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13/01/2016

On paye les rentes ; on éteint quelques dettes . Il y a de l'ordre malgré toutes nos énormes sottises .

... Le bonheur des uns faisant le malheur des autres, bon an, mal an, les actionnaires s'en tirent correctement, les chômeurs sont à la ramasse, et avec ça on continue à se gargariser de paroles lénifiantes . Bast !

 

 

« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg

à l'île Jard

à Strasbourg

Au château de Ferney pays de Gex

par Genève 13è janvier 1761

Pardon madame, pardon, j'ai eu des jésuites à chasser d'un bien qu'ils avaient usurpé sur des gentilshommes de mon voisinage . J'ai eu un curé à faire condamner . Ces bonnes œuvres ont pris mon temps . Je commence à espérer beaucoup de la France sur terre, car sur mer je l'abandonne . On paye les rentes ; on éteint quelques dettes . Il y a de l'ordre malgré toutes nos énormes sottises . J'ai peine à croire qu'on ôte le commandement à M. le maréchal de Broglie . Il me semble qu'il s'est très bien conduit en conservant Goettingue .

Avez-vous madame, M. le comte de Lutzelbourg auprès de vous ? Comment vous trouvez-vous du vent du nord ? C'est je crois votre seul ennemi . Songez madame que l'hiver de la vie qui est si dur , si désagréable pour tant de personnes, et auquel même il est si rare d'arriver est pour vous une saison qui a encore des fleurs . Vous avez la santé du corps et de l'esprit . Il est vrai que vous écrivez comme un chat . Mais dans vos plus beaux jours vous n'eûtes jamais une plus belle main . Voyez-vous quelquefois M. de Lucé ? seriez-vous assez bonne madame, pour me rappeler à son 1 souvenir ?

Madame la marquise est donc impitoyable ? ou vous ? Je n'aurai donc pas copie de son portrait ?

Vivez heureuse et longtemps mad[ame] , nous vous souhaitons ma nièce et moi ces deux petites bagatelles de tout notre cœur .

V. »

 

1 V* a d'abord écrit votre .

 

12/01/2016

on sera bien aise d'apprendre à Genève, ce que c'est qu'un curé de France .

... Espèce en voie de disparition , tant de ce côté-ci de la frontière, qu'au-delà .

 

 

« A Gabriel Cramer

à Genève

[vers le 12 janvier 1761]

Monsieur Cramer est prié instamment de renvoyer l'original de la requête, signé de Croze, laquelle il a eu la bonté d'imprimer ; on sera bien aise d'apprendre à Genève, ce que c'est qu'un curé de France .

Le nommé Ancian, curé et assassin de village, a l'insolence d'intenter à de Croze un procès criminel en réparation d'honneur, et traite sa requête au lieutenant-criminel, de libelle diffamatoire ; il le somme de déclarer dans trois jours si ce libelle diffamatoire est de lui (de Croze ) ou de quelque autre ; tout cela est assez plaisant, pour un curé ajourné personnellement, dont les complices sont décrétés de prise de corps .

Le bon de l'affaire, c'est qu'en cas que de Croze soit assez imbécile pour désavouer sa requête et sa propre signature, il désavoue par cela seul toute sa procédure, et se soumet à payer tous les frais ; il ne sait pas la conséquence de ses fausses démarches ; il est absolument nécessaire que le géant 1 aille lui-même lui mettre un peu de cœur au ventre ; et il faut qu'il aille dans cette affaire à pas de géant .

Gabriel, Philibert, et tout le vieux testament sont trop bons huguenots, pour négliger cette affaire . Il me semble que c'est la cause du genre humain . Voilà ( par parenthèse ) comment toutes les affaires se sont traitées jusqu'à présent dans le pays de Gex .

Je supplie monsieur Gabriel de vouloir bien m'envoyer toutes les feuilles de Tancrède, avec le carton du 2è acte, et ce qui est imprimé de l'épître en postface à mon signore Albergati Capacelli, senatore di Bologna . »

1 François-Pierre Pictet .

 

d'autant plus dangereux qu'il cite toujours avec une fidélité scrupuleuse , et qu'il détruit l'ancien par le nouveau , et le nouveau par l'ancien

... Ce qui fait que bon nombre de nos chefaillons de partis n'ont pas de dangerosité réelle tant ils sont approximatifs dans leurs critiques des bords opposés . L'à-peu-près règne au pays des politiciens  à l'égal de propos de comptoir chez Dudule .

 

 

« A Anne-Robert-Jacques Turgot

Au château de Ferney pays de Gex

12 janvier 1761

Je n'ai rien de plus pressé monsieur que de vous parler de vous . Soyez très sûr que quand j'ai fait votre sauce 1 à M. D.. , ce n'était qu'en réponse à l'éloge très discret qu'il m'avait fait de vous . Que votre pudeur ne soit point alarmée . Nous chérissons vos faveurs, mais nous ne nous en vantons pas .

L’aventure de saint Grizel 2 intéresse beaucoup un de nos frères . Il y avait un digne homme qui nichait ce Grizel avec le bienheureux Fantin 3, saint Gauchat, saint Chaumé 4, le docteur Guyon, e tutti quanti . J'ai vu cet ouvrage instructif . Mais j'ai trouvé erreur dans les notes . Elles disent que les 50 mille livres avaient été volées pour l'amour de Dieu à Mme d'Egmont et suivant votre leçon c'est un intendant qui les a fournies . Je ne croyais pas que les intendants fussent si sots . Mais l'aventure d'Origène me fait tomber des nues . Un intendant châtré !5 Cela est incroyable . Comment le maréchal de Richelieu souffre-t-il cela dans son gouvernement ? C'est Dieu qui tolère Baal . Je n'ose vous supplier monsieur de daigner me donner des instructions sur ces divines aventures . Mais vous pouvez communiquer vos lumières à M. Da … et j'aurai par là le double esprit d’Élisée .

J'ai lu un livre abominable intitulé Lettre à l'auteur de l'Oracle . Ce livre est d'autant plus dangereux qu'il cite toujours avec une fidélité scrupuleuse , et qu'il détruit l'ancien par le nouveau , et le nouveau par l'ancien avec des armes si terribles qu'on ne peut lui répondre que par un autodafé . Je voudrais bien connaître un si méchant homme pour avoir de lui l'opinion qu'il mérite, et pour le fuir, si jamais je le rencontre .

Je vous demande pardon monsieur de ne vous avoir point parlé de la petite fille du grand Corneille . Je n'étais pas encore sûr qu'on me laissât ce dépôt et je devais craindre que quelque grande dame ne fît ce qu'on m'a laissé faire, mais pour vous montrer que je ne suis point du tout modeste, je me vante à vous, d'avoir chassé les jésuites d'un domaine qu'ils avaient usurpé à ma porte sur six gentilshommes qui ont à peine de quoi servir le roi, et d'avoir fait rendre à des orphelins le bien que les saints leur ravissaient . Je me vante de faire envoyer incessamment aux galères un Grizel de nos cantons . Pardonnez à mon excès d'amour-propre .

Je vous supplie monsieur de me conserver vos bontés auprès de M. de Montigny-Trudaine . Il y a du malentendu dans cette affaire comme dans bien d'autres . Le conseil renvoie aux intendants, et les intendants au conseil, et cependant une province est pillée . Mais conservez-moi surtout vos bontés auprès de celui qui a fait le voyage du Suisse 6. C'est assurément un homme supérieur, et jamais la raison ne fut plus aimable . Je suis homme à le lui dire en face, s'il se fâche .

Mme Denis se souviendra de vous toute sa vie et moi je serai toute la mienne rempli pour vous du respect le plus vrai, et le plus tendre .

V.

On a donné certainement vos livres à Tournes .»

 

1 Faire sa sauce à quelqu'un est une expression chère aux burlesques, qui signifie réprimander ; on en trouve un exemple dans L’Iliade travestie de Marivaux, 1716 .

2 Joseph Grisel .

3 Un des personnages préféré comme cible par V* ; voir lettre du 12 juillet 1760 à Palissot :

et la Lettre sur les panégyriques écrite sous le nom de d'Irénée Aléthés :

4 Chaumeix .

5 Qui passe pour s'être châtré lui-même .

6 Tourny .

 

nos curés assassinent, et donnent des billets de garantie pour l'autre monde à leurs complices

... Doux Jésus ! qu'apprends-je ? Heureusement ils ne font pas couler le sang directement, mais c'est limite chez certains fanatiques intégristes qui excitent des gogos béats contre tout ce qui sort de leurs ridicules certitudes .

 

« A David-Louis-Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

A Ferney 12 janvier [1761]

Voici monsieur les tragédies que nous jouons dans le pays de Gex 1. Les cagots de Genève nient la divinité de Jésus-Christ, mais nos curés assassinent, et donnent des billets de garantie pour l'autre monde à leurs complices , ce qui est prouvé depuis l'impression du mémoire ci-joint . Apparemment que notre curé ne croit pas les peines éternelles . Je prends à cœur cette petite affaire qui s'est passée aux confins de mes petits ermitages . La justice de Dieu est lente, celle de Gex est pis . Je n'ai pas un moment à moi . Mme Denis vous renouvelle son tendre attachement , j'y joins mes respects pour votre famille et pour vos amis .

Vraiment Tancrède n'est pas prêt . »

1 La « petite affaire » est celle de Croze bastonné par le curé Ancian et complices .

 

11/01/2016

Il faut exciter le cri du public et que ce cri réveille les juges .

... Auparavant "Il faut reconnaître les méchants ."

 

 

« A Gabriel Cramer

[11 janvier 1761 ?] 1

Je vous prie mon cher Gabriel de m'envoyer quatre douzaines d'exemplaires de ce mémoire . Il est d'une importance extrême . Il faut exciter le cri du public et que ce cri réveille les juges . On se plaint beaucoup du procureur du roi . Le mémoire le fera rougir et la crainte lui fera faire son devoir . On sait assez à qui le curé de Moens donna de l'argent quand il se fit résigner cette cure par son prédécesseur mourant . Le mémoire est nécessaire pour l'évêque et pour le public, s'il ne l'est pour les juges . Opportes malos cognosci 2. D'ailleurs , remarquez que Croze père ne fait que rapporter ce qu'on lui a dit, et que son mémoire est entièrement conforme à ma déposition et à celle de la veuve . Je vous conjure de presser .

Quand vous pourrez m'envoyer les épreuves de Tancrède et compagnie vous me ferez plaisir .

Ayez la bonté de me renvoyer la minute signée de Croze . »

1 Datée d'après le billet du 3 janvier 1761 au même .

2 Il faut reconnaître les méchants .

 

je me moque de tout le reste , et même assez violemment . J'ai souffert trop longtemps

...

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot 1

Reçu le Monde 2 et la lettre du primat des Gaules 3; il y a plus de deux mois, mon cher ami que j'ai chez moi cette lettre in-4° marginée ; sachez qu'en poursuivant frère Berthier je suis fort bien auprès de mon primat, très bien avec mon évêque ; incessamment je serai le favori de l'archevêque de Paris, et si vous me fâchez, je le serai du pape . Vous verrez bientôt une très singulière épître à Clairon 4; je la loue comme elle le mérite ; je fais l'éloge du roi, et c'est mon cœur qui le fait, je me moque de tout le reste , et même assez violemment . J'ai souffert trop longtemps ; je deviens Minos dans ma vieillesse, je punis les méchants . Envoyez-moi s'il vous plait le livre des impôts 5, et écrivez à votre ami .

V.

17è janvier 1761, au château de Ferney par Genève.

N.B. – Je suis bien content de l'acquisition de Mlle Corneille ; elle fait jusqu'à présent l’agrément de notre maison ; il est honteux pour la France, que quelque grande dame ne l'ait pas prise auprès d'elle . »

1 L'édition de Kehl et suivantes, fondent dans cette lettre une partie de celle du 13 janvier 1761 à Thieriot et Damilaville :

2 Voir lettre d'été 1760 à Jean-François de Bastide ; Bastide avait publié huit volumes du i. 1758-1760, que suivirent deux volumes du Monde comme il est , 1760 et deux volumes du Monde, 1761

3 Voir lettre du 15 décembre 1760 à JR Tronchin :

4 Publiée sous le titre d’Épître à Mlle Clairon .

5 Voir lettre du 22 décembre 1760 à Damilaville ; l'ouvrage, un de ceux qui fondent la physiocratie, attaque violemment les fermiers généraux, et valut à son auteur, Victor Riquetti, marquis de Mirabeau , une semaine d'emprisonnement à Vincennes, suivie d'un exil dans sa maison de campagne de Bignon où se constitua l’école des physiocrates .

 

il s'agit de vér... Ce n'est pas pour moi, Dieu merci ; mais ce n'est pas non plus pour ma nièce

... Vérité ? que nenni !

Vérole ? Oui da ! Comme le chantait si bien le grand Georges "Madame la marquise m'a filé des morpions " et plus si affinité . Dr Fleming vous fûtes le bienvenu , alleluhia !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

11 janvier 1761 1

Je vous envoie toujours, monsieur, mes lettres ouvertes : tout doit être commun entre amis . Celle que je prends la liberté de vous envoyer pour M. Bagieu est pourtant cachetée ; mais c'est qu'il s'agit de vér... Ce n'est pas pour moi, Dieu merci ; mais ce n'est pas non plus pour ma nièce, ce n'est pas pour Mlle Corneille que je tiens plus pucelle que la Pucelle d'Orléans, et qui est beaucoup plus aimable ; c'est pour un officier de mes parents dont je prends soin, et que j'ai laissé aux Délices, injustement soupçonné et mourant . Pardonnez donc la liberté que je prends, et continuez moi vos bontés . »

1 L'édition de Kehl fond une bonne partie de cette lettre dans celle du 16 janvier 1761 au même .