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15/01/2016

Vous demandez des détails sur mon triomphe de gente jésuitica

...

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

[15 janvier 1761] 1

Reçu une feuille du Censeur hebdomadaire 2, et l'histoire de la nièce d'Eschyle 3. Je voudrais voir de quel poison se sert l'ami Frelon pour noircir le zèle, l'ode, et les soins de M. Le Brun . Comment sait-il que L’Écluse est venu dans notre maison, et que peut-il dire de ce L’Écluse ?4 Il finira par s'attirer de méchantes affaires ; vous ne pouvez avoir encore le chant de La Capilotade . Il faut bien constater l'aventure de Grisel avant de le fourrer là .

J'ai voulu avoir le recueil h 5, parce que j'avais les précédents ; voilà comme il s'enferre souvent .

Il n'y a pas moyen de vous faire tenir encore l’Épître à Mlle Clairon ; il faut attendre qu'elle se porte bien, qu'elle rejoue Tancrède et que certaines gens approuvent les petites hardiesses de cette Épître . Je suis convaincu que l'acharnement de Fréron contre un homme du mérite de M. Diderot, fera grand bien au Père de famille .

Vous demandez des détails sur mon triomphe de gente jésuitica 6. Ce triomphe n'est qu'une ovation 7, nul péril, nul sang répandu ; les jésuites s'étaient emparés du bien de MM. de Crassy, parce qu'ils croyaient ces gentilshommes trop pauvres pour rentrer dans leur domaine . Je leur ai prêté de l'argent sans intérêt, pour y rentrer , les jésuites se sont soumis, l'affaire est faite ; s'il y a quelques discussions on fera un petit factum bien propre, que vous lirez avec édification . Voilà, mon ancien ami, tout ce que je peux vous mander pour le présent . Interim vale 8 .

V. »

 

1 Date endossée deux fois par Thieriot sur le manuscrit, avec 1760 par erreur, reprise par l'éditeur Supplément au recueil, I, 301-303, et corrigée par la suite .

2 Voir la lettre du 22 décembre 1760 à d'Aquin de Château-Lyon : en ligne 23/12/2010

3 La Petite-nièce d'Eschyle : histoire athénienne, 1761, du chevalier Jean-Florent-Joseph de Neufville de Brunaubois-Montador, si l'on en croit Barbier, qui conte sous un déguisement transparent l'histoire de la petite nièce de Corneille .

4 Allusion à la feuille de L’Année littéraire mentionnée à propos de la lettre du 14 janvier 1761 aux d'Argental : …. Après avoir fait une allusion ironique à la générosité de V*, Fréron continuait : « … il y a près d'un an qu'il a fait le même bien au sieur L’Écluse, ancien acteur de l'Opéra-Comique, qu'il loge chez lui, qu'il nourrit, en un mot qu'il traite en frère . Il faut avouer qu'en sortant du couvent, Mlle Corneille va tomber en de bonnes mains . »

5 De L’Année littéraire .

6 Sur la gent jésuitique .

7 Dans les triomphes, les prisonniers étaient sacrifiés en grande pompe ; l'ovation était une action de grâce non sanglante, célébrée après un succès de moindre importance .

8 En attendant porte toi bien .

 

je suis si insolent dans ma manière de penser ; j'ai quelquefois des expressions si téméraires ; je hais si fort les pédants ; j'ai tant d'horreur pour les hypocrites ; je me mets si fort en colère contre les fanatiques, que je ne pourrais jamais tenir à

... Bel autoportrait de cet inimitable Voltaire !

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

à Saint-Joseph

à Paris

A Ferney en Bourgogne par Genève

15 janvier 1761 1

Je commence d’abord par vous excepter, madame, mais si je m'adressais à toutes les autres dames de Paris, je leur dirais, c'est bien à vous, dans votre heureuse oisiveté, à prétendre que vous n'avez pas un moment de libre ! Il vous appartient bien de parler ainsi à un pauvre homme, qui a cent ouvriers et cent bœufs à conduire, occupé du devoir de tourner en ridicule les jésuites et les jansénistes ; frappant à droite et à gauche sur saint Ignace, et sur Calvin ; faisant des tragédies bonnes ou mauvaises ; débrouillant le chaos des archives de Pétersbourg ; soutenant des procès ; accablé d'une correspondance qui s'étend de Ponticheri jusqu'à Rome . Voilà ce que j’appelle n'avoir pas un moment de libre .

Cependant madame, j'ai toujours le temps de vous écrire, et c'est le temps le plus agréablement employé de ma vie, après celui de lire vos lettres .

Vous méprisez trop Ézéchiel, madame ; la manière légère dont vous parlez de ce grand homme, tient trop de la frivolité de votre pays . Je vous passe de ne point déjeuner comme lui ; il n'y a jamais eu que Paparel 2 à qui cet honneur ait été réservé . Mais sachez qu’Ézéchiel fut plus considéré de son temps qu’Arnaud, et Quesnel du leur . Sachez qu'il fut le premier qui osât donner un démenti à Moïse ; qu'il s'avisa d’assurer que Dieu ne punissait pas les enfants des iniquités de leurs pères, et que cela fit un chisme dans la nation . Et n'est-ce rien, s'il vous plait, après avoir mangé de la merde, que de promettre aux juifs de la part de Dieu , qu'ils mangeront de la chair d'homme tout leur saoul ?3

Vous ne vous souciez donc pas de connaître les mœurs des nations ? Pour peu que vous eussiez de curiosité, je vous prouverais qu'il n'y a point eu de peuple qui n'ait mangé communément les petits garçons et les petites filles ; et vous m'avouerez même que ce n'est pas un aussi grand mal d'en manger deux ou trois, que d'en égorger des milliers, comme nous faisons poliment en Allemagne .

M. Turgot 4 ne sait ce qu'il dit , madame, quand il prétend que je me porte bien ; mais c'est en vérité la seule chose dans laquelle il se trompe ; je n'ai jamais connu d'esprit plus juste et plus aimable . Je suis enchanté qu'il soit de votre cour, et je voudrais qu'on ne vous l'enlevât, que pour le faire mon intendant ; car j'ai grand besoin d'un intendant qui m'aime . J'aime passionnément à être le maître chez moi ; les intendants veulent être les maîtres partout ; et ce combat d'opinions ne laisse pas d'être quelquefois embarrassant .

Je ne suis point du tout de l'avis de ce bon régent qui gâta tout en France 5; il prétendait, dites-vous, qu'il n'y avait que des sots et des fripons ; le nombre en est grand, et je crois qu'au Palais Royal, la chose en était ainsi . Mais je vous nommerai,quand vous voudrez, vingt belles âmes, qui ne sont ni sottes, ni coquines, à commencer par vous, madame, et par M. le président Hénault . Je tiens de plus nos philosophes très gens de bien ; je crois les d'Alembert, les Diderot aussi vertueux qu'éclairés ; cette idée fait un contrepoids dans mon esprit à toutes les horreurs de ce monde .
Vraiment, madame, ce serait un beau jour pour moi, que le petit souper dont vous me parlez, avec M. le maréchal de Richelieu, et M. le président Hénault ; mais en attendant le souper, je vous assure, sans vanité, que je vous ferais des contes que vous prendriez pour des Mille et Une Nuits, et qui pourtant sont très véritables . Oui, madame, j'aurais le plus grand plaisir du monde à vous parler, et surtout , à vous entendre . Cela serait plaisant de nous voir arriver à Saint-Joseph, avec Mme Denis, et cette demoiselle Corneille qui sera, je vous jure, le contrepied du pédantisme . Mais je vous avertis que je ne pourrais jamais passer à Paris , que le mois de janvier et de février . Vous ne savez pas madame, ce que c'est que le plaisir de gouverner des terres un peu étendues ; vous ne connaissez pas la vie libre et patriarcale ; c'est une espèce d'existence nouvelle . D'ailleurs je suis si insolent dans ma manière de penser ; j'ai quelquefois des expressions si téméraires ; je hais si fort les pédants ; j'ai tant d'horreur pour les hypocrites ; je me mets si fort en colère contre les fanatiques, que je ne pourrais jamais tenir à Paris plus de deux mois .

Vous me parlez, madame, de ma paix particulière ; mais vraiment , je la tiens toute faite ; je crois même avoir du crédit, si vous me fâchez ; mais je suis discret, et je mets une partie du souverain bien à ne demander rien à personne, à n'avoir besoin de personne, à ne courtiser personne . Il y a des vieillards doucereux, circonspects, plein de ménagements, comme s'ils avaient leur fortune à faire ; Fontenelle, par exemple, n'aurait pas dit son avis à l'âge de quatre-vingt-dix ans, sur les feuilles de Fréron . Ceux qui voudront de ces vieillards-là, peuvent s'adresser à d'autres qu'à moi .

Eh bien, madame, ai-je répondu à tous les articles de votre lettre ? Suis-je un homme qui ne lise pas ce qu'on lui écrit ? Suis-je un homme qui écrive à contrecœur ? Et aurez vous d'autres reproches à me faire, que celui de vous ennuyer par mon énorme bavarderie 6? Quand vous voudrez, je vous enverrai un chant de La Pucelle, qu'on a retrouvé dans la bibliothèque d'un savant . Ce chant n'est pas fait , je l'avoue, pour être lu à la cour par l'abbé Grisel, mais il pourrait édifier des personnes tolérantes .

À propos, madame, si vous vous imaginez que La Pucelle est une pure plaisanterie, vous avez raison de trouver que c'est trop de vingt chants ; mais s'il y a continuellement du merveilleux, de la poésie, de l'intérêt, et surtout, de la naïveté, vingt chants ne suffisent pas ; l'Arioste qui en a quarante-huit, est mon dieu ! Tous le poèmes m’ennuient, hors le sien ; je ne l'aimais pas assez dans ma jeunesse ; je ne savais pas assez l'italien . Le Pentateuque et l'Arioste, font aujourd'hui le charme de ma vie . Mais , madame, si jamais je fais un tour à Paris, je vous préférerai au Pentateuque . Adieu madame, il faut jouer avec la vie jusqu’au dernier moment, et jusqu'au dernier moment je vous serai sérieusement attaché avec le respect le plus tendre .

V. »

1 On ne connait pas la lettre à laquelle V* répond ici .

2 Plus tard V* écrivit, en relation avec Ézéchiel : « Nous avons connu le trésorier Paparel qui mangeait les déjections des laitières » dans l'article « Déjection » du Dictionnaire philosophique .

3 Ézéchiel, XXIX, 18-19 .

4 La copie Beaumarchais donne ici T..., amplifié en Tronchin, biffé ; l’édition de Kehl donne de Trudaine, que l'on trouve dans les éditions suivantes .

5 Épître sur la calomnie, v. 101 :

6 Ce mot, inventé par V*, n'a pas été employé par V* depuis sa lettre du 31 mars 1729 à Thieriot : « Je me souviens que Marc Tulle Ciceron dans ses bavarderies éloquentes dit quelque part, turpe est rem suam deserere [il est honteux de manquer du nécessaire feu (citation approximative de Cicéron).].

 

Il finira par s'attirer de méchantes affaires

...

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

[15 janvier 1761] 1

Reçu une feuille du Censeur hebdomadaire 2, et l'histoire de la nièce d'Eschyle 3. Je voudrais voir de quel poison se sert l'ami Frelon pour noircir le zèle, l'ode, et les soins de M. Le Brun . Comment sait-il que L’Écluse est venu dans notre maison, et que peut-il dire de ce L’Écluse ?4 Il finira par s'attirer de méchantes affaires ; vous ne pouvez avoir encore le chant de La Capilotade . Il faut bien constater l'aventure de Grisel avant de le fourrer là .

J'ai voulu avoir le recueil h 5, parce que j'avais les précédents ; voilà comme il s'enferre souvent .

Il n'y a pas moyen de vous faire tenir encore l’Épître à Mlle Clairon ; il faut attendre qu'elle se porte bien, qu'elle rejoue Tancrède et que certaines gens approuvent les petites hardiesses de cette Épître . Je suis convaincu que l'acharnement de Fréron contre un homme du mérite de M. Diderot, fera grand bien au Père de famille .

Vous demandez des détails sur mon triomphe de gente jésuitica 6. Ce triomphe n'est qu'une ovation 7, nul péril, nul sang répandu ; les jésuites s'étaient emparés du bien de MM. de Crassy, parce qu'ils croyaient ces gentilshommes trop pauvres pour rentrer dans leur domaine . Je leur ai prêté de l'argent sans intérêt, pour y rentrer , les jésuites se sont soumis, l'affaire est faite ; s'il y a quelques discussions on fera un petit factum bien propre, que vous lirez avec édification . Voilà, mon ancien ami, tout ce que je peux vous mander pour le présent . Interim vale 8 .

V. »

 

1 Date endossée deux fois par Thieriot sur le manuscrit, avec 1760 par erreur, reprise par l'éditeur Supplément au recueil, I, 301-303, et corrigée par la suite .

3 La Petite-nièce d'Eschyle : histoire athénienne, 1761, du chevalier Jean-Florent-Joseph de Neufville de Brunaubois-Montador, [ http://data.bnf.fr/13006280/jean-florent-joseph_de_neufvi... ] si l'on en croit Barbier, qui conte sous un déguisement transparent l'histoire de la petite nièce de Corneille .

4 Allusion à la feuille de L’Année littéraire mentionnée à propos de la lettre du 14 janvier 1761 aux d'Argental : …. Après avoir fait une allusion ironique à la générosité de V*, Fréron continuait : « … il y a près d'un an qu'il a fait le même bien au sieur L’Écluse, ancien acteur de l'Opéra-Comique, qu'il loge chez lui, qu'il nourrit, en un mot qu'il traite en frère . Il faut avouer qu'en sortant du couvent, Mlle Corneille va tomber en de bonnes mains . »

5 De L’Année littéraire .

6 Sur la gent jésuitique .

7 Dans les triomphes, les prisonniers étaient sacrifiés en grande pompe ; l'ovation était une action de grâce non sanglante, célébrée après un succès de moindre importance .

8 En attendant porte toi bien .

14/01/2016

et son assassin dit la messe !

... Amen ! La messe est dite ...

 

« A Gabriel Cramer

[vers le 14 janvier 1761] 1

Je vous remercie caro Gabriele, de vos bontés, et cela bien tendrement .

L'affaire du pauvre Croze est incompréhensible partout ailleurs qu'en France . Un prêtre ! Un assassinat prémédité ! Un billet de garantie donné par ce prêtre à ses complices ! Il mérite la roue, et il est encore impuni .

Il y a quinze jours que de Croze est entre la vie et la mort, et son assassin dit la messe ! Le décret n'est point mis à exécution ; on cherche à temporiser, on veut s'acccommoder et transiger avec la partie civile .

Que Philibert aille sur le champ chez Mme d'Albertas ; qu'elle fasse dire à Croze père que s’il est assez lâche pour marchander le sang de son fils, il deviendra l'horreur du genre humain .

Qu'on aille chez lui, qu'on l'encourage, qu'il ne rende pas peines inutiles . Cette affaire m'en donne assez . Que le géant Pictet coure à Saconnex, qu'il ait la bonté de parler à Croze . Il n faut pas qu'il épargne l'argent . Un des assassins a plus de dix mille écus de bien ; le curé est très riche . Il y aura des dédommagements très considérables .

Corpus poetarum !2... Envoyez-le moi donc .

Au nom du bon goût, Allobroges que vous êtes, forme moins large, marge plus grande pour la prose . Que ces longues lignes pressées font un mauvais effet à l’œil ! Ah ! Barbares ! Quand vous aurez fini, gardez-vous bien d'envoyer au roi de Prusse . Laissez-moi ce petit plaisir .

Comment vont les yeux de Mme Gabriel ?

tuus V. »

 

1 L'édition Cayrol a été suivie de préférence à celle de Gaullieur . Pourtant on a adopté le texte de ce dernier avec « sur le champ » au paragraphe 3 au lieu de « sur le temps » de Cayrol .

 

Vous m'allez dire que je deviens bien hardi, et un peu méchant sur mes vieux jours . – Méchant ! Non ; je deviens Minos, je juge les pervers

... (Feu)-Hara Kiri, vifs Charlie hebdo, et Canard enchaîné en sont des exemples, à suivre .

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

A Ferney, 14 janvier 1761

Que monsieur et madame écrivent à eux deux des lettres aimables ! Je ne peux pas croire que des anges qui écrivent si bien, aient tort sur ce Droit du seigneur . Cependant les écailles ne sont pas encore tombées de mes yeux 1. Mais pourquoi monsieur d'Argental n'écrit-il pas ? Quoi, pas un mot ! Aurait-il toujours son ophtalmie ? S'il n'est que paresseux je suis consolé . Il a un charmant secrétaire . Tenez, petite fille, voilà comme les dames écrivent à Paris . Voyez que cela est droit ; et ce style qu'en dites vous ? Quand écrirez-vous de même, descendante de Corneille ? Cela donne de l’émulation, elle va vite m'écrire un petit billet dans sa chambre . C'est je vous assure une plaisante éducation .
Je suis à vos pieds, madame, moi et la muse limonadière . Comment, du cercle de mes montagnes pouvoir reconnaître tant de bontés ?2

Voulez-vous vous amuser à lire ce chiffon 3? Voulez-vous le lire à Mlle Clairon ? Il n'y a que vous et M. le duc de Choiseul qui en ayez . Vous m'allez dire que je deviens bien hardi, et un peu méchant sur mes vieux jours . – Méchant ! Non ; je deviens Minos, je juge les pervers .

– Mais prenez garde à vous, il y a des gens qui ne pardonnent point . – Je le sais ; et je suis comme eux . J'ai soixante et sept ans ; je vais à la messe de ma paroisse ; j'édifie mon peuple ; je bâtis une église ; j'y communie, et je m'y ferai enterrer , mort Dieu ! malgré les hypocrites . Je crois en Jésus-Christ consubstantiel à Dieu, en la Vierge Marie , mère de Dieu . Lâches persécuteurs, qu'avez-vous à me dire ? – Mais vous avez fait La Pucelle . – Non, je ne l’ai pas faite ; c'est vous qui en êtes l'auteur ; c'est vous qui avez mis vos oreilles à la monture de Jeanne . Je suis bon chrétien, bon serviteur du roi, bon seigneur de paroisse, bon précepteur de fille ; je fais trembler jésuites et curés ; je fais ce que je veux de ma petite province grande comme la main, excepté quand les fermiers généraux s'en mêlent ; je suis homme à avoir le pape dans ma manche quand je voudrai . Eh bien ! cuistres, qu'avez-vous à dire ?

Voilà mes chers anges ce que je répondrais aux Fantin, aux Grizel, aux Guyon, et au petit singe noir 4. J’aime d'ailleurs les vengeances qui me font pouffer de rire . Et puis, qui est ce singe noir ? C'est peut-être Berthier, c'est peut-être Gauchat, Caveirac . Tous ces gens-là sont également la gloire de la France .

J'ai lu la Théorie de l'impôt . Elle me paraît aussi absurde que ridiculement écrite . Je n'aime point ces amis des hommes qui crient sans cesse aux ennemis de l’État : nous sommes ruinés ; venez il y fait bon .

À vos pieds .

V.

Pour Dieu daignez m'envoyer ( paroles ne puent point ) la feuille de l'infâme 5 contre M. Le Brun . J'avoue que l'ode est bien longue, qu'il y a de terribles impropriétés de style , mais il y a de fort belles strophes, et j'aime M. Le Brun, il m'a fait faire une bonne action 6, dont je suis plus content de jour en jour . »

 

1 Actes des Apôtres, IX, 18 .

2 Mme d'Argental avait donné à la poétesse, de la part de V* une coupe dorée . Le 12 mars 1761, JJ Rousseau écrivait à Mme Bourette : «  Si jamais l'occasion se présente de profiter de votre invitation, j’irai, madame, avec grand plaisir vous rendre visite et prendre du café chez vous ; mais ce ne sera pas , s'il-vous-plait, dans la tasse dorée de M. de Voltaire ; car je ne bois point dans la coupe de cet homme là . »

3 L’Épître à Mlle Clairon ; voir lettre du 11 janvier 1761 à Thieriot :

4 Omer Joly de Fleury .

5 L’Année littéraire, 10 décembre 1760, VIII, 145-164 .

6 L'adoption de Marie-Françoise Corneille .Voir lettre du 5 novembre 1760 à Le Brun : en ligne le 12/12/2008

 

13/01/2016

Reçu donc la Théorie des impôts , théorie obscure, théorie qui me paraît absurde, et toutes ces théories viennent bien mal à propos pour faire accroire aux étrangers que nous sommes sans ressource, et qu'on peut nous outrager et nous attaquer impunément

...

 

 

« A Nicols-Claude Thieriot

et à

Etienne-Noël Damilaville

Reçu donc la Théorie des impôts 1, théorie obscure, théorie qui me paraît absurde, et toutes ces théories viennent bien mal à propos pour faire accroire aux étrangers que nous sommes sans ressource, et qu'on peut nous outrager et nous attaquer impunément . Voilà de plaisants citoyens, et de plaisants amis des hommes ! Qu'ils viennent comme moi sur la frontière, ils changeront bien d'avis . Ils verront combien il est nécessaire de faire respecter le roi et l’État . Par ma foi on voit les choses tout de travers à Paris . Je ne vous envoie point encore l’Épître à Mlle Clairon et La Capilotade, parce que je veux que vous m'écriviez auparavant . Je vous prie mon cher ami, vous , ou monsieur Damilaville musarum amantem 2, d'avoir la charité d'envoyer au Mercure, aux Petites Affiches, à toutes les petites feuilles, l'avertissement ci-joint 3; il est nécessaire .

Si j'écris courtes lettres, c'est que j'ai longues affaires et monsieur Damilaville verra par le factum imprimé ci-joint 4, que j'ai plus d'une nature d'affaires ; je vous embrasse tous deux Cultores AEqui et Recti 5.

N.b. que l'ami Thieriot est supplié de faire un mémoire de tous les petits déboursés dans l'occasion .

N.b. que le saint abbé Grisel n' a point volé Mme d'Egmont, mais bien M. de Tourni ; gardez-vous d'induire les commentateurs en erreur .

13è janvier 1761. »

 

1 Voir lettre du 11 janvier 1761 à Thieriot :

2 L'amant des muses .

3 Il s'agit d'une plainte, datée du 12 janvier 1761, contre la publication par Le Brun d'Ode et lettres, sous une rubrique genevoise ; elle parut dasn le Mercure de France de février 1761, I, 3, 145-146 .

4 Voir lettre du 3 janvier 1761 à Cramer : mis en ligne 3/1/16

5 Fauteurs du juste et du bien .

 

Messieurs de la poste retiennent tous les livres reliés . On ne sait plus comment faire . Tout commerce périt

...

 

 

« A Octavie Belot

cloître Saint-Thomas du Louvre

à Paris

[janvier 1761 ?]1

V. est honteux de faire coûter des ports de lettres à madame B. V. lui a envoyé un Pierre . Messieurs de la poste retiennent tous les livres reliés . On ne sait plus comment faire . Tout commerce périt . V. serait fort aise que madame B. se partageât entre le Perche et les Alpes mais le Perche est voisin et les Alpes sont bien loin ; et le mont Jura est un rude seigneur avec ses neiges . Si madame B. voit le philosophe très aimable H.2 , elle est suppliée de lui dire que son frère V. est son plus zélé partisan, plein de la plus tendre estime pour lui . Il avait envoyé au philosophe H. et au philosophe Spartacus 3 un Pierre . Tout est arrêté par la poste . V. gémit de loin sur Jérusalem . »

1 Manuscrit olographe daté simplement de 1761 par l'éditeur ; Moland précise « 3-4 janvier » qui est possible bien que trop précis .

2 Helvétius .

3 Saurin .