cousine de M. de La Tour-du-Pin à un comédien est un peu révoltante 11, et cela paraissait tout simple à Lekain. En voilà beaucoup, mes anges, sur cette triste aventure : nous nous en sommes tirés très honorablement ; et la conduite de mademoiselle Corneille n’a donné aucune prise à la malignité des Genevois ni des Français qui sont à Genève ; car il y a des malins partout.
Je me joins à mon oncle et je vous dirais les mêmes choses s'il ne vous les avait déjà dites . J'y aoute seulement les tendres assurances du plus sincère et du plus inviolable attachement .
J'arrache la plume à Mme Denis pour vous dire mes anges que dans le temps où le prétendu mariage commençait à être public dans la province et à Genève, j'écrivis à M. le premier président de La Marche dans le dessein de placer sur sa terre la dot de Mlle Corneille, cet arrangement était d'autant plus convenable que la terre de Vaugrenant touche précisément à celle de La Marche . Tout est changé, tout est évanoui . Il n'y a rien là de surprenant . Mais est-il vrai que le fou de Verberie qu’on a pendu était un jésuite ? Avez-vous la bonté de me faire lire le discours du fou au mortier ? M. de La Salle 12, ce M. de La Salle, conseiller de Toulouse, qui était si persuadé de l’innocence des Calas, et qui les a fait rouer en se récusant est-il à Paris , est-il venu chez vous ? Le beau Cramer, qui sait par ouï-dire qu’il imprime le Corneille, est-il venu s’entretenir avec vous des intérêts des princes ? Savez-vous à présent à quoi vous en tenir sur les souscriptions ? Savez-vous que ni madame de Pompadour, ni prince, ni seigneur, n’ont donné un écu ? N’êtes-vous pas fatigué de mes longues lettres ? Ne pardonnez-vous pas à votre créature ?
V. »
1 Date complétée sur le manuscrit par d'Argental . L'édition de Kehl et suivantes omettent les deux derniers paragraphes jusqu'à rien là de surprenant . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-1.html
2 V* a oublié le second vous .
3 Qu'il avait cru que : ces cinq mots au bas de la page sont répétés par mégarde sur le debut de la page suivante du manuscrit .
4 L'Ecole des femmes ; de Molière, III, 2 : http://www.toutmoliere.net/acte-3,405402.html
5 Ou Micault .
6 La place de résident de France à Genève .
7 Montpéroux depuis le 8 mai 1750 .
8 Le comte de Choiseul .
9 Gérard Levesque de Champeaux, du 1er juin 1739 au 28 décembre 1749 .
10 Pierre Cadiot de la Closure , du 1er septembre 1715 au 6 mai 1739 .
11 V* garde malgré tout quelques préjugés défavorables à l'égard des comédiens .
12 Sur Lassalle, seul conseiller du parlement de Toulouse qui eût soutenu publiquement Calas, voir lettre du 15 novembre 1762 à Debrus : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/10/02/l-esperance-d-etre-recompense-s-il-rend-gloire-a-la-verite-e-5985625.html
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Quel est l'homme en effet qui n'aimerait pas mieux être né libre que sujet ?
... Question d'une cruelle actualité alors qu'on parle d'esclavage en Libye, en paraissant découvrir ce fléau qui n'a jamais cessé en fait de sévir, en particulier dans ces pays où le racisme mène au crime , où les lois ne sont que des mots vides de sens face à des traditions ancestrales iniques , à vomir .
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/11/21/la-mise-...
« Au Ministre Paul-Claude Moultou
à Genève
9 janvier [1763]1
Je suis très touché, monsieur, de votre lettre, et de plus très éclairé ; je sens bien que je marche sur des charbons ardents ; on est tantôt en colère, et on a tantôt envie de pouffer de rire quand on lit l'histoire des Hébreux . En vérité l'olivier sauvage sur lequel on a greffé l'olivier franc, était un vilain chardon .
Vous êtes bien plus hardi que moi, vous me proposez d'oser dire qu'on ne peut attribuer à la divinité des lois intolérantes ; je suis bien de votre avis , mais le Deutéronome n'en est pas, car ce Deutéronome ordonne de tuer son frère, son fils, sa fille, sa mère , sa femme 2, s'ils prophétisent des choses vraies, et si en prophétisant ils s'éloignent du culte reçu ; cela est aussi absurde qu'horrible, mais comment le dire ? Nos seigneurs les évêques me feraient brûler comme un porc . Je me vois entre des gens qui disent que deux et deux font cinq, et des prépuciés qui disaient que deux et deux et deux font six ; je ne laisse pas d'être assez embarrassé entre ces deux espèces de petites-maisons .
Je n'ai jamais dit, révérence parler, que les huguenots était par principe ennemis des rois . Je crois cependant, entre nous, qu'il en est quelque chose . Quel est l'homme en effet qui n'aimerait pas mieux être né libre que sujet ? J'ai dit seulement que Jacques 3 ( qu’Henri appelait toujours maître Jacques) regardait les presbytériens comme ennemis du trône , et il n'avait que trop raison .
Il est bien vrai que les évêques se servent des rois, et les rois des évêques, pour affermir tour à tour leur pouvoir . Je crois qu'il faut tâcher d'éloigner ici cette question odieuse ; n'effarouchons point ces deux puissances, tâchons plutôt de leur plaire .
J'ai beaucoup retravaillé l'ouvrage en question ; je me dis toujours, il faut tâcher qu'on te lise sans dégoût ; c'est par le plaisir qu'on vient à bout des hommes ; répands quelques poignées de sel et d'épices dans le ragoût que tu leur présentes, mêle le ridicule aux raisons, tâche de faire naître l'indifférence, alors tu obtiendras sûrement la tolérance .
J'aurais bien des choses à vous dire sur tout cela, et principalement sur les voies qu'on pourrait prendre pour qu'on traitât comme des citoyens les malhonnêtes gens qui ne croient pas qu'un même corps puisse être à la fois en cent mille endroits différents, qu'un capucin fait Dieu, et que ce Dieu est mangé des rats quand ce capucin n'a pas soin de fermer la boîte .
Je vous remercie de vos livres : mais je vous remercierais bien davantage, si vous aviez la bonté de venir coucher à Ferney quelque jour avec notre arien 4, ou sans votre arien .
En cas que vous n'ayez pas votre équipage, ordonnez le mien pour le jour qu'il vous plaira .
Rien n'est égal à mon estime et à mon attachement pour vous . »
1 L'édition Taillandier donne la lettre sans date et très incomplète .
2 Deutéronome, XIII, 6-10 ; à ceci près que ce texte n'ordonne pas le meurtre des mères . Voir : http://saintebible.com/deuteronomy/13-6.htm et suiv.
3 Jacques Ier d'Angleterre .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_VI_et_Ier
4 Jacob Vernes .
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23/11/2017
petit billet d'édification qui est d'un bon catholique romain
... tel que moi ! non pratiquant, ne croyant ni au diable ni au bon dieu pour le repos de l'esprit .
La vie d'humain est déjà assez compliquée sans y ajouter des trouilles irraisonnables d'enfers doublées d'espoirs de paradis utopiques .
« A Philippe Debrus
Il faut calmer les alarmes de Mme Calas . L'article de la procession abominable dans laquelle on se vante à Dieu tous les ans, d'avoir égorgé il y a deux siècles quatre mille de ses concitoyens 1, est une chose qu'il faudrait graver en lettres d'or à toutes les portes des églises de Toulouse .
Cet article peut déplaire aux bedeaux et aux moines, et même aux marchands de cire qui vendent des cierges pour cette procession : mais tous les honnêtes gens de Paris en sont très contents . Cette procession doit révolter l'esprit des juges . Il est d'ailleurs très essentiel à la cause de faire voir l'excès du fanatisme qui règne dans la ville des jeux floraux et de montrer que c'est ce fanatisme qui s'est emparé de la tête des huit juges qui ont rendu cet arrêt infernal .
Mme Calas doit s’apercevoir qu'on ne pense point du tout dans la capitale de la France comme dans celle des Wisigoths .
Louis ne sait ce qu'il dit 2, il peut aller à la procession tant qu'il voudra, mais j'espère que cette cérémonie d'Iroquois ne subsistera pas encore longtemps .
On peut envoyer à Mme Calas ce petit billet d'édification qui est d'un bon catholique romain .
9è janvier [1763]. »
1 Commémorant le massacre des protestants de Toulouse en 1562 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Troubles_de_1562_%C3%A0_Toulouse
2 Louis Calas porte témoignage cependant en faveur de ses parents : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040676g/f1.image
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Vous êtes, à Paris, à la source de tout, et nous ne sommes, dans les Alpes, qu’à la source des neiges
... Un peu de flatterie pour le microcosme parisien qui se croit nombril du monde , ça ne mange pas de pain . Le "tout" comprend bien sûr le bon et le mauvais , immanquablement , et quand un provincial évoque Paris le "mauvais" semble dominer , malheureusement pas toujours à tort .
« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville
9è janvier 1763 au château de Ferney
par Genève 1
Oui, mon cher contemporain, mon cher confrère en Apollon, je compte sur votre amitié ; elle vous fascine les yeux en ma faveur, et je lui en sais le meilleur gré du monde. Plus vos lettres sont aimables, plus nous devons nous plaindre de leur rareté Mme Denis et moi. Vous êtes, à Paris, à la source de tout, et nous ne sommes, dans les Alpes, qu’à la source des neiges.
Vous me feriez grand plaisir de me mander si l’on a donné quelque pièce de Goldoni 2, et comment elle aura réussi. Je suis persuadé que l’évêque de Montrouge 3 fera un discours fort salé, et tout plein d’épigrammes à l’Académie : pour M. le duc de Saint-Aignan 4, je n’ai pas l’honneur de connaître son style.
Vous voyez donc quelquefois frère Thieriot ? Il me paraît qu’il fait plus d’usage d’une table à manger que d’une table à écrire. S’il fait jamais un ouvrage, ce sera en faveur de la paresse. Pour moi, quand je n’écris point, ce n’est pas à la paresse qu’il faut s’en prendre, c’est aux fardeaux dont je suis surchargé. Nous avons bientôt sept volumes de Corneille imprimés, et il y en aura peut-être quatorze . Il faut, avec cela, achever l’édition d’une Histoire générale, continuée jusqu’à ce temps-ci . Il faut achever celle du Czar, mettre la dernière main à cette Olympie, répondre à cent lettres dont aucune ne vaut les vôtres ; en voilà bien assez pour un vieux malade.
Vous m’aviez bien dit que la plupart de nos grands seigneurs ne donneraient que leur nom pour la souscription de Corneille. Les Anglais n’en ont pas usé ainsi, et vous saurez encore que ce sont les Anglais qui ont le plus puissamment secouru la veuve Calas ; le roi a rendu à cette infortunée ses deux filles, qu’on avait enfermées dans un couvent ; elles iront bientôt toutes trois montrer leur habit de deuil et leurs larmes à messieurs du Conseil d’État, que M. de Beaumont a si bien prévenus en faveur de l’innocence ; je soupire après le jugement, comme si j’étais parent du mort.
Je ne crois pas que je prenne fait et cause avec tant de chaleur que ce fou de Verberie 5 qu’on a pendu . On prétend que c’est un jésuite. Et que dites-vous, je vous prie, du fou à mortier, digne frère de d’Argens ? ne vaut-il pas mieux travailler pour l’Opéra-Comique, comme mon confrère l’abbé de Voisenon ?6
Mon cher ami, écrivez-moi tout ce que vous savez et tout ce que vous pensez ; vous nous direz que ce monde est fort ridicule ; mais un peu de détails, je vous prie, pour égayer nos neiges !
Je vais vous dire une nouvelle, moi ; c’est que nous avons été sur le point de marier mademoiselle Corneille. Si vous avez quelque parent de Racine, envoyez-le-nous ; cela produira peut-être quelque bonne pièce de théâtre, dont on dit que vous avez grand besoin dans votre capitale.
Adieu, mon cher ami ; je suis réduit à dicter, comme vous voyez ; car, quoique je sois aussi jeune que vous, je n’ai pas votre vigueur . Je vous embrasse de tout mon cœur.
V. »
1 V* répond à une lettre de Cideville du 29 décembre 1762 .
2 Le Théâtre Italien préparait la représentation de L’Amour paternel ou la Suivante reconnaissante, qui a eu lieu le 4 février 1763, c'était la première pièce de Goldoni jouée à Paris . Voir : https://books.google.fr/books?id=tubWCgAAQBAJ&pg=PT116&lpg=PT116&dq=l%27amour+paternel+goldoni+paris+1763&source=bl&ots=MnvbAC7EJT&sig=7W2SFWV1IYwSbndf0au405DnUWw&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj3mLzS49LXAhUN66QKHcplDgQQ6AEIWTAN#v=onepage&q=l'amour%20paternel%20goldoni%20paris%201763&f=false
3 L'abbé de Voisenon, élu à l'Académie française y sera reçu le 22 janvier 1763 . Voir : http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/claude-henri-de-fusee-de-voisenon
4 C'est lui qui devait répondre au discours du récipiendaire Voisenon ;Voir : http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/paul-hippolyte-de-beauvilliers-duc-de-saint-aignan
5 Le prêtre Jacques (ou Guillaume) Ringuet (ou Rinquet), devenu fou apparemment, a tenu des propos blasphématoires et calomniateurs à Verberie ; il a été exécuté en décembre 1762 . Voir page 347 et suiv. : https://books.google.fr/books?id=8dRCUMsq0O4C&pg=PA348&lpg=PA348&dq=verberie+1762&source=bl&ots=CTUHRxq1QK&sig=ch5dxKXqm-Hd6rlCgWbFNRXlrCM&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwie88Ky5dLXAhXJ4qQKHRruCKMQ6AEITjAH#v=onepage&q=verberie%201762&f=false
Voir l’article « Supplices I » du Dictionnaire philosophique, ainsi que La Méprise d'Arras . ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Supplices
6 Voisenon collabora souvent avec Favart pour des pièces destinées à l'Opéra-Comique .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Simon_Favart
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22/11/2017
Mes obéissances à ces dames, nous n'avons pas l'air à la danse
... Mais elles, si !
http://grumeautique.blogspot.fr/2011/04/youpi-ou-pas.html
« A Gabriel Cramer
[vers le 8 janvier 1763]1
Caro, je vais écrire à M. le maréchal de Richelieu .
Mes obéissances à ces dames, nous n'avons pas l'air à la danse 2.
Préparez-vous aux Calas et à la tolérance .
Je vous embrasse caro.
Renvoyez-moi l'avant-dernière feuille de l’Histoire générale avant de la tirer , il y a quelque chose à corriger . »
1 Lettre datée par référence à celle du 4 janvier au même : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/11/14/si-on-ne-prend-pas-ce-parti-tout-sera-infailliblement-perdu-5999156.html
23:39 | Lien permanent | Commentaires (0)
malheur aux longues dissertations
... aurait pu affirmer M. Baroin suite à la réflexion d'Edouard Philippe un peu abruptement invité à s'exprimer hier devant les maires de France .
Voir : http://www.gouvernement.fr/partage/9752-discours-devant-l...
De même , je n'en dirai pas plus .
« A Élie Bertrand, Membre de plusieurs académies, Premier ministre de l’Église française
à Berne
9è janvier 1763
au château de Ferney
Votre dictionnaire doit faire fortune 1, mon cher philosophe ; il est neuf, il est utile, et il me paraît très bien fait . Je crois qu'il faudra dorénavant tout mettre en dictionnaires . La vie est trop courte pour lire de suite tant de gros livres ; malheur aux longues dissertations . Un dictionnaire vous met sous la main dans le moment la chose dont vous avez besoin . Ils sont utiles surtout aux personnes déjà instruites, qui cherchent à se rappeler ce qu'ils ont su 2.
Je vous suis infiniment obligé de votre très bon livre ; vous pouvez ajouter dans une seconde édition, à l'article fer, que tous ceux qui ont voulu entreprendre des fabriques de fer fondu avec M. de Réaumur, se sont ruinés . Dès qu'il était instruit d'une découverte faite dans les pays étrangers, il l'inventait sur-le-champ 3. Il avait même inventé jusqu'à la porcelaine ; il faut avouer d'ailleurs que c'était un fort bon observateur .
Vous êtes bien bon de dire que vous ajoutez peu de foi à la baguette divinatoire ; est-ce qu'il y aurait des gens qui y crussent à Berne ? Pour moi j'ai beaucoup de foi à toutes vos observations ; j'y ajoute l'espérance de vous revoir quelque jour, et la charité, c’est-à-dire l'amitié qui unit les philosophes . Voilà mes trois vertus théologales .
Ne m'oubliez pas, je vous en prie, auprès de M. et de Mme de Freüdenrik .
Votre très attaché et très fidèle serviteur .
V. »
1 Dictionnaire universel des fossiles propres et des fossiles accidentels, 1763, d'Elie Bertrand : https://books.google.ae/books?id=Lk5Nxg5VdAcC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
2 Cette phrase est ajoutée entre les lignes sur le manuscrit .
3 Cependant on s'accorde à considérer l'ouvrage de Réaumur L'Art de convertir le fer forgé en acier et l'art d'adoucir le fer fondu, 1722, comme une oeuvre originale et de grande valeur : https://books.google.fr/books?id=kCwPAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
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